Ce matin nous étions au mouillage face au petit village de Qeqertaq,le groupe
électrogène en panne rendait le hameau d’une centaine d’habitants silencieux.Un gamin est venu à notre rencontre avec une musique de Rap qui sortait de son smartphone.Un jeune de moins de 10 ans un peu particulier, provocateur à souhait,chose absolument inédite pour le Groenland.Pas du tout impressionné par ceux qui avaient leur prothèse à vue,il nous regardait droit dans les yeux,sans jamais les baisser.Bastien est allé danser avec lui.Paradoxe de ce pays complexe et pourtant si attachant.Le cliché du chasseur avec sa lance et son kayak est bien révolu mais toujours à porté de pagaie.De retour à bord nous levons l’ancre pour commencer à nous approcher de la calotte polaire.De plus en plus la glace est dense,mais la Louise est conçue pour affronter ce style de situation.Tout le monde est en mode d’observateur.Peu de gens ont la chance de louvoyer sous ces latitudes.Les chocs par moments sont forts et secoue notre goélette dans tous les sens.La température chute pour s’approcher des 5°,l’ambiance devient vraiment polaire.Au bout de 5 heures de navigation,la glace s’agglutine rendant la navigation plus engagée. Il nous faut trouver le bon passage.Soudain un bout d’iceberg plat donne l’idée à Thierry de s’en approcher pour déposer Bastien.L’opération est délicate mais possible.En toute sécurité notre aventurier est sur cette plaque de glace, encore un beau moment d’émotion…
Au moment où je vous écris ces mots nous naviguons encore,le mouillage prévu est encore loin et la glace de plus en plus dense…Tout l’équipage Bout de vie vous embrasse.Demain j’essaierai d’être plus explicite.
Takuss
Un bout de repit…
20 juillet 2012J’ai eu beaucoup de mal à dormir, régulièrement des cygnes se sont pris pour des « Castafiore » en poussant des hurlements que je n’avais jamais eu l’honneur et l’horreur d’entendre… 5h30 je file au milieu d’îlots somptueux. Un premier « bébé » golfe de 900mts à passer avec un très fort vent de travers, quelle chance d’avoir réussi cette longue navigation hauturière hier. Le deuxième à peine plus long m’affirme qu’aujourd’hui cela aurait été du suicide, ma cavalcade vers le sud a payé mes efforts de gladiateur. Finalement je suis dans l’axe du vent qui prend de la force, un sms de Véro qui m’annonce un bon coup de Nord-ouest pour ce soir. Il m’est impératif de trouver un bon abri, je pagaie quand la carte me fait deviner une succession d’anses, à la dernière, une me semble si belle que je fais l’effort de changer de cap.
Je suis sur le cul, pardonnez moi l’expression mais alors là c’est du rêve. Sur l’onglet « Mon parcours en direct » vous pouvez zoomer google earth sur ma dernière position et apercevoir ce paradis. Je beach Immaqa et commence un dialogue de fou : Si tu ne reste pas là aujourd’hui, tu loupes ton voyage, rien ne sert de courir comme tu le fais ! La voix maligne répond : Avance Frank, aujourd’hui on peu péter le record de 50km avec ce vent dans le dos !!! Je deviens dingue, j’envoie tout balader, je reste. Le temps de monter ma tente, je marmonne dans ma capuche ; puis quelques rafales rasent la canopée de la forêt qui m’abrite et je me sens mieux, 600km en 21 jours, jamais je n’aurai parié une crêpe sur cette distance, alors j’apprécie, je me pose écoute le vent, happe le silence et vibre avec la mer de Botnie. Au programme : coiffeur, pressing et restau !!! La forêt de pin qui m’encercle embaume mes sens, je me prends pour une lavandière, sur un caillou plat je frotte mon pantalon qui lâche son noir comme le ferait un calmar apeuré. Pour les cheveux c’est plus technique ! Je n’ai comme ciseau que celui de mon couteau multifonction et il me faudra beaucoup de patience pour un rasage parfait. Au restau du midi omelette de chanterelles, tartine à volonté de fromage et en dessert une assiette de myrtilles en compote.
Pour m’endormir à la sieste la radio FM fredonne mon air préféré du moment : Melissa Horn (faire le lien ou avec une vidéo ou son site comme tu le veux). Des oies et canards ont du sentir le coup de vent et ils sont venus se mettre eux aussi à l’abri.
Puisque j’ai le temps, je vous partage ce que je lis en ce moment : ..//.. La pluie qui tombe sur la terre asséchée n’est elle pas une chose extraordinaire ? Elle nettoie les feuilles et rafraîchit la terre. Je crois que nous devrions tous nettoyer notre esprit complètement, comme la pluie nettoie les arbres, car il est lourdement chargé de poussière accumulée au fil des siècles, de la poussière de ce que nous appelons la connaissance ou l’expérience. Si vous et moi réussissions à nettoyer notre esprit tous les jours de la veille, chacun de nous aurait alors un esprit frais, capable de faire face aux nombreux problèmes de l’existence..//.. J.Krishnamurti
A pluche ! Jo Zef et Norra ne se lâchent plus !!!
Dernier jour en peninsule de Nordkinn…
16 juin 2012
Bien à l’abri dans nos cabanes la pluie est tombée drue toute la nuit. Tout en préparant mes affaires une radio norvégienne émet la chanson «la vie en rose » de Piaf, en langue locale, nostalgie quand tu me tiens! Le vélo est prêt, je suis prêt : yakapedaler. Je sais que d’entrée cela sera très dur et je ne me suis pas trompé, une côte interminable de8km ricane en voyant le cycliste gravir ses flancs. Le vent est encore présent, la bruine rend la montée encore plus terrible, le thermomètre ne dépasse pas les 6° à l’abri. Emmitouflé dans multiples couches jeprends conscience du trajet qui m’attend, un effort de gladiateur dans un décor sublime. Thor et Odin doivent m’observer de leurs nuages et je
sais qu’ils m’épauleront. Les rares véhicules croisés m’encouragent, leur sympathie me réchauffe le cœur, ma moyenne est de 7,5km, je nepréfère pas y penser. Le bitume cède la place à la terre, tiens comme je m’habitue à l’effort goudronné, on me met de la piste. Les congères de neiges sont encore très hautes et les lacs croisés sont tous recouverts de glace grise. Le soleil des jours suivants promis leur tordra le coup pour laisser surgir le bleu-turquoise de l’eau, typique à ses latitudes.
Le plateau atteint, le vent a décidé de me pousser, les rennes se méfient du pédaleur corsé et mes passages ne sont que fuite vers le néant. J’avance tout doux et la moyenne remonte, la pluie cesse ainsi que le vent. Sur une route vallonnée j’avale les 60 km qui m’amènent à la fin de la traversée de la péninsule de Norkinn. Au loin le fleuveTana, il détient le record de passage de saumons en Europe. Un déjeuner sur ses bords et je reprends la route, le plat m’entraine dans des rêveries et finalement ce soir 105km !
J’ai fixé une journée de 6h de vélo, mon compteur s’arrête à chaque arrêt, donc 6h réel de vélo.
Normalement avec les casse-croutes, photo etc etc, c’est une balade de 8h. A 5h59 d’effort précise, les jeunes sont justes derrière moi avec le fourgon, un renard traverse la route comme pour me saluer. En regardant d’où il vient je détecte une piste qui nous amènera sur un bivouac comme
je les aime. Le fleuve, du bois et surtout la paix. Nos tentes montées le feu allumé je me remémore cette incroyable journée qui commençaitsous de mauvais hospice. Les jeunes sont allés chercher un ciber-café pour une connexion, moi je me suis mis en wifi avec la nature !!!
L’aventure à cloche pied: Le film
16 octobre 2011L’aventure à cloche pied.
Rien d’impossible au Cabochard, nom de son bateau !
Malgré son « unijambité » Frank est plongeur-sauveteur en mer, sportif de l’exploit et aventurier dans l’âme rien dans sa vie n’est banal. Fondateur de l’association « Bout de vie », il partage ses élans de générosité avec ceux qui, comme lui-même un jour, crurent être brisés par la cruauté du destin : accidentés de la vie, certes, mais jamais abattus. Ce film est un témoignage simple mais fort que les malheurs sont les plus grand défis à relever. En quelques minutes on va le suivre sur une traversée de l’Atlantique à la rame retentissante, dernier degré du pôle Nord cialis ufficiale, la traversée d’Ouest en Est du Groenland, puis à l’ascension du plus haut volcan du monde (Argentine) et une odyssée en solitaire sur le fleuve Yukon, des milliers de kilomètres en kayak de Whitehorse à Grayling… un prétexte à se retrouver, à se regarder en face et à renouer avec l’harmonie fondamentale qui lie l’homme à la Nature. Un film sensible, grand public, réalisé pour ceux qui doivent chaque jour conjurer le mauvais sort… les blessés de la vie certes mais aussi, certainement, le commun des mortels…
Plongée en pleine mer…
29 septembre 2011
Encore une journée de joie et de découverte. L’équipe s’aguerrit et tout le monde est assez autonome pour sortir de la lagune, à nous les mérous. Sans crainte la barre des 10 mètres est allégrement franchie et la faune typique des Bouches de Bonifacio nous offre son spectacle. Pas une hésitation, la forêt des « limites » est décimée, et tout devient possible. Aucun n’aurait parié « une crêpe » d’être aussi à l’aise, les débriefings d’après plongée, les confidences du soir ont permis de retrouver la confiance.
Mérous, dentis et loups sont les compagnons d’immersion, pas un stagiaire ne cède à la panique, Sylvie, Nathalie, Audrey, Emmanuelle, Evelyne, Franck, Gérard et Yoann sont devenus autonomes. Quand je vois comment certaines fédérations tentent de traiter le handicap, il me vient la nausée. On essaie à tout prix de mettre dans des cases les gens, les handis avec les handis, les valides ensemble dans une autre case ! En une semaine ils ont pris conscience du potentiel d’autonomie qu’ils détenaient. A tour de rôle, les préjugés se sont effondrés et les nouvelles limites ont pointé leur nez loin là bas à l’horizon. Le bonheur est notre complice à tous et ce soir une balade à terre leur a permis de découvrir une île pleine d’histoires fascinantes.
Pourquoi paraître car je suis, pourquoi vouloir puisque j’ai, pourquoi dire puisque je fais.
Préface de Nicolas Dubreuil
12 septembre 2011Dans très peu de temps mon deuxième livre va arriver en librairie, patience!
Je vous dévoile la préface écrite de main de maître par Nicolas Dubreuil.
«66°29’33’’N – 44°54’32’’ O -27°C Vent de force 8 Ouest Sud Ouest. 18 Km de parcouru, le mauvais temps arrive, on plante la tente. Frank souffre à cause de sa prothèse. On prend du retard…»
Voila tout ce que j’écrivais ce jour là dans mon journal de bord, dans cette petite tente dont la toile jaune bat au rythme des rafales de vent. Par moment, les bourrasques tentent d’aplatir notre abri. Les arceaux plient et viennent jusqu’à me toucher le visage. Il va falloir renforcer le mur de neige qui nous protégeait, il doit commencer à disparaitre. Il faut aussi que j’imagine une solution de replis si jamais on n’arrive pas à traverser. Puis il faut que je compte le nombre de rations qu’il nous reste, je ne suis pas sûr que cela suffise pour terminer cette expédition…
Trop de questions…, je les laisse à un peu plus tard pour me reposer et profiter un peu de ce moment. Je suis allongé sur mon duvet, heureux ! J’adore particulièrement ces moments où le temps se déchaîne alors qu’on est dans notre petit abri au milieu de… RIEN!
Il fait tellement bon dans cette tente, il flotte comme un sentiment de bien être incroyable… Chacun est à sa place, les choses ne pourraient pas être autrement et je ne voudrais être ailleurs pour rien au monde malgré la tempête qui se déchaine.
Mon esprit vagabonde et tombe sur une question qui m’obsède : «Mais qu’est ce qui peut motiver les gens à venir faire ce genre d’expéditions à ski, en autonomie complète sur cette immense calotte glaciaire?».
Skier toute la journée, les crevasses, le froid, le vent, la faim, dormir sur la glace, la douleur, parfois la peur… Faut-il que leurs motivations soient fortes pour se mettre dans des situations pareilles! Je m’excuse en me disant que moi, c’est mon boulot, mais eux, pourquoi ? Que cherchent-ils ?
Et en particulier, lui là ! Lui, le gars qui est juste à côté de moi dans cette tente.
Comme moi, il est allongé sur son duvet, il lit un livre en écoutant de la musique… Corse évidement !
On a la même coupe de cheveux, la même barbe de 15 jours, les mêmes gelures sur le visage, les mêmes brulures sur le nez, et les lèvres gercées par le soleil et le froid…
Mais lui, il a un truc… j’arrive pas à savoir quoi, mais un truc en plus qui me fascine.
Si je lui faisais part de mes interrogations, il me dirait certainement en riant que ce qu’il a de plus, c’est une jambe en carbone et donc qu’il a au moins un pied qui ne craint ni les gelures ni les ampoules !
Une prothèse en plus pour une jambe en moins ! Cette putain de prothèse qui s’abime de plus en plus au froid et qui lui inflige une douleur supplémentaire à chaque pas de ce voyage introspectif au cœur des immensités glacées.
Il doit en avoir des trucs à se raconter pour supporter ça toute la journée. Il doit en avoir des images de référence pour surmonter la douleur. Un combat de chaque instant ; pour lui mais surtout pour les autres, pour cette cause qu’il porte sur le dos. C’est un gladiateur qui retourne au combat tous les jours, un Spartacus des glaces. Sa jambe en moins lui a donné de l’énergie et de l’amour en plus à distribuer.
Je l’observe depuis un moment et voilà qu’il me regarde, il enlève ses écouteurs, ferme son bouquin. On se regarde, nous sommes tous les deux faces à nous même et sans raison on explose de rire. Ca fait un mal de chien de rire les lèvres gercées, mais pas moyen de faire autrement… un immense fou rire a moitié contenu par la douleur au milieu de la tempête au sommet de cette calotte glaciaire sans le moindre être vivant à 500 Km à la ronde.
Maintenant, je sais ce qui remplit de bonheur et protège ces 3,5 kilos de tissus et de fibre de carbone au milieu de la glace, c’est son bonheur à lui, cet amour qu’il fait rayonner et son incroyable envie de vivre!
Grazia u fratellu !!!
U mondu hè bellu basta à sapellu piglia!
Le monde est beau, il suffit de savoir le prendre!
42éme édition: Festival du film des Diablerets.
6 août 2011
FIFAD 42éme édition.
La mer de Barents et le golfe de Botnie sont déjà derrières, nous voilà dans les Alpes vaudoises au magnifique village des Diablerets. Pour la quatrième fois je suis invité comme membre du jury.
Le festival du film d’exploit et d’environnement débutera samedi soir 6 aout avec la nuit free ride. Dimanche 7 aout sera consacrée à Erhard Loretan, alpiniste disparu cet hiver, j’avais apprécié le personnage plein d’humour et de détermination, détenteur des 14 sommets à +de 8000mts ; il avait inventé le style direct ! Pas de camp intermédiaire pour le sommet, ascension d’une traite !
La semaine, comme chaque année, proposera des films d’exceptions et le thème sera : Les montagnes chinoises.
Jeudi 11 aout à 15h en exclusivité le film « La vie à cloche pied » réalisé par Isabelle Bres, Olivier Philippe et Fréderic Jouve, sera présenté. Dans ce documentaire de 19’ vous retrouverez mon expédition sur le fleuve Yukon, la croisière en Antarctique avec le témoignage de stagiaires de Bout de vie, du vélo et du kayak de mer avec Dumé, témoignage de Véro et un survol de ma vie de nomade à cloche pied. Un débat avec le public sera animé par Jean-Philippe Rapp grand homme de communication.
Pour connaître tout le programme de la semaine cliquez ici.
Camp Arktika
2 août 2011Un dernier regard à l’océan Arctique et nous reprenons la route, des rennes encore et toujours eux, une pluie fine et une température estivale de 8° ! Nous pénétrons l’intérieur des terres sames de nouveau pour atteindre la frontière finlandaise et bifurquer sur la nationale qui mène au fameux nid à touriste : « le cap Nord ». Même certain norvégiens sont gênés d’une telle arnaque. La route reprend des airs bizarres, des panneaux écrits en anglais fleurissent… Quelques dizaines de bornes et nous retrouvons la route qui qui nous plait, la sauvage ! Entre Ivalo et Inari se trouve le camp Arktika de Gilles Elkaim. Comme je vous l’expliquais dans mon dernier article, le seul livre que nous avions embarqué pendant notre traversée à la rame était le livre de cet explorateur des temps modernes. Il devait rejoindre avec ses chiens le Cap Nord au détroit de Béring en un peu moins de 4 quatre ans. Sur ces 12 000kilométres à pied ou en kayak son épopée nous avait tenue en haleine et nous permettait par moment de nous évadait de cette « ramerie océanique »…
La piste en terre nous mène au camp et nous sommes accueillis par une bronca de 53 Toutous des glaces. Gilles n’est pas là et nous le savions, il est dans un chantier naval en méditerranée, où son futur projet est en train de prendre forme. Un bateau en alu pour pouvoir naviguer en mer polaire avec des clients…
Gladys est la responsable du camp en son absence, gérer 53 « tireurs de traineaux un poil têtus », n’est pas une mince affaire ! Elle nous accueille bien volontiers, puisque cela fait plusieurs semaines qu’elle n’a pas eu de visite. Nous avons l’honneur de loger dans la « kota », cabane typique finnoise, en échange nous donnerons un coup de main dans les taches quotidiennes. Véro sera chargée du brossage des molosses, je suis surpris de voir avec quelle docilité ils se laissent faire. Mon boulot sera une entreprise de BTP, avec une brouette remplie de gravier je dois drainer le chemin qui mène aux habitations… Le soir sous le « grilli » en attendant que le saumon grille, nous échangeons, nous apprenons, bref des soirées remplies de bonheur. Une sortie en canoë pour découvrir les deux lacs et « Pouchok » nous fera l’honneur de nous escorter. Pour ceux qui ont lu le livre Artika vous avez compris que c’est un grand privilège d’avoir ce valeureux chien avec nous. Il est plus qu’un compagnon d’expédition pour Gilles il est comme un enfant, ou un frère ! Quatre années où les moments tragiques ont succédé au bonheur intense, où la famine les a forcé à se nourrir de cadavre de morses en état de putréfaction avancée. Pouchok est un instinctif avant tout, les canards qui batifolent le transforme en prédateur redoutable. Pendant un arrêt à la découverte d’une vieille pirogue abandonnée, notre ami à quatre pattes en a profité pour tenter de « zigouiller » un lemming ! J’ai du donner un coup de gueule pour le revoir intégrer le canoë sans « hamburger » à poil dans le museau ! Ces quelques jours ont défilé à toute vitesse, nous reprenons la route pour le sud, le golfe de Botnie…
Grense Jakobselv, frontière russe…
28 juillet 2011Un petit cours d’eau nous sépare de la Russie, les consignes sont strictes, bivouac autorisé mais au moins à deux cent mètres des fils barbelés, téléphone portable, jumelle et appareil photo strictement interdits !!! Un vrai plaisir pour l’électron libre que je suis. Des militaires norvégiens en patrouille, qui doivent se trouver bien isolés dans ce bout du monde si perdu et un cabochard un poil triste de constater que ses frères les hommes aiment toujours le bruit de bottes. Une dame vient nous rendre visite, sans le savoir nous avons dressé notre camp sur son terrain ! En vérité la région lui appartient mais accepte avec plaisir de nous voir ici. Elle et ses 5 frères et sœurs sont nés ici et nous racontent comment la vie se passe avec « le grand frère russe ». Depuis quelques jours la radio norvégienne parle de catastrophe mais hélas il nous est impossible d’en comprendre le contenu. Je demande à notre hôte ce qu’il s’est passé ? Elle nous annonce la nouvelle du massacre d’Oslo, elle est choquée et ne cesse de répéter que le fou est l’un d’eux, un norvégien !!! L’émotion l’emporte, ses yeux s’embrument et nous sommes écœurés d’une telle nouvelle… Décidément l’homme est un prédateur pour l’homme… Le soir sous une pluie fine, je tente de pêcher au lancé le diner alors que Véro ramasse les camarines noires pour le petit déjeuner. Un souffle vient du large, un rorqual décide de venir me rendre visite. Pas loin de 8 mètres il pratique le rase cailloux, deux phoques en vadrouille l’accompagnent, je lève ma ligne et apprécie le spectacle. L’homme se flagelle sans cesse alors que la nature chaque heure nous offre le plus beau des cadeaux, sa confiance… Il est temps de lever le camp, la mer de Barents semble figée, la pluie nous enveloppe, une manière peut-être de nous étreindre avant notre départ pour la Finlande. Je regarde l’océan Arctique et lui donne rendez vous l’année prochaine, la route en terre nous mène vers d’autres lieux, d’autres gens, la radio donne un programme de musique russe, nous sommes serein, le chemin est sinueux mais il mène sans doute vers le soleil. Nous perdons les chants russes pour retrouver une FM samis, là encore nous apprécions des chants traditionnels… Des milliers de lacs pour rejoindre le pays finnois et nous voilà sur les bords du lac Inari…
Pendant ma traversée à la rame avec Dumé, je n’avais amené qu’un seul livre : Arktika de Gilles Elkaïm. Cet homme avait mis quatre ans pour effectuer les 12000km entre le cap Nord et la mer de Béring par le cercle polaire, avec ses chiens il avait enduré les pires conditions et son récit nous avait fascinés. En 2005 il recevait de la part de la guilde européenne du raid le prix Peter Bird SPB, je le recevais en 2009 ! La chargée en communication de SPB qui m’avait remis le prix, m’avait parlé de son voyage en Finlande chez Gilles Elkaïm qui avait ouvert un camp de survie en région polaire… Nous étions sur ses traces…
La route qui mène du village d’Ivalo à Inari est longue au milieu des pins et des rennes qui se moquent du véhicule qui roule sur ses routes du nord. Un panneau en bois discret indique Camp Arktika… Une nouvelle histoire commence… Suite au prochain épisode !
Les robinsons de l’océan Arctique…
22 juillet 2011La route en terre finit en cul de sac, un grain ouvre les vannes, nous sommes seuls au monde. Je dirais plutôt au bout du monde ! Le phare de Slettnes domine la mer de Barents, position 71°Nord, il est là-bas au loin. L’idée est d’aller bivouaquer dans la toundra dans un paysage somptueux.
Une éclaircie revient, elle nous donne la main pour trouver le bon emplacement et monter le camp. Un petit kilomètre suffira pour le bivouac idéal, deux allés retours et nous voilà en place. Véro a pris le coup pour m’épauler dans le montage de la tente, ici il faut toujours prévoir le pire. Des restes d’épaves jonchent le rivage, leurs histoires transpirent : hommes partis chercher fortune dans la pêche au crabe et à la morue qui n’ont connu que froid, tempête et drame… Un feu, malgré un bois gorgé d’eau, crépite, avec des planches nous fabriquons des bancs. Le basique devient magnifique. Si je vous dis que nous sommes seuls, je pense que vous l’avez compris dés le départ, mais en vérité nous sommes cernés ! En mer, de grosses bouilles nous épient, les phoques n’ont pas trop l’habitude de voir des campeurs par ici et leur curiosité nous fait bien rire, autour du camp des dizaines de rennes pâturent avec l’œil en coin mais avec un peu de patience ils s’approcheront sans trop se soucier des « Robinson de mer de Barents ». Ce matin pendant que Véro prolonge sa nuit, je pars en trek. Un détail important à cette latitude, pendant cette saison la nuit n’existe plus. Donc muni de mon appareil photo je pars en balade de rêverie. Une petite grimpette me mène à un lac, de là je domine l’océan Arctique. Des huards vivent en harmonie avec des canards, seuls les sternes arctiques n’apprécient pas ma venue. Je m’accroupis sur les rives et tente de me faire oublier. Mon âme d’enfant a libre cours, pas de bruit, pas de monde, seul face à moi-même, je sais qu’une belle aventure est en train de naître. Une expédition de plus ? Oui si vous voulez, moi je dirais une réalisation de rêve. Je suis tellement bien que j’en pleurerais de joie. Un poil romantique le Cabochard, mais la vie est trop courte pour se prendre la tête. La fourmilière terrestre ne laisse plus la place au rêveur, esclave du confort, l’essentiel est perdu et chacun court vers le graal qui n’est que futilité. Chaque fois que je me retrouve dans ces conditions de vie au plus simple, je réalise à quel point nous sommes devenus fragiles et tributaires du matériel… La vie peut-être douce sous cette latitude, mais l’instinct animal doit veiller, la moindre relâche et la nature vous fera une cicatrice. Ma prochaine aventure, comme un tableau, se monte, cela fait plus de deux ans que je l’ai en tête mais là, la toile prend forme. Du pastel gris noir comme la mer de Barents, du vert émeraude comme les lacs de Finlande, du bleu foncé golfe de Botnie, des traits clair et sombre comme les routes d’Europe, un peu de blanc comme les neiges éternelles des Alpes, un bleu azur pour une Méditerranée si chère à mon cœur et une touche de jaune comme le soleil qui éclairera mon bateau où ma belle me sourira après tellement de mois de séparation.
Vous ne comprenez pas tout ? Patience, au fil du temps je vous dévoilerais ce beau projet.
Ouais Jo Zef des crêpes au feu de bois ok, mais des entrecôtes de phoques et du carpaccio de rennes on va avoir des ennuis avec les écolos moroses !