Ici et maintenant…

21 août 2018

Aluu à tous!

Je ne vous ai pas du tout abandonné, croyez le bien! C’est juste qu’avec Dume nous nous sommes enrichis d’une sacrée virée !

Oqaatsut au petit matin.

La cabane est silencieuse, je suis concentré sur le départ. Dans la liste qui lui avait été donné pour venir ici, il y était noté entres autres, gamelles et thermos, Dume n’a pas dû lire ces lignes… et je ne vous parle pas du passeport qu’il a perdu à Copenhague !  Je lui mets la pression mais le loustique a l’habitude !

 Avant de quitter Oqaatsut nous devons faire le plein (plus de 150 litres d’essence); nous partons longtemps et loin. J’ai des bons de carburant que l’on m’a offert pour des petits services rendus, mais au comptoir du drugstore ça bloque, pourquoi? Je ne le saurai jamais! Je dois faire le silence, je dois apprendre à attendre… Finalement au bout d’une heure d’attente et de mutisme, le plein est fait. Quel pays !

Ifaraq chargé, nous voilà partis vers le nord, la carte papier est a portée de main, le GPS aussi, mais seule la glace nous donnera la route. Un groupe de phoques capuchons marsouinent à la proue du petit bateau, cela nous enchante! Deux baleines brisent la glace, fabuleux! La route se charge de morceaux d’icebergs qui ont volés en éclat, toute ma concentration est requise. La première heure se passe bien mais le froid mord et Dume étrangement silencieux semble en souffrir. Nous nous accordons un peu d’eau chaude pour nous réchauffer les entrailles, mais mon Dieu qu’il fait froid! Nous poursuivons notre voyage, mon index droit, déjà fatigué de gelures d’anciennes expéditions donne son avis, il veut de la chaleur ! Nous ne pouvons suivre le cap désiré, nous devons trouver le bon passage. Au fil des heures, la glace se charge, je dois ralentir. Finalement, la destination est atteinte, nous devons trouver une roche assez saine pour pouvoir débarquer notre barda et sécuriser Ifaraq qui va monter et descendre avec les 4 mètres de flux de la marée. L’emplacement est là devant nous, c’est le coin idéal, le bateau est à vue et nous sommes en sécurité, suffisamment en hauteur en cas de grosses vagues. En effet le fjord est rempli d’icebergs immenses qui menacent de se briser à tout moment provoquant des ondes incroyables qui peuvent déferler sur le rivage. Derrière notre tente il y a une vieille cabane de chasseur, elle nous servira de coin cuisine nous protégeant des morsures du froid et des moustiques qui résistent encore. Ce soir au menu : truite arctique et riz. A deux pas de notre camp, le déversoir d’un immense lac regorge de beaux poissons et en un clin d’œil nous en remplissons un seau. Puis, chacun dans notre coin nous partons à nos rêveries, Dume s’isole sur une dalle plate, et moi au sommet d’une montagne que j’atteins vers 20h. Dieu que c’est beau.. Dieu que c’est grand… Dieu que je suis seul ! Il est difficile de décrire ce que l’on peut ressentir ici, la terre vous semble vide, il vous semble que tous les habitants de la planète ont disparus. Je pars dans mes pensées, je quitte le lieu, je m’envole autour du monde, je deviens le vent, oui le vent. Puis je rejoins mes amis, je vous rejoins, je sais que je ne suis pas seul !

Il est temps de redescendre de retrouver « mon » Dume, lui aussi a les yeux rougis, ce lieu ne peut vous laisser insensible. Nous parlons sans retenue, nous nous lâchons, nous causons du présent, du « ici et maintenant » qui se résume à une dalle minérale, face à un fjord, rempli de glace millénaire…

La nuit est très bruyante, vous avez bien lu, bruyante. Les icebergs explosent sans discontinuer, l’un d’eux vole littéralement en éclat, provoquant une vague terrible. Dans l’impossibilité d’agir, je ne peux que constater la série de déferlantes qui s’abat sur notre berge, je tremble pour notre petit bateau, qui joue au yoyo, monte, descend,monte, descend, mais ses mouillages résistent.. ouf !!

Je retourne au fond de mon doux duvet pour vite y retrouver mes rêves… Chut! c’est un secret !

Vers les 6h30, nous quittons les bras de Morphée, il est temps de nous préparer au départ. Devant un bol d’eau chaude brûlante, nous planifions notre journée, nous irons au pied de la calotte glaciaire, au lieu dit de Eqi (prononcé Eri). Des huards sont en formes, ils nous offrent des cris d’encouragement, nous ne savons pas ce qui nous attend. Le froid est encore plus saisissant qu’hier, la toundra se pare de ses premières blancheurs de givre, les moustiques sont au chômage technique.  Ifaraq trace sa route mais dès les premières encablures, la glace se densifie, je dois réduire notre vitesse. D’après la carte et le GPS qui sont absolument faux, nous pourrons peut être voir au bout du cap, si nous pouvons ou pas continuer. Whaouuu! La mer est blanche, c’est à dire gelée !!! Ca, c’est une première pour moi! Gaz réduit, Ifaraq se transforme en chasse neige, les plaques encore très fines se brisent sous son étrave provoquant un bruit très proche du ski hors piste en poudreuse. Pendant une heure, nous avançons tout droit vers le glacier, mais je suis tendu, je redoute un problème d’hélice. Lorsque la glace devient vraiment épaisse, je stoppe le bateau. Nous devons réfléchir et prendre une décision. Soudain, dans un silence absolu, le ciel se déchire laissant place à un grand soleil… Merci mes anges gardiens, je crois que nous l’avons notre solution! Plutôt que de geler, nous nous offrons notre premier café-Toblerone, un vrai délice. Je teste la glace en posant un pied léger dessus; elle est encore fine : ouf! Nous n’allons pas passer l’hiver ici, lol ! Au bout d’une heure, nous reprenons la route, la glace s’amincit, nous sortons du piège blanc, eh ben, quelle émotion!! Je peux remettre les gaz pour enfin nous retrouver au pied de l’Icecap. De la taille d’une série d’immenses barres d’immeubles, le glacier d’Eqi est là, cela en valait la peine, l’attente et le risque. A chaque instant, un pan de glace tombe dans un fracas immense, des détonations d’une force indescriptible. Nous sommes sous le charme de ce spectacle d’une pure beauté. Les heures passent et même si le soleil n’a pas assez de force pour nous chauffer, il nous rassure, nous nous sentons moins isolés. A midi nous dégainons nos éternelles nouilles chinoises et là… c’est Hiroshima! Un pan entier, soit 100 mètres de glace d’affaissent dans un bruit d’outre tombe! Sans attendre, je démarre le moteur du bateau pour me mettre face à l’onde mais à notre grande surprise, elle passe tout en douceur et les « petits » 4 mètres de creux nous rappelle la douce houle de notre traversée océanique à la rame!  Nous voilà rassurés, mais l’adrénaline redescend que tout doucement..

Il est temps de faire demi-tour. je me tourne vers Dume, muet, qui enlève ses lunettes de glacier. Ses yeux sont rouges. Nous nous prenons et nous serrons dans les bras l’un de l’autre et nous explosons en larmes, de joie, de bonheur, d’une intensité incroyable…

Nous sommes là, ici et maintenant.

Bises à vous tous…

 

Cherchez l’erreur!

Il y a un an…

2 juin 2016
Magie des Lavezzi

Magie des Lavezzi

Depuis 2003 Bout de vie organise des stages de plongée sous-marine, depuis 13 ans des groupes se succèdent, chaque semaine est différente, chaque participant y apporte sa part d’histoire de vie. On se dit au revoir, sans être certain de se revoir et puis un jour, une lettre, un mot et l’émotion surgit du fin fond de nos maux.

Il y a un an, jour pour jour, une équipe posée leur prothèse dans l’univers « Galioto-cabochardesque », une participante nous a écrit ceci; comment ne pas le partager?

Merci Aline, tu es un éclat de lumière qui éclaire mes part d’ombres, nos parts de souffrance…

Carnet de voyage Iles Lavezzi, Corse 31 mai- 6 juin 2015

A bord de la Galiote

Merci à Bout de Vie. Merci à Frank Bruno. Merci à Horst Guenther Hayer, le capitaine. Merci à Marie-Lou, Véronique, Ali, Raynald, Alex, Christophe. Merci à toute l’équipe de la Galiote. Merci à Sylvie.

Mardi.

Les cris des goélands. Petits Petits Petits. Il faut les protéger, les sauver. Les discipliner, leur apprendre à voler. Petits Petits Petits. Dans les roches ancestrales, votre demeure, votre vous. Coulées, roulées, boulées, lissées. Portées, sur la main des glaciers. La mère tout bec dehors ailes battantes. Petits Petits Petits. Tumulte des hommes brisés. Clapots de silence, contre la pierre. Et soudain, à l’Ouest, discrètes notes noires égrenées comme un gravier du ciel ; expiration, inspire expire. Respiration, cellules-cristaux de la mer. Respiration branchies-lanières, les prairies de la mer respirent. Peuples des couleurs, suspendus dans le ciel turquoise de la Méditerranée, vous palmez lentement, éventails de la mer Œil-cristal de vos corps Incrusté dans les topazes immatérielles de ses mondes sous-marins.

Mercredi

Nous glissons, volons, enlacés dans les lanières de l’eau. Le corps vivant, les muscles ravivés. Bercés par le peuple vif-argent de la mer, nous somnolons dans les prairies enrubannées des posidonies-tentacules. Une sole découpe les fonds en poussant les points noirs de ses yeux, ondulation de sable souple. Tendre la main vers le trésor inouï d’un coquillage qui scintille sur une roche et le cacher dans sa manche. Entre veille et sommeil, rêve turquoise et ocre, nous touchons tout au fond de nous-mêmes.  Accordés pour toujours aux poumons de la mer me granit âpre. Dormez, jamais plus au repos. Fétus, jetés, éparpillés, broyés par la meule de la mer, cris du métal déchiqueté, cris indistincts au fond de vos gorges. Âmes granit vous êtes pour toujours les frères des récifs. Les frères des brisants. Tumulte, hurlements, déchaînement, déferlements. Amas de bois métaux, corps émiettés. Puis silence éternel. Pourquoi ces furies soudaines que veulent-elles nous dire, nous qui n’existons pas pour elles ? Chaque homme dont l’âme blessée habite le bloc de granit taillé et dont les mots peu à peu disparaissent des mots qui se faisaient l’écho de leur peur de leur détresse de leur courage. Justement : déchirés par cette même roche, leur demeure pour toujours. Silence éternel. Âmes granit âpres.

Jeudi

Bois flotté arrimée aux cellules de la mer.  La pensée se dissout dans les poumons de l’Océan, la mémoire se vide lentement comme un flacon d’encre épaisse qui renfermait nos histoires et nos mots. Le corps oublie ses contours, la respiration occupe tout le champ du sensible, bulles de vie-éclats. Une grappe de saupes broute les rochers dispensateurs de vie où s’accrochent des milliers de micro-existences nourricières. Être là suffit gorgé de silence humble, bois flotté illimité confié aux habitants de ce monde.

 

 

Vendredi

Air de nos poumons ombrelles-méduses, Ribambelles de bulles argentées bondissant dans le ciel de la mer. Nous rampons sur les fonds, glissant entre deux couches de temps, silencieux, caressant de nos regards embués les peuples de la mer. Peuples souples, rapides, habillés d’arc-en-ciel, qui ignorez superbement nos existences, nous qui devons pour accrocher dans nos mémoires quelques images de vos univers porter des poumons sur nos dos. Comment comprenez-vous nos silhouettes sombres qui hantent vos territoires. Comment compreniez-vous ces bulles argentées qui montent de nos ombres en dansant, puis disparaissent à la surface-frontière entre mer et ciel, entre vos mondes et les nôtres irrémédiablement autres ? L’air de nos poumons, ombrelles-méduses. Etranges, étrangères bouteilles à la mer.

Samedi

Vaisseau-fantôme dans la brume inattendue, la Galiote dort en faisant grincer ses vieilles lattes de bois vernies qui ont inscrit dans leurs veines tant d’histoires humaines et tant d’images qu’elle instille goutte à goutte dans nos mémoires. Imperceptible balancement d’une micro-houle ensommeillée, ne sachant pas encore ce que nous sommes devenus au dernier jour de notre rêve sur la Galiote, nous tirons lentement le voile du sommeil. Nous avons peut-être dormi trop longtemps avant d’avoir communié, avec le vieux sage navire sculpté jour après jour par les mains amoureuses du Capitaine. Nous avons peut-être stocké trop de certitudes avant d’avoir connu le tendre rocailleux Cabochard que nous avons choisi de rencontrer pour bousculer notre chemin. Déchirée tout à coup, la brume ouvre à nouveau les fenêtres du ciel et de la mer profonde. Nous sommes toujours là.

Aline Robel

Frère de sport…

19 septembre 2015
Au mois de juin pendant le repérage

Au mois de juin pendant le repérage

Depuis le temps qu’il avait ça en tête, son souhait se réalise. Un « Frère de sport » sera tourné dés lundi. Depuis des années Bixente me parlait d’un documentaire qui mettrait en valeur un sport au travers d’une personne emblématique pour le représenter. Avec beaucoup de joie, d’émotion et de surprise, j’ai été choisi pour narrer un bout de vie de plongeur un peu Cabochard. Je me demande par moment si je n’ai pas appris à plonger bien avant d’avoir su marcher. Dans mon sillage des milliards de bulles, des milliers de plongées, des centaines de personnes initiées, des dizaines d’épaves découvertes et une seule plus belle plongée : celle que je n’ai pas encore faite ! Ce film de 52’ sera en deux volets : Méditerranée et Polynésie. En fond d’écran  les Lavezzi de cette première « mi-temps ». Suivant les caprices de l’ouest nous dégringolerons sur une épave que personne ne connaît, une sorte de cimetière sous-marin qu’une mine a mis en enfer. Nous frôlerons aussi l’empire romain à la recherche de quelques amphores enfouies tout en respectant les protocoles archéologiques. Les mérous et dentis sont en ce moment au casting de figurant, ceux de « mérouville » sont indésirables, l’authenticité sera le fil rouge du reportage. A terre, avec un peu de pudeur je vous offrirai, sans tout dévoiler, mes coins secrets des Bouches de Bonifacio. Là où je me suis reconstruit, là où j’ai attendu l’hiver, qui rend enfin le lieu comme « mon » sanctuaire mystique. Des personnages croiseront mon regard, bien sur mon vieux Gunther, depuis 12 ans il m’épaule dans les semaines Bout de vie. L’équipage du canot de sauvetage de Bonifacio nous rendra visite puisque pendant de longues années je me suis mis au service des « égarés » des Bouches. Pascal le corailleur nous expliquera l’ivresse du corail rouge, Karin ma douce compagne mettra des mots sur ses 35 ans à la tête d’une école de plongée en Corse du sud, le féminin n’a pas toujours était bien perçu dans le milieu macho sous-marin. Et bien sur d’autres personnages seront les invités surprises. On vous amènera à bord du Cabochard, un vieil ami de baroude, bien que je ne sois pas certain qu’il puisse tout raconter, il recèle de grand secret ! Mais le film sera surtout conjugué au présent donc nous passerons par ma nouvelle habitation, une cabane lapone qui est le lien avec le grand Nord et bien sur une nuit  inévitable au camp des solitudes qui a beaucoup ému la dernière fois mon « Frère de sport ».  Cette première partie sera un mélange de plongées dites « profondes » et de confidences intenses. La plongée n’est pas un sport c’est une discipline avec beaucoup de spécificités. Les métiers de moniteurs et de scaphandriers sont absolument opposés, l’un propose le rêve, l’autre défi les lois physiques. J’ai la chance de passer régulièrement de l’un à l’autre. Cette première partie sera forte en émotion, nous allons tout faire pour mettre en valeur cette passion qu’est la plongée. Puis s’en suivra la Polynésie mais ça je vous en parlerai la prochaine fois. Sortie du documentaire courant novembre sur Equipe 21 puis sur TF1.

Un grand merci à la société Aqualung qui nous a équipé de la cagoule aux palmes.

PS : Oups, j’oubliais : Jo Zef la mascotte est prévue au casting ; ouf !

Ca fait un peu petit couple!

Ça fait petit couple, non?

Le Cabochard n'est pas oublié.

Le Cabochard n'est pas oublié.

la discipline de préparation

la discipline de préparation

Expédition Niviarsiaq au Groenland

10 août 2015

Niviarsiaq est le nom groenlandais de l'épilobe à feuille large, emblème du pays de Nanoq.

Niviarsiaq est le nom groenlandais de l'épilobe à feuille large, emblème du pays de Nanoq.

Un coin du bout du monde pour marcher sans trop boiter!

Un coin du bout du monde pour marcher sans trop boiter!

Les sacs sont fin prêts, les billets d’avion précieusement imprimés ; que les rêves se réalisent enfin !

Là-bas dans le Grand Nord l’île de glace Kalaallit Nunaat, depuis des milliers d’années des Hommes y ont survécu. Les petits blancs du sud ont essayé de s’y implanter mais la plupart s’y sont cassé les dents, la vie à ces latitudes est une leçon d’humilité au quotidien, celui qui ne s’y adapte pas meurt en souffrant. En l’an 1000 quelques Vikings bannis de Scandinavie et d’Islande ont été contraints de s’y installer. Leur terre d’accueil était dans le sud de l’île, seul endroit ou l’herbe pousse dans un bref été, ils la surnommèrent la Terre verte : Greenland. Mais la rudesse des lieux réduira en poussière ces premiers colons.  Au XIV siècle des marins danois ne découvrirent que des tombes et champs de ruines, mais la colonisation devenait un enjeu économique et nation après nation chaque pays du sud voulait se partager la part de « glace » ! En parallèle, une petite fleur chaque été ressurgit du permafrost, pendant cette période éphémère elle embaume et embellit le paysage de Nanoq, son nom Niviarsiaq, L’épilobe à feuille large. Elle est l’emblème du Groenland, elle est le symbole de la résurrection. D’où le nom de cette aventure…

Été 2015 Expédition Niviarsiaq :

Ils s’appellent Élisa, Juliette, Rémi et Tximista et ont entre 13 et 23 ans, plutôt que de causer de leur différence, j’aimerai mettre en avant leur ressemblance majeure : L’envie de vivre plus que tout. Sur la côte Ouest du Groenland dans la baie de Disko se trouve la ville plateforme d’Ilullissat, une sorte de bourgade danoise sans trop d’intérêt. Ce sera le point de départ d’un séjour un peu hors-norme. De ce port de pêche nous embarquerons pour le nord de la baie, vers l’île déserte d’ Arveprins, à environ 4 à 5 heures de mer suivant l’état de la glace et de l’épaisseur du brouillard. Nous serons déposés au lieu-dit d’Ataa qui fût un petit port de pêche, abandonné en 1961. Une fois notre barda débarqué, le bateau reprendra la mer pour nous récupérer fin aout. Un tipi sera la demeure des jeunes, le vieux loup solitaire, qui sommeille en moi placera sa tente bien plus loin pour qu’ils aient la sensation d’être seul au monde. Pas de programme prévu, à part vivre et découvrir tous nos rêves de gosses un peu boiteux ! Sur place des kayaks nous permettront de pousser un peu plus loin l’exploration, une bonne carte papier et un GPS seront nos guides pour un beau morceau de vie partagé. Chacun aura la mission de veiller sur son binôme, chacun devra gérer son sac de victuailles et gare à celui qui ne respectera pas ses menus, la diète risque de faire une visite au camp du bout du monde. Loin des téléréalités truquées la vie sera simple mais austère, des images de références vont émerger de ce séjour. Déplier son sac de couchage sur un sol gelé en permanence est une épreuve intéressante. Les nuits à cette latitude sont des soirées ensoleillées, là encore le sommeil en prend un coup. Vider les entrailles des ombles et truites péchées peut vite engourdir les doigts pour le non initié, quant à la douche dans les torrents à 4°, elle restera un grand moment de fraîche rigolade. Le ciel bleu peut être au rendez-vous mais ce n’est pas un habitué du coin, les affaires seront souvent mouillées, les éternelles nouilles chinoises reprendront de la saveur quand elles réchaufferont les corps fatigués d’avoir trop baroudés. Vous voyez rien de bien extraordinaire juste un retour aux vraies valeurs de la vie. Chaque jour je noterai un journal de bord avec de beaux clichés mais pour la pureté du séjour rien ne sera expédié par satellite, nous n’aurons aucun contact avec l’extérieur. Dés notre retour je me ferai un grand plaisir de vous le partager sur ce blog. En attendant je compte sur vous pour leur laisser de beaux messages de soutien sur ce billet, j’en connais 4 qui ne vont pas beaucoup dormir jusqu’au 14 aout, ni d’ailleurs après sur la terre gelée !!! Vos témoignages seront précieux pour eux !                                                                                                                                             L’important est de ne jamais boiter dans sa tête.

PS: Un grand merci aux partenaires financiers (Rotaract 17-30 et Société Lagarrigue) qui ont sur être généreux pour que cette aventure voit le jour et à Julien Caquineau qui réside à Ilulissat et qui a su m’enlever quelques épines du pied; sans lui l’opération n’aurait pas pu voir le jour!

Ils ne se connaissent pas encore mais la rudesse du grand Nord va les unir...

Ils ne se connaissent pas encore mais la rudesse du grand Nord va les unir...

Survie et émotions

12 novembre 2014
Une simple feuille; l'homme n'est qu'une simple feuille.

Une simple feuille; l'homme n'est qu'une simple feuille.

Cela fait quatre jours que le maquis nous a ouvert ses portes, quatre jours que nous sommes devenus le vent, la pluie, la nuit, quatre jours que nous ne sommes plus qu’un. Sur la route du retour, alors que les éléments se déchainent la côte submergée par une forte houle nous invite à la contemplation. La lumière tachée d’encre sombre nous laisse sans voix, en musique de fond, un chant bien de chez nous. Nos yeux cherchent l’infini dans un horizon mystique mais très sincèrement je crois plutôt que la solennité du moment est animée par nos âmes qui savent que ce sera la dernière fois que nous serons physiquement ensemble. Côte à côte une immense émotion nous envahit, le sel de la mer remplit nos yeux d’un bonheur intense de partage. Mais que s’est-il passé pendant ce stage de survie ? Très sincèrement je n’en sais rien, il me semble que la pudeur n’ose dévoiler ce merveilleux échange. La météo était à la hauteur de l’initiation puisque un avis de forte pluie et d’orage était annoncé sur tout le département, mais là-bas dans la vallée perdue, ces préoccupations d’homme n’ont jamais leur place. 6 personnes différentes venaient chercher un secret, à moins que ne se soit la quête d’une vieille plaie mal cicatrisée. La magie de ce groupe fût leur faculté à s’adapter, pas besoin de causer, ni d’expliquer, chacun avait sa place, là à l’instant présent. Les mains ont souffert dans les ronces, les muscles ont enduré le dénivelé, le dos a conjuré le sort des nuits sur un sol caillouteux, la peau s’est tannée aux multiples baignades dans le torrent mais pas une seule fois quelqu’un ne s’est plaint. Le confort était basique mais comment expliquer que mal assis sur un gros galet trempé d’une pluie fine automnale chaque soir nous avons veillé jusqu’au milieu de la nuit. Le feu doit avoir sa part de responsabilité mais une force mystérieuse nous empêchait de nous cacher dans nos sacs de couchage humides. La vie de nomade a ce pouvoir d’unir les hommes et les femmes, monter le campement sur une berge d’un fleuve perdu remet l’être humain à sa juste place, il ne devient qu’un grain de sable parmi des milliards d’autres d’une grève sablonneuse. Nous avons pris sur nous mêmes, pour devenir un Groupe, oui la majuscule s’impose quand la fusion est si forte. L’émotion ne nous a pas lâché, chacun y a apposé sa larme d’étoile mais alors ce n’est plus une vie que nous avons vécu mais une sur-vie bien au-delà de toute espérance. Allumer un feu sous la pluie replace les priorités, savoir remonter sa capuche quand l’averse s’invite sans prévenir garde permet aux âmes de se reconnecter, la pierre plate qui cuit le pain efface, et de loin, l’autel au calice d’osties. La bâche se sacralise, elle devient temple, la prière est simple, merci de l’instant présent. La marche de nuit en plein néant nous a donné le coup de grâce, sans éclairage alors que les orages nous empêchaient tout espoir de moindre vision, les pas on été douteux, gauches mais au bout du voyage la lumière de tout en chacun irradiait nos chemins de vie. Vous voyez l’émotion n’a pas quitté mes épaules meurtries par un lourd sac à dos, ce soir au fond de mon petit Cabochard, alors que la tempête couvre le bruit des hommes sédentaires, je vais pouvoir m’endormir sereinement. Oh Pascale, Valérie, Marlène, Gwen, Alan, Ange-Paul, vos sourires m’inondent encore le cœur, ne changez rien, vous êtes des êtres précieux.

Report du droit d’accessibilité aux personnes à mobilité réduite

27 février 2014

utopieVoici la lettre envoyée ce matin aux médias nationaux et régionaux. J’attends vos réactions et commentaires, n’hésitez pas à la diffuser à votre tour.

A une période où l’information atteint la vitesse supersonique une brève est passée à travers les mailles du net : Le droit à l’accessibilité aux personnes en fauteuil a été repoussé de plusieurs années. Porteur d’une jambe de « bois » ma vie est debout et je pourrai enfouir cette nouvelle au fond de mon emboiture de prothèse, mais comme dirait Drucker dans la chanson des Restos du cœur : cela ne m’empêche pas de dormir la nuit mais ça gâche un peu mon plaisir

Cette lettre n’est pas une leçon de moral ou de morale mais plutôt un cri du cœur. Et si j’étais moi aussi cloué sur un fauteuil ? Et si vous aviez votre propre enfant assis pour le restant de sa vie ? Et si vous ne pouviez pas avoir la chance de rentrer dans ce magasin pour offrir une fleur à votre amoureuse parce que c’est aujourd’hui la date anniversaire de ce « putain » d’accident ! Un cri du cœur qui saigne parce que les autres n’ont plus le temps, parce que les autres courent sans cesse et eux les assis, doivent-ils être euthanasiés ?  Oui le mot est fort mais pourtant quand la ville devient un Everest sans camp de base, quand le quotidien devient une première mondiale de difficulté, la mort semblerait douce en comparaison de ces regards complaisants qui assassinent le « handicapé roulant ». Les lois sont votées mais pas appliquées, le refrain est connu alors c’est à nous tous de changer. Votre porte d’entrée pourra-t-elle faire passer un pote en « siège à roulettes », votre magasin a-t-il un accès sympa pour les « non-debout », la jeune mère avec sa poussette découvre le parcours du combattant de la visite urbaine. Ce n’est plus des mots que vous lisez mais des maux qui font mal, qui blessent. Oui  l’existence est possible en fauteuil car la vie est un présent mais sans le lien fraternel qui devrait unir les Hommes les choses se compliquent. Les élections municipales arrivent, mesdames, messieurs les futurs mandatés ouvrez les yeux car votre poste sera éphémère, le handicap quand il vous fauche,  c’est pour la vie que vous êtes élus ! Oui il est possible de vivre assis mais nous devons tous ouvrir nos portes. Pourquoi les pays scandinaves et anglo-saxons sont en avance d’un demi-siècle, je vous laisse réfléchir ! Pour finir d’un pas boiteux, je compte sur vous ! Notre futur est l’assemblage d’un puzzle et vous êtes cette pièce manquante. Rentrez chez vous et observez votre domicile, votre mairie, votre poste, votre salle de sport, demain peut-être votre enfant vous dira : Dis, pourquoi je ne peux plus rentrer à la maison ? C’est parce que je suis handicapé, maintenant ? Pendant que vous lisez ces lignes, avec mon vélo la route de la vie m’attend, la pluie, le vent violent, l’orage ne me dérange pas  si je les sens sur le bout de ma jambe de bois cela signifie que je suis encore vivant !

Il y a des gens à mobilité réduite, certains gestes leur sont impossibles ; puis il y a des gens à mentalité réduite, c’est leur vie entière qui est figée.

Frank BRUNO président de l’association Bout de vie.

PS: Pétition en ligne cliquez ici.

Description d’un Cabochard selon Dume Benassi…

7 mars 2011

Frére de vie...

Frére de vie...

Mon deuxième livre est en gestation! Ayeltgnu, l’aventure à cloche pied.

Un livre d’aventure bien-sûr, mais comme le premier j’ai récolté des témoignages de personnes que j’ai croisées. Déjà j’avais laissé libre cours à 18 témoins de mon bout de vie ; sur le deuxième aucun du premier, normal ! Une exception qui confirme la règle, Dominique Benassi dit Dumé.

Après notre « ramage », nos routes se sont décroisées, une déchirure, un sentiment de perdre un frère. Pendant 18 mois avant de partir nous nous sommes entrainés comme des gladiateurs. Il m’a mis des épreuves que j’ai réussi à vaincre et je lui ai donné sans réserve tout ce que la mer m’avait appris.

Pendant ces semaines d’entraînement je l’ai testé jusqu’au seuil du supportable. Il savait que c’était une sorte de rite, si l’on partait il fallait que ce soit parfait. L’histoire nous récompensa de tellement de sacrifices.

A ses côtés j’ai énormément appris, notre parcours est similaire et comme l’enfant devant le maître j’ai tout noté, tout appris par cœur. Déjà 5 ans et même si nous avons bifurqué de route dans toutes mes aventures la rare personne qui a mes coordonnées satellite c’est Dumé.

Il a écrit un témoignage que je trouve parfait, il connait mes qualités mais surtout a eu le temps de décortiquer mes défauts et ils sont légions…

Si j’étais chanteur c’est moi qui aurai chanté ceci :

Toi le frère que je n’aurais jamais
Je suis moins seul de t’avoir fait
Pour un instant, pour une fille
Je t’ai dérangé, tu me pardonnes
Ici quand tout vous abandonne
On se fabrique une famille …

Témoignage de Dumé

Chaque écrit entraîne son auteur dans un projet qu’il découvre en cours de route. Qu’il me soit permis ici d’écrire quelques mots sur le personnage. Il me sera, plus facile de parler et de témoigner sur le coté obscure de Frank, car cela sera très bref !!!

Je suppose que les autres témoignages seront pleins d’éloges, de reconnaissances, les uns aussi sincères que les autres d’ailleurs.

Si l’adage est de travailler sur son coté obscure, et de cacher sa lumière, Frank délivre et se livre, comme un petit garçon qui vient de découvrir que le père noël existe depuis des années (d’ailleurs si le père noël rigole sur son traîneau c’est parce ce n’est pas lui qui paie les cadeaux !) Et qu’il vient de découvrir le plus beau des présents que la vie peut lui offrir… Celle du partage.

Tant de peine et de joie, qu’il faut gérer pour extraire de la bonté, qu’est ce que la bonté si ce n’est le serpent qui devient fourmis, et les ténèbres lumineuses. De la sérénité, qu’est ce que la sérénité,  si ce n’est qu’il est bon de ne rien faire quand tout s’agite autour de soi. Cet homme dérange et ne peut être compris de toutes les oreilles.

Quand on revient d’un long voyage, comme le Yukon on ne peut être  insensible à Mère nature ; La vraie question à se poser est certainement qu’elle extrait de nous ce que nous avons enfoui au plus profond, au lieu d’imaginer que nous sommes de pauvres vagabonds victimes de leurs destins, la nature nous fait prendre conscience que nous sommes des diamants qui ont oublié leur véritable nature.

Nous devons concevoir que Frank est  le point de départ et débordant d’énergie, remplit d’amours et d’idées créatrices (Bout de Vie entre autre) Mais faire passer des messages à ces semblables reste un défi de tous les temps.

Certains le trouveront acerbe, orgueilleux, moqueur, insuffisant, imbu de sa personne, arrogant, petit, mesquin, mauvais père, arriviste, opportuniste, infecte… il faut laisser le temps aux gens de s’émanciper , de murir, n’est ce pas là les qualités d’un homme pour faire face aux pires tempêtes tropicales en Atlantique, au blizzard du pôle Nord et du Groenland, au manque d’oxygène des volcans d’Argentine, au Yukon sachant qu’il vaut mieux manger qu’être mangé.

Il faut connaitre tout ca pour faire face  à ses propres peurs, quand la nature crée un homme éminent en un domaine elle ne le crée généralement pas seul, pour qu’il puisse profiter des talents et de l’émulation des autres.

Chacun a sa propre vérité, Frank reste fidèle à ses conviction, loyal envers ceux qui lui font confiance, et offre le meilleur de lui-même, à ceux qui l’aiment ; si la différence est un magnifique éloge de la vie, l’existence propose de multiples possibilités, dès lors qu’on accepte sa différence et qu’on nourrit son enthousiasme chaque jour est un miracle.

Alors suivez le guide !

Dominique Benassi répond!

27 avril 2010

Pour ceux qui ne connaissent pas encore Dominique Benassi dit Dume je vais tenter une  présentation :

Né au Maroc il retourne en Corse avec ses parents alors qu’il est encore enfant, il découvre  son île et ses paradoxes : les gens parlent plus le français que la langue Corse ! Là bas en Afrique du nord l’arabe et le corse étaient ses langues , après avoir exercé plusieurs métiers il rejoint les pompiers de Bastia. En 1988 une balle de fusil de chasse lui explose le genou et devient amputé fémorale de la jambe droite. Sa vie bascule ! Non pas dans la détresse mais dans la lumière, il décide de se mettre au sport et découvre le triathlon, dans cette discipline il retrouve toute la polyvalence qu’il avait chez les pompiers. Mais voilà on décide pour lui que ce sport ne peut être praticable avec une jambe en moins, pendant des années il s’entraine sans rechigner et jamais n’a le droit de prendre part au course avec les « normaux », au triathlon de Nice comme il n’est pas admis il fait quand même la course mais sans prendre le départ et encore moins passer la ligne d’arrivée, un américain champion du monde en élite le remarque et l’histoire peut enfin commencer ; il est invité au États Unis et obtient son premier titre de champion du monde de triathlon catégorie « Handicap » et non handisport !

Depuis il a obtenu 11 titres de champion du monde et est devenu président de la ligue Corse de la FFT. Ce n’est pas pour autant qu’on le reconnait athlète de haut niveau et EDF qui l’a engagé ne veut rien savoir sur ce statut qui lui simplifierait bien des choses… En 2001 on s’est rencontré on était tout les deux amputés et en plein divorce, une belle histoire d’amitié, de fil en aiguille on s’est découvert avec toutes nos différences mais aussi beaucoup de ressemblance.

Je décide de créer Bout de vie et tant bien que mal il suit et notre route croise celle d’un drôle de breton de Molène Joseph Le Guen qui nous met la puce à l’oreille et nous traversons l’Atlantique à la rame, une première mondiale, 22 mois de préparation où nous avons vécu 6 jours sur 7 ensemble puis 54 jours à pleurer, euh pardon à ramer et puis la vie nous a fait prendre des chemins différents, il continue le triathlon et moi les aventures, il décide de faire son bout de vie mais l’âme est marquée au fer rouge et quand on se retrouve, une trame, une vibration, une cicatrice fait que nous savons plus que tout que nous sommes frangins de vie. Même si nos routes sont différentes personnes et aucun évènement ne pourra délier cette fraternité choisie.

Avant de partir sur le fleuve Yukon on ne pouvait pas ne pas se voir, se confier, s’observer, deux frangins que la vie à un peu bastonner et si la violence nous a effleuré elle en n’aura laissé que de fades traces. Nous savons que notre rencontre fut un des plus beau cadeau de nos vies, quand on est ensemble on est comme des gosses que rien n’arrête . Une anecdote parmi une infinité :

Un soir , nous sommes les invités d’une soirée très mondaine dans une villa de luxe de l’extrême sud de la Corse, grand champion, chanteur et top modèle sont là pour recevoir les deux « frangins », alors que nous pénétrions dans ce palais aux milles et une nuit une des personnes nous demande comment nous avons été amputés, Dumé avec son œil malicieux lui rétorque, moi c’est est une balle à bout portant et Frank pendant la guerre du Liban !!! La tête de notre hôte fut plus blanche que les neiges Himalayennes et encore maintenant nous nous demandons comment nous n’avons pas explosé de rire ! De vrais sales gosses !!!

Dumé m’a fait le plaisir de passer deux jours avec moi, j’en avais besoin juste avant mon départ pour ces mois de solitude. J’ai eu l’idée de lui faire un interview express…

Proverbe qu’aime bien Dumé:

A vitafatta di scala, à quandu si colla à quandu si falla

(la vie est faîte d’escalier, des fois tu montes des fois tu descends)