Pour commencer 2019 du bon pied…

5 janvier 2019

Bout de vie rentre dans sa 16ème année, il me semble que c’était hier qu’avec une poignée de potes on l’a créée… L’année 2018 fut une fois de plus, riche en rencontres, en stages, en confidences. La semaine de mer reste le fil rouge immuable de l’association. Pendant ces jours de voile, les participants se fondent dans un environnement qu’ils n’auraient jamais pu découvrir de cette manière avant leur amputation. Sur le magnifique catamaran Nomade, skippé de main de maître par Christophe, nous avons caboté le long des côtes sauvages de l’extrême-sud de Corse. Une semaine où chacun a donné de son meilleur, où chacun a puisé dans ses limites pour découvrir sa nouvelle vie.  Au programme : apnée, kayak, voile, plongée sous-marine, le tout sous les projecteurs du très célèbre magazine télévisé Thalassa.  La soirée d’anniversaire fut remplie d’émotion, d’échanges, quelle belle fête! Francis Lalanne avait fait le déplacement pour l’occasion, au côté de Daniel Vincensini, leurs chants nous faisaient rêver à la « maison du bonheur ».

Perdre un bout de son corps est un choc d’une violence inracontable, indescriptible mais pourtant l’alchimie de l’existence, nous a remis sur pied pour avancer encore et encore. Les stages de survie maquis aussi sont une opportunité pour un public valide de se confronter aux contraintes d’une vie sous les étoiles avec le minimum. De temps à autre un éclopé rejoint le groupe pour apporter sa « boiterie » mais aussi sa force de vie. Un stage de survie spécial jeune, entre 15 et 25 ans eut lieu en plus de tout le reste. Là aussi la mixité valide, moins valide a marqué les esprits. Puis ce fut aussi le premier stage survie mer, là encore, un amputé en plus du guide, corsait l’aventure. Le programme était vaste et varié : découverte d’un milieu hostile, cohésion de groupe, gestion de l’eau potable, un beau programme pour souder une équipe formidable…

Bout de vie ce n’est pas que ça aussi, Bout de vie c’est aussi le Groenland où elle possède sa maison bleue.  Alors cet été, 6 jeunes se sont envolés pour vivre dans un village de 23 âmes sur la côte Nord-Ouest en baie de Disko. Perdu au fond d’un immense fjord, Oqaatsut a émerveillé ces aventuriers à cloche pied. Entre deux coups de peinture sur la façade de cette vieille maison, ils ont eu l’opportunité de naviguer au milieu des icebergs, des baleines et des phoques. La vie polaire se moque de la différence, les contraintes de vie tout là-haut, à 400km au nord du cercle polaire, sont tout autre qu’un mauvais regard ou d’une place de parking bleue volée par un imbécile. Là-haut, la vie est survie. Un faux pas, une faute d’inattention et c’est le carton rouge, c’est l’irréparable.  En ces quelques jours de baroude, j’ai vu les visages s’ouvrir. Chacun est allé chercher un « truc » qu’il n’aurait jamais trouvé ailleurs et tout ça, c’est grâce à vous les épaules de Bout de vie. Grâce à vous les mécènes, les sponsors, les donateurs de l’ombre, le parrain et président d’honneur Bixente Lizarazu.

Derrière tout cela, des heures à communiquer avec les nouveaux arrivants, avec les proches qui se posent des questions qui semblent sans réponse sur l’amputation. A rencontrer les scolaires, les universitaires, les entreprises, les festivals et les médias. L’Awards « Homme de l’année » m’a été remis par la très célèbre société Jaguar Land Rover à Paris, une pierre blanche de plus à la pyramide que nous construisons tous ensemble…  Donc 2018 est bel et bien terminé, que déjà 2019 offre de nouvelles opportunités de voyages, de stages et de rencontres… Un projet de Tour du monde à la voile en passant par le Groenland est en train de voir le jour, pourquoi ne pas rêver les yeux ouverts ? Pourquoi ne pas les réaliser, pourquoi ne pas y croire ?  La vie est un présent précieux, à nous d’en être les gardiens… Que 2019 soit l’année de la paix et de la sérénité…

Stage sur-vie douce octobre 2018

31 octobre 2018

Vivre, vibrer, exister, encore un stage de sur-vie douce qui s’est déroulé au fil des rêveries automnales. Lucie, Nathalie, Yann, Clément, Christian et Gérald composaient la fine équipe des survivalistes ! Marches lentes mais silencieuses, la vallée perdue sait envouter ceux qui s’y perdent. Le but est de vivre sereinement au fil des ateliers qui se présentent à nous. Manier la ficelle pour l’apprentissage des nœuds, l’éternel feu qui rassure, réchauffe, éclaire les longues soirées humides mais si magiques, dégustation de glands de chêne, de poires sauvages, de fruits d’églantier et des premiers nombrils de vénus. Mais plus que tout cela, c’est l’unité que crée l’esprit de groupe: chacun vient de mondes si différents, de régions et de pays opposés. Cependant je n’ai vu qu’une bande de femmes et d’hommes toujours prêts à s’entraider, à se confier, à déléguer et à partager. Loin des très mauvaises caricatures de ce que doit être la survie, nous n’avons pas mangé de « bestioles » répugnantes et nous n’avons pas allumé de feu avec un silex en étant habillés en peau de bête. Les participants ne se sont pas évanouis d’efforts trop violents, je laisse ça aux autres. Ici c’est la découverte, de la bonne essence pour démarrer un feu avec une seule allumette, de l’emplacement zen pour monter le bivouac et du belvédère pour improviser le foyer qui nous fera repérer par les sauveteurs. Depuis quelques décennies, j’ai accumulé des expériences en expédition que je tente d’offrir aux participants. Le torrent n’est pas si froid que ça si la motivation est trouvée, la volonté n’a rien à voir, il faut juste comprendre pourquoi on fait les choses. Les marches sont lentes et silencieuses pour permettre un voyage de l’intérieur, qui va décrasser certaines situations floues et obscures de nos existences d’Hommes. Plus qu’un stage de survie, c’est un bout de vie partagé… Les bâches-abris, montées en fin d’après-midi définissent la tonalité qu’aura la longue soirée au coin du feu. Certains sont plus doués que d’autres, mais la compétition n’a pas sa place ici, alors chacun va aider et conseiller l’autre. La pluie nous remet en place, les grains se sont succédés, les fragrances de la forêt nous ont ravis, même si les habits sentaient une forte odeur de fumée… Ces 4 jours se sont envolés, j’espère qu’ils resteront gravés pour longtemps dans le cœur et l’âme des participants…

Le prochain stage aura lieu la première semaine de mars, il reste encore deux places… inscriptions bout2vie@wanadoo.fr

Le grand voyage…

17 octobre 2018

 

 C’est à la suite d’un voyage de 4 années en compagnie de mon vieux bateau en bois le bien nommé Cabochard, que l’association Bout de vie est née en 2003. Depuis que j’ai dû me séparer de lui à grand regret, en 2017, une idée a germé !

La mer est un lien entre les peuples, les cultures et les rêves. Cette « odyssée » m’a porté vers le désir de partager ma vie si atypique. Depuis la création de mon association, de jeunes amputés sillonnent le globe à mes côtés en rêvant d’une vie debout. Bout de vie doit avoir son propre voilier pour un long voyage de partage. C’est d’une logique implacable.

Sa première longue escale sera le Groenland. L’hiver, la mer se fige, la nuit est permanente, la vie devient survie et les tracas prennent un autre sens. A quelques encablures de ce mouillage polaire, se trouve le hameau d’Oqaatsut de 21 âmes, où j’y possède une maison. Ce sera le premier périple de ce tour du monde de partage. Un été boréal verra des équipages de « boiteux » se croiser. Puis le bateau reprendra la route vers le sud pour poursuivre son grand voyage vers l’Océan Pacifique et boucler un tour du monde en plusieurs années. Plus qu’une aventure cela se veut un hommage à la vie, un pied-de-nez aux malheurs qui ne sont pas des punitions mais des défis à relever. Là-bas au large, la nature ne juge pas, elle vit.

Un leitmotiv me poursuit donc depuis ce jour funeste où je fus amputé.  A chaque projet dans lequel je me suis lancé, je me suis entendu dire : « Tu ne peux pas le faire ». Puis en me voyant insister, cette phrase retentissait : « Tu vas te faire mal, c’est trop risqué ». Et finalement quand j’y suis arrivé, les mêmes m’ont confié en boucle : « oui mais toi c’est normal que tu y arrives ». Ce projet commence à voir le jour, il est entreprenant, intrépide, osé, aventureux et hardi. N’est-ce pas le grand Sénèque qui disait : « le monde appartient aux audacieux »… Alors le voyage est déjà en route. Mon enthousiasme ne m’a jamais lâché, même au lendemain de toutes les catastrophes que la vie m’a affligées, je suis debout et je ne boite pas dans ma tête. Etre un Homme libre n’est pas donné à tout le monde, alors dans le sillage de ce beau bateau, des Femmes et des Hommes « abîmés » trouveront aussi leur chemin et appliqueront à leur tour le leitmotiv de ma vie : « tu ne peux pas le faire, tu vas te faire mal si tu continues, puis en réussissant ils diront oui mais avec toi c’est normal… »

En vous joignant à ce projet, vous offrirez un élan d’espoir à des « cassés » de la vie. Vous apporterez ce rayon de soleil qui fait du bien après la tempête. Vous et votre entreprise serez les témoins privilégiés de ces renaissances.  Plus qu’un mécénat, c’est un échange et un partage. Le journal de bord qui sera mis en ligne au quotidien sur mon blog fera naître un livre, puis un film dont vous en serez également les acteurs … Les liens sociaux seront le relais entre tous ceux qui ont osé le premier pas à bord et ceux qui n’osent pas encore. Le rêve de voyage est déjà un voyage disait le sage Marek Halter.

Le bateau est un monocoque en aluminium dériveur intégral capable d’être pris dans les glaces quand la mer gèlera et qu’il sera immobilisé pour un long hiver, sa taille de 15mts est un compromis pour pouvoir être manœuvrable seul et avoir la capacité d’accueil d’équipiers. L’équipage sera là pour épauler les manœuvres mais la réussite de ce voyage sera la facilité de vie à bord sans qu’il soit adapté pour autant. Les invités se relayeront à tour de rôle. Pour certains ce sera la première fois qu’ils mettront le pied à bord d’un bateau. Le perpétuel roulis d’un voilier est une épreuve de chaque instant pour une personne fraîchement appareillée.

Nous l’appellerons Niviarsiaq qui a une double signification en groenlandais. En premier lieu cela veut dire « jeune fille » mais c’est aussi le nom de l’épilobe à feuilles larges qui est l’emblème du Groenland. Niviarsiaq est surtout le symbole de la renaissance. Cette fleur boréale semble fragile, pourtant chaque année après un hiver des plus rudes, elle ressurgit pour offrir sa parure pourpre au pays de Nanoq (ours polaire en groenlandais). Ce bateau sera un acte de renaissance pour celui qui aura la chance d’y devenir équipier A chaque escale l’équipage changera, à leur tour en rentrant chez eux ils seront les messagers de l’espoir, à leur tour ils soutiendront les nouveaux arrivants dans le monde du handicap. Plus qu’une croisière ce sera un long voyage de l’intérieur où les questions sombres et irrationnelles trouveront leurs réponses.

Avant j’étais un voyageur solitaire, depuis je suis devenu un aventurier solidaire…

 

 

L’une de mes protégées à bord du voilier polaire Vagabond en escale à Ilulissat sur la côte nord-ouest du Groenland été 2015…

A la rencontre de France et Eric les armateurs du beau voilier polaire Vagabond...

Rencontre de France et Eric à bord du voilier Vagabond…

Conférences et rencontres…

28 septembre 2018

 

Une fois de plus je me lance dans l’aventure, ce n’est plus une expédition en solitaire mais une croisade de partage. Je pars sur une série de conférences pour offrir mon expérience et disséquer en public mes blessures qui sont devenues ma force. Les cachets de ces interventions seront reversés en intégralité à mon association Bout de vie. Je sors des locaux d’Airbus Helicopters où l’émotion nous a tous fauché, quel bonheur, quel privilège de recevoir autant de succès. Avant j’étais un solitaire porteur de maux, maintenant je suis devenu solidaire offreur de mots…

Le thème développé aujourd’hui était :

Se servir d’un échec pour une victoire :

L’échec ne doit pas obséder, facile à dire mais moins à réaliser. En étant focalisé sur l’échec c’est une spirale fatale qui nous entraîne vers le bas sans aucun enseignement. L’échec doit être considéré différemment, c’est un maître d’enseignement et non une flagellation. L’échec est un panneau indicateur pour changer de route. Si l’échec est en boucle un tireur embusqué, il ne pourra que vous maîtriser. Quand je me lance dans une expédition polaire, je sais que j’ai plus de chance de ne pas y arriver que d’aller au bout de mon rêve. Alors plutôt que de m’obséder sur les risques qui me feront abandonner, je visualise ce qui va m’y faire arriver…  La peur est compagne d’aventure, elle ne me lâche pas mais elle est un indicateur juste pour ne pas me planter et en revenir vivant et entier, si je peux me le permettre ! La peur est nécessaire, comme la peine, la tristesse, mais elles ne doivent pas être les maîtresses de cérémonies. Elles ont leur place au même rang que la victoire, la gloire et les honneurs.  La descente du fleuve Yukon en kayak m’a pris des jours, des semaines, des mois. Mais en vérité ce n’est que la répétition infinie d’une fois un jour, qui n’est que la répétition de plein de 24 heures et avec cette analyse la peur d’être dévoré par des prédateurs était moins forte, la solitude extrême ne m’étouffait plus du tout et je disséquais ces 24h en heures de conquêtes à pas lent. La peur de ne pas aller au bout m’échappait, et quand elle revenait je visualisais où j’étais et ce que je sentais. Mon accident que j’avais vécu me donnait l’énergie pour apprécier encore plus ce voyage de l’intérieur et arriver au bout de ce voyage incroyable. Les images de références sont très importantes

Une vie sans échec est vouée à l’échec !!!

Mon accident est devenu une force, sans ce drame jamais je n’aurais réalisé ce que j’ai fait et ce que je vais continuer à faire. Je suis en pleine séparation, mes projets affectifs se sont tous écroulés, un genou à terre, je réalise que je suis vivant et que j’avais très certainement fait un mauvais choix. Mais plutôt que de m’accabler je pense au bonheur partagé et cette rupture va me permettre de mieux poursuivre ma future vie affective, en évitant les pièges du passé. Cela n’empêche pas d’être malheureux et triste par moments, mais la vie est un éternel recommencement, alors soudainement cette idée me remplit de bonheur intense… Plutôt que de me morfondre un magnifique projet de tour du monde à la voile en le partageant avec des gamins amputés de mon asso, est né. Sans cette claque je n’aurais jamais osé ce pas… Donc une fois de plus un échec peut et doit devenir le terreau d’une nouvelle vie…

Les échecs, les déceptions ne sont pas des punitions mais des défis à relever. L’échec est un apprentissage, pour arriver aux victoires, l’échec est inévitable. Le dirigeant, le parent, le conjoint, l’ami doivent se confronter à cette réflexion : à quoi sert l’échec ? Après des décennies de baroude ma réponse est simple l’échec est un professeur de vie…

L’échec ne doit pas être une barrière mais un pont entre deux points de vie bien précis. L’échec n’est pas une forteresse qui doit enfermer sa victime mais un tremplin vers une nouvelle vie. L’amour universel, est le seul lien entre son âme et la Liberté.  Il y a deux manières de philosopher l’échec : la première, je suis ce que je fais et la deuxième : deviens ce que tu es

Si votre entreprise, votre société, votre université, désire l’une de mes interventions, envoyez un mail à : bout2vie@wanadoo.fr et je vous répondrais au plus vite…

Thèmes proposés :

Se servir d’un échec comme conquête.

 Handicap en entreprise.

Solitaire avec une équipe.

Découverte de nouvelles limites.

 

Merci à Christophe Debard et Anne Rebeyrol collaborateurs Airbus qui m’ont permis ce partage…

 

Tel le Phoenix qui renaît de ses cendres…

30 août 2018

Un bouquet de Niviarsiaq en hommage à la Liberté…

 

Tomber encore, se relever toujours, ok ça c’est l’adage ; mais encore faut-il une fois debout se remettre à marcher et avancer. Nous n’avons pas le choix, ma résolution est simpliste peut-être, je désire m’abandonner sans retenue sur le sentier de l’amour universel.

Bien sûr, je n’emprunterai plus le même chemin qui m’a mis le genou à terre. Se servir des échecs comme d’une chance sans retourner d’où l’on est parti.

Pour ma part, j’ai choisi de suivre la lumière. Se servir du passé comme un phare qui guide et non d’une baie où l’on se cache. Einstein disait : « la vie, c’est comme le vélo ; pour garder l’équilibre il faut avancer ». Cette expérience groenlandaise m’a mis sur une sacrée route, je n’y ai vu au départ qu’injustice et noirceur mais soudain tout s’est éclairé.

 Nous sommes en permanente formation, nous sommes dans une école où les professeurs ne sont pas toujours très délicats, mais l’enseignement n’est pas une chanson de Casimir dans l’île aux enfants. Il nous faut rester dignes et surtout comprendre les leçons. La vie dans un minuscule hameau Inuits a sa part d’enseignement aussi. Ici on est quasiment transparent, le villageois ne perd pas son temps en dialogues qui ne servent à rien. Je me souviens de soirées dans le sud, où je me posais la question : mais qu’est ce que je fous là ? « Blablater » pour ne rien dire, pour qu’aucun frisson n’en sorte. Je ne suis pas dur, ni amer, mais constate l’abysse qui nous sépare entre le pays du silence et celui des « autres » sans vibration.

Apprendre le silence, ce fût ma première leçon. Il est dur par moment de ne rien dire quand on est en manque d’échange, mais en vérité j’avais occulté le frissonnement, l’intention de l’âme et cela faut bien plus qu’un long discours qui n’a pas de sens et de profondeur !

La vie groenlandaise se mérite, les flemmards n’ont pas trop leur place au pays d’Aputsiaq. Ici, j’ai travaillé sans relâche en silence, seul sans demander la moindre aide, il m’aura fallu du temps pour comprendre qu’ils m’observaient, en se demandant comment le petit blanc boiteux allait s’en sortir. Puis des sourires m’ont réchauffé, m’ont fait du bien.

A mon départ je suis allé voir Steen, il a senti sans que je lui explique, sans le moindre mot. Nous nous sommes étreints et subitement nous nous sommes mis à pleurer. Je lui ai donné des victuailles et puis j’ai tourné les talons pour rejoindre mes potes qui étaient déjà sur le bateau… Whaou quelle sensation, là, en un claquement de doigts je me suis senti, Homme, la liberté m’a emporté, elle m’a pris dans ses bras, je sais que je ne suis plus seul. Les projets naissent en cascade, vos messages abondent, une brève connexion sur le net a fait rougir mes joues déjà tannées par la glace.

Alors, je comprends à peine pourquoi j’ai acheté cette maison si loin de ma culture, pourquoi je tente de restaurer une cabane qui n’a plus d’âge. Oui, doucement le brouillard s’évapore, les « qivitoqs » se cassent les dents sur tout l’amour que vous m’envoyez, deviendrais-je immortel ? N’ayez crainte, la mort va venir pour moi aussi, mais depuis peu je ne suis plus pressé !  En rentrant je vais lézarder au doux soleil Corse, m’occuper de ma petite cabane, retrouver quelques potes et reprendre ma marche en tant que donneur d’espoir.

Deux conférences de hauts vols, la présentation de mon dernier film aux Ecrans de l’aventure et certainement d’autres événements m’attendent, j’adore les défis, je vais me régaler. Puis il va y avoir des stages de survie en novembre et en mars, puis un nouveau, mi-décembre en mode survie-mer. Surveillez mon blog, les infos vont être très vite mises en ligne.

Je n’ai pas de conseil à vous donner, je ne veux pas moraliser qui que ce soit, j’écris comme je pense à l’instant présent. Nous vivons dans un miroir, à nous d’avoir le courage de nous regarder droit dans les yeux ; essayez, osez, tentez l’aventure ! N’ayez pas peur, au départ vous allez y voir des ombres, des facettes de votre vie qui ne vont pas vous convenir. Certains se trouvent ridés, vieux, fuyants, puis avec un peu d’humilité les ombres disparaissent, les stigmates de nos souffrances s’envolent, plus besoin de botox et silicone, la vie en se regardant dans les yeux est régénératrice, elle vaut toute intervention chirurgicale !

Je n’aurais jamais pu croire avoir autant de force. Comme l’arbre qui perd ses feuilles et qui se fait élaguer, la sève de la vie m’enivre, me fait tourner la tête… Yes I’m a Freeman bien plus qu’avant.

Vive la vie.

Une étoile de plus dans la cabane…

Au pied du glacier Eqi

D’ombre et de lumière

Nouvelles du Grand Nord…

29 août 2018

 

1heure du matin, encore une insomnie, alors je profite de la première nuit obscure de l’été pour saluer les étoiles, cela fait quelques mois qu’elles n’ont pas scintillé au dessus de « mon » petit village Oqaatsut. J’y cherche la mienne, la sienne, la votre… J’hume l’air polaire, je respire à plein poumon, le petit 4° est vivifiant, la Grande Ours est apaisante. Je n’ai pas écrit depuis plusieurs jours car une grande tristesse m’a envahi, les nouvelles d’en bas ne sont pas très bonnes, mais j’essaie de suivre cet adage : la douleur est inévitable mais la souffrance, elle, est intolérable, alors je tente de ne pas souffrir. Toutes les ruptures, blessures, sont enrichissantes en leçons de vie, alors j’apprends. 45 jours de vie là-haut au pays d’aputsiaq, 7 semaines à retaper une maison bleue perdue au milieu des glaces et du silence. Un rêve de plus de réalisé, un défi de plus relevé, mais l’essentiel c’est envolé, la fondation c’est écroulé, l’existence sans amour est un oiseau sans aile, un horizon sans espoir. Je me force de croire que c’est salutaire pour mon âme, souffrir c’est grandir, alors je vais bientôt prendre de la hauteur. Dume, mon Dume est là, heureusement, il me fait rire, il fait le pitre. Un invité de plus a rejoint la cabane, Christophe, alors il me faut encore endosser le rôle de guide. Bivouac au milieu de rien, rencontre de dizaines de baleines et phoques, village plus souriant. La vie ici est riche, pleine de grandeur. Je me reprends en main, je tente de penser de nouveaux projets, de panser ma plaie, de comprendre et de me mettre à la place de l’autre. Nous sommes tous fautifs de nos actes et donc je cherche mes erreurs mais il me manque des éléments, des réponses…

Pendant ces 45 jours la cabane a accueilli des « éclopés », des amis, des copains, elle a vibré, elle a retrouvé une certaine jeunesse, derrière tous ça des mécènes qui ont permis ce rêve. Un immense merci, vous allez voir je vais en sortir plus fort, j’en suis sur, même si je boite bas et même si la nuit a envahi en partie ma vie. Je ne sais pas quand je reviendrais ici, je dois vivre l’instant présent, je dois juste écouter battre mon cœur, j’ai espoir, je l’ai entendu vibrer de nouveau, je vous assure. Inévitablement je vais revenir au pays des silences, au pays des Homme silencieux. En rentrant je vais apprendre à pardonner, à me mettre à la place de l’autre, pas facile, pas facile pour un gars comme moi. Mais homme de défi, celui-là aussi je vais le réussir. Je ne m’épanche pas mais je devais vous le dire, vos multiples messages d’inquiétudes m’ont soufflé de vous écrire, de vous dire que tout va bien, je suis encore là, mes yeux cherchent la mer ouverte pour sortir des glaces qui m’ont emprisonné.

Les baleines sont de partout et les troupes de phoques aussi comme un cadeau de mes anges gardiens. Ce matin les morues sont montées à bord d’Ifaraq, jamais je n’en ai péché d’aussi grosses. Sans trop d’excentricité, les gens du village me félicitent pour le travail de restauration et surtout je commence à peine à comprendre comment ils fonctionnent, pas évident pour un latin. Ce soir c’est ma dernière soirée avant de reprendre la route vers chez moi, là-bas où la cabane sera vide. Je pars en balade sur les dalles de granit, la mer est calme il n’y a pas un souffle d’air, seule 4 baleines, jouent les passantes. Je n’ai rien prévu, pas de serviette pas de plan B, je sens qu’il me faut me mettre à l’eau, l’océan Arctique me le demande. Sans ciller, sans trembler, je m’immerge en tenue d’Adam et Eve. La mer de Baffin est accueillante, je n’ai même pas senti le froid, bien au contraire elle m’a apaisé, elle m’a lavé de beaucoup de noirceur prêt à affronter ma nouvelle vie…

Je crois que je vais pouvoir écrire une belle nouvelle, sur l’histoire d’un papillon qui s’est posé dans l’écrin du cœur d’un Nanoq blessé. Ils vécurent des moments forts, des vibrations célestes, mais a-t-on déjà vue un papillon partager la vie d’un ours polaire ?

Je vous envoie plein de belles pensées, de belles ondes,

Allez papillon déploie tes ailes et vole sans te retourner, ce qui ne tue pas rend plus fort…

 

Oqaatsut selon Dume

22 août 2018

Oqaatsut le 21 aout 2018

Latitude 69°13 Nord 51° 06 Ouest : température 6° vent nul ciel couvert avec crachin.

Extrait du journal de bord de Dume Benassi :

 

Village plus que paisible où les gens sont quasiment transparents. Seuls les icebergs troublent le silence, ce qui semble l’une des distractions les plus importantes des touristes très rares qui viennent s’échouer dans la baie.. Ici les heures ne sont pas comptées, elles s’écoulent, comme le courant qui joue avec ces immenses blocs d’eau douce. Les gens qui vivent là, n’ont certes pas perdu la clé, mais vivent dans leur monde comme nous dans le nôtre. Ce qui fait la beauté de notre planète c’est le paysage, qui est époustouflant de rigueur et d’incertitude. Comme le dit le proverbe groenlandais : seul le temps et la glace sont maîtres. Nos yeux d’occidentaux doivent s’habituer aux silences des pas, aux chiens de traineaux qui attendent la glace pour pouvoir s’exprimer dans leur savoir. Nous découvrons ce que vivre et survivre veut dire. Chaque pas, chaque souffle, devient aussi important qu’une flamme qui nous réchauffe, la vie ici ne s’arrête pas pour celui qui sait épier, qui cherche son avenir, son devenir. L’essentiel de mettre un pas devant l’autre, une quête comme une inaccessible étoile. Comment rester insensible devant tant d’émotion et devant la certitude que nous ne sommes là que pour quelques instants…

 

Ici et maintenant…

21 août 2018

Aluu à tous!

Je ne vous ai pas du tout abandonné, croyez le bien! C’est juste qu’avec Dume nous nous sommes enrichis d’une sacrée virée !

Oqaatsut au petit matin.

La cabane est silencieuse, je suis concentré sur le départ. Dans la liste qui lui avait été donné pour venir ici, il y était noté entres autres, gamelles et thermos, Dume n’a pas dû lire ces lignes… et je ne vous parle pas du passeport qu’il a perdu à Copenhague !  Je lui mets la pression mais le loustique a l’habitude !

 Avant de quitter Oqaatsut nous devons faire le plein (plus de 150 litres d’essence); nous partons longtemps et loin. J’ai des bons de carburant que l’on m’a offert pour des petits services rendus, mais au comptoir du drugstore ça bloque, pourquoi? Je ne le saurai jamais! Je dois faire le silence, je dois apprendre à attendre… Finalement au bout d’une heure d’attente et de mutisme, le plein est fait. Quel pays !

Ifaraq chargé, nous voilà partis vers le nord, la carte papier est a portée de main, le GPS aussi, mais seule la glace nous donnera la route. Un groupe de phoques capuchons marsouinent à la proue du petit bateau, cela nous enchante! Deux baleines brisent la glace, fabuleux! La route se charge de morceaux d’icebergs qui ont volés en éclat, toute ma concentration est requise. La première heure se passe bien mais le froid mord et Dume étrangement silencieux semble en souffrir. Nous nous accordons un peu d’eau chaude pour nous réchauffer les entrailles, mais mon Dieu qu’il fait froid! Nous poursuivons notre voyage, mon index droit, déjà fatigué de gelures d’anciennes expéditions donne son avis, il veut de la chaleur ! Nous ne pouvons suivre le cap désiré, nous devons trouver le bon passage. Au fil des heures, la glace se charge, je dois ralentir. Finalement, la destination est atteinte, nous devons trouver une roche assez saine pour pouvoir débarquer notre barda et sécuriser Ifaraq qui va monter et descendre avec les 4 mètres de flux de la marée. L’emplacement est là devant nous, c’est le coin idéal, le bateau est à vue et nous sommes en sécurité, suffisamment en hauteur en cas de grosses vagues. En effet le fjord est rempli d’icebergs immenses qui menacent de se briser à tout moment provoquant des ondes incroyables qui peuvent déferler sur le rivage. Derrière notre tente il y a une vieille cabane de chasseur, elle nous servira de coin cuisine nous protégeant des morsures du froid et des moustiques qui résistent encore. Ce soir au menu : truite arctique et riz. A deux pas de notre camp, le déversoir d’un immense lac regorge de beaux poissons et en un clin d’œil nous en remplissons un seau. Puis, chacun dans notre coin nous partons à nos rêveries, Dume s’isole sur une dalle plate, et moi au sommet d’une montagne que j’atteins vers 20h. Dieu que c’est beau.. Dieu que c’est grand… Dieu que je suis seul ! Il est difficile de décrire ce que l’on peut ressentir ici, la terre vous semble vide, il vous semble que tous les habitants de la planète ont disparus. Je pars dans mes pensées, je quitte le lieu, je m’envole autour du monde, je deviens le vent, oui le vent. Puis je rejoins mes amis, je vous rejoins, je sais que je ne suis pas seul !

Il est temps de redescendre de retrouver « mon » Dume, lui aussi a les yeux rougis, ce lieu ne peut vous laisser insensible. Nous parlons sans retenue, nous nous lâchons, nous causons du présent, du « ici et maintenant » qui se résume à une dalle minérale, face à un fjord, rempli de glace millénaire…

La nuit est très bruyante, vous avez bien lu, bruyante. Les icebergs explosent sans discontinuer, l’un d’eux vole littéralement en éclat, provoquant une vague terrible. Dans l’impossibilité d’agir, je ne peux que constater la série de déferlantes qui s’abat sur notre berge, je tremble pour notre petit bateau, qui joue au yoyo, monte, descend,monte, descend, mais ses mouillages résistent.. ouf !!

Je retourne au fond de mon doux duvet pour vite y retrouver mes rêves… Chut! c’est un secret !

Vers les 6h30, nous quittons les bras de Morphée, il est temps de nous préparer au départ. Devant un bol d’eau chaude brûlante, nous planifions notre journée, nous irons au pied de la calotte glaciaire, au lieu dit de Eqi (prononcé Eri). Des huards sont en formes, ils nous offrent des cris d’encouragement, nous ne savons pas ce qui nous attend. Le froid est encore plus saisissant qu’hier, la toundra se pare de ses premières blancheurs de givre, les moustiques sont au chômage technique.  Ifaraq trace sa route mais dès les premières encablures, la glace se densifie, je dois réduire notre vitesse. D’après la carte et le GPS qui sont absolument faux, nous pourrons peut être voir au bout du cap, si nous pouvons ou pas continuer. Whaouuu! La mer est blanche, c’est à dire gelée !!! Ca, c’est une première pour moi! Gaz réduit, Ifaraq se transforme en chasse neige, les plaques encore très fines se brisent sous son étrave provoquant un bruit très proche du ski hors piste en poudreuse. Pendant une heure, nous avançons tout droit vers le glacier, mais je suis tendu, je redoute un problème d’hélice. Lorsque la glace devient vraiment épaisse, je stoppe le bateau. Nous devons réfléchir et prendre une décision. Soudain, dans un silence absolu, le ciel se déchire laissant place à un grand soleil… Merci mes anges gardiens, je crois que nous l’avons notre solution! Plutôt que de geler, nous nous offrons notre premier café-Toblerone, un vrai délice. Je teste la glace en posant un pied léger dessus; elle est encore fine : ouf! Nous n’allons pas passer l’hiver ici, lol ! Au bout d’une heure, nous reprenons la route, la glace s’amincit, nous sortons du piège blanc, eh ben, quelle émotion!! Je peux remettre les gaz pour enfin nous retrouver au pied de l’Icecap. De la taille d’une série d’immenses barres d’immeubles, le glacier d’Eqi est là, cela en valait la peine, l’attente et le risque. A chaque instant, un pan de glace tombe dans un fracas immense, des détonations d’une force indescriptible. Nous sommes sous le charme de ce spectacle d’une pure beauté. Les heures passent et même si le soleil n’a pas assez de force pour nous chauffer, il nous rassure, nous nous sentons moins isolés. A midi nous dégainons nos éternelles nouilles chinoises et là… c’est Hiroshima! Un pan entier, soit 100 mètres de glace d’affaissent dans un bruit d’outre tombe! Sans attendre, je démarre le moteur du bateau pour me mettre face à l’onde mais à notre grande surprise, elle passe tout en douceur et les « petits » 4 mètres de creux nous rappelle la douce houle de notre traversée océanique à la rame!  Nous voilà rassurés, mais l’adrénaline redescend que tout doucement..

Il est temps de faire demi-tour. je me tourne vers Dume, muet, qui enlève ses lunettes de glacier. Ses yeux sont rouges. Nous nous prenons et nous serrons dans les bras l’un de l’autre et nous explosons en larmes, de joie, de bonheur, d’une intensité incroyable…

Nous sommes là, ici et maintenant.

Bises à vous tous…

 

Cherchez l’erreur!

Seuls au monde

16 août 2018

C’est la dernière journée pour notre capitaine du drakkar noir. Comme nos anges gardiens sont formidables, il y a une tempête de ciel bleu sans le moindre souffle de vent !
Mes hôtes ont deux options, la première est une virée en mer à la recherche de coins perdus, ou l’ascension du gros pavé derrière la maison, ce sera la deuxième. Le protocole est toujours le même ; il faut être encore plus vigilant que n’importe où au monde. Mon sac à dos comporte toute la sécu et plutôt que de déjeuner avec « les fameuses » nouilles chinoises ce sera des sachets de nourriture lyophilisée, une manière de leur faire comprendre qu’aujourd’hui encore ce sera du baroude polaire.
Nous voilà partis, les jeunes chiots sont à nos trousses, mais à la première dalle à gravir ils retournent à leur occupation de voleurs de morues ! Si il n’y a pas de vent, c’est logique, les moucherons sont là par millions autour de nous, mais je remarque que mes potes se sont vite adaptés, ils ne portent pas encore leur moustiquaire de tête. Les terrasses rocheuses nous barrent la route, il faut mettre les mains, il faut être concentrés, « mon » Dume est en mode machine. Pour les nouveaux de ce journal de bord, avec Dominique (Dume en Corse) nous avons en 2005-2006, traversé l’Atlantique à la rame en 54 jours de galère. Sur 26 équipages valides nous avions eu la chance de finir 3éme. Je peux vous dire qu’une odyssée de la sorte nous a unis. Donc Dume, se régale, son amputation fémorale (coupé au niveau de la cuisse) devrait lui poser problème, mais ce n’est pas bien le connaître, il prend de la hauteur sans la moindre contrainte. Régulièrement nous prenons notre temps pour admirer le paysage qui est a couper le souffle, la baie de Disko est couverte de glace et d’icebergs. La brise de sud-ouest nous sauve, les suceurs de sang sont obligés de jeter l’éponge, ils disparaissent. Il nous faudra deux bonnes heures pour enfin atteindre le belvédère, l’effort est récompensé, nous sommes comblés. La photo selfie qui va bien rien que pour vous et nous nous « régalons  » de nos sachets de purée lyophilisée. Tout au long de l’ascension pas besoin de leur conseiller le silence, le lieu ne se prête pas aux babillages. Nous sommes dans nos bulles, la quiétude de la montagne nous berce, nous prenons ce qu’il y a prendre là et c’est juste suffisant. La brise est polaire, mais nous déjeunons ici pour ne pas nous offrir en pâture aux insectes. Les conversations vont bon train, un mélange de blagounettes de garçons et de philosophie sur nos vies de balafrés. Mon ami valaisan s’est transformé en ces 10 jours, son visage est épanoui, il se lâche, nous taquine, nous tend des pièges verbaux amicaux. Mais nous sommes comme deux sales gosses et nous le chambrons à tour de rôle. La magie de la vie nous a réunis ici, lui l’enfant prodige de la finance est venu rejoindre un nomade du Grand Nord qui à son tour à fait venir son « frère » de rame et ça marche du tonnerre de dieu. Comme quoi nos différences peuvent être une sacrée force.
Nous nous offrons une micro sieste, mais la brise de sud-ouest se lève, le froid nous envahi, il nous faut bouger. Nous n’arrivons pas à nous imaginer qu’en bas dans le sud la canicule est installée, les plages bondées, les montagnes engorgées, ici il en est tout autre, nous sommes seuls au monde et dans une fraîcheur bénéfique. Le vent est incroyable, en un claquement de doigt la glace encombre la route entre Oqaatsut et Ilulissat, demain à 6h nous allons devoir nous frayer un passage avec Ifaraq.
A la descente, des tapis de myrtilles nous transforment en randonneur-cueilleur, les bolets arctiques sont à foison, ici tout est abondance. En milieu d’après-midi nous rejoignons la maison bleue, une douche à la maison communale va nous remettre en forme. Ce soir menu groenlandais : foie cru de phoque, mataq de narval, ammassat séchés, flétan cru et autres bricoles…
Demain matin notre capitaine du drakkar noir, va retourner chez lui. Vu son haut poste il a voulu rester anonyme, et j’ai suivi ses désirs, mais sachez tout de même que depuis cette année son groupe financier est devenu mécène de Bout de vie. Un grand merci à toi Capitaine, tu vas nous manquer. Une étoile bleue supplémentaire est peinte sur le mur blanc du salon, il a écrit ceci :
Tomber encore, se relever toujours.
Take care.

 

Dume est arrivé..

15 août 2018

Ilulissat Airport, Dume débarque au Groenland, je me l’étais promis, le rêve se réalise. Nous sautons dans un taxi pour le port, l’appel du large est plus que nécessaire. Mais avant de prendre la route vers le Nord je voudrai lui faire un cadeau d’arrivée. En Polynésie, de belles vahinés vous coiffent de fleurs. Ici ce seront de belles baleines qui viendront lui offrir danse et chant. Trois beaux spécimens à 5 mètres d’Ifaraq, rien que pour nous…

Oqaatsut est devant nous, le capitaine du drakkar noir est prévenu, avec Dume ca va dépoter !

La mise à quai une fois encore, donne le ton, un bon gros phoque est amarré solidement au ponton. Les nuages de moustiques n’ont encore jamais gouté du triathlète « world champion », ils vont se gaver.  Ce soir, à la cabane l’un de mes rêves les plus intimes se concrétise, « mon » Dume est assis en face de moi. Nous rions, nous sommes émus, notre amitié est si forte, si profonde, qu’il m’est impossible d’y mettre des mots.

Ce matin c’est le petit déjeuner, l’iceberg « smiley » est encore là mais il a subi un régime sec, ça sent l’explosion. Mes deux hôtes, papotent, échangent, je fini quelques petits travaux. Au moment du repas je leur soumets une idée cabocharde ! Et si vous me faisiez la sécurité pour que je puisse faire de l’apnée ?  Je sens un peu de tension dans leur oui, je leur promets d’être prudent, nous y allons.

Après 20minutes de mer nous voilà au bord d’une belle rive où certains gros icebergs sont prisonniers, l’eau est cristalline, pas un souffle d’air, nous et la grandeur des régions arctiques. Ici pour faire de l’apnée une combinaison étanche est obligatoire et pour l’enfiler seul, cela demande du talent de contorsionniste, Dume va m’aider. Me voilà emmitouflé dans mon équipement, je glisse sans bruit dans l’océan arctique, pas d’orques en vue, on peut y aller tranquillement. Les oursins tapissent le sol, des holothuries gigantesques aussi, une ou deux morues tentent l’approche, qu’est ce que c’est beau!! Je barbotte, je me laisse bercer par ce moment de grâce, je me laisse envouter, une sensation étrange se passe, je ne me sens plus seul, comme si tous mes anges gardiens étaient là pour me protéger. Il  m’est impossible de me rendre compte du temps qui passe, des tourments de la vie terrestre, ici tout semble si simple. Puis une envie, une montée d’adrénaline me pousse à découvrir encore une nouvelle limite, et si j’allais rendre visite au bel iceberg en face de moi. Je sais qu’à cette saison ils peuvent s’écrouler sans crier gare, mais je me sens en état de grâce, alors j’ai confiance. Pas besoin de parler, Dume et son binôme m’observent. Je nage les yeux grands ouverts, j’ouvre mes oreilles, je sais qu’au moindre craquement il me faudra réagir. La masse blanche qui s’enfouit dans les abysses me coupe le souffle, je me sens petit, je prends ma place sur la planète océan, je ne suis qu’un simple plancton. Il est là stoïque, je sais qu’il observe, je lui promets de ne pas le déranger, il m’autorise à l’effleurer… En remontant à bord d’Ifaraq, je n’ai même pas froid, quel bonheur… Je lui adresse comme une prière, je lui demande pardon de tellement d’audace, il me fait comprendre qu’aujourd’hui je pouvais. Merci la vie!

De retour, La Louise toujours au mouillage nous salue, Thierry son skipper nous accueille pour un thé, et nous partons sur des échanges magnifiques. Pas de banalité, de mots pour combler une vie vide ; on cause, mers et océans, vent, courant, vie, oui c’est ça on cause vie, parce qu’on est vivant.

Même si je n’ai pas accès au net je sais que vous être nombreux à suivre ce journal de bord. Pour certains vous êtes à l’hôpital en plein soin, en centre de rééducation, on vous a dit des choses, on vous a dit que votre vie va être différente. Acceptez la comme elle vient, 35 ans après mon terrible accident je remercie la vie de m’avoir enlevé cette jambe, car sans elle je ne serai pas où j’en suis aujourd’hui…

Je vous envoie plein de courage avec une bonne brise polaire pour vous rafraîchir… Je pense à vous!

A pluche