Cap des courants contraires

21 août 2017
 
 
Le ressac cette nuit est venu nous expliquer la vie du large, la mise à l’eau va être compliquée. Le kayak de Karin est très stable en mer mais beaucoup moins pour s’enfiler dans l’hiloire. L’exercice de cirque va donner le tempo d’une journée de mer. Un bon clapot nous prend à froid, la brise de nord semble établie à 10nds et tout autour de nous, les montagnes sont blanches de neige de manière incroyable pour la saison. Pas plus de 4° à l’abri du vent, avec une mer à la même température, la faute serait impardonnable. Le courant est dans le sens du vent mais là-bas au cap, tout semble différent, la mer est désordonnée, nos embarcations sont malmenées, je me sens énormément coupable d’engager Karin dans cette machine à laver en mode essoreuse. Nous sommes côte à côte, je la surveille d’un œil, son bateau part au surf, elle arrive à garder le cap, son expérience de mer est un gage de sécurité supplémentaire. L’océan en région polaire est très peu salé, il manque de la densité à la teneur en sel de la mer pour l’écraser, nous sommes ballotés dans tous les sens. Je suis en mode commando, je prie tous les saints pour que ce terrible cap soit vite passé, être à deux me rend encore plus tendu, sans moi je sais qu’elle ne serait jamais là ! Finalement nous passons sans mal, il nous faut reprendre des forces. Pour me rassurer, avec son bel accent munichois, elle me dit : Tu sais, pendant 30 ans j’ai fait plonger des touristes au large de Porto-Vecchio dans toutes conditions de mer, aujourd’hui c’est facile, je n’ai que moi à gérer ! 
 
Sur cette vérité, nous essayons de trouver un coin sans ressac pour la pause café. Au fond d’un fjord, un accès plus ou moins convenable semble pas mal pour poser nos kayaks. La marée est descendante, il faudra être prudent avec la nature du fond et là où nous sommes, ce sont des amas de gros cailloux qui nous surveillent… Le coin est à l’ombre, j’ai les mains qui me font terriblement mal, elles sont anesthésiées par le froid et le sang reprend son flux au bout de mes phalanges qui semblent exploser… A l’abri du vent et au soleil, on se refait une santé.
 
En grimpant les cailloux, nous avons remarqué au côté nord de la baie, un bateau solidement amarré, avec une petite tente pas trop loin. Sera-t-elle habitée, y aura-t-il quelqu’un dedans? Nous n’osons pas nous en approcher. Alors que nos cafés fument dans nos bols de thermos, un petit homme tout sourire vient à notre rencontre. Il nous lance le traditionnel kaffimik, et nous voilà invité par un pêcheur. Sans parler, il fait signe à Karin de rentrer dans la tente à l’abri du vent et nous verse un café sucré à volonté. L’échange est basique, mon groenlandais est très faible pour pouvoir échanger correctement mais nous sommes bien ensemble. Ces périodes de pêche seul sont de 10 jours, il pose des palangres appâtées aux ammassat… Puis de sa poche de combinaison de haute mer, il sort avec précaution un iphone, la technologie, même ici a sévi. Les photos s’enchainent, sa mère, sa fille, son village, sa maison… Ses rires nous enchantent, quel beau partage. Ole est un gars de l’océan, son au revoir nous rend nostalgique, la dureté de la mer, même avec la barrière de la langue nous à réunis pour un très beau bout de vie. Non sans difficulté, nous remettons à la mer nos kayaks, le vent maintenant est dans le bon sens, il nous ne restera plus qu’à trouver un beau coin pour le bivouac du soir. Une grosse casserole de moules énormes sera le cadeau final de cette belle journée de mer…
A pluche.

Faire le deuil!

18 janvier 2016

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Dans le documentaire Frères de sport je finis le film par une réflexion qui vous a fait énormément réagir.  On ne peut faire le deuil de l’accident ! Beaucoup d’entrevous avez commenté, vous avez acquiescé à cette sortie sincère et sans tabou, j’ai tenté à chaque lettre de répondre au plus juste avec « mes » réponses, issu d’une expérience très personnelle, alors par ce billet je vais tenter de le développer, tout en allant à l’essentiel, une confidence pour vous tous, un peu pour moi aussi très certainement.

Le deuil quelque qu’il soit, est une épreuve de vie, personne ne peut y échapper, mais la soupe est difficile à avaler, encore plus à digérer. Les phases se succèdent plus ou moins dans le même protocole, mais la finalité est difficile à atteindre. Le choc, le refus, la colère, la tristesse, la résignation, l’acceptation et la reconstruction sont à mes yeux les multiples phases du coup dur qui traversent nos existences.  Le choc est éphémère, même si chaque seconde semble un siècle, l’immense coup de massue se métamorphose assez rapidement en refus total. Pas à moi, non ce n’est pas possible. Puis la colère nous prend en otage, on la masque par des calmants, des thérapies, des réunions philosophiques, même parfois la religion, pour ma part j’ai choisi la fuite, concrétisée par un voyage de plusieurs années. La mer pour ôter l’amer ! La tristesse prend de la place, elle s’installe confortablement, elle aime bien se glisser dans les nuits noires hivernales, alors elles salent nos joues, nos âmes, nos espoirs sont noyés sous une tonne de sel, mais le petit jour nous délivre jusqu’à la prochaine nuit. Alors le temps érode, corrode et on se résigne, on croit accepter, on pense devenir sage, mais sur une ruine on ne peut construire une nouvelle vie sainement ! La restauration d’une vieille maison est remplie de surprise. On gratte, on déblaie et on trouve une pièce oubliée remplie de poussière, de vieux manuscrits qui nous offrent des chapitres qui racontent, nos vies sous un autre angle. On époussette, et les yeux piquent de nouveau, on lit, on relit on décrypte, les mots sont des restes de maux, on doit panser, mais aussi penser, mais qu’il est difficile de cautériser ces plaies. Alors on prend du recul on essaie de voir de quoi se composent les restes, on pousse quelques briques, on établit un nouveau plan. Les passants passent, quoi de plus normal, nous on reste, à moins que ce soit le contraire ! Puis un jour pour certains, pour les plus sages, les plus grands, les plus sensibles, de la ruine, surgit une cabane qui nous rassure, qui nous surprend et même si quelques larmes s’invitent sous son toit, on apprend à vivre sans « toi », notre si beau passé…

Votre avis m’intéresse, nous intéresse, une bâtisse ne peut se construire seule !

Entre douleur et souffrance

28 février 2015
Douleur et souffrance oubliées quelques instants...

Douleur et souffrance oubliées quelques instants...

Etre amputé a pour vocation de bien connaître hélas ces deux maux. Mais si l’Homme n’oublie pas, de temps à autre, une piqure de rappel est nécessaire pour nous recadrer. Depuis quelques jours mon beau moignon est un hymne à la douleur. Rien de grave, juste un peu de patience et de soin et tout, sera inscrit au mausolée des souvenirs. Alors plutôt que de me morfondre je prends mon mal en patience. L’immobilisme a pour vocation de me rendre philosophe, la remise en question s’assoie en face de moi et nous échangeons. Les Autres n’ont plus accès, je suis en bonne compagnie, dame douleur est possessive, elle exige réflexion et humilité. Mon bout perdu est tuméfié, mon bout de jambe est pelé, mais mon bout de vie reprend du sens. Rien ne sert de pleurer ou de perdre le temps à écouter les gémissements de ceux qui vont me dire : moi à ta place ; tu devrais prendre soin de toi ; ce n’est pas grave j’espère !!! Si la blessure est là c’est que j’en suis l’auteur, c’est moi qui l’ai invité alors je vais en profiter pour l’écouter. Je vous rassure elle ne prend pas toute la place, le soleil brille même quand les nuages envahissent le ciel, les blessures de la vie ne sont pas injustes, ce sont des épreuves pour nous faire grandir. Chaque matin j’enfile ma jambe artificielle sans jamais penser au bonheur d’être si bien appareillé, chaque jour je réalise des activités que je n’aurai jamais pu faire il y a 100 ans en arrière, alors tout logiquement, ces moments de blessures sont des arrêts obligatoires pour penser, pour se retrouver, pour changer quelques bricoles dans mon quotidien. Il faut savoir accepter, il faut avoir le cran de poser le genou à terre sans rougir. Nous les « jambes de bois », nous sommes voués à apprendre la patience sans jamais haïr quoi que ce soit, qui que ce soit, nous sommes des êtres blessés de corps mais pas d’esprit. L’âme ne peut être touchée, sauf si on lui laisse les ténèbres nous envahir, nous sommes le capitaine de notre esprit, la liberté est l’océan sur lequel nous pouvons naviguer, là-bas à Terre les contraintes du corps qui est fragile, de ceux qui s’ensevelissent d’obligations matérialistes. Ces moments de douleurs sont en vérité des moments de réflexion, de la méditation malgré nous. Vous aussi vous connaissez la souffrance et la douleur, vous aussi le doute dans ces moments d’arrêts forcés sont contraignants mais plutôt que d’en devenir des victimes devenez en les gestionnaires et dites-vous que demain est proche, que la paix sera encore plus belle, seul le présent est un cadeau, avec ou sans douleur…

Encore un petit moment…

31 janvier 2014

Madame_Duberry

Jeanne Bécu, Comtesse du Barry, condamnée à mort, eut cette réplique célèbre : Encore un petit moment Mr le bourreau…

Oh, mais qu’elle est précieuse la vie, un joyau aux reflets eternels, une fleur éphémère que l’on ne peut cueillir, un simple grain de blé sur une prairie infinie. Mais qu’il est âpre d’accepter la tragédie, qu’il est compliqué de tolérer la fin. Très souvent les couples explosent quand surgit la catastrophe, les familles se déchirent quand le drame rejoint le couffin. L’accident, la mort, nous catapultent sur une voie qui semble sans issue, les lambeaux de vie nous collent aux bottes fraîchement ensanglantées. Je trouvais étrange, à la sortie de plusieurs mois d’hospitalisation, le comportement des « autres », mais eux, étaient restés sur leur chemin habituel, j’étais devenu une sorte de maquisard. Intuitions ou hasard, je pensais souvent, que si la vie devait me mutiler j’aurai choisi la mort, mais voilà, je suis toujours debout, un homme, à part entière ! Ce n’est pas les « autres » qui changent, mais nous, c’est cela qui fait toute la différence. Notre enveloppe devient le miroir des passants, nous sommes, à notre insu devenus « extra »ordinaires, certaines gens n’osent plus nous regarder dans les yeux. J’ai beaucoup d’exemples, dans mon association, qui font frémir ; des cas incroyables de ruptures totales, des fuites à bout de souffle, plutôt que de devoir accepter la « nouvelle » vie de l’autre. La mort pourrait être la seule issue, pourtant la vie est si riche, que le temps nous permet de continuer, même avec une mobilité plus réduite, plus contraignante ; même avec son être cher disparu. Nous semblons être programmés, organisés, mais « l’habitude » est fragile, un moindre souffle froid et la fièvre s’en empare. Un remède infaillible ? Il n’en existe pas ! Au fond de nos âmes nous avons nos réponses, nous avons les moyens de surmonter cet Everest. La recherche du bonheur est une utopie, car le fait d’être là maintenant, est déjà un miracle incroyable, ne désirons pas ce que nous n’aurons jamais, mais apprécions, ce que nous avons là, maintenant.

Encore un petit moment Mr le bourreau…

Quelques photos in situ, Etape du tour 2011

14 juillet 2011

Col du Galibier avec encore de la neige!

Col du Galibier avec encore de la neige!

Rouler sans souffrir, tout un art!

Rouler sans souffrir, tout un art!

Gerer le freinage et surtout récuperer...

Gérer le freinage et surtout récupérer...

Les 21 virages de l'Alpe d-Huez, subir sans souffrir!

Les 21 virages de l'Alpe d-Huez, subir sans souffrir!

L'arrivée pointe son nez, le coup de pédale reprend du rythme.

L'arrivée pointe son nez, le coup de pédale reprend du rythme.

ASAVA (amour en Groenlandais)

16 mars 2010

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Pendant ma traversée du Groenland à pied mon errance polaire est devenu souffrance ordinaire et de cette balade arctique quelques maux m’ont fait surgir des mots :

Amputé des glaces, unijambiste polaire

Tu avances dans ce désert de glace

Tu souffres, grimaces, pourtant tu es fier

Être homme libre n’est pas toujours aisé

Peu de gens comprennent tes pas

Toi tu sais, la vie la vraie

N’est pas derrière ou devant, mais là

A l’endroit présent où le temps est arrêté

Tu avances pour toi, pour moi, ami

Car si un combat doit être fait

Il doit avoir toujours la même envie

Celle de faire partager le verbe aimer !

Vidéo sans prétention de cette sacrée traversée : Image Nicolas Dubreuil

Kaikki ovat tervetulleita konferenssiin!, 12th January 2017 | Lanyrd – Netticasino