Tel le Phoenix qui renaît de ses cendres…

30 août 2018

Un bouquet de Niviarsiaq en hommage à la Liberté…

 

Tomber encore, se relever toujours, ok ça c’est l’adage ; mais encore faut-il une fois debout se remettre à marcher et avancer. Nous n’avons pas le choix, ma résolution est simpliste peut-être, je désire m’abandonner sans retenue sur le sentier de l’amour universel.

Bien sûr, je n’emprunterai plus le même chemin qui m’a mis le genou à terre. Se servir des échecs comme d’une chance sans retourner d’où l’on est parti.

Pour ma part, j’ai choisi de suivre la lumière. Se servir du passé comme un phare qui guide et non d’une baie où l’on se cache. Einstein disait : « la vie, c’est comme le vélo ; pour garder l’équilibre il faut avancer ». Cette expérience groenlandaise m’a mis sur une sacrée route, je n’y ai vu au départ qu’injustice et noirceur mais soudain tout s’est éclairé.

 Nous sommes en permanente formation, nous sommes dans une école où les professeurs ne sont pas toujours très délicats, mais l’enseignement n’est pas une chanson de Casimir dans l’île aux enfants. Il nous faut rester dignes et surtout comprendre les leçons. La vie dans un minuscule hameau Inuits a sa part d’enseignement aussi. Ici on est quasiment transparent, le villageois ne perd pas son temps en dialogues qui ne servent à rien. Je me souviens de soirées dans le sud, où je me posais la question : mais qu’est ce que je fous là ? « Blablater » pour ne rien dire, pour qu’aucun frisson n’en sorte. Je ne suis pas dur, ni amer, mais constate l’abysse qui nous sépare entre le pays du silence et celui des « autres » sans vibration.

Apprendre le silence, ce fût ma première leçon. Il est dur par moment de ne rien dire quand on est en manque d’échange, mais en vérité j’avais occulté le frissonnement, l’intention de l’âme et cela faut bien plus qu’un long discours qui n’a pas de sens et de profondeur !

La vie groenlandaise se mérite, les flemmards n’ont pas trop leur place au pays d’Aputsiaq. Ici, j’ai travaillé sans relâche en silence, seul sans demander la moindre aide, il m’aura fallu du temps pour comprendre qu’ils m’observaient, en se demandant comment le petit blanc boiteux allait s’en sortir. Puis des sourires m’ont réchauffé, m’ont fait du bien.

A mon départ je suis allé voir Steen, il a senti sans que je lui explique, sans le moindre mot. Nous nous sommes étreints et subitement nous nous sommes mis à pleurer. Je lui ai donné des victuailles et puis j’ai tourné les talons pour rejoindre mes potes qui étaient déjà sur le bateau… Whaou quelle sensation, là, en un claquement de doigts je me suis senti, Homme, la liberté m’a emporté, elle m’a pris dans ses bras, je sais que je ne suis plus seul. Les projets naissent en cascade, vos messages abondent, une brève connexion sur le net a fait rougir mes joues déjà tannées par la glace.

Alors, je comprends à peine pourquoi j’ai acheté cette maison si loin de ma culture, pourquoi je tente de restaurer une cabane qui n’a plus d’âge. Oui, doucement le brouillard s’évapore, les « qivitoqs » se cassent les dents sur tout l’amour que vous m’envoyez, deviendrais-je immortel ? N’ayez crainte, la mort va venir pour moi aussi, mais depuis peu je ne suis plus pressé !  En rentrant je vais lézarder au doux soleil Corse, m’occuper de ma petite cabane, retrouver quelques potes et reprendre ma marche en tant que donneur d’espoir.

Deux conférences de hauts vols, la présentation de mon dernier film aux Ecrans de l’aventure et certainement d’autres événements m’attendent, j’adore les défis, je vais me régaler. Puis il va y avoir des stages de survie en novembre et en mars, puis un nouveau, mi-décembre en mode survie-mer. Surveillez mon blog, les infos vont être très vite mises en ligne.

Je n’ai pas de conseil à vous donner, je ne veux pas moraliser qui que ce soit, j’écris comme je pense à l’instant présent. Nous vivons dans un miroir, à nous d’avoir le courage de nous regarder droit dans les yeux ; essayez, osez, tentez l’aventure ! N’ayez pas peur, au départ vous allez y voir des ombres, des facettes de votre vie qui ne vont pas vous convenir. Certains se trouvent ridés, vieux, fuyants, puis avec un peu d’humilité les ombres disparaissent, les stigmates de nos souffrances s’envolent, plus besoin de botox et silicone, la vie en se regardant dans les yeux est régénératrice, elle vaut toute intervention chirurgicale !

Je n’aurais jamais pu croire avoir autant de force. Comme l’arbre qui perd ses feuilles et qui se fait élaguer, la sève de la vie m’enivre, me fait tourner la tête… Yes I’m a Freeman bien plus qu’avant.

Vive la vie.

Une étoile de plus dans la cabane…

Au pied du glacier Eqi

D’ombre et de lumière

Le courage…

8 avril 2018

 

Très souvent à la vue d’une personne un peu « différente », mais qui a envie de vivre, les « autres » la définissent comme courageuse. Une maladresse, une incompréhension qui peuvent irriter, voire bloquer à jamais certains. L’une des définitions du courage, version dictionnaire est : (dérivé du mot cœur) il est une vertu qui permet d’entreprendre des choses difficiles en surmontant la peur, et en affrontant le danger, la souffrance, la fatigue. Depuis l’Antiquité et dans la plupart des civilisations, le courage est considéré comme l’une des principales vertus, indispensable aux héros. Son contraire est la lâcheté. Chacun son avis sur le sujet mais cette définition ne me convient pas.

Vivre coute que coute n’est pas du courage mais une ferme volonté de vouloir continuer à vibrer, à respirer et à croquer la vie. Un accident, un abandon, une maladie, nous plongent dans les ténèbres. Tout s’écroule, les plaies sont béantes, purulentes. Perdre un membre de son corps, de sa famille, être rejeté, bafoué par ses proches, sont des chocs émotionnels d’une grande violence qui nous rendent la vie difficile, voire impossible, mais la machine humaine est bien faite, bien pensée. Il faut un temps certain, une phase d’adaptation plus ou moins longue pour stocker ces informations en les enfouissant au plus profond de nos âmes. Mais ces données sont en nous, difficiles, impossible de les jeter, elles rodent. Un moment de bonheur intense, une fraction de sourire et on ne sait d’où, elles peuvent apparaître avec leur lot de souffrance et d’images qui font de nouveau mal. Alors nous n’avons pas le choix, il faut prendre une bonne inspiration et relever la tête, redresser les épaules et reprendre pied pour ceux qui en ont encore ! Avancer sans se retourner, car la vie est un cadeau qui ne se conjugue qu’au présent. Le courage ce n’est pas d’aimer la vie, le courage ce n’est pas la volonté de découvrir de nouvelles limites, le courage ce n’est pas de se lever le matin malgré le poids de nos blessures sur nos épaules meurtries. Le courage est tout autre, il est une perle rare à notre époque, l’égo l’a assassiné et quand il apparaît, il semble inaccessible. Un gendarme vient de sacrifier sa vie pour en sauver une autre, acte courageux, décision héroïque où le Moi a laissé sa place pour un Nous universel. L’altruisme est courage, l’envie de vivre est naturelle. Attention vouloir sauver le monde n’est pas sans intérêt, aider les autres et une manière de s’aider soi –même. Soigner les autres c’est se sauver un peu aussi. L’acte de courage n’est pas une décoration, c’est une action instantanée qui défend des vies, une décision bien pensée où l’on s’oublie pour réaliser l’impossible. Donc vivre avec une blessure n’est pas un acte de courage, il est juste une logique de vie. La personne qui a eu la chance de passer à travers les mailles des drames, voit en une âme blessée qui s’acharne à vivre un acte héroïque mais il n’en est rien. Traverser un torrent en cru sur une seule jambe avec des béquilles n’a rien d’un acte de courage. Croire en un nouvel amour alors que les échecs se sont succédé n’est pas un acte de courage mais de vie. C’est le test d’un nouveau point de vue de vivre, c’est ouvrir une porte fermée qu’on pensait verrouillée. Un orphelin, un handicapé, sont vivants aussi, un gamin de la DDASS a un avenir, mais ce n’est pas du courage qui leur faudra mais une motivation, un but avec quelques rencontres. La vie est un bien précieux, qui par moment se cache derrière un nuage noir, mais qui dit ombre dit lumière, alors soyons «fêlés » et laissons passer le premier rayon de soleil, il nous semblera incroyablement bon, doux, chaud.

La vie nous malmène, le remède miracle pour vivre n’existe pas, le seul cachet qui apaise s’appelle Liberté, attention aux médicaments générique, Liberté ne peut être cloné…

…Vive la vie même avec des nuages                                                                                                                                     Vivre ce n’est pas du courage…

Violence et habitude

2 octobre 2017

Voilà bientôt 3 semaines que le Groenland n’est plus qu’un souvenir, je suis revenu dans ma belle cabane cachée en Corse, 21 jours à reprendre pied et à observer « mon » Monde. Ces 3 mois dans ma bulle, m’ont dépollué, m’ont ôté ce trop-plein d’information qui rend dingue. Si je devais définir ma sensation sur « ma » société c’est que la violence est devenue une habitude, un mode de vie. Le fanatisme prend son temps et il s’installe à tous les étages de la tour de Babel. Le sang est versé, les guerres se succèdent, la radicalisation endoctrine, le nationalisme monte des barricades sur des lits d’hémoglobine, mais il y a aussi la violence des petits, plus pervers. Pour une faute d’inattention, un doigt tendu est brandi, pour un avis différent les mots s’envolent en devenant gras et rugueux. La petite ménagère en un claquement de doigt se mue en monstre de grossièreté. Nous voulons tous, notre liberté, cela fait partie des quelques mots-clés à la mode, au même titre que zènitude, bio, silence, partage mais au fond de tout ça une détresse immense provoque le chaos. De nature optimiste, pourtant des questions me sont sans réponses. En 3 mois de vie monacale polaire, j’ai retrouvé ce que mes précédentes aventures m’avaient apportés. Et le retour me plonge dans une grande tristesse. Steven Hawking, le célèbre physicien américain, ne donne pas un siècle à notre civilisation avant le grand boum mais pourquoi un tel pessimisme ? Plus personne ne sait ouvrir les yeux, plus personne ne veut ouvrir ses sens et reprendre pied avec la seule vérité, la Nature, qui nous supporte depuis si longtemps. Nous vivons dans un monde violent, où on a érigé la possession – d’argent, de biens, de pouvoir – au rang de but suprême. D’où le développement de peurs et de frustrations, qui génèrent la colère, qui génère la haine, qui génère la violence … Mais peut-on lâcher ce mode de vie ? Peut-on déjouer l’issue fatale, ensemble on le pourrait, mais nous devons tous revoir nos priorités, rabaisser notre fierté, ouvrir nos cœurs aux autres, à ceux que l’on ne connait pas. En se renfermant on ne peut le découvrir et ces replis laissent place au refus qui engendre la violence. Alors tout est foutu me diriez-vous ! Non il y a une part d’espérance, il y a une petite lumière qui vacille au bout de l’horizon mais bien plus que la volonté c’est une immense motivation qu’il faut trouver. La plupart des médias vous programment des nouvelles noires, sanglantes, tout ça en boucle, les chaînes d’infos en font leur fonds de commerce. Le drame fait vendre, les catastrophes gonflent les audiences, le cerveau est plus attiré par le négatif que le positif. Mais tout ça peut-être changé, la route n’est pas tracée, devenons les explorateurs de nos vies sans se laisser polluer par les forces obscures. Une vie est unique, hélas trop peu s’en souvienne. Mes baroudes au bout du monde me rendent optimistes, j’ai rencontré d’autres freemen et freewomen des personnes de la « vraie » vie. Ceux qui ont compris la puissance d’une fleur qui s’ouvre, la force d’un rayon de soleil sur une banquise du Grand Nord, de la beauté sur la migration d’un tout petit oiseau polaire. Ce que vous ne voyez plus est bien plus important que ce vous brandissez avec force. Un drapeau qui flotte n’aura jamais la force d’une feuille d’automne parti à la recherche d’un sol pluvieux. Un missile n’est rien en comparaison d’un alizé soutenu qui court le tropique du Capricorne. Le rire d’un enfant à bien plus de raison qu’un long discourt politique fastidieux. Notre vie, notre Monde nous appartient, à nous d’en faire un lieu eternel, les natifs du Grand Nord disent : La Terre ne nous appartient pas elle nous a été prêté par nos enfants.

Epilogue Kiffaanngissuesq

15 septembre 2017

Le quart d’une année s’est écoulé, 3 mois d’aventure, 90 jours de baroude, des pierres blanches posées sur la route sinueuse de ma vie parfois ténébreuse. Plus qu’une expédition, ce fût un chemin de croix version polaire. Si chaque soir j’ai réussi à transmettre un journal de bord ce ne fut que le bout de l’iceberg qui apparaît, les 9/10éme ne se voient pas. Je n’ai pu l’écrire, je n’ai pu le partager, trop enfoui au fond de mon âme meurtrie, trop ancré dans mes cicatrices affectives. Le retour est toujours très violent, le bruit, la foule, la chaleur, le téléphone… mais le mot-clé est : s’adapter. Un décrochage volontaire de ce qu’est fait le quotidien de vie en région du sud. Aucune information de l’extérieur ne m’a heurté, aucune possibilité de savoir, une vie dans une bulle face à une nature immense avec la rencontre rare d’hommes et de femmes qui eux aussi sont isolées de la fourmilière. Quand tu as fait ta journée de kayak, monté le camp, écrit les quelques lignes de ton journal de bord, grignoté les restes d’un paquet de nouilles chinoises et réparé ce qui était réparable, le vide, le silence, l’ennui s’installaient à mes côtés. Je les ai détesté, je les ai écouté, puis je les ai apprécié. Sacrés conseilleurs, qui t’ouvrent les yeux, sur ta vie. Quand je pensais à « mon moi » d’en bas, je me disais que cette existence méridionale n’était plus mienne, que jusqu’à présent je m’étais trompé de route. Puis, après une nuit de repos, entrecoupée d’écoute du vent sur la tente, de pas d’une bestiole en quête de nourriture, le sud me revenait plus cool, moins pervers. Alors je poursuivais mon « catenaccio » ! L’avantage de vivre de cette manière, c’est que tu démontes tout ce qui semble acquis, tout est remis en question et d’un coup tout devient clair comme de l’eau d’iceberg fondu dans une gamelle au soleil. Tu ne peux te mentir, encore moins à tes semblables, puisque tu es seul, tu essayes de ne pas juger, de ne pas penser au pourquoi des autres. Par moments pourtant, ma petite île estivale et son invasion me revenait en tête, l’incompréhension me montait à la gorge. Mais fallait-il être complètement dingue pour s’entasser à paquet sur une terre brûlée par la sécheresse. En Europe fallait-il avoir perdu pied, pour que les hommes s’entre-tuent lâchement à ce point ! L’égo, les œillères, le manque de lucidité par une fausse surinformation, la perte de repère, rendaient mes semblables comme les ammassat (capelan), qui viennent mourir en masse sur les plages du Groenland fin juin sans savoir pourquoi, justes guidés par l’instinct. Mais si les animaux ont ce don, l’homme, l’a depuis longtemps perdu, l’habitude est venue son moteur, les écrans, ses images de référence. Alors je revenais sur « mon moi » et poursuivais ma route, en me moquant gentiment des « autres », mon Dieu qu’est ce que j’étais hilare parfois. Si une immense plage devenait le camp du soir, dans ma barbe je riais à n’en plus finir, pas un parasol, pas la moindre odeur nauséabonde d’ambre-solaire, les paillotes à touriste manquaient à l’appel, juste des traces d’animaux en vadrouille, des restes d’ossement et une tente seule au monde. Vivre en ne pensant qu’à l’instant présent, car le futur est trop fort, trop insurmontable pour qu’on puisse, ne serait-ce qu’une seconde, y penser ! Cette vie à la minute en se disant, là, maintenant, je suis bien. La déferlante, le courant contraire, les averses de neige, la glace qui bloque la route, la crasse qui ne te lâche plus, un quotidien de gladiateur, certes, mais qu’est-ce que cela fait grandir. La moindre miette de vie, devient spectaculaire, le moindre oiseau qui se pose à portée de prothèse vaut toutes les chansons d’amour de la planète. Au bout d’un temps les aléas deviennent ton quotidien, ils prennent moins de place. Un ruisseau devient une salle de bain 5 étoiles, une brise de sud-ouest chassera les nuages de moustiques, une morue trop curieuse t’offrira un repas de milliardaire. La vie simple devient sublime, les petites choses sont enfin appréciées. Les mots me manquent pour vous décrire ces 9/10éme d’iceberg. Un tsunami m’a coupé la route, il m’a appris à dire non, d’ailleurs sans lui très sincèrement je ne pense pas que j’aurai continué, de toute façon je ne le saurai jamais. Le retour sur mes pas a été salutaire, encore une leçon de vie. A l’aller j’avais peur de l’inconnu, au retour malgré le manque de nourriture seul les vents contraires m’ont gêné, le reste était plus facile. Lire la mer, comprendre la glace, là –haut il me faudra une vie pour apprendre. Mon arrivée au village d’Oqaastut fut spéciale, un mélange de soulagement et une folle envie de poursuivre ma vie de nomade, mais la raison m’a fait poser mon sac. 42 habitants qui d’un coin de l’œil ont observé sans juger, le blanc boiteux s’installer. Ici on ne te cause pas pour rien dire, même se serrer la main c’est un « truc » en trop. Chacun survit en harmonie avec la saison, ici pas de printemps, ni d’automne. Un été de 4 à 5 semaines et le reste c’est un hiver qui forge les hommes. J’ai dû apprendre le protocole local, à mon tour j’ai beaucoup observé pour comprendre, je n’avais pas le choix puis par moments des contacts m’ont apaisé, j’ai appris à être silencieux, a ne pas parler fort, à cultiver le mutisme dans la conversation, mon comportement à du les convaincre que je n’étais pas un conquérant et que je ne le serai jamais… Ces 3 mois se sont envolé, j’ai eu la joie de les vivre intensément, je vais y retourner car j’y suis bien, la remise en question quotidienne m’est bénéfique, les chemins faciles m’ennuient, le confort a le pouvoir de nous ramollir, là-haut c’est une existence de Free-man, sans contrainte.

Avant de refermer ce livre, des partenaires fidèles et amis m’ont permis cette expérience et je tenais à les remercier.

Merci à Columbia, qujanaq Charlotte. Merci à Nautiraid, qujanaq Véronique. Merci aux Glacières d’Ajaccio, qujanaq Pasquale et Pierre-Marie. Merci aux centres de prothèse Lagarrigue, qujanaq Alain et Ludo.  Merci à 66° Nord, qujanaq Quentin. Merci aux mécènes qui veulent rester dans l’ombre. Merci à France Bleu RCFM, qujanaq Jean-Charles. Merci à Audrey, web-sister du journal de bord. Merci à Corse-Matin, Qujanaq Nadia. Merci à Patrick, animateur du groupe facebook Boutdevie. Qujanaqsuaq, Julien, Charlotte, Ben, Steen, John, Ole, Bertheline, Brieuc, Sigvard, Zia, aux chasseurs et pêcheurs inconnus qui m’ont offert le kaffi (café) et un morceau de viande…

 Qujanaqsuaq à vous tous qui m’avez envoyé des messages de soutien, merci du fond du cœur… Je vous à dis très vite pour de nouvelles aventures Bout de vie.

La vie n’est pas que la réalisation de ses rêves, la vie est une succession d’émerveillement à nous d’en être les chercheurs, puis les preneurs…             

KIFFAANNGISSUESQ (homme libre)

 

Le retour

11 septembre 2017

Le petit village d’Oqaastut est déjà dans mon sillage, en transit à Ilulissat, les avions , qui d’avance ont déjà du retard ,vont me mener vers une autre cabane, où je vais retrouver avec joie tous mes potes et peut être encore de la chaleur. Darwin disait: Ce ne seront pas les plus forts, ni les plus riches qui survivront mais ceux qui s’adapteront.  Cette leçon est ma devise depuis bien longtemps alors je vais m’adapter à une existence méditerranéenne, le soleil, l’eau de mer chaude et le monde un peu partout, mais c’est aussi ça la vie, alors j’y vais en chantant. Ce soir le temps me manque pour vous dire merci de vos messages, de votre soutien, régulièrement vos missives m’arrivaient par mail satellite, cela me faisait souvent sourire, cela me réchauffait quand la solitude et le vent du nord me glaçait les os,  je suis heureux et fier que cette aventure fût aussi un peu la vôtre. De ma cabane en Corse je vous ferais un petit briefing de ces 3 mois passés en terre Groenlandaise.

Takuss

Pêcheur de morues polaires…

2 septembre 2017

 

Il est là, cela faisait tellement longtemps que l’on ne l’avait vu, toujours est-il qu’il faut le prendre tel qu’il est, froid et discret. Ce rayon de soleil matinal est le bienvenu, il rendra moins gris mon état d’âme, l’appel du large est bien trop fort pour me laisser à terre. Depuis juin, quelques poissons améliorent mes repas, morues, rascasses polaires, truites arctiques pour les lacs et rivières. Mais une grande question est enfin élucidée ! Régulièrement des pêcheurs seuls partent en mer quelques temps et reviennent avec des caisses pleines de morues, sans aucun filet, nasse ou gros système. A force de trainer sur les pontons sans rien demander à qui que ce soit, honneur oblige, j’ai procédé à de l’espionnage ! En fouillant le vide sanitaire de la maison qui est un mélange de dépotoir et de vestiges du passé, une vieille ligne m’est apparue. Hier soir à la lueur d’une bougie et de ma frontale, je l’ai remise en état, il suffit d’essayer. La petite barque qui m’est prêtée est vraiment bénie des Dieux des mers et des océans, cela me permet d’être libre sans devoir quémander à qui que ce soit.  La brise du nord est déjà soutenue, ma grosse combinaison encore toute neuve va me protéger de ce froid polaire. Toutes les montagnes sont blanches comme le seront les Alpes cet hiver, à la différence qu’ici on est encore en été ! Je prends la direction du nord, je n’aurais qu’à revenir avec le vent dans les fesses. En face, l’immense île de Qeqertasuaq me semble très proche, le vent du nord rend le ciel pur, ses montagnes sont majestueuses. Dans le ciel, le spectacle est aussi magique, des escadres d’oies en formation rejoignent le sud, l’hiver n’est plus très loin. Leurs cris me touchent, elles semblent me saluer, trop poète pour rester insensible, je leur crie : bonne chance ; heureusement que je suis seul en mer ! Une grosse houle de nord-ouest rendrait bien malade du monde, le courant semble faible et la pointe d’un cap me semble le bon spot. Ma longue ligne munie d’un leurre en forme d’ammassat (capelan) est très lourde, elle emporte vers le fond une série d’hameçons, tous munis de gaines en plastique fluo qui attireront les curieuses. A peine au fond que ma ligne se tend, coup double. Sans me presser, à mains nues, la palangrotte rejoint le bord, deux belles morues sont déjà à bord, cela me présage une bonne pêche. A chaque fois, je remets mes « belles » à l’eau, elles garderont un petit trou sur la lèvre, en souvenir d’un pêcheur corsé ! En moins d’une heure, une trentaine remonteront à mes côtés, une seule aura la « chance » de déjeuner avec moi.  Le vent du nord prend de la force, le blizzard me frigorifie les mains, pourtant je suis heureux, seul en mer. Entre les glaçons, je retrouve le petit ponton, les moutons sont déjà là, il est temps de se mettre au chaud. Avant de retrouver la douceur de la cabane, je passe à la supérette, voir si les œufs sont enfin arrivés. Le magasin est seulement livré par la mer, et hier le grand bateau de l’Artic-Line a fait relâche, Jo Zef est rassuré, les crêpes vont pouvoir se faire, ouf !

A pluche

Retrouvailles

17 août 2017

Depuis une semaine, la cabane est en transformation, en grand nettoyage estival… Il n’y a pas d’histoire sans fin, sans début, sans rire, sans inquiétude. La vie est une croisière où l’on se croise et depuis plus de 2 ans, j’ai croisé la route d’une belle plongeuse professionnelle qui est devenue ma compagne de vie. Elle là-bas, moi ici dans mon rêve polaire. Il est difficile de vivre par intérim une histoire engagée, qu’est une expédition en solitaire. Sur zone, on gère tant bien que mal, mais loin derrière son écran, le quotidien est inquiétude et questions.
 
Depuis hier, Karin a fait le voyage pour poser son sac, ici à Oqaatsut. Il nous semble que cela fait une éternité que nous ne nous sommes pas vus, mais pourtant, c’était hier que je la voyais partir d’Ata, me laissant face à une immense montagne à gravir. Mes peurs, je les ai contrôlées plus ou moins, mais elle, là-bas dans le brasier Corse, elle a tremblé pour le dingue de liberté, pour le fou de nouvel horizon. Un Freeman ne peut être enfermé par des raisonnements et des principes. Comment expliquer mon choix de vie, comment lui raconter les silences, comment lui offrir la Grande iberté ? Une manière simple pourtant, est à mes yeux la seule solution : partir avec elle pour quelques jours de mer loin du village. Quitter le confort du poêle à
pétrole qui chauffe et assèche la cabane, loin du «facile», pour une prise de contact forte et immédiate avec la nature si immense ici.
 
Aujourd’hui, l’hiver semble vouloir nous tester, juste derrière les berges du golfe, les premiers flocons saupoudrent les cimes, un petit 2° est à l’affiche de la fenêtre en bois. Une pluie fine, un crachin breton, emmitouflent nos pas dans une toundra qui a souffert de sécheresse. Pour la première fois dans
l’histoire du Groenland, au sud d’ici, un feu de toundra a ravagé plusieurs hectares, chose extrêmement rare à cette latitude boréale. Plutôt que de rester enfermés, nous sommes allés à la cueillette du dîner. Les bolets sont
à portée de main, de grosses myrtilles nous régalent le palais et le thé du Labrador abonde pour un quatre heures aux petits biscuits. Puis, en bordure de mer, grâce au vent du Sud, nous avons récolté assez de morceaux d’iceberg pour l’eau de table…
 
Le kayak de Karin, Apustiaq est resté en Corse mais gentiment Quentin, le gérant de l’agence de voyage 66° Nord, spécialisée en voyage en région polaire, lui a prêté un de ses kayaks. En retour, nous avons une lourde tâche, il faudra baptiser cette nouvelle embarcation qui va rester ici au Groenland…
 
La tournée du village est simple. Je sens les habitants ravis de me voir enfin accompagné. Ici l’enthousiasme latin n’est pas de mise mais les poignées de main ont été très cordiales, ce qui démontre une super intégration. Réglage fini sur le kayak, nous retournons au chaud, laissant dehors notre escorte de «motoneiges» sur pattes, qui a profité de notre balade pour se rouler dans toutes les plus belles flaques de boues qui se présentaient à elle !
 
Jo Zef et Norra ont décidé eux, de rester garder la cabane !!!

Torssukatak le géant

27 juillet 2017
 
Le coefficient de marée est très haut en ce moment et ce matin il me faut remorquer Immaqa sur 40 m jusqu’à l’eau. Le chariot, une fois de plus, est en avarie, décidément c’est un vrai gadget de plage. Je récolte toujours les petits «trucs» qui peuvent servir et c’est encore le cas, c’est reparti comme « neuf ». Mon matelas de sol est HS aussi, dans le groupe de Xavier, le Docteur Suisse qui m’a « ausculté », un jeune rentre au pays, son matelas va continuer le voyage à mes côtés. Jo Zef se demande si une tablette de chocolat ne serait pas oubliée par hasard !
 
Qeqertaq est déjà derrière. La forme est revenue, ça c’est bon pour le moral alors cap vers la côte occidentale d’Agdlutoq, mais avant ça il y a le titan Torssukatak à traverser, un déversoir à icebergs avec des vents catabatiques toujours capricieux. Pour le rejoindre, je vise le cap Nua qui est la porte du puissant détroit. Le vent d’est me prend à contre pied, tiens je connais la musique ! Puis le cœur serré, j’attaque les simples 5 km de traversée, la glace est quasiment absente, mais le vent lui, veut causer au p’tit kayak rouge. Je me cale et fais le vide dans ma tête de mule, il me faut le traverser et c’est tout. Le vent est constant de 15nds puis des rafales frisent les 25nds, une vraie partie de bras de fer. Au bout d’une heure, il me semble deviner des « souffleurs », oui les baleines sont en plein déjeuner, krill à volonté. Ce n’est pas trop mon cap mais je tente l’approche, la force du vent faiblit, chouette je vais à leur rencontre. 10’ pas plus et là un ventilateur est mis en route, clapot, rafales, tout y est. La mort dans l’âme, je vise le cap Qamavik qui sera ma délivrance. 2h de combat encore, mais c’est passé, je peux enfin me relâcher. Le goulet me porte vers le sud, mes nouilles chinoises vont bientôt infuser. Seul au monde, je me remémore la petite traversée, heureusement que la forme est au rendez-vous.
 
Il me faut reprendre la mer, ici ce n’est pas jouable pour le bivouac du soir. Tranquillement, le vent devient brise et il me porte, quel bonheur. Soudain, sur mon tribord, un mât dépasse d’une profonde crique ! Incroyable, des voyageurs. L’approche est une sorte de dégustation, quel sera le menu de la rencontre ? Polaris, c’est le nom du beau sloop en alu, bat pavillon allemand. Mickaël m’accueille avec un chaleureux sourire,il me propose de monter à bord mais sortir de mon kayak en « long side » d’un bateau est un jeu de cirque que je ne veux pas tenter. Depuis 2009, avec son épouse Martina, il sillonne les mers polaires. Quand je lui demande s’il connait la Méditerranée, on est sur la même longueur d’ondes. Trop chaud, trop de monde, plus aucun endroit n’est paisible, ici au Groenland c’est encore un paradis. En quelques instants, nous dévoilons nos bouts de vie mais je sens Martina fatiguée. Un cancer lui a lancé un défi. Elle me sourit, elle sait que la lutte est inégale mais ces quelques jours avec son mari, ici au pays du silence, lui sont salutaires. Mickaël en profite même pour me réparer mon trépied qui a perdu une fixation et me voilà aujourd’hui avec un chariot, un matelas de sol parfait et un trépied en plein possession de ses moyens. Nous nous saluons chaleureusement, les «take care» fusent, ici on n’est rien et nous le savons.
 
Le nomade que je suis reprend sa route. Au détour de quelques dalles, une aire de bivouac me semble parfaite. La brise est fraîche, juste assez pour chasser les moustiques, mais les brulots ont repris le flambeau, mais ça c’est un détail que je ne vois même plus… Le coin est une fois de plus somptueux, quelle chance de le vivre si intensément. Malgré ces heures de gladiateur face au vent, un air de liberté me prend aux tripes ce soir. Quel joyau la vie, quel trésor notre existence. Si vous me demandez pourquoi je fais ça, je ne pourrais vous répondre que parce que je suis en vie et que les «risques» vous font apprécier encore plus la vie, parce que l’effort vous nettoie du superflu, parce que les anges ne sont accessibles que quand on se met à nu, sans aucune défense. Ici, ce soir, sous ma tente, je suis à la merci des éléments et c’est ça que je suis venu chercher. Ce n’est pas un record, un challenge mais un bout de vie plus fort que le confort et la routine…
 
Qu’un vent de liberté vous envahisse. Laissez la faire, elle est de douce compagnie. Vos pensées positives m’ont beaucoup aidé pendant ma brève convalescence, votre énergie me vient jusqu’ici, merci d’être là…

Libre, enfin libre

23 juillet 2017
 

Nomade et libre…

16 mai 2017

La cala Chiesa est encore à l’ombre de l’aube, la bande est lovée dans les bras de Morphée, mais le « travail » nous attend. La pose de la palangre est un travail de patience, mais l’équipe en vaut bien la peine. Appâter avec la peau interne des holothuries (concombre de mer), la longue ligne est en attente, il ne nous reste plus qu’à implorer les Dieux des mers pour une offrande. Le soleil pointe au bout de l’horizon, au fur et à mesure nous comprenons que notre vœu a été exaucé.  Vider mais pas écailler, il ne nous restera plus qu’a trouver une plage sympa pour une soirée barbecue… L’ancre est levée, nous quittons les Lavezzi pour la côte ouest de la Corse, seul le vent nous dira où nous serons ce soir. Je crois que vous l’avez compris, ce n’est pas une vacance à cocher sur son carnet, mais une initiation de vie de Nomade. La carte marine est déployée, le compas de relèvement lui aussi est prêt avec la pointe sèche, Christophe dévoile les secrets de la navigation sans instruments… Le vent n’est pas de la partie mais nous ne sommes pas pressés… La vie est toujours aussi belle, à nous de la croquer à pleine dent… A pluche.