Rencontres du bout du Monde…

18 juillet 2019

Collé, le nez au carreau, je suis contemplatif. Ma journée de restauration s’est déroulée à merveille, Je cumule quand même 12h de travaux consécutifs ! La prothèse qui me faisait souffrir a été retouchée, mes petites plaies sont sur les voies de la guérison, la vie à la petite maison bleue du Grand Nord est douce. Dehors le ciel est gris cendré, depuis ce matin le crachin et une bonne brise d’Est rendent le coin exactement comme je les aime, puissant, mystérieux et silencieux. Dans toutes mes expéditions polaires j’ai eu le bonheur de squatter des cabanes surgissant de nulle part. Sur les rives du fleuve Yukon, la cabane d’un certain Mr Brown (son nom était écrit sur son journal de bord posé sur la table) devait m’accueillir pour une douce nuit chauffée par un bon poêle à bois. Dehors les grizzlis voulaient jouer, mais j’étais trop fatigué, et un peu apeuré pour partager leurs joutes. En quittant les lieux je laissais un œil de St Lucie sur la table, la famille, qui sans le savoir m’avait accueilli, allait découvrir un jour ou l’autre qu’un solitaire au long cours avait trouvé refuge chez eux. En Finlande, il en est de même, au Canada, en Suède… Ces cabanes m’ont toujours reçues au bon moment et avec beaucoup de bonheur. Mon beau kayak, « Immaqa » bien calé sur la berge, je savourais la paix et le silence que m’offraient ces havres de sérénité. A chaque fois, je devais reprendre la route pour aller jusqu’au bout de mes rêves, de mes folies, de ma quête de liberté débordante et à chaque départ j’en avais le cœur déchiré. J’ai toujours rêvé de posséder ma bicoque dans le Grand Nord. Dans les parages de Whitehorse, capital de l’état du Yukon, mon pote Robert qui vivait dans cette forêt depuis plus de 20 ans avec sa famille, essayait de me convaincre d’y construire une cabane. Pendant 10 jours j’arpentais les sommets, je découvrais ses lacs, ses torrents poissonneux, même les ours me semblaient plus dociles ! Mais je devais rentrer en Corse. Puis ce fût là haut en Norvège, à quelques kilomètres de la frontière Russe face à l’océan Arctique. Ruan, un pote installé là haut,  me proposait une vieille cabane parfaite pour le poète-nomade que je suis. J’évaluais  le pour et le contre pour finalement renoncer. Mais l’envie d’un pied à terre polaire, n’y voyez pas un mauvais jeu de mot d’unijambiste, a été assouvie. Un jour de ma vie de baroude j’ai finalement trouvé « ma » cabane, ma tanière, mon refuge. Né à 300mts à vol d’oiseau de la Méditerranée, je vous aurais pris pour un hérétique si vous me disiez qu’un jour je serai assis dans ma maison au Groenland à écrire mon journal de bord tout en scrutant les Icebergs glissants vers leur fin lointaine. La vie réserve des situations incroyables, improbables. Mais pour cela, il suffit de les provoquer, de les désirer plus que tout au monde. En voyageant dans ces régions isolées, chaque rencontre avec un autre étranger, est le début de récits incroyables. Pendant cette première semaine, j’ai rencontré les armateurs du voilier canadien Lifesong. Lui, Christophe, français d’origine naviguait dans les mers australes comme charter. Elle, Emmanuelle, québécoise, une baroudeuse défiant les océans en kayak et escaladait les montagnes les plus dangereuses au monde. En Antarctique la vie les a unis et depuis ils naviguent autour du globe. L’hiver dernier ils ont vendu leur bateau pour en racheter un plus grand. L’ouragan Irma avait mis au tapis pas mal de voiliers aux Antilles. Un plan Garcia de 22mts avait été ravagé par la tempête. Mais la vie, quand on s’en donne les moyens, vous aide. En 8 mois de travaux forcés, ils réussissaient à prendre la mer pour un tour du monde. A bord, un moussaillon avait vu le jour. Comme quoi tout est possible. Puis toujours dans cette première semaine, ce fut la rencontre d’Hervé. Il est guide de kayak et de temps à autre l’été, il fait relâche à Oqaatsut. Ayant passé sa jeunesse en Union Soviétique, son père était ingénieur pour une société française implantée en URSS, il causait couramment le russe. De retour chez lui dans le var un matin de juin pour ses 35 ans il se lançait pour un tour du monde. Partie en kayak vers l’est il traversait le monde comme il pouvait. Dans la Caucase,  il optait pour une charrette tirée par un cheval mais au premier frimât de l’hiver le canasson se faisait la malle ! A Vladivostok face à l’océan pacifique, un cargo l’amenait au Japon puis au nord des USA qu’il traversait en vélo. A Terre Neuve, il embarquait sur un voilier français. Le voila en route pour Ilulissat avec son vélo qu’il n’a pas abandonné ! Puis en avion un transfert vers Copenhague et un retour à Hyères chez lui…

Comme il est bon de trouver d’autres rêveurs, d’autres poètes des temps modernes. Au bout du monde, les nomades se rencontrent enfin, ils échangent, connaissent les mêmes personnes, vivent les mêmes galères, les mêmes joies. Dans les fourmilières des villes, le confort a anesthésié beaucoup de monde, les mêmes craintes bloquent ceux qui auraient encore le courage de tout plaquer pour vivre leur rêve. Alors vous qui êtes derrière votre écran, pensez que ce n’est pas impossible. Sachez que la Liberté est le plus beau cadeau que la vie nous offre et ça, tout les jours. La chance n’existe pas, elle se provoque, osez et vous aussi un jour on se rencontrera au bout du monde.

Voyager ce n’est pas changer de pays, voyager c’est changer de monde…

Gogogo !

Comme un rêve les yeux ouverts

5 septembre 2017

Ceci n’est pas une photo de Frank mais un cliché d’illustration trouvé sur le net.

 
J’avais déjà 29 ans quand je découvrais les joies de la lecture, mon premier livre était le Petit Prince. Je ne sais pas si c’était d’avoir renoncé à la vie que j’avais à cette époque mais le fait d’avoir largué les amarres m’avait rendu encore plus à fleur de peau que je ne l’étais et la lecture des écrits de St Exupéry m’avait énormément ému. Le Petit Prince, c’était moi, celui qui posait de drôles de questions, celui qui remettait les hommes à leur juste place et cette dernière nuit fut comme un conte d’enfant grandeur nature…
 
Il était une fois, un homme solitaire qui vivait dans une cabane près du Pôle Nord. Tous les soirs, il dessinait des fleurs et des arbres, car là où il était ce n’était que glace, blizzard et rien ne pouvait y pousser. En fin d’été, les premières nuits rendaient encore plus glacials les alentours de sa chaumière mais curieux comme un jeune enfant, en plein milieu d’une nuit très noire, il eut envie de sortir chercher son étoile. La lune était quasiment pleine et les étoiles profitaient d’un fort vent du nord pour scintiller, mais quelque chose d’encore plus surprenant le faisait vaciller. Là-haut, tout près des anges, un rideau de lumière l’hypnotisait…
 
Cette nuit, vers 2h30, quelque chose m’a attiré dehors, pas de pierre à rajouter aux abords de ma tente, pas de kayak à remonter pour cause de forte marée ou de houle violente, juste une envie de voir la nuit polaire. Soudain devant moi, dans mon nord-ouest, un rideau de lumière semblait tomber du ciel, une douche de lueur, une aurore boréale m’offrait son spectacle. Je ne sais quoi vous dire, j’étais figé sans voix, un miracle de la vie m’était offert. Je ne sais plus combien de temps je suis resté dehors mais ce moment restera gravé jusqu’à la fin de mes jours. Bien sûr, j’ai longuement cogité à un vœu, j’en suis certain, il se réalisera. Ma vie de baroude m’a fait vivre des moments forts, des levers et des couchers de soleil, j’en ai vu des extraordinaires, mais là, c’était un rêve les yeux ouverts.
 
Tous les peuples boréaux ont leurs légendes sur ce phénomène naturel, alors pourquoi ne pas créer le mien ! Ce rideau de lumière est un voile magique, seuls les rêveurs et les fous de liberté peuvent le voir, si quelqu’un veut s’en imprégner, il doit jeter son manteau d’adulte morose et calculateur pour être enfin libre, ce qui lui fera voir l’invisible…
 
Voilà une légende de plus, mais celle là, c’est la mienne : made in cabane !
Un autre mystère vient d’être élucidé, depuis ce matin j’étais à la recherche des cures dents en bois, j’ai trouvé le voleur. Jo Zef, en douce, est en train de faire des petites croix pour tous les moustiques qui sont en train de mourir de froid. -5° au réveil ce matin !

Nomade et libre…

16 mai 2017

La cala Chiesa est encore à l’ombre de l’aube, la bande est lovée dans les bras de Morphée, mais le « travail » nous attend. La pose de la palangre est un travail de patience, mais l’équipe en vaut bien la peine. Appâter avec la peau interne des holothuries (concombre de mer), la longue ligne est en attente, il ne nous reste plus qu’à implorer les Dieux des mers pour une offrande. Le soleil pointe au bout de l’horizon, au fur et à mesure nous comprenons que notre vœu a été exaucé.  Vider mais pas écailler, il ne nous restera plus qu’a trouver une plage sympa pour une soirée barbecue… L’ancre est levée, nous quittons les Lavezzi pour la côte ouest de la Corse, seul le vent nous dira où nous serons ce soir. Je crois que vous l’avez compris, ce n’est pas une vacance à cocher sur son carnet, mais une initiation de vie de Nomade. La carte marine est déployée, le compas de relèvement lui aussi est prêt avec la pointe sèche, Christophe dévoile les secrets de la navigation sans instruments… Le vent n’est pas de la partie mais nous ne sommes pas pressés… La vie est toujours aussi belle, à nous de la croquer à pleine dent… A pluche.

Nouvelle année, nouvelle vie…

29 décembre 2016

Pour conclure cette année, une idée m’a traversé le cœur, j’aimerais vous parler de la Vie, vous savez, celle qui est unique, celle qui nous fait souffrir autant qu’elle nous enchante. Mais pourquoi vit-on ? Je n’ai pas de grandes réponses, mais ce qui est certain c’est qu’elle est un cadeau inestimable, la mort n’est pas importante, les regrets oui. On ne regrette jamais ce que l’on a fait mais plutôt ce qu’on n’a pas fait.  Les rêves sont des objectifs mais ils ne doivent pas nous posséder, on ne rêve pas d’un rêve, on le réalise. Pourquoi vivoter alors que le sablier se vide sans aucune chance de s’arrêter. Les chemins se présentent à nous, choisissons le plus compliqué, celui qui a le plus de virages. Se mettre en danger n’est pas sans risque, mais la vie se veut aventureuse, pourquoi ne pas en changer, pourquoi ne pas tout mettre en œuvre pour réaliser ses rêves. Les plus grands génies, au début de leur carrière, étaient dans le doute, les autres leur disaient qu’ils ne pouvaient pas, qu’ils se trompaient de route, puis ils se sont entêtés et ont réussi des choses incroyables. Les chercheurs, les médecins, les explorateurs, les sportifs, n’ont écouté que leur envie de vivre leur rêve. N’ayons pas peur de ne pas y arriver, regardons devant, laissons les autres dans leur doute, vous, vous pouvez y arriver. Les échecs sont constructifs les doutes nous enferment dans une prison infernale. L’histoire des Hommes le démontre sans cesse, quand Christophe Colomb rêvait de la route des Indes, l’église lui prédisait un horizon où le vide allait faire sombrer sa flotte, à son retour le monde trouvait logique que la Terre fût ronde. Plus près de nous, dans mon cercle d’amis très proches, Bixente Lizarazu démarrait le foot sous de très mauvais hospice, son entraineur de l’époque s’obstinait à lui enlever de la tête son rêve de devenir professionnel de football, trop maigrichon, trop petit ! Heureusement qu’il ne l’a pas écouté, tout le monde connaît son extraordinaire carrière. Dominique Benassi quelques années après son amputation, décidait de se mettre au Triathlon, mais on lui interdisait, trop handicapé, trop dangereux, pas fait pour lui. Ce rêve il ne l’a pas rêvé, il l’a concrétisé en réalisant les plus grandes compétitions du monde pour accrocher 15 titres de champion du Monde .Mon parcours est identique, j’ai du m’extirper d’un abysse de contrainte, je me souviens de ma prof de français qui me disait que je n’étais qu’un âne, d’un certain entourage qui ne croyait pas en mon parcours d’aventurier. On m’avait même prédis que je finirais clochard ou repris de justice ! Le rêve qui vit en toi, en nous, doit te faire avancer, nous faire avancer, la douleur sera inévitable mais il vaut mieux souffrir pour concrétiser son rêve que souffrir de ne rien avoir tenté, les regrets sont bien plus douloureux que les échecs. Les doutes sont des pauvres herbes que l’on voit que si l’on s’arrête, marchons à notre pas, même s’il est douloureux, boiteux, marchons avec nos rêves. Nous sommes tous des génies, inventons nos vies, coute que coute, la violence, les doutes, les regrets, la rancœur, la vengeance, sont des simples ombres ne nous vous y abritons pas, préférons la lumière douce d’un soleil qui se lève sur nos projets. Ne croyez-vous pas que Mandela a souffert avant de bâtir enfin son rêve ! Il affectionnait le poème de William Ernest Henley, Invictus : Je suis maître de mon destin, capitaine de mon âme… La vie est un cadeau, un match où il n’y a pas de prolongation ou de temps additionnel, notre vie est un trésor, laissons derrière les personnes toxiques, ne leur en voulons pas, ne perdons plus notre énergie avec ça. Quoi que l’on fasse, l’amanite phalloïde nous tuera, ne l’écrasons pas, il n’y a qu’à la contourner, pour la laisser dans sa toxicité, elle a sa raison d’être là, accompagnons nos rêves, nous ne serons jamais seuls, le bien amène le bien. La nouvelle année est là avec ses résolutions, vous êtes tous fantastiques, alors faites ce premier pas. Les claques que nous avons pris jusqu’à présent sont des leçons, révisons nos devoirs et nous comprendrons la raison de ces brimades, si nous les mettons de côté elles reviendront en boucle, encore et encore. Allez ouvrez-vous, serrez les fesses, laissez la peur de côté et allez au bout de vos rêves les plus fous, ils ne sont pas si fous que ça puisque c’est les vôtres.

Je conclurais ce billet par la citation de : François Garagnon : « Il vaut mieux vivre ses rêves que rêver sa vie ».

 

 

Allons trouver un bel endroit pour nous perdre.

1 décembre 2014
L'enfant qui sommeille en moi ne m'a jamais laché! Ouf!

L'enfant qui sommeille en moi ne m'a jamais lâché! Ouf!

Allons trouver un bel endroit pour nous perdre. Quelle belle pensée. Une de mes sorties maquis m’a amené vers de nouveaux coins mais surtout dans de nouvelles réflexions, comment trouver de nouveau chemin si l’on ne se perd pas. Une fois de plus la langue française est pauvre, le verbe perdre en paie les frais. Perdre son chemin ce n’est pas s’égarer, ce n’est pas, ne pas savoir où l’on est, se perdre s’est se retrouver, c’est devenir ce que l’on doit être. Une remarque philosophique mais essentielle. La folie est génératrice de vie, la déraison est le feu du bonheur, sans originalité la flamme s’éteint. Vivre en étant mort tel est le chemin de celui qui n’est pas fou, de celui qui est trop sage, de celui qui refuse d’entendre le petit sauvage qui dort en lui. Le gamin se fout du qu’en-dira-t-on, il rêve de vivre dans une cabane, il espiègle sous la douche sa voisine 30 ans son ainée, il vole des bonbons qui deviennent trésor de guerre. Je relis depuis quelques jours le Petit Sauvage d’Alexandre Jardin, un opus que je connais par cœur, je hurle de rire puis me met à pleurer de bonheur. Ce livre devrait être obligatoire en assemblée générale annuelle des sociétés qui nous intoxiquent, il devrait être lu en boucle tous les soirs sur les chaînes de télé, vous voyez le petit sauvage qui vit en moi se laisse porter par les élans de sa candeur. Vivre les yeux ouverts, avancer coute que coute dans le monde du bonheur, le rêver et il apparaît mais la grisaille doit être gribouillée aux couleurs de l’arc-en-ciel, qui je vous le rappelle, possède à ses pieds un immense chaudron d’or. Le temps est un dévoreur de rêve, tout le monde semble le posséder mais seul l’amour en est le sauveteur. Le temps nous condamne, seul l’enfant qui dort en nous est capable de nous dire : t’es pas cap ! Chiche ! Oui il faut des étincelles dans les yeux pour sauter les deux pieds dans la boue, il faut un brin de folie pour désirer l’assiette qui est en bas de la pile. L’adulte a peur de se perdre, il a et ne vois que ça ; les pôvres ! L’enfant que je laisse vivre au fond de mes entrailles par moments m’empêche de dormir, il me harcèle, mais dès que je lui dis : ok t’es pas cap, on y va, la vie se remplit d’espoir, de lumière incroyable, la phrase de St Exupéry prend toute sa place : fait de ta vie un rêve et de tes rêves une réalité. Vous aussi devenez le petit sauvage, laissez faire votre folie et n’oubliez jamais : Allons trouver un bel endroit pour nous perdre.

Still a free man…

10 octobre 2012
Toujours et encore un homme libre...

Toujours et encore un homme libre...

Me voilà de retour dans mon cocon, une routine qui m’est bien spécifique. Qu’il est bon d’être à bord du  Cabochard avec ses 6m² habitable. Un confort strict mais suffisant et une paix retrouvée. Le vent d’Ouest m’enveloppe, Véro a repris son travail, on se verra en fin de semaine, plus personne sur le port abri où je me cache. On me préconise de me reposer, de récupérer, tout le monde s’inquiète de mon physique, mais je suis en pleine forme, pas la moindre courbature avec une énergie débordante. Ces quatre mois ont été difficiles au départ mais au fil du temps le corps s’est endurci, renforcé et cette croisade est devenue un quotidien tranquille. Le mental, lui est usé, ça s’est vrai, je suis fragile, la moindre bricole me met à fleur de peau. Ce matin en écoutant par le net une radio suédoise qui ne passe que de la jolie musique qui m’a accompagné pendant plusieurs mois, j’ai entendu la mélodie de Mélissa Horn. Je me suis surpris à sentir des larmes couler. Pourtant je suis heureux d’être arrivé mais voilà ma cervelle doit se reposer. Alors pour tout remettre en place j’ai repris mes activités habituelles. En premier lieu je suis allé en montagne voir si mon refuge, que vous avez aperçu dans l’émission d’Echappée belle, n’avait pas été visité pendant cette longue absence. Personne n’a souillé mon nid sauvage. J’y ai passé une journée comme je les aime, j’ai remonté des murs en pierres sèches qui ne me convenaient plus, j’ai bricolé la charpente qui maintient la toile me servant d’abri, je me suis immergé dans le torrent pour me faire pardonner de cette longue absence. Au loin, quelques sangliers qui avaient oublié que le coin devait être partagé avec le mec qui cause aux oiseaux. Puis le  test vélo pour voir si avec un engin de 7,2kg je pouvais frôler le mur du son. Incroyable j’ai l’impression d’être un bon cycliste, je m’amuse comme un dingue, sur un long plat je tiens une moyenne de 43km/h, cela est hors norme, ces 4000km avec mon vélo-tracteur de 30 kilos m’ont donné une caisse de folie. Je monte des côtes à plus de 20km/h alors que chargé je ne dépasserai pas les 7km/h. La sortie s’avère euphorisante, j’ai pris 2kilos pendant ces quatre mois mais pas un gramme de graisse, les muscles sont devenus des machines. Vous en voulez encore ? Après la bicyclette, il fallait que j’aille un peu voir si les liches étaient de retour, ce poisson prédateur est un vrai délice. La combinaison rentre avec beaucoup de difficulté, les cuisses et les épaules passent moins bien ! Je me régale, les sérioles me tournent autour, je leur dis saumon mais elles ne comprennent pas ma langue. Ok les filles, je vous laisserai tranquille cette semaine mais après je mettrai mes lignes à l’eau. Enfin le Cabochard qui boudait mon absence m’a fait une blague, alors que j’effectuais ma manœuvre pour le mettre à quai, l’aventurier à cloche pied, a gentiment glissé par-dessus bord pour se retrouver en train de nager, Véro et les mascottes étaient hilares de cette baignade inattendue ! L’activité est ma manière de vivre, l’effort est une sorte de méditation. Dans quelques jours mon bouquin va être dans les bacs partout en France et dans les pays francophone, je sais que mon éditeur va me demander d’en faire sa promotion, alors avant le coup de bourre je vis au présent. Un ami hier soir me disait que mon quotidien était simple comme  celle d’un oiseau, mais pourtant de rêve. Je suis libre, aucune contrainte, je vais où le vent me porte. Alors pourquoi devrais-je être fatigué, pourquoi devrais-je me reposer. On me demande souvent s’il y aura un carnet de voyage sur cette aventure. Doucement les amis, je ne suis pas écrivain même si j’aime claquer le clavier, la sortie d’un ouvrage est beaucoup de travail. Je viens de recevoir mon deuxième et je peux vous dire que cela me fait drôle. A l’école j’étais un cancre et le radiateur était devenu une sorte de compagnon. Mes rêveries m’ont couté très cher, le refrain était le même : « Bruno répétez ce que je viens de dire ! » La classe explosait de rire et je me retrouvais viré… Quelques années plus tard avec un bout en moins et quelques anecdotes je me retrouve avec une bibliothèque avec deux bouquins de ma plume. Mon journal de bord Arcticorsica est bel et bien clôt mais mon envie de partager mes bouts de vie reste bien ancré, alors de temps à autres je passerai vous voir par l’intermédiaire du net.

Un grand merci de votre fidélité… Yes I’m a free man…

A pluche !

Madame je vous écris…

29 juillet 2012
Mes anges gardiens m'ont envoyé l'un d'eux...

Mes anges gardiens m'ont envoyé l'un d'eux...

Je ne garderai pas un grand souvenir de ce bivouac mais en tous les cas il m’a bien abrité et ça c’est déjà formidable. La tendance va être un vent de Sud-Est encore et toujours dans la direction dans laquelle je me rends ! Je vais tenter de rejoindre le continent 12 km en face. Je ne suis pas en forme, j’ai le moral dans les chaussettes mais je dois trouver l’énergie pour avancer. Le décor n’est pas terrible, un grand golfe avec des usines qui crachent leurs fumées. Le teint est feutré, une sorte de brume envahie la baie. Depuis mon départ de Luléa régulièrement aux abords des grandes villes d’immenses usines fabricant de papier semble me regarder passer hautainement. Leurs immenses éoliennes me rappellent l’histoire de Don Quichotte. Pour essayer de m’évader j’imagine le cycle de ces troncs d’arbres qui vont devenir papier. Le moins chanceux deviendra rouleau hygiénique dans une gare sordide, le plus chanceux sera un papier à lettre qu’un amoureux griffonnera. Je m’invente une histoire d’un autre siècle, un corsaire écrivant à une gente dame croisée aux abords du quai d’un port juste avant de reprendre la mer. Le rouleau de papier est déroulé, la plume trempée dans l’encrier il lui déclare : « Madame, si les mers m’ont fait trembler, si les guerres m’ont fait tuer, si les blessures m’ont fait mettre genou à terre, votre regard à tout jamais sera le soleil de mes ténèbres. Vous m’avez croisé sur le port, je suis, ce que certains appellent, corsaire du roi. Vous ne m’avez qu’à peine regardez mais je ne pourrais jamais l’oublier. Madame, je ne sais où le vent me poussera mais par tous les Dieux des mers et des océans, je reviendrai déposer à vos pieds la plus belle rose que je connaisse, celle de mon cœur… » Un énorme coup de sirène, je sursaute, un cargo ? La police maritime ? Non, c’est Jo Zef qui du sac étanche m’a sorti de ma rêverie. « Alors on roupille, faudrait penser à avancer ! » Sacrée mascotte, sur ce coup là elle n’a pas tort. Je reprends mon sérieux mais cette évasion mentale m’a libéré, je me sens mieux. J’atteints enfin la côte, le vent n’a pas été trop méchant, ouf ! Je cabote pour passer devant l’estuaire d’un gros fleuve, je suis rassuré qu’il n’y a pas de vent du Nord cela aurait été un sacré piège. L’eau est redevenue douce, je remplis ma bouteille ce sera
toujours ça en plus pour ce soir. Je double le cap Billskaten, derrière il y a une péninsule qui semble avoir son canal. J’espère que ça  passe, l’endroit est une fois de plus somptueux. Je m’engage dans ce minuscule canal et je suis rassuré en voyant enfin l’autre côté. Il me reste 4km avant de bifurquer au cap du golfe Lövstabukten. Le vent contourne ce promontoire mais j’ai repris du poil de la bête et augmente la cadence. Je veux passer coûte que coûte. Finalement je glisse au milieu d’un regroupement d’îlot. Je cherche des passages mais ceux indiqués sur ma carte sont envasés, même en kayak il m’est impossible de passer. Pour couronner le tout, les îlots sont des amas de grès où il est absolument impossible de trouver le moindre replat. Un bateau passe, ici ils sont rares ! Je l’interpelle et lui demande s’il ne connaît pas un coin plat. Il m’indique la seule cabane du coin, il parait qu’il n y a personne. Je découvre une sorte de pelouse naturelle absolument plate, je beach Immaqa, effectivement aucune âme qui vive. J’en profite pour faire un peu de film, je monte le camp et enfin me prend un bain dans une eau pas trop froide. Alors que je fais ma toilette, je vois arriver une barque. Aïe, je sens les embrouilles. Un couple un peu surpris de me voir là me trouve en train de barboter nu devant leur cottage. La serviette à portée de main, je joue  mon joker. Je sors de l’eau en m’enroulant la serviette comme un pagne et pars avec ma prothèse à la main à cloche pied jusqu’au banc à 5mts derrière. J’essaie de me mettre à leur place, ils ne pourront pas me virer comme ça. Je m’excuse de ma tenue et leur serre la main. L’endroit appartient à l’usine à papier et elle est prêtée gratuitement à ses employés. Ils n’y viennent que pour
quelques heures et m’autorisent à y rester. Ouf ! Pour finir cette journée alors que je me relaxe dans la tente, un papillon vient se coller à la paroi de ma toile. Délicatement je le fais se poser sur ma main qu’il ne veut plus lâcher. Je suis sûr que mes anges gardiens qui me protègent depuis le départ de ce voyage l’ont envoyé pour me rassurer sur le reste du périple. Encore un petit 26km.
A pluche !

Liberté d’être un homme libre !

4 juillet 2012
Déja une semaine de bivouac au bord du golfe de Botnie

C'est une plage de galets qui m’accueille pour ce nouveau bivouac au bord du golfe de Botnie

Déjà une semaine que j’ai quitté Luléa, une semaine d’apprentissage, 7jours de cours intensifs. Je crois être attentif et bonne élève. Encore ce matin les trois première heures ont été un enfer, je crois que je radote mais c’était dur, flippant et très abrasif mentalement. 3 heures de cours pour comprendre que la Botnie est une dure à cuire et que le p’tit méditerranéen, il a intérêt à bien apprendre ses leçons sinon, dehors au piquet ! La journée s’est passée, j’ai pagayé, c’est mon boulot, pendant que vous vous étiez à « l’usine », moi j’avançais. Ce soir le bivouac est monté, le feu crépite, l’eau réchauffe ma gamelle et je suis seul au monde. Un sentiment qui me fascine, qui est une sorte de drogue. Seul face à moi-même, pas de chance de s’échapper, pas de : «chut je regarde le film ». Un échassier braille de tous ses poumons, de joie, de peur, de colère, je n’arrive pas à le comprendre, je vous rassure lui non plus n’arrive pas à comprendre les hommes. Ma Véro m’a envoyé une poésie fantastique sur la relation du couple, son père lui avait transmis. Deux âmes qui se rencontrent ne doivent se ressembler, elles doivent accepter l’autre tel qu’il est. Nous nous acceptons comme nous sommes, moi l’oiseau de mer, elle le merle bleu sédentaire. Pourtant notre union est profonde, sincère. Comme des enfants nous nous aimons et ni les tempêtes, ni les orages n’arrivent à nous séparer. Tout à l’heure alors que je tirais dur sur les pagaies une idée m’a traversé l’esprit… j’arrivais avec Immaqa aux Lavezzi, quatre mois d’effort pour rejoindre ce lieu qui m’est si cher. Soudain des bateaux autour de moi et sur l’un d’eux ma Vrai qui me regardait. Je me surprenais à avoir de l’eau salée sur mes joues alors que la mer de Botnie est douce. Le feu me réchauffe l’âme mais ce soir je suis le plus heureux des hommes car je suis libre, libre comme le vent, comme la houle, comme le sont les enfants.  Une semaine de mer qui fut très dure mais nécessaire pour ma survie d’homme errant.
Que vos rêves vous emportent là où la folie rime avec envie. Il n’y a pas plus beau comme être humain que celui qui est libre.
A pluche !