Que ce fut dur…

4 septembre 2012
Aprés avoir gravi la premiére cote de la journée...

Après avoir gravi la première cote de la journée...

Depuis Stockholm j’ai englouti 1585km en vélo-poids-lourd et à ma grande surprise plus j’avance plus je récupère vite et bien. Mon problème de tendinite semble s’être envolé et le moignon tient bien le choc. Ma selle en cuir a pris forme et elle devient confortable même si par moment je ne suis pas si à l’aise que l’on me l’avait prédit. Donc ce matin je reprends la piste cyclable R7 pour croiser la R9 qui m’amènera au bord du Rhin. Pour commencer je retrouve encore une route en terre qui monte, je râle ! Enfin un beau et bon goudron, mais devant moi se dresse un mur ! Une route sans virage droit devant moi, un 10% bon poids ! Je me cale et ne lâche pas le morceau, de bleu que ça monte ! 1600mts de folie, je tire mes trente kilos de barda, je transpire comme un malade, j’y arrive. Yes I’m a free man. Tout à l’air d’avoir tenu le choc. Je poursuis, là bas je vois la plaine du Rhin mais cette maudite piste n’y va pas directement. Je suis tenté de la lâcher et de m’aventurer au petit bonheur la chance dans les méandres des villes que je devrais traverser. Je me raisonne suivons la piste ce n’était qu’un accident. En pleine cambrousse alors que les panneaux indicateurs ne dépassent plus les 20X20 cm, j’aperçois par pur chance R9. On bifurque vers le Rhin et sa « planitude ». Je mouline ça monte, ça descend mais gentiment. Puis devant nous l’Everest, le Cervin sans corde, l’abysse des Marianne en apnée, je stoppe tout, je ne peux en croire mes yeux. Une ligne droite montante de plus ou moins 2000mts à 20%, je ne savais même pas que cela existait !!! Le mini panneau R9 confirme que c’est cela que nous devons gravir. Je ne me dégonfle pas, je positive, aujourd’hui c’est la rentrée pour beaucoup de monde nous on est des « to be free » mais quand même c’est de l’inhumain… Je fais  à peine 300mts que j’explose, impossible de pédaler, donc je pousse. C’est incroyable comme ça monte, si en Corse du sud en ce moment c’est le déluge ici pour une fois c’est enfin l’été et je peux vous dire que je sue à grosses gouttes. Vu que c’est dur il faut mémoriser l’effort, un film est prévu alors je fais l’acteur. Mais non je ne suis pas atteint de « dinguote » mais comme j’en bave, je fixe la caméra sur les bords du chemin. Je cale le vélo contre un poteau, monte le caméscope 200 mts plus haut et la branche puis redescends faire l’acteur, etc etc… Au moins ça me change l’esprit. En haut du Chomolungma du jour je me réjouis de l’avoir fait, pas de sensation de blessure donc tout va bien à bord. Je fais un plein des gourdes chez une vieille dame qui est sous le charme de ce que je viens de faire et poursuis. Rebelote et dix de der, la même mais un peu plus courte !!! Je suis scotché et dire que si j’avais lâché cette maudite piste en passant par la pieuvre de Frankfurt je serais en train de pédaler à 20 de moyenne le long des berges du fleuve. Je serre les dents et gravis la piste, ce n’est plus de la sueur c’est les chutes Victoria, je suis en nage. Finalement j’arrive sur une arête qui domine l’immense plaine couverte par une chape de pollution. J’en profite pour faire un break casse croute. Je me sens bien je me palpe et ne sens aucune contracture, je fais sécher mon moignon et m’assure un bon gueuleton équilibré. Je reprends ma « pédalerie », ça y est ça descend, mais la route est couverte de gravier et surtout de mousse verte. J’évite de faire l’andouille pour ne pas me retrouver à quatre pattes nez à nez avec un écureuil me ramassant les bouts manquants ! Finalement je suis dans le plat pays, au fait j’ai lâché la R9, mouton un peu mais pas tout le temps. Je fais un pointage GPS  pour poursuivre ma route et tente de m’approcher du Rhin qui doit avoir sa piste cyclable. Je croise des cyclistes et là ils m’assassinent. Pas de voie cyclable sur la rive Est que de l’autre côté et le pont est 8km plus au nord. Eh ben, c’est la journée « on est pas des tafioles » !!! Je refais un plein d’eau, 5 litres déjà bu depuis ce matin 7h. J’essaie de mémoriser leurs charabias. Je passe à travers une zone industrielle avec la route coupée par des travaux alors je coupe à travers champs puis enfin enjambe le fleuve. Je suis un héros, un grand… Un couillon ouais !!! Devant moi un immense panneau en allemand et en français décrivant les pistes cyclables du Rhin aussi bien d’un côté que de l’autre, oui je répète de chaque côté du fleuve !!! Sacré canards (encore une histoire d’o) je me suis bien fait avoir par ces domingeros. Je  trouve la piste symbolisée par le drapeau de l’Europe qui va me mener jusqu’à Bâle sans aucune cote à gravir… Je suis un peu crevé et me pose au centre de Worms, dans une auberge… Non la mascotte pas de jeu de mots ringards avec les habitants de Worms, ce ne sont pas des vers de terre… (Worm signifie ver de terre en anglais)

A pluche !

Prêt pour l’Afrique en vélo !!!

3 septembre 2012
j'essai de la rattraper mais j'ai du mal!!!

J’essaie de la rattraper mais j'ai du mal!!!

Je touche du bois, je me réveille sans le moindre bobo, je pense que c’est tout bon pour l’avenir ! Toujours la fraîcheur du matin je reprends la piste R3 qui devrait m’amener après la grande ville de Hanau sur la R4. Tout plat avec brise dans le dos, le chemin longe l’autoroute, un vrai capharnaüm. Je pédale en douceur, je me rapproche de plus en plus de la Suisse. Je suis surpris d’être en si bonne forme, il me semble que je n’ai pas pédalé depuis plusieurs jours. Première ville et je loupe un panneau, je me fonds dans les méandres urbains. Je râle, je peste… Vous connaissez la suite ! je retrouve mes panneaux : « Va falloir se concentrer, cabochard… » Je poursuis pour arriver dans la grosse banlieue de Frankfurt qu’est la ville dortoir d’Hanau. La vraie caricature de se que je crains, les tags sur les murs, les verres brisés au sol, les immeubles en rang d’oignons avec la faune qui vit dedans. Je peux vous dire que je n’ai pas envie de moisir ici. J’avance comme l’inspecteur Colombo, j’essaie de choper tous les indices pour ne pas me perdre. Je me retrouve finalement sur les bords du Main, mais je suis inquiet, j’avance vers l’ouest et non vers le sud, va falloir bifurquer un jour ou l’autre. Je rattrape un  vététiste il m’amène jusqu’à un bac qui traverse la rivière. Un groupe de cyclistes régionaux m’offre le billet et m’encourage pour la suite, je trouve enfin la R4 ! Ouf, ouf et triple ouf ! Je dois filer vers le sud pour dénicher une transversale dans 50km qui devrait m’amener vers la piste du Rhin. Je traverse plein de petites villes qui grouillent de monde, je ne suis pas trop à l’aise. Enfin la forêt, mais voilà la R4 est un terrain d’entrainement pour l’Afrique en vélo. Fini le bon tarmac soigné, une succession de pistes en terre plus ou moins en bonnes états nous secouent à n’en plus finir. Mon vélo n’a aucune suspension et chaque trou est une vibration directe qui monte jusque dans le cervelet en passant d’abord par mon talon d’Achille. Je redoute quelques blessures mais  ai-je le choix ? Le rythme est bien sur ralenti. Je trouve une sorte de cabane dans la pénombre des bois, j’y fais mon break déjeuné. Un vieil homme me rend visite, il veut comprendre pourquoi je suis si chargé. Je lui explique mais ne semble ne pas me croire. Je n’ai pas envie d’argumenter et le laisse dans ses doutes. Je reprends mais je m’aperçois que la balise spot n’émet plus, c’est elle qui vous donne ma position en direct, je la réactive, cela fera une belle ligne droite depuis son dernier arrêt. Je fatigue plus vite sur ce type de revêtement et je planifie un arrêt au prochain bled. Pas de camping, pas de gasthauss et encore moins d’hôtel. Je demande à un fermier si je peux monter ma tente à l’angle de son hangar. Nein ! Ok on avance ! Mais je m’approche des cents kilomètres du jour ! Finalement à Gross Umstadt je trouve une pension pour la nuit… Je peux vous dire que la douche froide m’a remis d’aplomb la guibole et demi. On est prêt pour un Paris-Dakar vélo…

« Norra, Jo Zef, revenez c’est une manière de dire, on ne va pas faire un truc comme ça !!! »

A pluche !

La montagne des oiseaux…

2 septembre 2012
Presque arrivé à mon arrêt du soir... Ouf!

Presque arrivé à mon arrêt du soir... Ouf!

Un petit air de Sibérie me fait partir un peu plus tard, au lieu des 6h30 « obligatoire » je reporte à 8h, brouillard et un 9°au thermomètre, un coup à congestionner un couple de mascottes. Cette fois j’ai récupéré, je suis en pleine forme. Je me doute de ce qui m’attend, la montagne ! Je quitte la piste R1 pour la R7, ce système est absolument génial, une sorte de fléchage comme sur les GR. Il y a quelques jours je passais une bonne heure par soir pour pointer les carrefours de ma future journée sur mon GPS de poche pour éviter de me perdre, là comme un petit mouton, je suis le jeu de piste. Le soleil bouscule les nuages, la forêt reprend des couleurs et le dénivelé s’est endimanché rien que pour nous. Au programme 45km de montée !!! Non les mascottes, on ne va pas y aller en mobylette ! Cette journée va être un vrai test pour ma cheville, je ne vais plus pouvoir ne pas forcer. « Vélo+barda » représentent 30 kilos, je pédale pratiquement que de la jambe gauche, donc ça passe ou ça casse ! Des panneaux sournois annoncent les dénivelés, commençons par un 8%, pas long mais juste pour donner le tempo, je mouline mais je sens que je force comme un taureau, tout semble tenir. Le terrain devient plus humain, j’enlève des couches. Une heure, ça va, deux heures : c’est quand qu’on arrive ? Trois heures, un sale panneau annonce 11% !!! Personnel Arcticorsica, sur le pont, la guerre est déclarée, feu à volonté et surtout pas de prisonnier !!! Je pense que je force un peu !!! Je tiens le choc, la cheville aussi, devant nous un couple en VTT tente aussi l’aventure, ce seront mes victimes ! Ils sont moins chargés mais ils semblent souffrir, on va les achever. Doucement j’arrive dans leurs roues, ils soufflent, ils suent, je double. Hello, nice day today !!! Ils sont carbonisés, je les dépasse. Non mais, ce n’est pas des bipèdes qui vont nous narguer, quand même ! Quatre heures de guerre interne pour arriver au sommet de la montagne des oiseaux, c’est son nom,  je me sens bien, je dois rester prudent, je m’hydrate à outrance mais je dois refroidir la machine. Une table et des bancs avec un torrent, je vais y tremper le moteur. Quel délice, elle est polaire mais ma jambe et mon moignon revivent, pas de tracas pour l’instant. Mes victimes arrivent, ils sont jeunes mais n’ont pas la condition. J’ai droit à tous les compliments de la terre, ils ne savent pas pourtant que je ne suis qu’un sale gosse ! Ils m’apprennent qu’une piste cyclable m’amènera jusqu’à Bâle en Suisse, je glisserai le long de la rivière Main et du Rhin. Si je ne dis pas de bêtise, fini les montagnes allemandes. Qui vivra verra. Je fais mon break lunch mais un coup de barre monstrueux m’envahit, je lutte mais je suis cuit. J’essaie de penser à autre chose mais en bas ça ne veut plus. Je me recadre et reprends le dessus, pas facile de contrôler mental et physique en même temps. Finalement j’arrive à un grand panneau d’information sur les pistes qui m’attendent. J’ai le choix, tribord ou bâbord ? Je m’aperçois qu’il y a même des courbes de dénivelés avenirs. Oh mais la gauche nous parait intéressante. Jusqu’à la ville de Hanau, que de la descente, soit 70 bornes à « faignantiser »… Je lâche les chevaux, banzaï, on déboule comme des fadas. 45à 60km/h en pointe, ça dépote les copains. Plutôt que d’appeler le coin la montagne des oiseaux ils auraient mieux fait de la nommer la montagne des belettes, de partout ces demoiselles déambulent sans ce soucier du pèlerin en goguette. Les pauvres mustélidés, font quatre tours sur elles-mêmes à notre passage en roue libre, je retrouve la patate, on va chercher le 100km: Celui là, il est à nous aujourd’hui. Finalement à la petite bourgade de Wachterbach, je fouille pour un coin du soir. Un p’tit restau est ouvert, je lui explique que je cherche un gîte tranquille pour la nuit. Je comprends que mon interlocuteur est turc, j’ai vécu un an merveilleux dans ce beau pays, je sors les phrases qu’il me reste, cela fait déjà 16 ans !!! Il est de la région de Sinop sur la mer Noire, j’y suis allé, il m’offre un vrai tchaï. Je suis un peu à la maison. Il appelle son oncle qui a un hôtel, il va héberger le nomade à cloche pied… Ce soir au diner je vais me régaler de produits turcs, elle est pas belle la vie ! Après la douche et ma séance d’automassage aux huiles essentielles d’arnica, pas la moindre douleur, je verrai demain matin…

PS : Je viens d’apprendre que Thierry Corbalan n’avait pu aller au bout de sa traversée en mono palme entre l’ile d’Elbe et la Corse. Cette nuit vers 23h à cause du mauvais temps son équipe kayak ne pouvait plus avancer. Par ce billet je tenais à le féliciter pour sa ténacité et sa préparation drastique pour être présent au départ. La nature est plus forte que nous, elle est là pour nous enseigner patience et humilité… Bravo Monsieur Thierry…

A pluche !

Un vrai "Tchaï" et surtout encore une belle rencontre...

Un vrai "Tchaï" et surtout encore une belle rencontre...

A la croisée de nos vies…

1 septembre 2012
Bel échange avec Patrick qui rallie le Danemark à Gibraltar à pied

Bel échange avec Patrick qui rallie le Danemark à Gibraltar à pied

Nuit agitée malgré que le camping soit vide, je suis tellement sur le qui vive avec ma cheville que toutes les heures je me réveillais pour masser mon tendon d’Achille et vérifier qu’il n’était pas enflé et ne soit douloureux. Quelle drôle d’idée au lieu de se reposer, en tout les cas tout va bien de ce côté là ! Je démonte mon camp et me revoilà parti. Les bobos sont en stand by, yakapédaler. Le froid me saisit, 10 petits degrés, le vent cette nuit est passé enfin au nord. Il va enfin être en notre faveur, une sacrée côte comme entrée, au moins je vais pouvoir enlever une couche. Je continue sur la voie cyclable R1, le bonheur de ne pas subir les affres des chauffards. Les villages sont encore endormis, la route est vide, je peux poursuivre mes rêveries. Je fais gaffe quand même de ne pas perdre le fil des panneaux qui m’indiquent comme un jeu de piste les directions à suivre. Les pommiers regorgent de fruits et je m’autorise quelques prélèvements pour mes repas à venir. Des ponts enjambent des petites rivières, je passe à travers champs, l’Allemagne rurale se dévoile à mon passage. Je poursuis ma route, dans un hameau deux gamins en vélo me prennent la roue, ils font un bout avec moi. Je comprends après coup pourquoi ! Une rivière barre la R1, pas de pont mais une nacelle à activer manuellement. Les adolescents doivent guetter le randonneur et se font un malin plaisir à jouer de la manivelle. Paul et Morris me fileront un sacré coup de main pour me faire passer de l’autre côté. Une manière originale de plus dans mon voyage, à quand la montgolfière ? Je poursuis, le vent est en notre faveur, un vrai bonheur. Au loin je vois des gyrophares d’une ambulance et d’un véhicule de police, je m’approche en redoutant le pire, la piste est interdite aux voitures, s’ils sont là c’est que quelque chose de grave est arrivé. Un homme âgé est allongé à côté de son vélo, vu le manque d’activité des secouristes sa vie s’est arrêtée sur ce chemin aujourd’hui. Pas encore couvert, effectivement le masque de la mort est tombé sur lui. Je poursuis, je suis encore sous le coup, les images de sauvetages en mer tragiques que j’ai vécus me remontent au visage, je ne pensais pas croiser cela ce jour. La vie, la mort, on n’est pas grand-chose !!! Je me fais un break café, biscuit, et pratique quelques étirements. Toujours sud j’avance, la vision de tout à l’heure me hante, il faut que je passe à autres choses. Dans un plus grand bourg je profite pour faire quelques courses, demain c’est dimanche et ici tout est fermé. Pour compenser mon mal être je m’offre un grand jus de fruit et une brioche au sucre, les douceurs du palais pour compenser les froideurs de la vie, la grande cause de l’obésité dans les pays riches ! Le soleil enfin se réveille, il a envie de réchauffer le nomade unijambiste, j’avance encore et toujours vers le sud. Des interminables lignes droites avec le vent portant, ça fait du bien, je plains les pauvres cyclistes que je croise dans le sens inverse de ma route. Je rattrape un coureur d’origine asiatique, je devrais dire un marcheur, il est à l’agonie, ses pas ne sont pas assez rapides pour appeler cela courir, témoignage d’une longue distance déjà parcourue. Puis un deuxième et encore un autre, j’en conclus qu’il doit y avoir une course très longue distance dans le coin. Pendant plusieurs kilomètres je double ces athlètes de l’endurance, je n’arrive pas à savoir quel est leur parcours. Je suis maintenant en t-shirt avec dans mon dos la phrase du défi Arcticorsica : Ma différence c’est ma force. En dépassant l’un d’eux il me dit bonjour en français. Je ralentis pour rester à son niveau. Patrick Bono fait parti de ces hommes et femmes qui réalisent la course : Trans-Europe 2012 ! Le départ a eu lieu au nord du Danemark mi-août et se terminera à Gibraltar dans plus de deux mois!!! Des étapes de 60 à 80km au quotidien avec une moyenne minimum de 6km/h, sinon c’est l’élimination. Aucun jour de repos, une course titanesque ! Je reste au côté de Patrick, on ne se connaît pas mais quelque chosesde très fort se passe entre nous deux. On parle de nos défis, de nos bouts de vie et de cette souffrance choisie. Puis en quelques secondes un sujet très difficile à aborder en occident : de ces chers disparus qui nous accompagnent dans cette solitude qu’est l’endurance de la vie. On se livre comme deux vieux copains, je sens qu’il est au bord des sanglots, je le pousse à se lâcher, il chiale de toute son âme… A un carrefour nos routes vont se décroiser, on se serre les mains comme deux frères, alors qu’il y a peine quelques secondes on ne se connaissait pas. Bravo Patrick continue jusqu’au bout de tes rêves, Gibraltar ou pas, va jusqu’au bout de ta route elle est bordée de lumière.
Au 83éme kilomètre je décide de m’arrêter dans un hameau, quelle journée ! Le présent est un cadeau et de là haut nos anges gardiens s’amusent bien dans notre quête quotidienne.
A pluche !

Enfin le bonheur…

31 août 2012
La piste cyclable R1, un vrai bonheur...

La piste cyclable R1, un vrai bonheur...

Je quitte avec un peu la boule au ventre la ville de Northeim, est ce que ma cheville va tenir ? Il a tellement plu cette nuit que la brume a envahi la plaine avec le soleil qui pointe le bout de son nez. Piste cyclable à l’infini je vais toujours au sud. Je sais que j’ai un massif à gravir ce sera le premier col depuis Stockholm, je dois me concentrer sur mon tendon d’Achille, molo, molo. Je bois encore plus, une bonne gorgée tous les quart d’heures. Il n’y a que comme ça que je peux récupérer. L’acide lactique et urique doivent s’évacuer, l’eau draine les tendons. De chaque côté de la route de petites montagnes, j’ai bien fait de passer par cette vallée, je n’ai pas envie de forcer aujourd’hui, mais il y aura un massif à gravir. Je m’applique, je ne dois pas forcer, tout en douceur, je suis super concentré. Le dénivelé est imposant mais la route est déserte, je fais mouliner les jambes, je surveille la moindre douleur, pour l’instant rien ! Je poursuis, une heure de montée, les 12° du matin tombent à point, je ne souffre pas  de la chaleur. Finalement à 7km/h j’arrive au sommet sans la moindre douleur, un grand plat et le dessert, une magnifique descente de 20km. Je suis heureux comme un gamin, j’enchaîne les épingles et retrouve le moral. Mais ce n’est pas gagné, je dois rester concentré sur ma cheville. Les kilomètres s’enchainent, cette journée me semble bien partir. Je rejoins une petite ville et m’engage sur une piste cyclable qui comporte une indication R1 ! Je m’aperçois qu’elle me mène vers la ville de Kassel. Quelle paix, la route suit la rivière Fulda, pas l’ombre du moindre véhicule. Je me dis qu’avec un peu de chance je pourrais même traverser la grande ville sans avoir à affronter les carrefours et méandres urbains. Yes men, je passe en douceur mais où va cette piste que je suis ? Un panneau ! Je vais prendre mon temps pour comprendre. Une série de voies cyclables traverse la région jusqu’à Heidelberg soit 200km plus au sud, il suffit de suivre les repaires. Ma joie est trop forte pour que je la contienne, je lâche un cri de sauvage, aie je suis en ville !!! Des cyclistes arrivent, ils m’expliquent plus en détail le système de cette « voie royale », cette nouvelle me donne une pêche d’enfer. Je roule sur la R1, je ne m’arrêterais plus de pédaler. Bon cela, fait 90 bornes que je roule, faudrait penser à trouver le coin du soir. Un Vététiste me double, mon barda intrigue, on papote tout en roulant, il me demande de le suivre, un camping au bord de la rivière n’est plus très loin. 103km au compteur, le tendon qui ne  s’est pas réveillé, première journée sans pansement sur le moignon et la coalition « Q-selle » qui trouve le bon compromis, elle est pas belle la vie ! Comme dans le sud de la Suède je suis la seule tente au camping ce soir et pas la moindre pluie dans les parages… Mon intervention hebdomadaire de 17H40 avec France Bleu Frequenza Mora, me trouvera avec une patate énorme. Normal c’est le pays !!!

A pluche !

Nous sommes tous différents…

30 août 2012
Le gout de l'effort retrouvé par Cathy... Bravo

Le gout de l'effort retrouvé par Cathy... Bravo

Vous en prenez l’habitude quand je fais un break je deviens « philosophe », à cloche pied cela va de soi. Bien que coupé, « jeu de mot d’amputé », des télés, infos, net je sais que les paralympiques ont commencé. Je suis un peu la bête noire des instances de la Fédération Française Handisport, malgré que je fasse parti moi aussi de la famille des différents. Mon refus d’adhérer est simple je trouve absolument scandaleux que les JO et les paralympiques soient séparés de plusieurs semaines. Il est inadmissible que les athlètes soient divisés de la sorte. Les JO font parti des événements sportifs les plus suivi au monde. En terme de retombé pour le handicap cela serait un pas de géant en avant. Ok, ceci n’est que la part public mais je crois que le plus important serait la richesse de la mixité des athlètes. Ne pensez vous pas que jusqu’à la fin de leurs jours ceux qui ont concouru avec Oscar Pistorius ne pourront l’oublier. Quand leur carrière sera finie et qu’ils auront dans les moments de leur vie des doutes, une pensée les ramènera au jour où un homme avec deux jambes en moins les avait défiés. Bien-sur la mixité pure n’est pas possible un gars en fauteuil va plus vite qu’un bipède mais mélanger les épreuves serait un bienfait pour tout le monde. Le jour des finales du 100mts je verrais bien les non-voyants puis les valides suivi des amputés ou autres. Sportifs, public découvriraient que ces gens sont plus qu’ordinaires, ils ont la passion du sport et s’en donnent les moyens pour arriver au haut niveau. J’aime cette définition qui résume notre existence : une batterie qui donne de l’énergie n’est que l’union d’un plus et d’un moins. Pour ceux qui me suivent en 2009 j’ai coaché les hockeyeurs du GSHC, encore à l’heure actuelle des joueurs m’appellent et notre relation les a boostés dans leur métier de sportif de haut niveau. Mais la croisade est compliquée ; un exemple parmi tant d’autres : Je connais beaucoup de monde dans le milieu du football, Lizarazu n’est pas le parrain de l’association par hasard, en discutant à bâton rompu avec les instances de la FFF, je sais qu’elles aimeraient faire intervenir des gars comme moi pendant les mises au vert des footballeurs, mais la peur du quand dira-t-on les empêche ce type d’expérience. Quel dommage ! Un gamin qui se retrouve milliardaire en faisant un sport ne peut être que chambouler par ce type de nouvelle vie et la remise en question par une personne « différente » serait bienfaitrice, pour son présent et futur. Donc les paralympique vont débuter, des titres, des déceptions, espoirs, désespoirs, une vie de sportif à part entière.

En créant bout de vie en marge de la FFH, il y a presque dix ans je ne pensais pas trop à la réussite de ces stages, mais pourtant à l’issue de chaque semaine effectuée, quelques individus en sortent changés, sur ce blog je vois régulièrement passer les commentaires. Hier j’ai pu enfin avoir accès à mes mails et découvert une super photo de Cathy qui après 22 ans de doute a pris le taureau par les cornes, amputée tibiale double elle est remontée sur un vélo pour repartir de plus belle. L’esprit de groupe peut efficacement remonter le morale des troupes. Je ne peux oublier ma détresse il y a trente ans quand je me suis retrouvé sur la touche pour un bout perdu, la première personne qui m’a remué les fesses était René mon prothésiste qui après plusieurs semaines à ses côtés m’a démontré que c’était possible puisque lui aussi était « différent ».

Oui, nous sommes tous différents…

Langsam, langsam…

29 août 2012
Un belle maison typique...Un beau vélo avec une roue neuve et costaud...

Un belle maison typique...Un beau vélo avec une roue neuve et costaud...

Grasdorf, encore un très bel accueil même si le coin est un peu tristounet. Le patron de la pension m’accompagne, il est très touché par mon périple, mon histoire et sa poignée de main en dit long sur ses sentiments envers ma croisade. Je dois me concentrer sur ma cheville, je dois être vigilant, pas d’à-coup et encore moins d’efforts inutiles. Ce matin elle est en voie de guérison je n’ai plus mal et l’hématome a franchement diminué. Je file tout doux vers le sud. La région devient vallonnée et les côtes se succèdent. Je prends mon temps, je me suis fait un choix de route calme et paisible. Loin des voies rapides qui sont de vraies labyrinthes à contourner. Je ne dois plus regarder mon compteur, la vitesse, la moyenne aux orties, je dois pédaler en douceur. Je dois rester concentré et souple. Je visualise mon tendon, je lui envoie du positif, je me masse en pensée. Au bout de deux heures de dénivelé pas la moindre douleur. Pourvu que ça dur. Pour ma pause café, je m’arrête dans une boulangerie d’un hameau sortie du temps. Maison à colombage avec une sérénité que je n’avais encore senti depuis mon arrivée en Allemagne. Je m’offre une sorte de crumble aux cerises avec un vrai jus de fruit. Je me sens bien, serein, la route m’offre une longue ligne droite en descente, je laisse filer. I’am a free man ou non ? J’arrive dans la petite ville de Bad Gandersheim, un claquement de ma roue arrière ! Oh non ! Je stoppe tout, encore un rayon de brisé !  Le bourg est imposant, je me doute qu’il doit bien y avoir un réparateur de vélo. Je tourne un peu en rond, ici personne ne parle anglais et quand j’ai le malheur de sortir le peu de germanique que je connaisse, ils se lancent dans de l’explication philosophique wagnérienne, en bref je suis paumé ! Finalement, il est là mon réparateur. Trois vélos au milieu de casseroles et épluches patates électriques, je ne suis pas sur du mécano en or. Il me reçoit mal et semble ne pas vouloir m’aider, je tente toutes mes cartes mais rien à y faire.  Auf wiedersehen et je reprends ma route avec un rayon en moins. Je suis à 22km d’une petite ville, je n’ai pas le choix c’est là ma solution. Je tente de ne pas me perdre dans mes pensées, le plus important est de ne pas réveiller ma blessure, alors, « langsam » ! Bien sur le seul village que je dois traverser est pavé à l’ancienne, je serre les fesses, pourvu que rien ne « pète » sur mon lambeau de roue. Finalement je me retrouve à Northeim sans problème et sans bobo au tendon d’Achille. Ce magasin me semble une usine à vélo, une chaîne de mécano et des bicyclettes de tous calibres. Le boss me répète ce que Mike m’avait déjà dit trois jours auparavant, mes roues ne sont pas assez costauds pour le poids que je transporte. J’abdique et met à la poubelle ma roue arrière pour une plus solide mais plus lourde, j’en profite aussi pour me faire changer le pneu avant. J’ai une petite pensée pour mes préparateurs bastiais qui m’avaient affirmé que ces roues étaient indestructibles, j’arrive les gars, j’arrive ! Encore une fois je tombe sur des gens très chaleureux et juste en face de moi je décrypte un panneau qui semble parler de clinique du sport !  Un peu plus loin une pension qui appartient un grand ami du marchand de vélo !!! Un plus un égal ? Je file à la « klinik », le médecin est dispo, elle m’ausculte la cheville, la gauche bien-sur… c’est plus fort que moi ! Pas de souci de déchirement, d’hémorragie et tout le tralala, juste un début de tendinite. Me voilà rassuré, vous aussi, ok on l’est tous. Je dois boire plus, c’est le cas typique d’une déshydratation. Mais je dois corriger une autre faute de ma part. Dans mes efforts quotidiens je dois prendre de la protéine mais mon erreur est que je me suis gavé de viandes rouges et charcuteries qui forment l’acide urique. Dans mon quotidien je suis quasiment végétarien et ce surplus de viande m’a irrité le tendon. On apprend tous les jours mon bon monsieur. Je vais tout stopper pour uniquement prendre des œufs, du poisson ou du jambon blanc. Donc je suis à Northeim dans une petite pension tranquille et vu que demain il annonce de fortes pluies je vais faire un break pour repartir de plus belle vers le sud après-demain… j’ai pris le temps de lire tous vos messages, merci du fond du cœur, vous êtes sacrément fidèles. Je vous embrasse bien fort, même ceux que je ne connais pas encore.

Le présent est cadeau !

La route des pommes de terre.

29 août 2012

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Une bonne nuit pour récupérer et un petit-déjeuner copieux et me voilà de nouveau parti. Hier soir j’ai méticuleusement pointé mon chemin d’aujourd’hui. Je n’ai pas volontairement un GPS de route mais un avec une cartographie précise qui me permet de connaître ma position. Se perdre dans les méandres d’une ville sont des situations que je veux absolument éviter. Le ciel est gris mais mon cœur est ensoleillé. Si chez nous nous avons la route des vins dans beaucoup de régions ici je pourrais l’appeler la route des pommes de terre ! Chaque ferme a son logo de patate stylisée, des remorques ont des monceaux de fécules. Le plat pays « teutonique » me permet d’avancer sans trop m’épuiser, je dois rouler à 90% sur des voies réservées aux vélos, un réel confort. La route est encore longue, elle vient souvent me noircir mes efforts, il faut que je ne vive que kilomètre par kilomètre. Le vélo tourne bien, hier Mike semble avoir fait un bon travail. La plaie de mon moignon commence à cicatriser mais le souci majeur est mon tendon d’Achille. Par moment il me fait souffrir, peut-être une sorte de tendinite. Je bois beaucoup et je surveille mes urines, elles doivent être blanches. Je positive, le vélo est réparé, le moignon est en voie de guérison, il n’y a qu’à surveiller ma cheville. Mon système de pointage par GPS me rassure, je pédale sans peur de me perdre. Les carrefours repérés, je sais de suite quelle est ma prochaine direction. J’avance sous une pluie fine intermittente, tant que cela reste comme ça, cela ne me gène pas. Les bornes s’égrainent, j’avance vers le sud. Je rentre dans la ville de Peine et loupe un carrefour car je suis trop en confiance et crois avoir assez visualisé la carte. Je suis devant l’entrée de la voie rapide, demi-tour. Je râle, je peste, je dois être encore plus concentré. Finalement, la ville est dépassée, c’est toujours bien d’avoir la ville de « Peine » derrière soi ! Je reprends ma « pédalerie », ma cheville par moment me rappelle à l’ordre, j’essaie tout en pédalant de lui pratiquer des étirements, ça à l’air de marcher. La première côte, le vent du sud s’est levé violement, je suis à la ramasse, je suis carbonisé. Le zef me mine l’esprit, je me doute qu’au sommet une belle descente va m’amener à mon point de chute pour ce soir. Effectivement je file, mais mon tendon me fait souffrir. J’arrive dans le village de Grasdorf, mais je veux avancer encore un peu, alors je suis mes points GPS. Je suis à la hauteur d’un camping, il est sordide ! Planter ma tente dans un terrain clôturé avec plein de monde autour de moi me désole mais au moins il me donne une sensation de liberté ! Je poursuis ; une pension sur ma droite mais elle est fermée alors j’avance. Il me tarde d’arrêter, mais le village de Holle en est un : (holle signifie trou en anglais !) Je contourne une colline, un gars sur un chantier me conseille de poursuivre juste après le pont ! J’ai compris j’ai fait une boucle pour retrouver mon zimmer de Grasdorf !!! 12km de perdu !!! Je me déshabille et constate que l’intérieur de ma cheville a un hématome. Je prends une longue douche et plutôt que de rester droit sur une jambe, puisque j’ôte ma prothèse pour me laver, je m’assois dans le bac et me masse longuement la jambe. Il me semble que cela lui fait un bien incroyable. Fatigue, blessure, j’ai subitement une baisse de moral incroyable. Le village est bien triste et ma chambrette a les couleurs du coin, gris cendré ! Je continue mon massage sur le lit, je vais chercher très profondément pour retrouver un peu d’espoir. Je me dis que si je suis drastique avec mon inflammation, cela devrait vite partir. Il faut que mon mental soit à la hauteur de ce que la guérison va me demander. Pour me donner un coup de pied aux fesses, j’allume mon GPS et constate que la France est à 370km à vol d’oiseau. Je suis congelé alors qu’il fait 21°, la fatigue tente de me saper le moral, je dois penser positif. Je vais me coucher très tôt et demain la route sera encore plus belle qu’aujourd’hui. Entre vous et moi quand c’est comme ça les mascottes ont droit au même oreiller que le mien. Ouais, je sais un sale gosse et rien d’autre le cabochard.
A pluche !

Les dames de la forêt…

27 août 2012
Les mascottes ont rencontré un collègue éléphant...

Les mascottes ont rencontré un collègue éléphant...

Dormir dans un endroit calme sans avoir l’oeil sur des fadas ça repose le cycliste soupe au lait. Un vrai petit déjeuné de routard, ça me change un peu de mes poudres même si ce sera un peu plus difficile à digérer. Je reprends la route toujours sud, le dérailleur « déraille » et cela me chiffonne, j’ai encore quelques kilomètres à parcourir. La route est plate comme je n’avais jamais vu et je me surprends à rouler avec une moyenne au-delà des 22km/km du jamais vu avec mon poids-lourd. Des éoliennes en file indienne et chaque maison avec le toit recouvert de panneaux solaires voltaïques, comme quoi quand on veut on peut. Je retrouve le sourire mais je dois régler mon vélo. Je choisis de rentrer dans la ville d’Uelzen, il y a le mot zen, c’est bon signe ! Une charmante demoiselle en vélo m’amène au mécano-vélo du coin. Ici c’est impressionnant mais tout le monde roule en deux roues, vu ma dégaine pas besoin de leur dire que j’arrive de loin, ils laissent tout tomber et s’occupent  de ma bicyclette. Ils me demandent depuis quand la cassette saute, depuis Travemunde où je me suis fait changer les rayons cassés ! Mike au look de biker, en deux temps trois mouvements me trouve mon problème. En remontant ma cassette le mécano précédent a tout simplement oublié de remettre une entretoise entre deux pignons, la chaîne n’avait plus la place pour s’accrocher. Aussi simple que ça ! Il remonte tout méthodiquement et me voilà avec un vélo tout neuf. J’aime bien tailler la bavette avec ce type de personnage, on parle compétition, depuis qu’il a arrêté il a pris du poids et voudrait bien reprendre mais toutes les excuses, lui en empêchent. Un lien de leur boutique www.bikemaster-ue.de Il m’apprend pour Armstrong, je n’en démords pas, pour moi il sera toujours un grand champion. Je reprends le chemin sans ce souci de chaîne qui saute, ça change la vie. Une fois de plus j’ai demandé si je pouvais planter ma tente dans une forêt sur ma route. La réponse est catégorique, non car c’est trop dangereux !!! J’ai dormi au milieu de grizzli pendant des semaines, de loups, sous la neige et la glace par des températures négatives hallucinantes et on me dit qu’ici en Allemagne c’est trop risqué !!! Je sors de la ville et reprends ma « pédalerie ». Depuis 60km je suis sur une voie cyclable sans être tout le temps à l’affut du chauffard qui va me frôler, un vrai plaisir. J’attaque ma première côte, ce n’est pas les Alpes mais une belle montée. Toujours sur ma piste « privée » je taille ma route, la forêt est belle sombre, je me vois bien planqué au coin d’un feu. Tiens un camping-car sur un chemin de terre ! Il a l’air en piteux état le van. Encore un deuxième de même condition, c’est bizarre ce genre d’épave dans ces jolies forêts ! Un troisième, mais on m’avait dit que c’était dangereux le coin ! Encore un autre. Il y a quelqu’un, je m’arrête. Oh nom de Zeus !!! De peu je tombe du vélo, une « pépé » à moitié nue descend du fourgon ;  je ne sais plus où me mettre. Eureka j’ai compris pourquoi la forêt est dangereuse un repaire de prostituées et certainement tout ce qui va avec ! Va prendre froid la demoiselle, moi je lui tire ma référence et taïo ! C’est bon la mascotte, je t’expliquerai un jour le cursus scolaire de ce genre de minette. Rendors toi, ce n’est pas un coin fréquentable. Ces pauvres filles viennent du fin fond de l’Afrique pour un eldorado et les voilà à risquer leur peau pour quelques détraqués. J’appelle ça la solitude urbaine. Je me fais un break sur un parking pour me gaver de ce que ma boîte en plastique a pu engranger ce matin au buffet de l’auberge. Des routiers de l’Est sont là ; eux aussi me font peine, à voir leurs têtes ils doivent avoir quelques milliers de kilomètres au compteur. Je poursuis, je me sens de nouveau bien dans mon raid. La nuit de Travemunde oubliée, le vélo réparé et mes petits bobos physiques qui semblent régresser.  Au 100éme kilomètre je décide qu’au prochain coin je m’arrête. Mais non pas en forêt ! L’Allemagne a un réseau pour cyclistes et les nuits sont très bon marché, pour exemple hier soir une nuit en demi-pension avec un vrai diner cycliste et petit déjeuner de même acabit 48 euros. Je vais trouver le jumeau j’en suis sur. Mais le village n’en possède pas, un tailleur de pierre attire mon attention. Un métier en voie de disparition, Peter est robuste et son coup de main démontre des décennies de pratique. A l’entrée de son atelier, je vois une dalle gravée du mot « zimmer ». Je pense que c’est une commande. Nous discutons de son métier et moi de mon voyage. Sa femme arrive et je comprends avec un temps de retard qu’ils ont une chambre libre pour le voyageur que je suis, zimmer, voulant dire chambre. Dans un endroit charmant je me refais une santé. Petite cuisine à disposition je vais me préparer un super diner, non pas de crêpes la mascotte, trop lourd. Salade, riz et viande.
I’m again a free man !
A pluche !

Le croissant du Dimanche…

27 août 2012
Les gouttes de pluie tapotent au carreau, elles n’ont pas l’habitude de me voir en « vitrine ». Au fond le fleuve Elbe.

Les gouttes de pluie tapotent au carreau, elles n’ont pas l’habitude de me voir en « vitrine ». Au fond le fleuve Elbe.

La roue arrière réparée je peux enfin reprendre mon chemin mais ce brave mécano a dû bricoler mon dérailleur qui « déraille » plein pot ! Les molettes de guidon règlent les problèmes en partie mais je vais devoir passer chez un technicien pour qu’il fasse un  sérieux contrôle. Je ne vous parlerai pas de la nuit cauchemar que le camping a vécu. Des
voyous en devenir sont venus en bande y mettre la zizanie, décidément j’attire les rigolos. Des piles de bières entassées, ils décident que le terrain est en leur possession, nous sommes 4 tentes pas plus et je sens la moutarde me monter au nez. 22h je leur rends visite avec ma frontale, je me jure, me promets que je ne m’emporterai pas. Pas mal imbibés de bière, ils tentent la provocation, l’un d’eux essaie de me jeter une canette au visage, j’esquive. Désolé c’est de l’autodéfense, il s’en prend une ! Le calme revient, je me sens merdeux, sale, je ne dois pas agir comme ça, mais je l’ai fait quand même. Je leur ai promis une raclée s’ils osaient continuer. 23h cela devient insupportable, ils deviennent dingues, jettent tout par terre et font un raffut intolérable. J’interviens, ils me reçoivent en me jetant chaises et table. Un détail qui a son importance, quand je suis dans ce contexte, je deviens un bout de caoutchouc difficile à attraper. Un quart d’heure qu’ils n’oublieront jamais. Mais quelle désolation ! J’ai du mal à me rendormir, les questions affluent, aurai-je du laisser faire ? Est-ce que plus de dialogue de ma part aurait fait changer les choses ? Je ne sais pas, je ne suis pas un saint non plus, mais je refuse de plus en plus de perdre contrôle et mon énergie pour des gens en pleine déchéance. Mea culpa, j’ai encore donné des « gnons » ! 6h30 j’en croise sur la route, ils titubent. La ville de Travemunde et Lubeck se touchent et les quais de commerces brouillent ma carte. Je me retrouve dans une voie d’autoroute. Ca y est, ça commence. Je tourne en rond comme une mouche. Un bus comprend, le chauffeur me demande si je veux de l’aide ! Oh oui mon bon monsieur. Ici les transports en commun ont une remorque pour embarquer vélos et mobylettes, je charge mon barda et il m’amènera hors de Travemunde. Pour prendre la route sud, son explication est trop compliquée pour ma pauvre compréhension basique d’allemand et je me repaume une deuxième fois. Un homme en vélo est à ma portée, il comprend et sent mon désarroi, il me demande de le suivre. Nous empruntons un chemin de forêt pour retrouver la bonne direction. Au moment de partir je lui serre chaleureusement la main, il me demande d’attendre. Il sort d’un sac en papier un croissant et me le donne. Das ist ein franzüzich (à voir sa vraie écriture) « croissant ». Il s’éloigne, la grosse brute que je me sens ce matin a les yeux qui s’embuent. Je me remets en question, suis-je un mec bien ? Hier soir j’ai mis une correction à des merdeux en manque d’adrénaline, ce matin coup sur coup, sans jeux mots ringards, on m’aide spontanément. Mon périple ne me laisse pas trop le temps de réfléchir. Ca y est je roule plein sud, on m’avait promis de belles routes avec plein de voies cyclables et bien c’est vrai. Mais voilà, devant moi sans aucune indication au préalable, une déviation, la départementale n’existe plus ! Je suis méthodiquement le panneau qui m’amène doucement mais surement sur l’autoroute, encore !!! Mais je le réalise que quand je suis dessus, je n’ai plus le choix, la carte m’indique que j’ai 5km pour reprendre une sortie et contourner les travaux. Je me fais klaxonner comme jamais je ne l’ai été, je pédale sur la voie d’urgence comme un dératé pour sortir de ce cauchemar. Finalement je suis sain et sauf, je peux reprendre ma « pédalerie » en toute tranquillité sur de belles pistes cyclables. Je suis secoué par ces dernières heures, cela en est de trop pour le pauvre nomade errant. La route est plate, j’arrive à tenir une super moyenne de 19km/h avec mon « semi-remorque à deux roues ». Le vent devient violent de Sud-ouest, mais les pistes cyclables sont bordées de haies qui m’abritent et me permettent d’avancer sans trop en pâtir. Le ciel se charge de plus en plus, la pluie nous rejoint mais elle est encore timide. Sa sœur suédoise lui avait parlé de cet équipage atypique et elle voulait nous effleurer de ses propres gouttes ! Là-bas c’est un déluge, pour nous ça va. Au 93éme kilomètres une auberge « vélo » nous fait un petit clin d’oeil. J’en avais entendu parler et cela me tente. Juste à temps pour mettre mon deux roues au garage que l’orage se déchaine. D’une chambrette qui domine le fleuve Elbe, je peux enfin cogiter aux derniers événements que j’ai vécus. La pluie tape au carreau, ok on se verra une prochaine fois, laisse moi en paix, j’essaie de comprendre des trucs tordus d’humains. La violence et les mauvais gestes ne font pas grandir ; je vais devoir m’appliquer encore plus pour choisir mes arrêts et éviter ces situations intolérables de ma part. Puisque devant moi coule l’Elbe, je ne peux m’empêcher de saluer Thierry Corbalan et son équipe qui va tenter le 1 sept la traversée entre l’île d’Elbe et la Corse en mono palme. Technique de nage où l’utilisation des mains est interdite. Ouais Jo Zef on surveillera s’il ne s’en sert pas !!! Allez à son arrivée, vous n’aurez plus envie de prendre la voiture pour faire 500mts ou de vous plaindre pour un p’tit bobo. Allez Thierry, tu ne le fais pas pour une cause, nous sommes la cause !!!
A pluche !