Douleur et souffrance oubliées quelques instants...
Etre amputé a pour vocation de bien connaître hélas ces deux maux. Mais si l’Homme n’oublie pas, de temps à autre, une piqure de rappel est nécessaire pour nous recadrer. Depuis quelques jours mon beau moignon est un hymne à la douleur. Rien de grave, juste un peu de patience et de soin et tout, sera inscrit au mausolée des souvenirs. Alors plutôt que de me morfondre je prends mon mal en patience. L’immobilisme a pour vocation de me rendre philosophe, la remise en question s’assoie en face de moi et nous échangeons. Les Autres n’ont plus accès, je suis en bonne compagnie, dame douleur est possessive, elle exige réflexion et humilité. Mon bout perdu est tuméfié, mon bout de jambe est pelé, mais mon bout de vie reprend du sens. Rien ne sert de pleurer ou de perdre le temps à écouter les gémissements de ceux qui vont me dire : moi à ta place ; tu devrais prendre soin de toi ; ce n’est pas grave j’espère !!! Si la blessure est là c’est que j’en suis l’auteur, c’est moi qui l’ai invité alors je vais en profiter pour l’écouter. Je vous rassure elle ne prend pas toute la place, le soleil brille même quand les nuages envahissent le ciel, les blessures de la vie ne sont pas injustes, ce sont des épreuves pour nous faire grandir. Chaque matin j’enfile ma jambe artificielle sans jamais penser au bonheur d’être si bien appareillé, chaque jour je réalise des activités que je n’aurai jamais pu faire il y a 100 ans en arrière, alors tout logiquement, ces moments de blessures sont des arrêts obligatoires pour penser, pour se retrouver, pour changer quelques bricoles dans mon quotidien. Il faut savoir accepter, il faut avoir le cran de poser le genou à terre sans rougir. Nous les « jambes de bois », nous sommes voués à apprendre la patience sans jamais haïr quoi que ce soit, qui que ce soit, nous sommes des êtres blessés de corps mais pas d’esprit. L’âme ne peut être touchée, sauf si on lui laisse les ténèbres nous envahir, nous sommes le capitaine de notre esprit, la liberté est l’océan sur lequel nous pouvons naviguer, là-bas à Terre les contraintes du corps qui est fragile, de ceux qui s’ensevelissent d’obligations matérialistes. Ces moments de douleurs sont en vérité des moments de réflexion, de la méditation malgré nous. Vous aussi vous connaissez la souffrance et la douleur, vous aussi le doute dans ces moments d’arrêts forcés sont contraignants mais plutôt que d’en devenir des victimes devenez en les gestionnaires et dites-vous que demain est proche, que la paix sera encore plus belle, seul le présent est un cadeau, avec ou sans douleur…