Des bouts de vie en 2023

3 janvier 2024
L’année 2023 aura été riche en émotions et partages.
Être amputé n’est pas une fatalité ou un drame, c’est une opportunité pour devenir un être différent à part entière. Depuis 2003 des expériences sont totalement offertes pour proposer des clés aux personnes amputées. Sans rentrer dans les cases du « handicap » « handisport » « handeprime « , Bout de vie bouscule les normes. Des images qui illustrent ces rencontres insolites et fortes en émotions…
Plein de projets sont en cours pour 2024.
Une jambe de bois, une santé de fer mais pas un cœur de pierre l’aventurier
Frank BRUNO

 

20 ans…

6 janvier 2023

Bout de vie vous souhaite à toutes et à tous une merveilleuse année. Santé, paix, bonheur et liberté. Un brin de folie est aussi au menu de ces vœux.
Votre association www.boutdevie.org
fête ses 20 ans. Vous en êtes les piliers, les animatrices et animateurs, sans vous rien n’aurait pût être possible.
Pour les plus téméraires, pourriez-vous écrire en deux lignes maximum, en commentaire, ce que Bout de vie vous a apporté. Ce serait très intéressant et me donner une réflexion, à savoir si l’association doit continuer ou s’arrêter.
Pour adhérer cliquez sur ce lien https://www.boutdevie.org/adhesion/
Activité 2023…
Du 8 janvier au 14 janvier des hommes et femmes amputées vont être initiés au ski alpin à Saulz D’Oulx en Italie avec des amis moniteurs que je connais depuis mon enfance. Des stages de survie avec des valides vont se suivre, la totalité des engagements sont reversés à l’association. Un, sera avec 15 cadres supérieurs d’une très grosse entreprise internationale. Le film sur mon bout de vie au Groenland réalisé par David Tiago Ribeiro devrait être fini pour une diffusion prochaine sur votre petit écran et dans de nombreux festivals. Le 26 avril, au parc Galéa au sud de Bastia, cet immense espace extraordinaire nous sera gracieusement mis à disposition pour la projection du dernier film, une conférence au thème « découverte de nouvelles limites » animé par Fabrice Fenouillére, je serai en compagnie de Dominique Benassi et Bixente Lizarazu, parrain et président d’honneur de l’association. Première quinzaine de mai il y aura le stage de mer Bout de vie comme à son habitude. Puis ce sera mon départ pour 4 mois au Groenland. Cette année je vais recevoir deux groupes à dates différentes, pour plus de faciliter sur les activités. Quatre femmes (deux amputées, deux valides), puis quatre hommes (deux amputés, deux valides). Le magazine l’Equipe a décidé de me mettre à l’honneur pour un hommage à ma vie un peu atypique d’après leur dire et vont venir passer quinze jours à Oqaatsut. Début décembre, sera organisée une semaine vélo avec étape le matin et rencontres des scolaires l’après-midi en Corse du sud. L’équipe sera composée d’une petite dizaine d’amputé, des habitués qui ne sont pas encore au courant MDR !
Voilà de ce qui est de la vie associative. Et certainement d’autres surprises.

Bout de vie en 2021 et ses projets à venir

5 janvier 2022

Bonjour à tous
L’année écoulée de mon association Bout de vie a su garder son cap, le stage de mer fût réalisé comme à son habitude en Corse du Sud, une belle semaine printanière de partage et d’échanges. Chacun y a prit des clés pour son proche avenir. Le déplacement de chaque équipier, ainsi que la semaine de mer en pension complète, furent pris en charge par l’association.
Une autre équipe, invitée, est venue rejoindre la petite maison bleue au village d’Oqaatsut au Groenland, là encore, la découverte de nouvelles limites fut à son apogée.
Dans un autre registre, une jeune femme amputée a été invitée à la visite des ateliers d’un des plus grands couturiers du monde. Les « petites mains » de cette immense marque ont ravi la privilégiée.
Une bourse a permis à un jeune ado de pratiquer un week-end de voile sans l’assistance de ses parents.
Un stage survie-montagne de détection, pour sélectionner des futurs alpinistes amputés, pour le Groenland, s’est déroulé en Corse du sud, sous les caméras d’une chaine de TV. Diffusion programmée cet hiver.
Des stages de survie en plein maquis sont aussi organisés pour des personnes valides, un moyen ludique de récolter des fonds, puisque la totalité de leur frais de participation est reversée à Bout de vie.
Tout au long de l’année l’association reçoit des appels, des courriels, de personnes fraîchement amputées où d’autres qui rencontrent des difficultés avec leur prothèse. Bout de vie est une écoute attentive aussi.
D’autres parts, j’anime régulièrement des conférences en entreprise, puis des rencontres scolaires et universitaires me permettent de rendre le mot handicap différent, il perd de sa noirceur et de son sectarisme.

Les projets 2022 sont déjà en place. Du 1 au 7 mai le stage de mer nouvelle version tentera de faire rêver les participants.
Eté 2022 une belle bande de bouffeurs de vie tenteront l’ascension du massif de Perserajuk au Groenland.
D’autres activités vous seront dévoilées au fil de l’année.
Si vous désirez adhérer et parrainer ces projets cliquez ici.

Adhérez à l’association

Que 2022 vous apporte la paix, la santé et la liberté…
#boutdevie #groupelagarrigue #gerifonds #amputee #alive #frankbrunocabochard
❤️

Cap sur 2021

11 janvier 2021

L’année 2020 fut un océan de contrainte et de vent capricieux, le sloop Bout de vie a su maintenir son cap. Le sloop n’a qu’un mat à la différence du ketch qui en a deux ! Le stage de mer a été maintenu, pendant cette semaine les participants ont découvert un monde loin du regard des autres et des « ont dit ». Se dévoiler au large est plus facile, plus initiatique aussi. D’autre part, un groupe de 6 personnes m’a rejoint au Groenland où Bout de vie possède une petite maison bleue. Ils ont bivouaqué dans des lieux retirés, le chant des baleines leur a conté certaines aubades lointaines où l’apparence n’avait pas encore été inventée. Bout de vie est une association atypique qu’aucune case ne peut enfermer. Dans ces rencontres des échanges profonds et sincères s’effectuent, ce seront les tuteurs de leur nouvelle vie. Votre aide est précieuse, essentielle, les mots me manquent pour vous dire merci du fond du cœur.

Faites passer le message, cette année les tempêtes sont à craindre, ils nous faut être unis pour naviguer vers des jours meilleurs.

Très régulièrement sur les réseaux sociaux des actualités et des réflexions sont postées Facebook Bout de vie et Facebook Frankbrunoofficiel

Pour adhérer à l’association cliquez ici adhésion

Bout de vie s’adapte…

6 août 2020

Bonjour à tous,

Bout de vie poursuit sa route et s’adapte aux nouvelles technologies. Pour plus de visibilités, plus de partages, toutes les infos sont quotidiennement mises à jour sur ma page Facebook . Depuis le Groenland je vous envoie plein d’énergie positive.

Conférence: s’adapter

14 septembre 2019

» En lire plus:Conférence: s’adapter

Le clip de l’ascension du Mont Blanc par les 3 Monts…

13 septembre 2019

Du Groenland au Mont Blanc il n’y a qu’un pas!

3 septembre 2019

 

Un pas entre le Groenland et le Mont-Blanc…

2h du matin, le ciel est dégagé, les orages ont heureusement cessé, sous la voûte céleste des fourmis se préparent à s’approcher un peu plus des étoiles. Fred mon guide fait parti du fameux groupe PGHM de Chamonix, sa grande expérience me rassure sur mon choix, une fois de plus dingue, de gravir le Mont-Blanc. Il y a quelques jours j’étais encore au Groenland avec une prothèse qui me blessait, là, je suis au pied d’un géant de glace qui se moque bien de ma différence et des mes petites tracasseries. La priorité de cette longue journée sera la légèreté du sac à porter, il devra être minime mais complet. Nos baudriers ne seront ôtés que ce soir, la longe sera plus au moins courte suivant la dangerosité du terrain. Mon binôme ouvre la route, le glacier des Cosmiques me rappelle le pays de Nanoq, mais ici, il y a l’altitude en plus. Une équipe de 4 personnes nous accompagne, le silence nous envahit, chacun est dans sa bulle, dans son histoire. Le chef de cordée de l’autre groupe vient à ma hauteur, ma préparation l’a interpellé, ma différence aussi. En quelques pas il me raconte l’histoire de sa sœur paraplégique depuis l’âge de 15 ans, ses silences m’en disent plus que de longs discours.

Le terrain prend du dénivelé, le premier danger va nous tester. Sous un sérac nous devons nous faufiler, des géants de glace prêts à tomber nous jugent, nous observent, nous analysent, ouf, ils nous ont laissés passer sans le moindre accroc. Puis c’est ma première difficulté, il faut franchir un mur de glace de 4mts de haut. Crampons aux pieds et un seul piolet, il me faut beaucoup de concentration et de force pour passer. Fred me met au pied du mur de glace : Là-haut ce sera beaucoup plus long et difficile. Mon sang se glace, c’est normal me diriez-vous, il est 3h du matin et nous sommes à 4000mts d’altitude ! Pour avancer il me faut trouver mon rythme sans aucune pensée parasite, mes gestes doivent être eux aussi au plus simple tout en étant efficaces. Devant moi un homme que je considère comme un géant de l’alpinisme, je me sens « gauche », médiocre, perdu, nul à vomir ! Nous doublons une cordée de deux gars qui semblent en difficulté, cela me booste un peu, je me sens moins nul, puis une deuxième, tous feront demi-tour. Je réalise que maintenant nous sommes seuls devant. La nuit est juste magique, le froid n’est pas si terrible que ça, bien que la température soit négative, je pense que mes escapades polaires m’ont aguerri. Nous y voilà ! La paroi nous stoppe, il faut trouver la bonne voie. Je sens Fred très concentré, il doit réaliser que son binôme doit avoir le signe astrologique lorrain de « quiche » ! Il m’explique ma tache, les broches à glace à récupérer, la manière de planter le piolet et de me hisser avec mes deux mains, de cramponner violemment la paroi pour être en appui… L’ascension se corse, aurait dit Pascal Paoli !  Fred part en tête, la cordée de 4 arrive, nous nous cachons dans une crevasse, des pluies de glaces semblent vouloir nous lapider d’être là. Ça y est, il est arrivé au premier relais, c’est à moi. Le froid, en attendant la fixation de la ligne, a commencé un travail de sape, mes mains qui ont déjà gelé au Groenland me rappellent à leur bon souvenir. Je m’élance, j’ai la boule au ventre, je sais que je dois tout donner et encore plus pour passer. Mes chaussures n’ont pas de semelles rigides, le choix d’avoir du léger pour ne pas blesser mon moignon a sacrifié du confort pour grimper, je redoute de perdre le crampon côté prothèse. Au premier mètre, une pluie de glace me secoue, mon casque évite le pire mais un impact sur le visage me fait craindre la grosse blessure. Le sang coule jusque dans ma bouche, mais je suis lucide, cela doit être une simple égratignure. Je progresse, je m’accroche, je me sens si nul, je râle à n’en plus finir. Soudain la prise de mon piolet cède, je glisse, je suis dans le vide maintenu que par un bout de ficelle à plus de 4000mts d’altitude. Fred me sécurise, mais je sais que je dois vite réagir, reprendre mes esprits et surtout quitter cette paroi infernale. Soudain je découvre pourquoi j’ai décroché ! Mon crampon droit n’est plus en place sur mon pied en carbone. Oh bordel, je ne vais quand même pas rajouter mon nom à liste des disparus en montagne. Sur une patte et avec un seul piolet j’atteins un piton rocheux pour me refaire une santé, mes mains sont gelées, je sais que ça va aller mais dès que le sang va revenir je vais morfler. Comme par miracle Medhi, le chef de cordée du quatuor que nous avons doublé, arrive sous moi. Instinct de survie, solidarité, il me propose de me caler pour me refixer le crampon… Esprit de montagne où les hommes s’unissent pour moins mourir. Fred est arrivé enfin au col du mont Maudit, il me reste 40mts de paroi à gravir, en dessous les lumières des lampes frontales de mes 4 coéquipiers semblent minuscules. Dans un effort surhumain, j’arrive au col, le petit jour pointe le bout de son nez, mon binôme me félicite, de mon côté j’en ai envie de vomir tellement j’ai forcé. Nous faisons un break, la cordée de 4 arrive, tout le monde est éprouvé mais fier d’être passé. Le sang revient dans mes doigts, j’ai l’impression qu’ils vont exploser, mais je me souviens de mes expériences hospitalières passées, je vais minimiser ce moment. Nous reprenons la route par une longue traversée au travers d’un glacier très pentu, bien sûr nous sommes toujours encordés, bien sûr la vigilance reste toujours accrue. Le soleil vient enfin au rendez-vous, il nous inonde, nous rassure, nous réchauffe, la journée ne fait que commencer alors que cela fait déjà 5h que nous grimpons. Puis là, devant nous, le tronçon pour atteindre le dôme du Mont-Blanc. Le piolet est rangé, les bâtons vont être mes jambes supplémentaires. Il y a 30 cm de poudreuse et par ce côté-là, très peu fréquenté, le passage n’est pas damé. Un pas devient vite à cette altitude, un vrai exploit. Il va falloir gravir encore 410mts de dénivelé, je ne pense qu’à l’instant présent. Fred ouvre la route, je le vois aussi souvent trébucher dans la poudreuse, de mon côté c’est une fois sur deux. Mon souffle est saccadé, mais ce qui me rassure c’est que mon moignon ne me fait absolument pas souffrir. La cordée de Medhi et Thom sont devant, eux aussi avance doucement mais ils prennent un peu d’avance, je me sens diminué, mon esprit de compétiteur me mine mais je dois rester dans cet instant présent si important. Comme j’aime le dire aux sportifs de haut niveau que je croise régulièrement ou militaires de haut vol, il faut mettre le cerveau sur le côté et avancer sans gémir et trembler… 9h05, je pose enfin la prothèse au sommet du Mont Blanc, la brume nous envahit en même temps que je reprends mon souffle. Mutuellement nous nous félicitons, chacun est fier de son Bout de vie. En même moment que nous déployions la bannière « CimAlp Bout de vie » Mehdi et Thom avec leur binôme, s’afférent sur leurs parapentes ultra-lights pour s’envoler vers la vallée. Je savoure ce moment de grâce, de libération. Fred me filme, l’émotion m’emporte, les blessures du passées semblent couler par mes yeux pour s’envoler vers les cieux où reposes mes années noires. J’appelle ma chérie, c’est pour la deuxième couche…

Comme par miracle la brume s’évapore, le monde des fourmis du bas nous apparaît, cet instant est magique, sublime. Nos copains de cordées s’envolent comme des farfadets des neiges, avec leurs voiles ils seront en bas dans ½ heure. Quant à nous, il faut reprendre la route par la voie du Goûter. L’arête se dévoile devant nous, cette partie du Mont Blanc est très fréquentée, à chaque croisement, après le salut d’usage multi-langue, il faut être prudent pour ne pas être happé par le vide. Chaque pas nous délivre du manque d’oxygène, mais aussi de ce moment de privilège. Nous atteignons la cabane du Vallot, sans trop s’arrêter d’ailleurs. Le pain noir et la viande séchée sont les bienvenus cela fait déjà 10h que nous marchons. Les couches, aussi diminues. Finalement nous passons au dessus du refuge du Goûter qui ressemble plus à un vaisseau spatial, qu’à un refuge de montagne. Paradoxe de la solitude des cimes, il faut s’y prendre 6 mois à l’avance pour avoir le droit de s’y reposer quelques heures ! Au bout de l’arête nous atteignons une plateforme pour enfin enlever nos crampons, mais un autre piège nous ouvre ses bras, le pierrier du Goûter, soit environ 600mts de dénivelé dans un amas minéral qui refroidirait n’importe qui, parole de tête brûlée boiteuse. Les crampons sont pliés, rangés, ma prothèse semble s’envoler, bien qu’elle ne me fasse pas mal du tout. Par une échelle de 5 barreaux je pars en premier, le vide et les chutes de pierres se disputent la place du méchant de service. Un câble en acier inoxydable sécurise le parcours, bien que nous soyons toujours encordés. Au fil des minutes, je m’adapte aux pierriers, nous doublons même des personnes, cela me rassure sur ma sensation d’être en mode enclume ! Sur notre tribord, oups, droite, il y a une sorte de vallon de cailloux, par moment sans crier gare, des blocs se détachent et s’envolent vers l’aval, dans un bruit funeste et lugubre. Au bout de 2h de descente sans encombre, il nous faut traverser ce « maudit » vallon. Dans son job de sauveteur en haute montagne Fred à beaucoup ramasser de morts ici. Ce coupe-gorge doit être traversé à vive allure. Par sécurité, je ressors les bâtons, prend un grand souffle et m’élance à fond sur ce piège à rats. Ces 40mts de traversée, je les ai survolé sans penser à quoi que ce soit, juste : objectif passer au plus vite et sans boiter !

Nous y voilà, les dangers sont presque derrières, mais tant que nous ne serons pas dans la vallée, il me faut être vigilant et concentré. Au pied d’un glacier, j’ai envie de vérifier mon moignon, qui pour l’instant a bien résisté. Comme j’aime le faire en région polaire, je vais me servir de l’eau de fonte pour me laver un peu. Waouh quel bonheur, cela vaut toutes les salles de bains du monde. Frais comme un jeune chamois, je peux reprendre la route. Encore un immense dénivelé nous attend, je crois que c’est le refrain de toutes les hautes routes. Bien que mon moignon ne soit absolument pas blessé, des douleurs fantômes me donnent du fil à retordre. Mais je ne suis pas là pour me plaindre, pour gémir, alors mes bâtons me soulagent pour essayer de ne pas louper le dernier train pour la vallée. Une ribambelle de chamois squatte le sentier sans s’inquiéter pour autant, la montagne, ici est minérale, hostile, tueuse. Je n’ose même pas l’imaginer sous l’orage. Finalement la gare du petit train se dévoile, cela fait 14h40 que nous crapahutons dans le massif du Mont Blanc.

Une page est tournée, une belle aventure notée sur le calepin de ma vie d’aventurier à cloche pied.

Merci à l’équipe CimAlp d’avoir monté le projet. Merci Florian qui a pensé l’histoire, merci Marie la coordinatrice, merci Lionel le big Boss et merci à Fred Souchon d’avoir eu la patience et la maîtrise de m’avoir guidé dans cette magnifique aventure.

Vous êtes des milliers à suivre les aventures d’un cabochard boiteux et têtu, je vous en remercie du fond du cœur, vous êtes ma force. Un remerciement aussi à ma belle Niviarsiaq qui m’a beaucoup épaulé, soutenu, écouté, soigné…

Vive la vie…

A pluche comme dirait ma mascotte Jo Zef !

 

 

Mont Blanc jour J

29 août 2019

Le sablier du temps qui passe ne cessera donc jamais ? Il y a une semaine je quittais ma terre d’adoption le Groenland, 7 jours après je me retrouve à quelques heures de l’ascension du Mont-Blanc.                                                                                                                                                                                       Entre temps j’ai changé de prothèse, je peux vous dire que je revis. Entre temps j’ai retrouvé mon amoureuse, trop brièvement à notre gout. Entre temps je me suis mis en mode « alpiniste » qui a le pas boiteux !

 Quelques semaines, juste avant mon départ pour le Grand Nord,mon équipementier CimAlp me proposait l’ascension du Mont Blanc en même temps que la course mythique UTMB couru par leurs athlètes Laure et Florian. Comment refuser, comment ne pas être tenté par cette aventure. Bien-sur je sais que c’est une autoroute, 25000 personnes le grimpent par an, cela m’en donne le tournis.

 Alors j’ai tenté d’oublier le silence du Groenland pour faire face à nos pauvres montagnes câblées, balafrées. La météo pas trop favorable, m’a offert quelques jours de rab pour récupérer et m’acclimater. Ce qui m’a permis de partir sur des chemins escarpés, pour savoir si mes plaies étaient bien refermées, si ma prothèse plan B pouvait supporter une telle ascension. La réponse est quasiment positive, ce sera du 90%, alors pourquoi se plaindre. Mais entre vous et moi j’ai dû surmonter bien plus qu’une pauvre boiterie.

 En pratiquant une rando qui m’a fait prendre de l’altitude, j’ai emprunté un sentier balisé. Haut dessus de ma tête un vieux glacier paraissait mourir, je lui causais de la calotte du Groenland. Il m’a confié qu’il y a très très longtemps il en faisait partie lui aussi. Puis au-delà des 2500mts, les arbres se sont raréfiés, la toundra alpine m’a coupé la route. Sous mon pas de carbone je retrouvais avec joie des tapis de myrtilles, des champs de linaigrettes cotonneuses, des Niviarsiaq alpines, des camarines. Les marmottes avaient remplacées les phoques annelés mais hélas mille fois hélas le silence n’existait plus. Impossible de ne pas entendre une remontée mécanique, impossible de ne pas sursauter aux bruits des randonneurs qui ne savent pas se taire. Une immense tristesse m’envahissait, des larmes mes montaient aux yeux. Mes frères ne se rendaient plus compte du mal qu’ils semaient et à quel point ils s’étaient déconnectés de la Nature. Cependant je me reprenais, ma mâchoire se serrait, et mon pas m’emportait à mon objectif. Une colonie bruyante me suivait de prés, un caillou perchoir me tendait son promontoire pour une excuse café mais surtout pour les laisser passer… Au bout de 10’ je reprenais ma route, la langue du glacier devenait imposante, pourtant il me semblait l’entendre gémir. Le dénivelé s’intensifiait, la moraine imposait une marche plus précise, certains passages étaient sécurisés par des mains courantes toutes rouillées, témoignage du flux d’alpinistes fréquentant les lieux. Puis un homme au pas lent qui descendait, croisait mon chemin, son allure m’intriguait. Quel âge pouvait-il avoir ? Je lui laissais le passage, quant à ma hauteur, je lui offrais le bonjour d’usage en montagne. Son visage buriné par la vie alpine laissait deviner de longues courses engagées depuis bien longtemps. J’osais lui demander son âge. 4 fois vingt ans plus quatre ! Nous papotions tranquillement, quand je remarquais que ses chaussures montantes n’étaient pas bien lacées. Un peu gêné il me confiait qu’il n’était plus assez souple pour pouvoir le faire seul. Avec son autorisation, je posais genou à terre pour les lui refaire. Un grand sourire me remerciait, puis il me dit que j’étais vraiment différent. A mon tour je lui souriais en lui affirmant la chose et levais mon pantalon pour lui dévoiler ma différence. Ensemble nous nous mettions à rire en silence. Une belle poignée de main chaleureuse nous faisait reprendre nos chemins respectifs…

Cette rencontre m’a réconcilié avec les êtres humains, cette rencontre m’a redonné un peu de baume au cœur et du coup je voyais un peu moins les balafres que les alpes recevaient des hommes.

L’équipe CimAlp est aux petits soins pour moi, dans quelques heures je vais partir sur le toit de l’Europe, ce sera une ascension nocturne. Des mots s’envolent, des souvenirs vont se graver, des pas vont s’emboiter.

 Partir vers les étoiles avant que le jour se lève, partir sous les étoiles avant que mon dernier jour n’arrive, partir avec les étoiles en emportant le sourire de l’être aimé, partir vers les étoiles en demandant aux esprits de la montagne d’être indulgent avec le fou boiteux mais libre comme le vent…

Vive la vie.

Takuss

Entre Kangerlussuaq et Copenhague..

23 août 2019

 Rédigé entre Kangerlussuaq et Copenhague.

La terre de Nanoq est dans le sillage de l’airbus d’Air Greenland, devant lui  la fourmilière des gens qui courent, la nostalgie s’empare de mes émotions. L’été groenlandais est bien fini pour moi, c’est déjà inscrit au rayon souvenir. Pendant ces quelques semaines, j’ai eu le bonheur de vivre au pays du silence. En vrac des images me reviennent.

Je me souviens du banc au dessus de la cabane où avec Marie-Noëlle nous étions assis. De loin Steen nous avait vu, il s’en allait donner du phoque à ses chiens sur une petite ile à quelques encablures d’Oqaatsut. Mains dans les poches, sa démarche était au ralenti, comme tous ceux du village. Pourquoi accélérer le pas, ici le temps présent n’aime pas les gens pressés. J’aurai parié un bout de peau de baleine crue qu’il ne viendrait pas nous voir ! Eh bien non ! Avant d’attaquer la grimpette herbeuse, il s’arrêtait pour dessiner avec ses mains dans les nuages un grand cœur et venait s’asseoir à nos côtés tout en silence. Pas un mot, à peine un regard, il était à portée de prothèse heureux d’être avec nous. A sa manière il voulait nous témoigner de son amitié sincère, de sa joie de me voir enfin accompagné.

De cet été je me souviens aussi, de ces bivouacs sauvages où toute la nuit phoques et baleines nous ont pratiquement empêché de dormir. Il nous semblait que la Terre nous appartenait.

Je me souviens aussi de ma nage polaire pour aller récupérer notre petit bateau qui c’était fait la belle au milieu de la baie. Je peux vous confier que je n’étais pas fier et que le grand Nanoq, certainement caché derrière un iceberg, devait bien rire de me voir nager en slip mais avec mon bonnet à pompon vissé sur ma calvitie.

Nous nous souviendrons, ma Niviarsiaq et moi, de la rencontre du voilier Lifesong, avec Emmanuelle et son mari Christophe, de leur marin Pierre et du tout petit matelot âgé à peine d’un an qui refusait d’échanger sa belle voiture contre un oursin ouvert. L’aquarelle est encadrée dans notre maison. Quant à la soirée pizza, j’avoue que j’ai un peu honte d’en avoir repris plusieurs fois, mais vraiment plusieurs fois !!! On va se revoir.

Je me souviens encore de mon émotion quand les 6 jeunes de l’aventure Niviarsiaq 2019 débarquaient sur le tarmac de l’aéroport d’Ilulissat et de mon émotion profonde quand ma chérie rentrait chez elle. Christian, le capitaine du drakkar et mécène du projet, prenait la place de Marie-Noëlle, enfin presque !!! (rire).

Je me souviens de la tête des jeunes quand il découvrait la rudesse du skipper de la Louise, je sentais au fond d’eux un grand désarroi.  Puis ils comprenaient enfin le personnage et pouvaient se détourner de ses réflexions pas toujours adroites.

Je me souviendrais toujours quand je proposais une baignade polaire à toute l’équipe, il fallait voir leurs têtes. Mais ne sont-ils pas des guerriers, alors ils ont ôté leurs prothèses pour graver un sacré bout de vie. Ils ont compris la valeur du mot handicap. La personne handicapée est celle qui dit qu’elle ne peut pas faire les choses…

Je me souviens des satanés « écureuils polaires », ca c’est notre secret… Iceberg in bocca !

Je me souviens de leur départ, leurs larmes m’ont beaucoup touché, heureusement que « mes » belles baleines m’escortaient pour rentrer à la petite maison bleue qui me semblait bien vide.

Je me souviendrais aussi très très longtemps de cette maudite prothèse qui m’a labouré le moignon pendant tout ce temps. Encore un coup des qivitoqs. Et dire que pendant 10 jours avant le départ elle était juste parfaite !

Voilà l’été groenlandais est fini, je ne peux pas tout vous dévoiler. Je vais prendre le temps de lire vos commentaires et peut-être d’y répondre. Pour certains vous m’avez bien fait rire.

 -Mais je n’en sais rien s’il y a moins de glace, cela ne fait que 12 ans que je vais au Groenland !  L’eau de mer était à 4° et dehors c’était caniculaire avec des pointes à 15°…-

Encore merci à vous tous, vous êtes sensationnels. Pour ceux qui ne le savent pas encore ma page FaceBook Frank Bruno Officiel est remplie de photos de cet été.

Ce week-end je vais me reposer avec ma chérie, pour rejoindre dès lundi la vallée de Chamonix et tenter l’ascension du Mont-Blanc mardi. Mon équipementier CimAlp (cliquez sur le lien) me l’a proposé, comment aurais-je pu refuser. Je serai muni de ma vieille et bonne prothèse la nouvelle va aller à la refonte et nous allons prendre le temps de m’en faire une sur mesure pour de prochaines aventures. N’est ce pas Angélique, Véronique et Ludo .

Les plans 2020 sont nés pendant cette période groenlandaise, je crois qu’il va y avoir encore du passage à la petite maison bleue du Groenland.

Takuss