Encore une journée bénie des Dieux, vent d’ouest faible avec un grand ciel bleu. Entre vous et moi le seul ciel bleu important est celui que l’on a dans son cœur ! Ce matin les mines sont réjouis et pour certain le soleil a bien bossé, voir même avec des heures supplémentaires. Le stage se poursuit à merveille, les équipes sont formées. Ce matin nous allons apprendre à nous équilibrer, un exercice très technique mais quand on est motivé, tout deviens plus facile. Les moins vaillants font preuve d’un courage fantastique, tout le monde est motivé, tout le monde à la soif de vivre plus fort que ce maudit jour ou un bout à été envoyé où je ne sais où ! Les Lavezzi garde leur calme pour l’instant aucun bateau n’a eu le cran de briser notre quiétude. La fusion d’un vrai équipage a été facile, l’entre aide fait plaisir à voir. Cet après-midi Yves, skipper d’un Itama (vedette très rapide), est venu embarquer le team Bout de vie pour une visite express des Bouches de Bonifacio, leur sourire est pied de nez aux affres de la vie. Griserie maritime pour découvrir l’un des plus beaux sanctuaires marins de méditerranée. Pour conclure la journée je me suis transformé en guide, pour dévoiler les 4000 ans de vie au Lavezzi. Si la vie est un grand buffet, les stages Bout de vie en sont les épices…
Toujours plus loin, toujours plus profond…
3 juin 2015Ce n’est qu’un aurevoir…
7 juin 2014En Corse les chants ont une grande importance et pour conclure en beauté, Jean-François et Paul nous ont enchantés avec violon, mandoline et guitare. Mais avant cette belle soirée, la journée s’est déroulée avec une succession de nouvelles limites découvertes. Sans aucune exception, la totalité de la bande est sortie de la crique de l’éléphant. Les plus aguerris m’ont accompagné avec une surprise énorme, un spectacle que personne ne pourra oublier. Pour commencer une araignée de mer et une grande cigale nous ont longuement observés, mais une drôle de sensation me mettait la puce à l’oreille. Les anthias et amandes qui vivent normalement en pleine eau étaient regroupées en forme de boule, je prévenais la palanqué que le prédateur devait rôder. Soudain surgissant du grand bleu un banc de 8 thons de +- 100kilos nous contournaient, une vision rare en plongée. Le reste de l’exploration nous menait vers une succession de mérous bruns, corbs, dentis et barracudas, cette « bullade » restera gravée dans nos esprits pour longtemps. Les autres copains à leur tour se transformaient l’espace d’une plongée en explorateur de leur âme. Cette discipline est un retour dans le ventre de la mer(e), une bulle où la pesanteur est abolie. Sourires accrochés aux visages, les stagiaires rayonnaient de leur parcours, ils avaient trouvé peut-être un nouveau sens à leur injustice. Les langues se sont déliées, les âmes se sont ouvertes, quelques larmes ont apporté leur part de sel à la méditerranée. Nous sommes entre nous, nous pouvons oser l’épanchement, nous avons les oreilles calées sur la même fréquence. La Galiote a repris son mouillage dans la baie de Santa-Manza, chacun va retrouver son quotidien, sa vie, mais dans les passages tempétueux, quand les doutes s’inviteront aux cœurs des blessés de vie, les images de référence de ce stage seront les antalgiques naturels de la crise de doute. La semaine vient de s’achever, à mon tour je voudrais simplement dire à tous les stagiaires : » Merci ! vous êtes ma force… »
12éme stage de plongée sous-marine
1 juin 2014
Le douzième stage de plongée sous-marine Bout de vie est en place, la Galiote fidèle à elle-même invite les apprentis de la mer avec toujours autant de chaleur. Yovadi,Gunther et Frank le cuistot sont prêts, la mascotte, elle, est déjà en cuisine à quémander quelques crêpes de rabe ! Comme à chaque fois la part d’inconnu a sa place, la routine n’est pas admise dans ma vie d’aventurier à cloche pied, pourquoi devrait elle poser prothèse à bord pendant ce partage ? Plein de surprises les attendent, donc par ce journal de bord vous le serez également, surpris, du moins je l’espère. Le handicap n’a pas sa place, cet adjectif est volontairement confié aux intellectuels de la boiterie, ici pas de technique, on se fiche du dernier pied high-tech, de la super guibole bionique, la patronne c’est la nature et le monde du silence se moque de nos misères. Je n’ai jamais vu un mérou s’épancher sur mon moignon blessé, je n’ai nullement entendu le vent se morfondre de ma mutilation. Ici la vie est un cadeau en forme de gâteau, alors nous allons nous resservir plusieurs fois. Le soir, les veillées dévoileront les expériences du jour mais certains silences seront en train de bâtir les jardins secrets d’un avenir plus serein. Sous l’eau on sera loin de la pesanteur si contraignante, loin des conventions. En une semaine de mer nous allons vivre autrement, car nos corps devenus différents nous dictent de grès ou de force d’exister, alors faisons ensemble le premier pas. S’en suivront d’autres et encore d’autres. Par ce billet je tiens à remercier tous ceux, qui de près ou de loin, rendent chaque année possible cette semaine Bout de vie. Je remercie tout les anciens stagiaires qui n’ont pas oublié et qui chaque année pensent et prennent le temps de contribuer à cette chaîne de solidarité en adhérant. Un grand merci à tous ceux qui dans l’anonymat nous épaulent et surtout un grand merci à ma compagne Véro qui depuis le début effectue les tâches les plus ingrates que se doit une association à vocation nationale. Pour ceux qui désirent rejoindre la belle aventure associative Bout de vie, en cliquant sur ce lien un bulletin d’adhésion pré-imprimé est à votre disposition.
Que Dieu vous prothèse !
Interview décalée et cabocharde de Christian Petron.
27 mai 2014Interview décalée et cabocharde!
Né en 1944 il devient plongeur démineur puis en 1970 scaphandrier à la COMEX pendant 5 ans. En 1975 il se tourne vers la télévision, il réalisera une vingtaine de documentaires pour « Les animaux du monde ». En 1988 Luc Besson lui demande d’être son directeur photo pour le film Le grand bleu et Atlantis. Ensuite il deviendra le directeur technique de la campagne d’exploration du Titanic. Il tournera aussi des documentaires pour Jean-Michel Cousteau, James Cameron et dirigera une dizaine de films archéologiques pour Discovery Channel.
10 questions décalées :
Tu vas être déposé sur une île déserte en plein milieu d’un océan pendant un mois, tu ne peux prendre que cinq objets, lesquels ? J’amène ma compagne qui n’est pas un objet bien-sur et lui laisse choisir les 4 objets qu’elle désire.
Une partie du monde que tu n’as pas encore visité et que tu aimerais découvrir : L’Antarctique.
Si tu te retrouvais face à face avec Dieu qu’aurais-tu envie de lui dire ? Enlève ton déguisement, c’est toi Alain qui fait le con !
L’homme où la femme qui t’as le plus marqué dans ta vie d’aventurier : Philippe Taillez, James Cameron et Henri-Germain Delauze.
L’événement extérieur à ta vie qui t’as le plus marqué de ta naissance à ce jour : L’attentat du 11 septembre, l’avènement du monstre Hitler et l’ignominie de la Shoa.
Un livre que tu aimerais partager : Plonger sans câble de Phillipe Taillez, l’ante et l’anti Cousteau.
Par qui aimerais-tu être accueilli au paradis ? Philippe Taillez et Jacques Dumas ancien président de la FFESSM et adjoint pendant la résistance de l’équipe à Jean Moulin.
As-tu un « truc » pour te relaxer avant une épreuve très dangereuse ? Me décontracter en m’allongeant et en visualisant ma plongée profonde.
On te propose de te réincarner, quel serait ton choix, personnage, animal, végétal… ? Un albatros.
Ta devise : L’enthousiasme est la seule vertu.
Quelles sont tes projets à venir : Je me spécialise sur des plongées en très grande profondeur avec des sous-marins à la recherche d’épaves, et la découverte de nouvelles espèces abyssales.
Les sites où l’on peut te soutenir et suivre tes actualités : 2000 regards.org et cinemarine
Festival des Abyss
22 mai 2014Le deuxième Festival des Abyss d’Ajaccio vient de débuter, un événement récent mais qui ne lésine pas sur les moyens, le parrain cette année sera Jean-Michel Cousteau. Le monde sous-marin a toujours fasciné un large public et l’odyssée du Commandant au bonnet rouge a stimulé une palanqué de garnement à pratiquer l’école buissonnière afin de mouiller leurs palmes dans le grand bleu ; je faisais parti de cela. A ma grande surprise les organisateurs n’ont pas trouvé mieux que de me nommer président du jury environnement !
Un sujet à la mode verte que je tenterai d’animer manière « cabochard ». Les logos bio abondent dans les paniers de la ménagère, les bobos-écolos refont le monde cachés derrière une étiquette recyclable. Dans les soirées climatisées, il est proposé un buffet campagnard venu directement de Lozère à dos de mule ; « ma chère madame, ici tout est bioooooooooooo »! La bande à Bardot accuse les barbares Inuits de massacrer les bébés phoques, elles en pleurent de rage faisant couler leur rimmel à base de graisse de baleine « commerce équitable » ! De mon tipi je me laisse emporter dans mes moqueries enfantines. Les slogans sauvons la planète sont de bon ton en ce monde de consommation, mais notre chère Terre va très bien elle n’a pas besoin de fourmi pour être sauvée. Quand certain la « titille» elle se démange en créant des tremblements de terre, quand l’allergie des usines lui irrite les narines, elle éternue provocant des ouragans !!! Les râleurs demandent des lois, les rêveurs que l’homme devienne meilleur, mais la Terre tourne, pas un jour elle n’a loupé sa rotation, pas un matin le soleil n’a zappé son levé. Laissons les lois aux politiques, mais changeons nos quotidiens dés maintenant. Ce n’est pas le pétrole qui va manquer un jour mais l’eau potable, les engrais et pesticides pourrissent nos rivières, Alzheimer, sclérose en plaque, cancer sont de plus en plus fréquents. Les pauvres Groenlandais qu’on accuse de tous les maux sont en zone de mort imminente. Un flux naturel de sud leur déverse sans vergogne tout les déchets toxiques possibles et inimaginables de l’Europe du sud, les planctons l’ingèrent et jusqu’au bout de la chaîne alimentaire les animaux sont contaminés. En fin de maillon nos eskimos, qui depuis la nuit des temps survivent par leur pêche et chasse, en sont les premiers touchés. Le lait maternel des femmes qui allaitent est considéré, après multiples recherches scientifiques internationales, toxique et impropre à la consommation ; le taux de cancer en quelques décennies a bondi au pays de Nanoq. Mais que faire alors ? Changeons sans concession nos quotidiens, j’ai viré depuis un bon moment tout les détergents, quatre noix d’indes pour la lessive sont suffisantes. Un mélange de savon noir, bicarbonate de soude, cristaux de soude avec une touche d’huile essentielle de lavande pour ma vaisselle… Cela peut paraître une goutte d’eau mais en changeant dés maintenant nos habitudes peut-être l’échéance de l’autodestruction reculera de quelques années. Les fruits et légumes de saisons sont bien meilleurs que ceux qui nous viennent de l’autre bout du monde, mais oui je prends très souvent l’avion, mais oui mon bateau fonctionne au gas-oil comme ma voiture, vous voyez ce n’est pas simple. « Je pisse sur les arbres, moi monsieur; avec les 6 litres d’eau potable made in Jacob-Delafont, un gamin somalien vit une semaine de plus »… La logique et seulement elle, nous fera ouvrir les yeux, mais comme notre schéma sociétal est construit dans un bunker basé sur le « toujours plus », nous sommes voués à disparaitre. Si un génie pouvait désensorceler les Hommes exorcisé par la « croissance », les choses pourrait prendre un autre cap. Une pièce pouvant contenir quatre personnes peut en recevoir deux de plus mais ce sera serré, puis deux autres de plus, ce sera encore plus serré, deux de plus et on serra entassé, trente de plus ce sera intenable, cent et ce sera une mort programmée !
La vie nous a donné des yeux et un cerveau alors pourquoi ne pas s’en servir. La croissance nous dézinguera, à quelques parts cela est rassurant, la planète est trop gentille avec nous, mais il n’y a aucun soucis à se faire, elle a l’habitude de tourner en rond ! Réalisons dans quel paradis nous vivons, hélas certain de nos comportements sont affligeants. Nous avons tout pour être heureux, absolument tout, mais certains semblent prendre un malin plaisir à créer les ghettos, à creuser les abysses pour diviser les moutons, une doctrine est devenue internationale hélas : « si je ne le prends pas moi ce sera lui, alors je pille »… Je vous laisse à vos réflexions qui je l’espère vous mèneront à une action ou peut-être plus, des maintenant.
Sur ces paroles « cabocharde », je vous donne rendez-vous au Festival des Abyss d’Ajaccio, à mes côtés seront, Francis Le Guen, Christian Petron et bien d’autres personnalités du monde du silence.
Journal de bord salé
16 décembre 20134h59 : Ca y est la « gigoterie » me tient en éveil, j’ai du le sortir de ses rêves, il semble m’appeler depuis le ponton à côté du Cabochard. Qui ? Mais Immaqa mon beau kayak.
5h42 : Les mascottes ont eu les derniers mots elles ne viendront pas aujourd’hui, tant-pis pour elles je n’aurai pas à partager ma boite de biscuit aux noisettes !
6h23 : Le brouillard m’étreint, la différence de température entre la mer à 15° et l’atmosphère à 3° rend la navigation mystérieuse. Le silence est profond comme l’est la nuit quasi hivernale, je ne sais pas où m’amènera cette journée mais je suis prêt à me goinfrer du temps présent.
6h31 : Les îlots des Bruzzi, sont déjà atteints, le ciel s’éclairci, le brouillard pose genou à terre, bientôt le soleil lui tordra le cou. Immaqa file droit comme un rostre de narval, Dieu que c’est bon d’être ici.
6h45 : je sors de la zone intégrale où la pêche est interdite, je peux enfin dérouler ma traine, et si un poisson tête en l’air venez s’y prendre !
7h08 : Je ne le vois pas mais je sens sa présence, le soleil a encore l’accent italien, bientôt il sera corsée : quandu ghjunghje u sole u marinaru e sempre felice…(Quand arrive le soleil le marin est toujours heureux)
7h42 : Pose café, non je ne pense pas à Véronique Jannot, mais à une autre Véro là-bas à terre ! Le vieux thermos hydrate mon café, une première rangée de gâteaux est savoureusement dégustée. Le silence c’est le bruit du temps qui passe.
8h 33 : Le lion de Roccapina scrute vers le sud, s’il pouvait me confier où a été caché le trésor du feu paquebot Tasmania… Je sais ; il est là ; où ? Mais au fond de mon cœur !
9h07 : L’embouchure du fleuve Ortolo se dévoile, là bas, tout là haut il serpente devant mon camp des solitudes. Dommage qu’il soit si gringalet, nous ne tenons pas dans son lit.
10h46 : Je me demande si mon corps et mon esprit sont en connexion, ma tête papillonne mes bras moulinent.
11h18 : La pointe de Murtoli est dépassée, la brise de terre vit ses derniers soupirs, le Maestrale nous offre un apéritif, avec modération bien-sur !
11h24 : Immaqa est hissé sur une plage abandonnée, les traces dévoilent des pas d’ongulés et d’un certain maître renard, ne me croyez pas affable !
11h52 : Que le pique-nique soit sacrifié sur l’autel du bonheur et de la simplicité du moment, à perte de vue une mer et un maquis vides de tout hommes, j’ai compris je suis seul au monde : Wilsoooooooooooon ! Zut ; Jo Zeeeeeeeeeeef !!!
12h45 : la brise du Nord me sort de la léthargie, j’ai rêvé que je faisais du kayak sur une côte sublime, que l’aventure était mon quotidien, que j’étais un Free Man. De bleu mais ce n’était pas un rêve.
13h10 : Je décide de rentrer vers ma maison flottante, deux mascottes veillent au grain mais je ne suis pas sur de leur sérieux pendant mon absence, un braquage de cambuse est si vite arrivée !
13h12 : Je tente mon coup de poker, j’envoi mon cerf volant, il part rejoindre les cieux, je ne demande pas de carte, j’ai un carré d’As.
15h09 : Tiens mais je les ai déjà vu ses îlots ! Mais c’est bien sur, les Bruzzi. Vous avez dit une bonne moyenne ? Mais ce n’est plus un kayak mais une Formule I des mers !
16h12 : j’ai rejoint le bord du Cabochard, il me semble entendre les mascottes faire à la hâte du rangement. En attendant qu’ils cachent leur journée, je fini les derniers gâteaux aux noisettes, à chacun ses délits, j’ai dit délit et pas délire !!!
16h14 : 36,78km au compteur ! Je compte maintenant ? Damned mais je ne suis pas en expédition !
17h03 : Je nettoie mes poissons, oui je sais, je ne suis qu’un pauvre pêcheur.
17h32 : Immaqa est ficelé sur le ponton à coté de mon petit bateau, je le couvre, il ne faudrait pas qu’il prenne froid, un ami sa se soigne.
18h45 : je reviens de la capitainerie, j’y ai pris une douche façon homard à la Thermidor, si je vois un pot de mayonnaise dans le carré de mon bateau, je reprends la mer, la « mascotterie » peut-être fatale.
19h34 : Ma vieille marmite de fonte réchauffe ma soupe aux potirons, la nuit enveloppe le « kayakiste » rêveur, je ne crois pas que je vais faire de vieux os.
20h03 : Allo 1 : C’est qui ? T’es où !!! (Soupir) ! Ma journée ? Bof la routine… Ciao
20h05 : Allo 2 : Véro, tu sais quoi ? I am a Free Man ; Kiss
20h57 : Je déplace les mascottes sur la bannette tribord et m’active à faire mon lit, trois grosses couvertures vont me tenir chaud. Les loupiottes éclairent les pages de mon dernier livre, Le Prince des nuages, que je dois finir à la hâte, bientôt je l’enverrai par la poste à une jeune fille de 14 ans, qui j’en suis sur, rêve en douce de savoir qui est son père là-bas au bout de l’horizon.
21h21 : Le marchand de sable fait sa livraison, peut importe les nuits avenirs, les jours sont l’énergie de mes vies, oui je vous assure, j’en ai plusieurs de vie !
Bonne nuit les petits…
Carnet de bord automnal d’une journée ordinaire
25 novembre 20134h15 : Pas de vent, la darse du petit port qui nous abrite semble un miroir, il faut que je retrouve le calme je ne suis pas seul ce matin, Véro planquée au fond du duvet connait l’insomniaque qui gigote à ses côtés. Je fais un effort, je tente l’immobilisme. L’ours n’hiberne pas il médite à son futur repas.
6H18 : La grasse mat ça me met en forme, la pénombre s’estompe, les étoiles scintillent encore un peu. La radio nous informe ; rien n’a changé. La France est au bord du gouffre, du moins c’est ce que ses habitants hurlent ; loin là-bas ils meurent de faim avec le sourire, les verts ont battu les rouges, les supporters se sont mis sur la gueule, l’hiver arrive, je me demande si les journalistes ne lisent pas tous les matins les mêmes dépêches. Couic les infos ! Des refrains Andins édulcorent l’aube, nous nous remémorons nos balades argentines.
8h07 : J’aide ma « Vrai » à sauter sur le quai, elle va rejoindre son école où une petite fille différente aura besoin de sa patience. Avant de partir je lui souffle mon dernier mot, elle le sait je suis un obsédé textuel ! Le torrent de la différence, est encastré entre deux berges, l’une de la souffrance, l’autre de l’espérance…
8h43 : J’enfourche ma monture, c’est parti pour 3heures tout doux. Je me sens bien, j’ai le poids de forme idéal et pas mal de kilomètres dans les pattes, je vais mouliner sans jouer à la brute. C’est beau et apaisant la Corse sans le monde, au fond de la vallée je suis acclamé, félicité, des « faiseurs de route » me reconnaissent, lundi dernier abrité dans leur camion, ils n’en croyaient pas leur yeux de voir un mec en vélo sous la grêle et les orages… C’est le moment de rentrer tout doux, tout doux. Au loin, un point jaune, un cycliste grimpe le col.- Non Frank, tu ne vas pas le chercher, mais l’autre petite voix me dit t’es pas cap ! Poste de combat, je me recale sur ma machine, fait le vide et pars à sa rescousse. A cette saison on se connait tous, lui ce n’est pas un tendre, va falloir jouer fin. Sans bruit je remonte dans sa roue pour reprendre un rythme plus souple. L’œil du tigre, je fonce, en doublant je le salue mais n’attend pas sa réponse je n’ai que 3 kilomètres à gérer, en haut du col les pendules seront mises à l’heure. 20 mètres derrière, juste derrière le cycliste têtu à cloche pied … Un refrain de chanson qui me plait bien…C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup…
12h45 : Ma salade accompagnée d’une galette de blé noir va me remplir en carburant. Chut j’écoute le jeu des « Mille Euros » sur France Inter, Banco, banco !!! Après c’est la sieste qui est une sorte de prière à bord du Cabochard, les mascottes le savent pas de raffut pendant ce moment de grâce.
13h58 : Le grand ciel bleu m’inspire un moment de folie : Et si on larguait les amarres pour un court instant. Ni une ni deux, nous voilà voguant vers l’horizon, personne et encore personne. Vive l’hiver, la longue houle nous berce, mon petit bateau se remémore son long voyage méditerranéen. Que le temps passe vite. Le détroit de Gibraltar, l’Atlantique espagnole, l’Afrique du nord, la mer Egée, l’Asie mineur… On en a croisé des sourires là-bas. Une amarre qui cède c’est un peu de liberté gagnée.
16h13 : La dernière aussière est frappée, le vent tourne violemment, l’orage de grêle explose, nous sommes déjà en place à quai, le Cabochard semble une fois de plus faire un pied de nez au caprice de la météo. Un immense arc en ciel, nous prend en otage, Jo Zef le sait au pied de ce pont de couleur une marmite en or repose. Mais nous n’en avons pas besoin, la vie à elle seule, est un trésor.
16h54 : C’est l’heure du « quatre heure » les mascottes ne le rateraient pour rien au monde. Un bon bol de lait d’amande fumant avec une rasade d’un mélange d’orge de seigle et chicorée avec deux canistrellis. Le vent se déchaine, la pluie redouble de force, on est bien au creux de la cabane en bois qui flotte.
17h19 : J’ouvre un paquet, ma commande est arrivée, je me réjouis, ce soir je vais me lancer dans la lecture du livre de Jean-Pierre Ameisen Sur les épaules de Darwin.
18h04 : Je découpe un gros morceau de courge qui rejoindra ma veille cocotte en fonte nous gratifiant d’une bonne soupe d’antan. Le froid semble s’installer, je ressors la paire de chaussette en laine tricotée par mon arrière grand-mère Alice, un dernier lien avec une famille effilochée. Pendant ma traversée du Groenland, ces chaussettes étaient une sorte de gri-gri. Les histoires de famille, faisons comme les oiseaux asseyons nous sur le nid.
18h28 : Mes courriels attendent patiemment une réponse alors je m’active, trouve les bons mots, tout doux, tout doux la vie de secrétaire.
19h30 : la soupe est prête, l’éternelle tranche de jambon avec la compote maison et le bon yaourt au soja. France musique me forment les oreilles moi le rustico-sauvage, comme quoi tout est possible. Les mascottes réclament des « trucs » sucrés mais la vie à bord doit être saine, alors c’est un grand Non !
20h00 : J’appelle ma compagne, elle me racontera sa journée, la petite « différente » qu’elle soutien lui a délivré quelques trucs et astuces que les « normaux » n’ont pas encore saisis. Et si la différence était une force.
20h15 : Le refrain du soir à la radio VHF ; Sécurité, securité, sécurité ; ici le Cross Med en Corse qui va diffuser sur le canal 79 un avis de coup de vent fort pour la zone Corse …Il n’a y pas de mauvais temps il n’y a que de mauvais marin
20h45 : Je déplie ma bannette et sors mes trois épaisses couvertures, cale à porté de prothèse les mascottes, puis m’envole dans une lecture initiatique ; Sur les épaules de Darwin.
21h54 : Bonne nuit les petits…
Ce sont les successions de journées ordinaires qui rendent nos vies extraordinaires.
11éme stage de plongée aux îles Lavezzi
7 septembre 201311éme stage de plongée Bout de vie aux îles Lavezzi. Du 8 au 14 septembre un groupe d’amputés va être initié aux joies de la mer. Ici loin des regards, les corps vont se dévoiler, les tabous resteront aux placards, la nature elle ne juge pas ! Au quotidien un rapport de journée vous sera offert.
Le bonheur n’est pas une quête, c’est un état d’âme. Seul le présent est un cadeau.
Frank BRUNO aventurier à cloche pied.
Epilogue des Ecrans de la mer…
9 juin 2013Les prix ont été décernés et par ce billet je vais tenter de vous transmettre l’ambiance de ce Festival International du Film de Mer. La guilde m’avait fait un immense cadeau en me confiant un jury extraordinaire que je me dois de vous présenter : Catherine Lecoq réalisatrice, auteure et scénariste ; Eric Beauducel, auteur et opérateur de prise de vues ; Hervé Bourmaud, marin pêcheur et ancien capitaine de la goélette scientifique Tara et le touchant Hervé Clayessen commandant retraité de la marine marchande et peintre. L’organisation des Écrans de la mer a reçu 188 films et seulement 18 furent présélectionnés pour 5 prix autant vous dire que la tache ne fut pas si simple. Mon rôle de président fut facilité par l’osmose du groupe, mais choisir un film plutôt qu’un autre est un déchirement, pourtant il fallut débattre et voter. C’est un festival de film avant tout et les images doivent transporter le public dans un monde salé sans mensonge . Finalement sans heurt et avec une coordination assez impressionnante nous avons réussi à établir le palmarès que voici :
Prix du Jeune réalisateur : North of the Sun (au Nord du Soleil) de Inge Wegge et Jorn Ranum
Prix du meilleur film traitant d’écologie : The silver of the sea (L’argent de la mer) de Are Pilskog.
Prix du meilleur film traitant d’aventure et de sports nautiques : Una Boya Feliz (la bonne fortune en kite-surf) de Jordi Muns et Eloi Tomas.
Prix du meilleur film traitant des métiers de la mer : La paix du golfe de Patrice Gérard.
Le Grand Prix du festival Jean Bart « U-455, le sous-marin disparu » à Stéphane Bégoin.
Prix des jeunes de l’agglomération dunkerquoise : Una Boya Feliz (la bonne fortune en kite-surf) de Jordi Muns et Eloi Tomas.
Trois jours avec beaucoup de rires, d’émotions et de rencontres, un grand merci à toutes les personnes croisées et bien-sur un grand coup de chapeau aux trois sirènes organisatrices : Cléo Poussier-Cottel , Corinne Husson et Anne Queméré, l’illustre animateur présentateur Alain Goury,sans oublier Olivier Allard délégué général de la guilde et du festival, Bernard Decré président cofondateur du festival et le président de la Guilde Européenne du Raid Sylvain Tesson. En étant dans le département du Nord, mon ami disparu Loïc Leferme natif de ce port de la Manche me guidait pour improviser un hommage. Mes mots se sont remplis d’émotion que le public a saisi au vol et je suis très fier d’être devenu citoyen d’honneur de la ville de Dunkerque.
Pour conclure ces magnifiques rencontres marines je vous transcris l’hommage que Sylvain Tesson a rédigé à mon égard, encore une fois de plus mes yeux se sont salés, un sacré cadeau en ce 9 juin 2013 qui est la commémoration de mes trente années à cloche pied.
Un jour, je suis allé faire une petite promenade à ski avec Frank Bruno. C’était prés du parc de la Vanoise, nous étions trois ou quatre et il faisait grand bleu. J’ai appris deux ou trois choses ce jour-là.
Je savais déjà que l’humour était la meilleure réponse à l’adversité du sort mais Frank m’en a donné ce jour là une démonstration magistrale. Lui, l’amputé à qui le destin a volé une jambe lorsqu’il était âgé de 18 ans, ne cesse jamais de rire de son moignon, comme si la garce de vie lui avait joué une bonne blague. Et devant les gens qui se tortillent, légèrement embarrassés, ne sachant pas très bien comment évoquer son infortune, rien ne lui plait d’avantage que d’ôter sa prothèse en s’exclamant : « je suis un amputé à part entière ! » Bref, pas le genre à baisser les bras.
Je savais aussi que la volonté peut tout et que bien des êtres font de la force d’âme « le jardinier du corps » comme l’écrivit Shakespeare, mais Frank me l’a prouvé ce jour-là d’une remarquable manière en nous laissant tous à cent mètres derrière nous qui nous croyons bien entrainés !
Je savais que le propre de l’Homme est de réussir à triompher des malheurs, à les transcender et parfois même à les transmuer en bienfaits mais Frank me l’a rappelé ce jour-là d’une façon inoubliable. Il me raconta (je le laissais parler parce que j’étais essoufflé), comment il avait réussi à puiser en lui la puissance nécessaire pour ne pas désespérer et comment, aujourd’hui, il insufflait son énergie à ceux qui ne croyaient plus en eux-mêmes ou qui doutaient de l’existence.
Et lorsque nous regagnâmes la station de ski, je me dis que j’avais rencontré un homme à qui il manquait un bout de lui-même et qui, pourtant, semblait plus entier que beaucoup d’entre nous !
Prélude des Ecrans de la mer 2013
2 juin 2013Bientôt les Ecrans de la mer vont être déclarés ouverts, j’ai la lourde tâche de présider ce Festival international du film de mer. Je viens de finir une longue conversation avec une journaliste, j’ai mis de côté mon parcours d’aventurier à cloche pied pour en venir à l’essentiel !
Si la Guilde Européenne du Raid me donne l’opportunité de jouer le rôle de chef d’orchestre ondin, à moindre mesure bien sur, c’est qu’elle me connaît, elle m’en offre la baguette. Je laisse venir les questions, mais il y en a une ou deux que j’attends avec impatience : » Pensez-vous que l’Homme pourra sauver la planète ? » « Avez-vous noté un changement significatif de notre climat ? » Les revendications du moment ! Les écolos s’en sont fait une devise, les droites, les gauches, les centres, les extrêmes aussi, tous ensembles, le « sauvons la terre » est exploité sans retenue. J’explose de rire, une fois de plus le nombrilisme de mes chers « frères et sœurs » surgit, le tout à l’ego coule dans la fosse qui me laisse sceptique ! Nous les 7 milliards de petits bonhommes allons empêcher que les glaciers fondent, que les tsunamis envahissent nos champs OGM, que les Lodges de luxe aux Maldives ne soient engloutis par l’océan, que les blocs de béton enfermant nos déchets nucléaires enfouis dans l’argile ne nous pètent à la gueule, remarquez ce serait peut-être un bon moyen de faire repousser les moignons des gosses qui sautent sur les mines interdites par la convention de Genève ou de Tripoli ! Mon interlocutrice me suit un peu avec peine dans mon théorème digne d’Archimède: tout humain venant au monde à une température ambiante doit, si et seulement s’il devient adulte, avoir le pouvoir d’exterminer le mec d’en face un poil différent ! Changer la planète mais quelle rigolade, les pesticides, les guerres, le nucléaire, les virus, les Frankenstein ne rayeront même pas un peu l’écorce de la vieille terre. Elle tournera, toujours aussi pépère, les pôles Nord et Sud seront toujours opposés en souvenir du comportement des hommes qui n’ont fait que l’effleurer. Alors changeons le slogan et demandons tous ensemble : « Oh belle planète s’il te plait sauve les hommes ». Je l’entends d’ici ricaner et me susurrer ceci : « l’homme ne veut pas être sauvé, il n’a plus le temps, il faut tout rentabiliser, il faut du profit, la courbe doit prendre 3,5%, il faut, il faut… » Puis le silence, un an, cent ans, mille ans, un millions d’année et elle tournera encore, encore et toujours. Nous ? Qui nous ! Voilà le tempo que j’essaierai de donner à ce festival… Vous venez, on va rigoler !