La route des trois lacs…

10 septembre 2012
Le lac de Neufchâtel en mode estivale.

Le lac de Neuchâtel en mode estivale.

Comme un métronome je démonte mon bivouac, malgré les dires je ne m’attends pas à une journée « sans dénivelé ». La Suisse le plat pays, ça se saurait, non ? Je prends une voie cyclable qui mène à Biel, le brouillard semble vouloir me cacher une barre d’immeubles sur ma droite, seul le massif du Jura m’observe. Un renard croise ma « pédalerie » un champ de maïs sera son maquis. J’arrive dans la grande ville juste à l’ouverture des magasins, il va falloir remplir la cambuse. Toujours le même dilemme, prendre juste ce qu’il faut, chaque gramme a son importance. Je m’offre un café expresso enfin serré, le premier en trois mois ! Protéines, sucre lent et légumes, j’ai de quoi tenir midi et ce soir, « yakapédaler ». Je remarque que les cyclistes font des arrêts en station de carburant pour vérifier la pression de leur pneumatique, je vais les imiter, ma pompe à main n’a pas de manomètre, je fais ça au petit bonheur la chance ! Première pompe je m’arrête pour faire le plein d’air. L’hôtesse de caisse doit me remettre les embouts, mais son Iphone est plus important que le reste du monde, le virtuel règne sur le réel quotidien. Je lui demande si la boite est complète mais elle absente. Pauvre fille elle a rejoint le camp des drogués du net qui grandit de jour en jour. J’essaie tous les embouts mais aucun ne vont, cela me gonfle mais pas mon pneu ! Je renonce, « l’Iphoneuse » sort fumer sa « clope », ok pour elle il n’y a plus rien à y faire. Je lui rends sa quincaillerie et prends ma pompe perso, il me semble que le pneu arrière est un peu dégonflé mais ce n’est même pas sur.1100km de kayak dans les bras je crois que j’ai la puissance pour forcer sur le piston, mais à vouloir toujours mieux on récupère le mauvais. Patatra la valve qui reçoit mes coups de pompe s’arrache de la chambre à air. Un pfeuuuu magistrale m’informe que je suis en avarie !!! Il m’en faut plus pour m’énerver. En deux temps trois mouvements je décroche les quatre sacoches et retourne le vélo, la roue démontée je change ma chambre à air, gonflée avec ma pompe à main. J’en suis toujours au même point ! Ai-je assez de pression derrière ? Je m’en occupe plus désormais, l’histoire m’a fait perdre une bonne demi-heure et beaucoup d’énergie. Je quitte le lac de Biel pour rejoindre celui de Neuchâtel, mais deux bosses m’attendent les bras ouverts, 200mts à 10% et 150mts à 14%, je savais bien que j’endosserai le maillot à pois rouge. Enfin j’arrive sur le bord du deuxième lac mais la route décide de prendre de la hauteur, j’en profite, on aura une belle vue. La température monte à 27° et les heures ont passé, je ressens la fatigue. Dans un village je croise un couple de cyclorandonneurs bien chargé. On fait route ensemble et malgré que leurs vélos soient moins lourds que le mien je constate qu’ils ne tiennent pas ma cadence. Je peux vous dire que ces « petits riens » me redonnent du peps. Je sais, un poil cabochard l’unijambiste ! Au 85éme kilomètres une ferme-camping, je vais voir comment est le lieu. Coqs, chèvres, moutons comme voisins me changera des campings cars que je n’arrive plus à supporter. Je suis accueilli comme j’aime, en toute convivialité. Un groupe de jeunes arrivent en vélo avec des profs de gym, je suis dans le canton de Vaud et le sport roi est le hockey sur glace. En 5’ ils ont compris que l’ancien coach mental du GSHC était de passage… Je monte ma tente et pars sur les bords du lac pour une longue baignade en eau presque fraîche. Séance d’étirement aquatique et je m’endors comme une souche en guise de sieste… Je ne suis plus qu’à 60km du musée olympique de Lausanne…

PS : Jo Zef explique au coq au moment où je vous écris que s’il fait son chant avant 6h demain matin on saura où trouver de la protéine pour le déjeuné de demain midi !

A pluche !

Le 4000éme kilomètre enfin franchi…

9 septembre 2012
Peter et Mickael, duo improbable pour rejoindre Aigues-Mortes...

Peter et Mickael, duo improbable pour rejoindre Aigues-mortes...

Un bon p’tit 8° pour se remettre en jambe, je reprends la route du canal en me croyant sur la voie royale jusqu’à Bâle. Effectivement cela parait idéal, enrobé parfait en ligne droite vers le sud. Je me chauffe en faisant tourner les jambes sans forcer, petit plateau, je mouline. Je suis seul, la campagne alsacienne semble encore endormie. Un écureuil atteint certainement de « dinguotte » me précède en cavalant comme un dératé plutôt que de se jeter sur un arbre. Je tiens le rythme mais il doit s’avouer vaincu, il se pose sur ses fesses et me regarde passer. Quelle mouche l’aura piqué ? La piste passe par un pont sur l’autre berge, le canal devient celui du Rhône au Rhin mais semble abandonné. Les écluses sont ouvertes et des arbres morts gisent en pleine eau. La piste vire sur ma droite à 90°, bizarre ! La seule carte que je détienne est sur mon appareil photo qui par ce froid n’a plus de batterie. Je pédale 2km et m’arrête, ma grande carte m’indique que je fonce vers Mulhouse ! Deux dames en VTT, une aubaine. Je suis comme je me doutais sur le mauvais chemin. Je les suis jusqu’à une bifurcation qui doit m’amener à un village pour rejoindre le bon chemin. J’en ai marre de ces pistes cyclables qui ne figurent par sur les cartes routières que je possède et qui partent sans indication dans les directions opposées. Juré, dés que je suis sur la départementale je ne la quitte plus, en oubliant ce cauchemar de piste cyclable du Rhin si « romantique ». Je suis en pétard contre les ingénieurs intellectuels qui ont pondu ses voies sans avoir jamais mis leur cul sur un vélo. J’ai la rage, mais ce n’est pas bon, je perds bêtement mon énergie. La piste que je dois emprunter est défoncée et pendant 3km j’angoisse pour mon vélo tellement chargé. Finalement me voila sur la départementale vide de véhicule, je jubile ma carte me donne exactement ma position et enfin je n’ai plus la boule au ventre de me bouffer du kilomètre en plus. Deux allemands me rattrapent, l’un en VTC et l’autre en Solex. Je me mets dans leurs roues pour prendre l’aspiration. Nous roulons à un super rythme et l’effet de groupe une fois de plus me motive. A un carrefour nous commençons à faire connaissance. Peter et Mickael se dirigent vers Aigues-Mortes en Camargue, ils sont partis de Francfort. Ce duo improbable est surprenant, l’un en vélo l’autre en « pétrolette », l’année dernière ils avaient tenté la même aventure ; mais à Lyon un chauffard devait faucher Mickael et lui fracturer le bras. La route me fait toujours rencontrer des gens attachants et même par des journées noires ces personnes me remontent le moral. A midi tapante je trouve une table et des bancs à l’ombre, ils continueront leur route. La température monte à 27° avec un grand ciel azur, j’aime ce temps là car dès que je roule l’air frais annule la canicule. Je croise deux anglais, leurs vélos est muni de toutes petites roues, ils montent vers Rotterdam, finalement je ne suis pas le seul farfelu dans la région. A la frontière suisse je fais un stop au supermarché du coin pour mon diner et le casse croute de la journée de demain. Une dame  intriguée par ma dégaine me guidera pendant quelques kilomètres. Le cœur léger je suis très heureux de retrouver la vraie route et laisser derrière moi ses derniers jours de cauchemar de pistes pourries qui n’ont qu’une vocation, filer le blues au bouffeur de kilomètres sur une jambe.  Le gros point positif du jour et du raid c’est qu’aujourd’hui je viens de franchir le 4000éme kilomètres et ça ça fait plaisir !!!

PS : Depuis quelques jours nous croisons très régulièrement des cigognes et à chaque fois Jo Zef me demande si c’est vrai que les nouveaux nés étaient amenés par cet échassier. Un peu embarrassé par la question je le renfermais instantanément dans son sac étanche. Tout à l’heure nous avons passé le village de Petit-landau, il est ressorti en me demandant de sérieuses explications !!! Chu démoralisé !!!

A pluche !

Que ce fut dur…

4 septembre 2012
Aprés avoir gravi la premiére cote de la journée...

Après avoir gravi la première cote de la journée...

Depuis Stockholm j’ai englouti 1585km en vélo-poids-lourd et à ma grande surprise plus j’avance plus je récupère vite et bien. Mon problème de tendinite semble s’être envolé et le moignon tient bien le choc. Ma selle en cuir a pris forme et elle devient confortable même si par moment je ne suis pas si à l’aise que l’on me l’avait prédit. Donc ce matin je reprends la piste cyclable R7 pour croiser la R9 qui m’amènera au bord du Rhin. Pour commencer je retrouve encore une route en terre qui monte, je râle ! Enfin un beau et bon goudron, mais devant moi se dresse un mur ! Une route sans virage droit devant moi, un 10% bon poids ! Je me cale et ne lâche pas le morceau, de bleu que ça monte ! 1600mts de folie, je tire mes trente kilos de barda, je transpire comme un malade, j’y arrive. Yes I’m a free man. Tout à l’air d’avoir tenu le choc. Je poursuis, là bas je vois la plaine du Rhin mais cette maudite piste n’y va pas directement. Je suis tenté de la lâcher et de m’aventurer au petit bonheur la chance dans les méandres des villes que je devrais traverser. Je me raisonne suivons la piste ce n’était qu’un accident. En pleine cambrousse alors que les panneaux indicateurs ne dépassent plus les 20X20 cm, j’aperçois par pur chance R9. On bifurque vers le Rhin et sa « planitude ». Je mouline ça monte, ça descend mais gentiment. Puis devant nous l’Everest, le Cervin sans corde, l’abysse des Marianne en apnée, je stoppe tout, je ne peux en croire mes yeux. Une ligne droite montante de plus ou moins 2000mts à 20%, je ne savais même pas que cela existait !!! Le mini panneau R9 confirme que c’est cela que nous devons gravir. Je ne me dégonfle pas, je positive, aujourd’hui c’est la rentrée pour beaucoup de monde nous on est des « to be free » mais quand même c’est de l’inhumain… Je fais  à peine 300mts que j’explose, impossible de pédaler, donc je pousse. C’est incroyable comme ça monte, si en Corse du sud en ce moment c’est le déluge ici pour une fois c’est enfin l’été et je peux vous dire que je sue à grosses gouttes. Vu que c’est dur il faut mémoriser l’effort, un film est prévu alors je fais l’acteur. Mais non je ne suis pas atteint de « dinguote » mais comme j’en bave, je fixe la caméra sur les bords du chemin. Je cale le vélo contre un poteau, monte le caméscope 200 mts plus haut et la branche puis redescends faire l’acteur, etc etc… Au moins ça me change l’esprit. En haut du Chomolungma du jour je me réjouis de l’avoir fait, pas de sensation de blessure donc tout va bien à bord. Je fais un plein des gourdes chez une vieille dame qui est sous le charme de ce que je viens de faire et poursuis. Rebelote et dix de der, la même mais un peu plus courte !!! Je suis scotché et dire que si j’avais lâché cette maudite piste en passant par la pieuvre de Frankfurt je serais en train de pédaler à 20 de moyenne le long des berges du fleuve. Je serre les dents et gravis la piste, ce n’est plus de la sueur c’est les chutes Victoria, je suis en nage. Finalement j’arrive sur une arête qui domine l’immense plaine couverte par une chape de pollution. J’en profite pour faire un break casse croute. Je me sens bien je me palpe et ne sens aucune contracture, je fais sécher mon moignon et m’assure un bon gueuleton équilibré. Je reprends ma « pédalerie », ça y est ça descend, mais la route est couverte de gravier et surtout de mousse verte. J’évite de faire l’andouille pour ne pas me retrouver à quatre pattes nez à nez avec un écureuil me ramassant les bouts manquants ! Finalement je suis dans le plat pays, au fait j’ai lâché la R9, mouton un peu mais pas tout le temps. Je fais un pointage GPS  pour poursuivre ma route et tente de m’approcher du Rhin qui doit avoir sa piste cyclable. Je croise des cyclistes et là ils m’assassinent. Pas de voie cyclable sur la rive Est que de l’autre côté et le pont est 8km plus au nord. Eh ben, c’est la journée « on est pas des tafioles » !!! Je refais un plein d’eau, 5 litres déjà bu depuis ce matin 7h. J’essaie de mémoriser leurs charabias. Je passe à travers une zone industrielle avec la route coupée par des travaux alors je coupe à travers champs puis enfin enjambe le fleuve. Je suis un héros, un grand… Un couillon ouais !!! Devant moi un immense panneau en allemand et en français décrivant les pistes cyclables du Rhin aussi bien d’un côté que de l’autre, oui je répète de chaque côté du fleuve !!! Sacré canards (encore une histoire d’o) je me suis bien fait avoir par ces domingeros. Je  trouve la piste symbolisée par le drapeau de l’Europe qui va me mener jusqu’à Bâle sans aucune cote à gravir… Je suis un peu crevé et me pose au centre de Worms, dans une auberge… Non la mascotte pas de jeu de mots ringards avec les habitants de Worms, ce ne sont pas des vers de terre… (Worm signifie ver de terre en anglais)

A pluche !