Ce n’est qu’un au revoir à la mer de Botnie.

2 août 2012
Un coin planqué comme je les aime.

Un coin planqué comme je les aime.

Ce petit îlot m’a refait une bonne santé, pas un bruit et une onde positive régénérant. Le plancher de bois que je me suis improvisé m’a permis de dormir enfin sur une surface plane et de faire une longue série d’étirement, ce matin mes douleurs de dos ce sont comme par miracle envolées. Encore et toujours du Sud, ce n’est pas grave il suffit de pagayer un peu plus fort ! Je me méfie des petits passages et préfère passer par les grandes îles, certes plus ventilées, que de me retrouver dans un cul de sac par des joncs ayant fermé le chenal. Encore un golfe à passer vent de travers, le dernier pour le golfe de Botnie, les vagues nous secouent pas notre travers tribord mais avec Immaqa nous
sommes coutumiers de ce fait. Un petit dernier puis devant  nous le village d’Öregrund. Je me retourne pour donner un dernier coup d’œil à la mer de Botnie, il y a 35 jours nous partions de Lulea, 906km effectuée en 27 étapes. Pour le restant de mes jours ces jours de mer vont être gravés à tout jamais. Je suis heureux d’avoir réussi cette performance, une sacrée école de vie. Patience, endurance, humilité, remise en question quotidienne, gestion des peurs, froid, humidité et surtout de belles rencontres seront les mots clés de ce périple. Je suis tombé sous le charme de cette mer si peu peuplée, si sauvage, si puissante. Une mer qui a du caractère, qui ne donne pas envie au jeteur de serviette sur sable d’y aller. Des projets sont nés au fil de ses heures de pagaies, je verrais si je les réaliserai. Au bout du petit cap Öregrund, un immense bac permet au véhicule de rejoindre la grande île toute proche de Gräsö, en gros le nom du bateau : Véronica !!! J’explose de rire encore un sacré clin d’œil de la vie. Je poursuis ma route, la géologie a changé du tout au tout, fini les tumultes de granit inaccessibles, la berge est composée de dalle immense de granit et semble laisser le débarquement plus aisé. Je sens comme hier un gros orage, devant moi une plage de sable, je n’hésite pas une seconde, je vais m’y arrêter. Effectivement le nuage se crève sur ma tête, moins fort qu’hier mais juste assez pour me refroidir. Une fois fini, avec une vieille pagaie de secours j’aplanis le terrain et y dépose un épais tapis de joncs secs posés par le vent du Nord. Je m’applique et monte mon bivouac. Ouah quel confort du 5 étoiles grand luxe ! Le soleil revient, je vais en profiter pour faire sécher mes affaires. L’œil en coin je déguste mes nouilles chinoises en bordure de la mer Baltique. Il me reste 130km pour rejoindre Stockholm, je vais naviguer dans un dédale d’îlots qui me permettront d’avancer sans souci de la houle du large. L’arrivée des jeunes sur la capitale est prévue le 14 aout en matinée, faites le calcul, je n’ai plus de raison de cravacher. Je me permets une énorme sieste, je m’aperçois que j’y ai laissé un paquet d’énergie mais j’ai tellement reçu que cela en valait la peine. L’orage revient, je referme tout, mes affaires sont sèches, je suis reposé. I’m a free man !

PS : Au menu ce soir omelette de patates, avec salades de tomates et pissenlits, polar kaka tartiné de beurre salé, riz au lait à la confiture de myrtille. Vous voulez venir ? Attendez, je demande au chef de service. « Jo Zef on peut faire venir du monde pour partager notre diner ? » «  Com-plet !!! » «  Ok dommage !!! » A pluche !

Cliquez sur ce lien pour découvrir l’article paru dans un journal suédois : Arbetarbladet.se

Immaqa premier kayak nucléaire…

31 juillet 2012
Une orchidée qui a une fleur à deux couleurs...

Une orchidée qui a une fleur à deux couleurs...

Ce matin je quitte mon abri mais avec un pincement au cœur, la première nuit fût calme et paisible mais hier de jeunes voyous travestis en killers gothiques ont semé la panique dans ce hameau si charmant. J’ai juste tenté une approche vers 21h pour essayer de calmer le jeu mais hélas j’ai compris que la seule méthode pour ce type d’abruti, c’était les coups. Je l’ai pris comme un test et suis allé me remettre dans mon duvet en serrant les dents, j’avais mes petits poings qui grésillaient.
5h30 je reprends la mer, ils sont toujours déchainés. Je suis fier de moi, je n’ai pas bronché, j’ai passé avec succès cet examen ! Le vent est toujours de Sud-ouest autant dire que je me traîne, la fatigue accumulée et le manque de sommeil me valent une première heure pénible. La carte et le GPS me donne un chenal libre mais les roseaux ce le sont attribués. Rien de méchant mais deux fois 500mts pour rien ! Aujourd’hui je joue une roulette russe sur un passage.  S’il est ouvert c’est génial,  je n’aurais pas besoin de souffrir en prenant le large, s’il est fermé je dois faire un détour de 10km !  Hier au port personne n’était d’accord, fifty-fifty ! J’avance dans un endroit absolument désertique, aucune cabane, pas la moindre bouée de pêcheur, personne à part une faune somptueuse. Au détour d’un îlot, deux biches m’observent, elles sentent qu’elles sont en sécurité, un peu plus loin des aigles pêcheurs sont au boulot, puis le grand aigle à queue blanche s’envole en douceur devant moi. Ce rapace fait parti de l’une des quatre races les plus grandes au monde. Je savoure cet instant magique, mais j’ai une boule à l’estomac et si c’était fermé et si je n’avais pas le droit d’être là ! La  machine à cogiter est en marche, je m’approche doucement de ce goulet.
Véro sur google earth m’a affirmé qu’il y avait un passage mais j’ai oublié de vous signaler un détail, cet endroit n’est autre qu’une centrale nucléaire qui fut envahie par Green Peace il y a deux ans et qui d’après mes infos a rendu « les vigiles vigilants », quoi de plus normal, non ? J’avance avec un vent de travers qui se renforce, normal ! Puis j’allume ma bécane, elle me précise le passage à 1500mts, je ne vois rien ! Une voiture rouge à terre s’arrête, deux personnes en descendent et si c’était pour moi ? 6h que je suis parti et je ne me sens pas de me faire un détour de 10km, le suspense est à la hauteur des films d’Hitchcock ! 500mts et je ne vois toujours rien, puis soudain je comprends que le passage est de biais par rapport à mon arrivée et s’il existe je ne le verrais qu’au dernier moment ! Il est devant moi, je vois la brèche, aucune balle ne siffle au dessus de mes oreilles, je passe. Je n’ose pas un cri de joie et si on ne m’avait pas vu !!! Cette journée avait mal commencé mais elle finit en beauté. Mais vous vous doutez bien que l’aventure n’est pas finie. Depuis ce matin il fait soleil et surtout il fait très chaud, trop pour la région. 24°, cela nous prépare un après-midi spécial « Yukon ». Ca ne loupe pas ; au détour de la grande digue de la centrale nucléaire, un immense nuage noir avance droit sur moi. A 800mts un ilot avec une petite crique abritée.
Le vent augmente le grain va bientôt exploser. Je fonce, j’arrive dans l’anse et sécurise Immaqa quand soudain une mini tornade s’abat sur nous, comme quand j’ai descendu le fleuve Yukon. Une vieille cabane abandonnée est malheureusement cadenassée mais son auvent va m’abriter de ce déluge d’eau et de grêle. Pendant cette ondée je repère une pile de planches, le sol est trop irrégulier pour y monter la tente, après la pluie je vais me faire une plateforme et avoir pour ce soir un sol plat comme une crêpe. 26 bornes pour cette journée et mes derniers kilomètres en mer de Botnie, la frontière géographique avec la mer Baltique n’est plus qu’à 15km. La tente montée sous un beau soleil, les orages tout aussi violents vont se succéder tout au long de la journée me valant une sieste réparatrice.

PS : J’ai surpris la mascotte en train de tremper l’une de ses crêpes perso dans la mer, quand on était en approche de la centrale nucléaire !!! « Mais qu’est ce que tu fous Jo zef ?  Tu vois pas qu’avec les radiations elle triple de volume ! ca vaut le coup d’essayer !!! »
A pluche !

Jour de repos et rencontre…

30 juillet 2012
Encore et toujours un bel accueil chaleureux, quel bonheur !!!

Encore et toujours un bel accueil chaleureux, quel bonheur !!!

L’été suédois continue de sévir, pluie discontinue toute la nuit, il parait que c’est le pire depuis quelques décennies ! Je suis en avance sur mon programme de navigation, je décide de rester là aujourd’hui. Je sens que mon corps et surtout mon esprit ont besoin de calme, de reprendre un peu d’énergie. Hier soir j’ai appris que le village était à 5km et qu’il y a avait une épicerie. Tranquillement muni de mon sac à dos je pars en balade. Des fraises des bois grosses comme des cerises que personne ne ramasse, certainement la peur d’attraper la maladie transmise par les renards. A l’Ouest une barre bleue d’azur, certainement le retour du soleil. Au détour d’un virage une biche traverse, sans se soucier de moi, la route..  belle rencontre matinale. La route semble mener à nulle part, à la première maison habitée je m’informerais. Pour l’instant tout semble vide, puis une cabane blanche a la porte ouverte. Un homme en peignoir me sourit, je lui demande si je suis sur la bonne route pour le village et à quelle distance exacte est-il ? Encore 5 bornes mais il n’ouvre qu’à 9h, je dois y aller moi aussi me dit-il. Je le remercie mais je préfère un peu marcher dans ce cadre magnifique, la pluie fait ressortir toutes les fragrances de la forêt, je m’enivre de bon matin ! Un taxi me double et ralentit, il me demande ma destination, mais je ne veux pas de ses services. Il insiste, sa cliente derrière ne dira rien, elle a un lourd déficient mental, il l’amène dans un centre spécialisé. Entre vous et moi je crois surtout qu’il a surtout envie d’avoir une compagnie, sa cliente est très agitée et je le sens un peu perdu !!! Finalement il me déposera sans me demander quoi que ce soit devant la superette, ma casquette avait l’air de plaire à la jeune fille qui n’arrêtait pas de vouloir me la chiper.
Je fais mes courses en essayant de ne rien oublier, ma liste en main je salive déjà du festin de tout à l’heure. A la caisse je reconnais l’homme en peignoir, qui ne l’est plus d’ailleurs. Il discute avec moi et me propose de me ramener jusqu’à mon camp. Lars travaille au parlement à Stockholm et semble passionné par ma « croisade ». Il me demande si j’ai contacté les médias suédois ? Je ris en lui répondant, vous savez en ce moment je ne pense qu’à une seule chose, avancer en restant entier, façon de parler ! Il me propose de le faire pour moi. Je lui laisse mes coordonnées sans trop y croire. Alors que je me prépare un petit déjeuné pantagruélique, mon téléphone sonne, une journaliste veut me rencontrer. Ce matin je ne savais pas si je reprenais la mer et me voilà avec un agent en communication qui veut faire la promo de Bout de vie ! Jana, est attentive et demain dans le journal régional, Arcticorsica sera décrit en suédois. Mais Lars ne veut pas en rester là, il est convaincu qu’il faut que ce soit du national, il s’engage à le faire pour moi, pour vous, pour nous.
Tak Lars !

PS : Jo Zef reprend du poil de la bête, le lyophilisé ça nourrit pas la mascotte et puis il a une grosse excuse avec Norra…
A pluche !

Une belle journée d’été !

25 juillet 2012
L'accueil chaleureux d'une suédoise chez qui je ferai le plein d'eau.

L'accueil chaleureux d'une suédoise chez qui je ferai le plein d'eau.

Hier soir en me dérouillant les jambes j’ai découvert de grands murs en pierre sèche ainsi qu’une sorte de cercle fait avec des pierres d’au moins 1 tonne pièce, peut-être un ancien camp de viking ! Le vent est vraiment devenu une faible brise de sud et je peux vous dire que j’en suis ravi. La mer est d’huile, je me sens observer ! Une bouille à moustache détaille le kayak rouge et noir qui passe. Le quatrième en 700km cela n’est pas beaucoup, la race est en train de disparaître, jusqu’à il y a peu on avait le droit de les chasser. J’arrive sur un presqu’île si proche du continent que le passage ne fait que 8mts de large, un pont de bois l’enjambe. Des cabanes de chaque côté, le lieu est un paradis pour qui aime la nature et la quiétude. Je trouve une plage de sable blanc avec une table et des bancs, c’est le départ d’une randonnée pédestre qui permet de découvrir cette île sauvage. Je savoure mon café.  Le soleil brille est la température frise les 23°, l’été serait-il scandinave aussi ? Je poursuis ma navigation, il ne me reste plus que 3litres d’eau potable, il faudrait que je fasse le plein. Les maisons sont vides et je ne veux pas m’y aventurer comme un délinquant. Je trouverais bien quelqu’un quand même ! A la fin du canal, une dame est dans son jardin, je l’interpelle, elle vient à ma rencontre. Sans aucune hésitation elle accepte bien volontiers de me pourvoyer en eau. Mais avant nous nous présentons brièvement. J’attends patiemment qu’elle revienne, en plus de l’eau elle reviendra avec une tasse de café et un polar kaka skinka (Galette moelleuse avec beurre et jambon), je ne sais comment la remercier. Nous parlons, nous échangeons mais je dois repartir, ma journée n’est pas encore finie. Elle me sert chaleureusement la main et me lance : « Take care » qui me touche énormément. « Hej da Catarina Tack ! »
Je crois que je réalise la plus belle partie de mon voyage aujourd’hui, je navigue dans une myriade d’îles plus belles les une que les autres. J’en croise une qui ne doit pas dépasser les 100m2 et qui a une mini forêt. Un paradis à  kayak, j’en croiserais 3 qui me salueront de très loin. Je suis serein, cette belle rencontre plus la beauté du paysage, me remplisse de bonheur. Au détour du cap, je stopperais ma journée mais encore faut-il que je trouve un terrain plat. Une toute petite île me semble acceptable, j’accoste et y trouve un bon replat un peu caillouteux. En face une autre île un peu plus grande, je vois un homme qui semble m’observer, je suis à 200m de chez lui, je traverse pour lui demander l’autorisation. Un kayak est sur son ponton et de suite le courant passe. Il n’a jamais vu de Nautiraid qui pourrait être l’équivalent d’un camion du Paris-Dakar par rapport à une C1 ! Je lui demande la permission qui est de suite acceptée mais il demande à voir ma carte. Là-bas à 200mts tu as encore une autre île avec une plage de sable fin, tu seras mieux que sur ce tas de caillou. Encore une belle journée pour marquer ma quatrième semaine depuis Lulea. Sur un tapis quasi indécent de lichen et de mousse je dresse le camp, j’ai l’impression d’être sur un matelas plein d’air, ça change des derniers jours où l’on dormait sur de la « caillasse » . Un petit 27 km avec une brisette de sud dans le nez, c’est pas mal pour un handicapé !!!
PS : Norra apprend le suédois à Jo Zef, il m’impressionne ! « When arriven korsiken, pour crepen soiren ? » Chu pa sur que c’est du suédois !!!
A pluche !

Croquer la Vie !!!

23 juillet 2012
Aujourd'hui le vent avait l'accent du sud !

Aujourd'hui le vent avait l'accent du sud !

Hier en arrivant sur cet îlot perdu je m’y suis de suite senti bien. Physiquement je suis en pleine forme mais mentalement j’avais besoin d’une vraie coupure, les deux derniers caps franchis m’ont usé. Je ne disais rien mais n’en pensais pas moins. Le sud complice de la mer de Botnie m’ont fait ce cadeau : m’empêcher de reprendre la mer ce matin. Une île sans cabane, sans personne, moi et la nature. 4h44 je sors de mon refuge de toile, Immaqa est bien amarré et la bâche le protège de cette forte pluie. Un coup d’œil vers le sud, les moutons sont déjà au rendez-vous. Je repars me coucher. 6h38 le « sms météo » de Véro arrive, je ne regrette rien. Je paresse, ça fait du bien. 7h petit dej et enfin la pluie cesse. Je repars à la « chasse » aux fraises ! Des myrtilles seront dans mon axe de tire, pas de quartier ! Une journée de repos sans forcer le mental, sans remise en question permanente. Je m’occupe de moi, décrassage, lavage des affaires. Je trie les sacs étanches de nourriture et attaque un bon ménage de mon Nautiraid. Je vis au ralenti, je discute avec quelques sternes toujours aussi curieuses. Je me confie à la mer, je jette un coup d’œil au cap dépassé hier, ça ne doit pas être bon aujourd’hui en kayak là-bas ! Je me remémore le parcours déjà effectué sans me prendre au sérieux. Je déplie la carte de Scandinavie, ça fait un bon paquet de kilomètres déjà, je suis un peu fier, mais je sais que le dois aussi beaucoup à la chance. Je visualise la route qui me reste à faire, je serais plus protégé, plus d’îles et beaucoup moins de grandes traversées !?! Je ne suis plus qu’à 150km de la mer Baltique, l’eau jusqu’à présent presque douce prend un gout plus salé et surtout, oh désolation, plus souillé. En 700km je n’ai pas vu un plastique, un déchet aussi bien sur l’eau que sur les rives. Un coup de chapeau aux limitrophes de la mer de Botnie. Les finlandais et suédois ont une rigueur implacable et leur mer est vierge de toute « saloperie » en plastique. La Baltique, elle, est bordée de pays de l’ancienne URSS et le rejet en mer n’est pas un problème, les usines n’hésitent pas une seconde à  vidanger leurs cuves en mer. Le phoque gris est en train dedisparaitre et le poisson se raréfie. Voilà un point que je me dois de dénoncer. Une fois de plus l’homme ne réalise pas à quel point notre survie ne tient qu’à une seule règle, protéger son environnement sinon nous disparaitrons. L’arbre doit exister depuis environs 250millions d’années, l’homme depuis combien d’années ? Je souris une fois de plus à quel point nous nous prenons pour l’être suprême et indispensable. Une forêt qui meurt c’est un peu de notre avenir en moins. Les natifs Nord-Américains disent que la terre ne nous appartient pas elle nous a été prêtée par nos enfants. Vous voyez je pars dans mes réflexions, pas de parasite pour m’aveugler, je suis, donc je pense ! Le soleil revient nous voir, ici il n’est que de passage. Le feu me réchauffe et le vent siffle, et si je lui jouais un air d’harmonica ? Demain ? Je ne sais pas, c’est trop loin ! Maintenant c’est mieux. Hier ? Je ne m’en souviens déjà plus ! La vie est plus forte que tout, une seconde de perdue, c’est une insulte à celui qui nous a offert ce bref passage sur terre. Vivons dés maintenant. Dieu que c’est bon de respirer, de rire, de pleurer. Merci la vie, promis je te croque en entier !
PS : A chaque fois que je ne prends pas la mer, Véro m’envoie vos messages de soutien. Un grand merci à vous tous fidèles amis et lecteurs, je suis très touché. Un grand merci depuis le grand Nord.

Un bout de repit…

20 juillet 2012
La mer de Botnie m'apprend à conjuguer le verbe "vivre"...

La mer de Botnie m'apprend à conjuguer le verbe "vivre"...

J’ai eu beaucoup de mal à dormir, régulièrement des cygnes se sont pris pour des « Castafiore » en poussant des hurlements que je n’avais jamais eu l’honneur et l’horreur d’entendre… 5h30 je file au milieu d’îlots somptueux. Un premier « bébé » golfe de 900mts à passer avec un très fort vent de travers, quelle chance d’avoir réussi cette longue navigation hauturière hier. Le deuxième à peine plus long m’affirme qu’aujourd’hui cela aurait été du suicide, ma cavalcade vers le sud a payé mes efforts de gladiateur. Finalement je suis dans l’axe du vent qui prend de la force,  un sms de Véro qui m’annonce un bon coup de Nord-ouest pour ce soir. Il m’est impératif de trouver un bon abri, je pagaie quand la carte me fait deviner une succession d’anses, à la dernière, une me semble si belle que je fais l’effort de changer de cap.
Je suis sur le cul, pardonnez moi l’expression mais alors là c’est du rêve. Sur l’onglet « Mon parcours en direct » vous pouvez zoomer google earth sur ma dernière position et apercevoir ce paradis. Je beach Immaqa et commence un dialogue de fou : Si tu ne reste pas là aujourd’hui, tu loupes ton voyage, rien ne sert de courir comme tu le fais ! La voix maligne répond : Avance Frank, aujourd’hui on peu péter le record de 50km avec ce vent dans le dos !!! Je deviens dingue, j’envoie tout balader, je reste. Le temps de monter ma tente, je marmonne dans ma capuche ; puis quelques rafales rasent la canopée de la forêt qui m’abrite et je me sens mieux, 600km en 21 jours, jamais je n’aurai parié une crêpe sur cette distance, alors j’apprécie, je me pose écoute le vent, happe le silence et vibre avec la mer de Botnie. Au programme : coiffeur, pressing et restau !!! La forêt de pin qui m’encercle embaume mes sens, je me prends pour une lavandière, sur un caillou plat je frotte mon pantalon qui lâche son noir comme le ferait un calmar apeuré. Pour les cheveux c’est plus technique ! Je n’ai comme ciseau que celui de mon couteau multifonction et il me faudra beaucoup de patience pour un rasage parfait. Au restau du midi omelette de chanterelles, tartine à volonté de fromage  et en dessert une assiette de myrtilles en compote.
Pour m’endormir à la sieste la radio FM fredonne mon air préféré du moment : Melissa Horn (faire le lien ou avec une vidéo ou son site comme tu le veux). Des oies et canards ont du sentir le coup de vent et ils sont venus se mettre eux aussi à l’abri.
Puisque j’ai le temps, je vous partage ce que je lis en ce moment : ..//.. La pluie qui tombe sur la terre asséchée n’est elle pas une chose extraordinaire ? Elle nettoie les feuilles et rafraîchit la terre. Je crois que nous devrions tous nettoyer notre esprit complètement, comme la pluie nettoie les arbres, car il est lourdement chargé de poussière accumulée au fil des siècles, de la poussière de ce que nous appelons la connaissance ou  l’expérience. Si vous et moi réussissions à nettoyer notre esprit tous les jours de la veille, chacun de nous aurait alors un esprit frais, capable de faire face aux nombreux problèmes de l’existence..//.. J.Krishnamurti
A pluche ! Jo Zef et Norra ne se lâchent plus !!!

Soleil et oeufs au plat !

18 juillet 2012
Un arrêt : de l'eau, des œufs et de vrais sourires, toute la gentillesse des suédois...

Un arrêt : de l'eau, des œufs et de vrais sourires, toute la gentillesse des suédois...

4H45 le soleil chauffe déjà la tente, pourvu que ça dure ! 5h30 ça y est je reprends ma route, c’est gris et froid ! Le canal m’offre un départ ventilé, l’effet de venturi accélère la brise de Nord-ouest et me donne un bon coup de main pour une autre belle journée de mer. Le soleil revient, il ne nous lâchera plus de la journée. Il me faudra une heure pour retrouver la beauté et la sauvagerie du golfe de Botnie. Je ne garderai pas un super souvenir d’Härnösand, ville triste, au citoyen peu accueillant. Pendant trois heures je longe une belle côte inhabitée et somptueuse. Au détour du cap Skarpudden je devine la route que je dois prendre. 6km à traverser avec un vent de travers, cela devient une mode, je m’applique à bien me calfeutrer dans mon hiloire et pagaie gentiment. Mes bras font l’effort, ma tête s’envole ailleurs. Je me demande pourquoi tout le monde s’obstine à l’appeler golfe alors que c’est une mer magnifique ! Je converse avec elle, comme à chaque fois, je lui pose des questions, elle me répond. Soudain devant moi le calme plat, plus un nœud de vent, je souris, je ris, elle m’offre une traversée pépère. Je suis déjà de l’autre côté. Je me tourne et vois la mer se couvrir de moutons, quelle délicatesse de sa part, elle a laissé filer son hôte. Je bifurque plein Nord-ouest entre le continent et l’île d’Ästön, l’effet venturi de nouveau lui, vient me faire faire une séance de muscu. A l’abri du large, j’avance tranquillement. De jolies maisons, ornent ce chenal, rien à voir avec les châteaux hideux de ce matin. Au milieu le passage ne doit faire que 10 mts de large et c’est là que je décide de faire ma pose « lunch ». Alors que j’hydrate ma semoule, un vieil homme vient me voir, sa maison est juste derrière où je me suis posé. Je suis encore sous l’effet d’hier où je me suis fait virer comme un pauvre voleur de chaussettes trouées. Il me souhaite la bienvenue et remarque mon « unijambité » puisque à la pause casse croute je l’enlève tout le temps. Il ne parle pas l’anglais mais nous arrivons à dialoguer, il me propose de l’eau de son puits. Je récupère quelques bouteilles vides au fond du kayak et pars avec lui. Je découvre un poulailler ; je lui demande comment survivent ces pauvres bêtes en hiver par des -40° ? Elles ont leur cabane chauffée ! Je reprends mon déjeuner quand toute la famille arrive pour me prendre en photo et surtout m’offrir quatre œufs. Heureux de ce retour à la gentillesse des suédois, je reprends la mer. Encore une traversée m’attend, 4km seulement mais avec un fond de fjord situé à 22km au nord. Autant dire que si ça souffle, je suis raide ! 10 nœuds de vent et une mer à peine agitée, je procède à ma « ramerie » quand pour la deuxième fois de la journée le vent tombe complètement. Décidément la mer de Botnie est vraiment très attentionnée avec l’équipage d’Immaqa.
Ce soir œufs au plat de poulette du coin.  Pour la comptabilité, 36km de plus.
A pluche !

Une étape treize improbable !

15 juillet 2012
Immaqa mis à l'abri le temps du déluge...

quelle aubaine pour Immaqa et moi de trouver cet abri de pêcheurs...

C’est ma treizième étape pour le dix-huitième jour depuis Luléa, ce chiffre ne me plait qu’à moitié, mais aux orties les superstitions il est temps de repartir. La houle rentre dans l’anse et mon départ est un peu sportif. Tout en règle, nous sommes déjà à l’abri d’une petite île.
Plus rien à voir avec les bourrasques d’hier, une douce brise d’Est se fait à peine sentir. Ce lieu déclaré patrimoine international par l’UNESCO est merveilleux, ma navigation rase cailloux me fait encore plus apprécier le privilège d’être là. La série d’îles passées il me
faut faire une traversée de 7 petits kilomètres. Comme à chaque fois je mets mon instinct en éveil. Il me dit de forcer sur les pagaies, alors je « bourrine » ! Un immense nuage noir me vient par le travers, ça sent la rouste ! J’accélère le rythme, les épaules, les bras, les abdos tout est à fond et ca tient. J’arrive à l’abri de cette longue île lorsque comme par miracle le grain explose, des tonnes d’eau et de violentes rafales de vent. Je suis à 5 mètres de la côte et le coup de zef ne fait que m’effleurer. Je n’aimerais pas être en pleine mer en ce moment. Sous un déluge je poursuis toujours Sud, mais la pluie redouble, un véritable grain antillais mais avec une eau polaire. Deux heures que je fais des bulles, j’ai froid, j’ai faim mais je n’ai pas envie de m’arrêter sous ce déluge. Je passe un hameau de pêcheurs qui ont fondé ce lieu, il y a au moins cent ans bien avant que les permis de construire soient gelées par l’état. Des hangars sur pilotis servent encore pour certains, d’abris à barque ; l’une d’elle est vide ! Je bifurque et m’engage sous cet abri béni des Dieux. Une mini plage de galet sous la maison permet à Immaqa de beacher et j’arrive à m’extraire de mon kayak. Dehors c’est le déluge et nous sommes à l’abri. Une sorte de ponton en bois est l’accès, je me repends et tente de mettre mon âme à sécher. Je décide de déjeuner, déjà 5h30 que je pagaie. Alors que je déguste mes éternelles nouilles chinoises, je remarque un robinet. De l’eau potable en sort, je fais faire les niveaux. Puis dans l’angle du ponton, je me rends compte qu’un pommeau de douche est accroché ! Un robinet bleu et un rouge ! Je tente une sortie par une porte dérobée pour essayer de voir quelqu’un mais sous ce déluge aucune âme qui vit ne répond à mes appels. Je retourne à « mon » ponton et je laisse couler l’eau et là au miracle de l’eau bouillante en sort. Je me moque de qui pourra venir, je prends une douche, je suis transi de froid et depuis 18 jours je ne suis lavé qu’avec l’eau de la Botnie. Nu comme un vers je suis sous la douche, j’ai pris soin de bien mettre en évidence ma prothèse que si quelqu’un aurait la mauvaise idée de passer, il tomberait nez à nez avec Magui. La douche est brulante, j’en ai les larmes aux yeux de bonheur, je n’en sortirai plus, mon corps sort de congélation, il revit. 15 minutes de cuisson et rouge comme une langouste je m’essuie enfin. Dehors la pluie a cessé, le ciel devient gris clair, je reprends la mer, je suis hilare. Il y avait une chance sur un million que ça arrive et c’est tombé sur moi. Je me sens en pleine forme, la brise faible est de retour et le ciel se déchire, du bleu semble vouloir forcer le destin. Sur mon bâbord je perçois quelque chose, un oiseau mort, un bois flotté ? Je prends 15° Est et m’approche de l’intrus !!! Mais cette journée n’en finira jamais de me surprendre… un petit ourson en peluche flotte, je n’en crois pas mes yeux. En 410km je n’ai pas vu le moindre déchet sur l’eau, même sur les plages aucune  trace de plastique ou dérivé. Je récupère le naufragé, Jo Zef intervient !!! Je l’essore et le cale sur mon vide poche, j’explose de rire ! Il faut lui trouver un nom, la mascotte me dit que c’est une fille ! Ok ! L’île où nous nous situons s’appelle Norra Ulvön, ce sera Norra !!! Je n’arrête pas de rire, je deviens fou, cette journée est absolument dingue. Je suis tellement en forme que je décide de passer les heures réglementaires et me retrouver dans une crique d’une beauté extrême avec Norra qui sèche au soleil, qui est enfin de retour. 42 km qui dit mieux ? C’était une étape treize improbable !
Eh Jo pour le bouche à bouche on ne met pas la langue !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
A pluche !

Une grande traversée…

12 juillet 2012
Seul mais en compagnie d'un bon feu bienfaiteur.

Seul mais en compagnie d'un bon feu bienfaiteur.

Pluie, brouillard, houle et vent incertain, vous commencez à connaître le refrain. 5h38 je sors du petit abri qui m’a si joliment accueilli et reprends ma route. Cet hiver à la réception des cartes marines du coin, je m’étais fait une sorte de « road book ». Basé sur des distances de 30 km, j’avais défini les possibilités du parcours. Bien-sûr méfiant comme une mascotte qui planque une crêpe oubliée, je n’avais pas osé la traversée des grands golfes. Me voilà au pied du mur, plutôt au cap de mes questions ! J’y vais, j’y vais pas ? 25km de traversée en kayak de raid super chargé. Doucement je passe ma première heure sans vouloir y penser, puis je décide de prendre 10° ouest pour raser une pointe à 7km de là, je verrais bien. J’avance dans le coton, la pluie est si fine que je ne la vois pas tomber, des millions de perles d’eau sur Immaqa. Un silence surprenant dés que je quitte la côte qui reçoit une forte houle comme un bruit de train qui passe. J’arrête de pagayer, rien pas un son, rien devant, rien derrière, je suis au milieu de nul part. Mes seuls contrôles, le compas et le sens de la houle. Route au 240°. J’entends de nouveau le fracas des vagues,  je ne devrais plus être loin du premier promontoire. Comme par enchantement il apparait. Je suis bien physiquement et surtout dans ma tête, si je coupe je gagne plus de 18km, une bonne demi-journée ! Je m’étire, bois un café avec quelques barres de céréales et prend la décision de traverser. Les trois premières heures sont faciles à ma grande surprise, le brouillard m’enveloppe et me donne la sensation de me protéger, le vent reste faible et la houle s’allonge en même temps que la profondeur du golfe grandit. Mes idées s’envolent mais je remarque une sensation très étrange, je ne sais pas si c’est le fait que les journées soient longues et très physiques, j’ai beaucoup de difficulté à me souvenir ce que j’ai fait hier ?! Un peu comme si le moment présent était plus fort que tout !!! J’aurais le temps d’y penser quand ce sera fini. Finalement après 7 heures de mer je passe le grand cap Husum pour trouver une plage de galets et prendre la décision d’arrêter là pour aujourd’hui. Seulement 27 km d’effectuer mais en vérité j’en avais prévu 18 de plus si je n’avais pas coupé. Good job, Immaqa, good job. Terrain plat pour monter la tente, bois flotter pour alimenter un grand feu et malgré le crachin un grand lavage du pagayeur heureux d’être arrivé là. Il paraît que l’été c’est pour bientôt, pour l’instant c’est encore l’hiver. La mascotte est verte de rage, un champ entier de framboisier à perte de vue mais elles sont encore toutes vertes…
Patienccccccccccccccccccccccccccceeeeeeee !
A pluche !

L’archipel de Roennskaers

1 juillet 2012
Soudain une éclaircie dissipe le brouillard...

Soudain une éclaircie dissipe le brouillard...

Pas un temps à faire du kayak, brume, brouillard et houle dans la gueule ! Oui je sais je ne suis pas là pour me plaindre. Le démontage du camp commence à être pro, un automatisme bien rôdé qui me permet de prendre la mer sans tourner en rond comme une perche en bocal et surtout sans rien oublier. Tout a une place bien précise et les gestes parasites sont définitivement bannis. 6h20 je quitte ma petite crique, Fägel est bien-sur présente, elle me regarde partir jusqu’au moment où elle décide de voler autour d’Immaqa. Quel bonheur d’avoir eu cette présence, mon ange gardien qui a pris un aspect physique ! 2 nautiques pour rejoindre la pointe sud de la péninsule de Pitéa. Houle et ressac ne font pas bon ménage et moi, le fétu de paille je pars dans tous les sens. A ma proue une belle traversée de 10 kilomètres pas du tout protégée du large, va falloir envoyer ! Un peu le trac au ventre je pars dans le brouillard, le silence absolu est brisé par mes coups de pagaies, je tente de sentir
sur mon visage quelques brises mais pour l’instant rien. Une heure et la brise passe au Sud-est mais le brouillard persiste. Un bruit sourd me vient de mon tribord arrière, un vacarme puissant de moteur. Je regarde la carte et constate que je suis dans le rail des cargos qui vont à
Pitéa, grand centre de fabrique de papier. Je n’allume pas ma radio, cela ne sert à rien, ni à son radar ni à vue il ne pourra me détecter dans cette purée de poix. C’est à moi à anticiper. Deux heures et il passe loin devant moi je devine à peine sa silhouette. Ma chère petite île apparaît, je suis passé ! Ouf ! Je continue ma route la brise se maintient de Sud-est, dommage c’est là que je vais. 4heures d’effort et je m’accorde mon premier arrêt café, canistrelli. Une plage de galets devant une cabane inhabitée. Je progresse et me faufile dans des archipels qui semblent vides de vie. Des cabanes sur chaque caillou, mais absolument aucune âme qui vive. Après mon stop « nouilles chinoises », je pénètre le somptueux archipel de Rönnskärs. Magnifique, des forêts de conifères et des criques à n’en plus finir, des oiseaux de toutes sortes et absolument personne. Un décor que je ne suis pas prêt d’oublier. Pour mettre la cerise sur le gâteau, un coin de ciel déchire la brume et laisse passer le soleil. En t-shirt je finirais cette
dernière heure de kayak pour une journée de 9h pour 30km.

Depuis un bivouac apaisant je vous envoie toute la quiétude du golfe de Botnie.