Oqaatsut enfin…

14 juillet 2019

C’est depuis ma petite maison bleue que mon journal de bord est rédigé enfin.

Pujoq (brouillard), le mauvais farceur a bloqué une partie du Groenland pendant deux jours. Resté bloqué à Kangerlussuaq est une sacrée punition, quand tu sais que le paradis n’est plus qu’à 45’ de vol. Mais voilà que tout a une fin et le Dash8 vol en coupant sans ciseaux le ruban du cercle polaire, 66°33’ Nord. Mes bagages sont là aussi, il me reste à trouver un taxi pour m’amener directement au chevet de mon petit bateau. La personne qui me l’a vendu n’est pas un foudre de guerre, un souffle dans un verre et je pense qu’il y perdrait vite pied. Par « messenger » tout l’hiver je lui ai rappelé les travaux qu’il s’était engagé à faire à la vente du bateau, il y a plus d’un an ! Oh miracle tout est en place, enfin presque !!! MDR. Je sais où je suis, donc c’est à moi de m’adapter. Le petit Poka est recouvert de sable, avant que le camion grue ne vienne, je m’active au mieux pour lui rendre un air normal. Le vide vite de la double coque étant complètement grippé, je l’avais dévissé et décollé, il me faut procéder à l’envers, coller au Sika et vissé.  Il est 13h30, à 15h le camion devrait être là, je croise les doigts pour que tout polymérise à temps. Juste à côté se trouve le Spark (chaine de produits de bricolage), je dois trouver un chauffage d’appoint pour la maison, l’année dernière on m’en avait prêté un. En même temps je me dis que ce serait intelligent de prendre aussi un sac de plâtre pour finir de colmater les fissures de la pièce de ma maison et conclure une fois pour toutes les peintures intérieures. Mais cette année il n’y a pas de plâtre !!! Soupir ! Donc je charge mon chauffage et au pas cadencé, me rend au Pissifik (chaine de grand supermarché) pour acheter quelques vivres. A mon retour il est 14h45 et le camion est déjà là. Ni une ni deux, mon petit bateau prend les cieux pour être chargé. Sans corde à nœud je me hisse dans le cockpit de ce camion immense et nous voilà partis pour un remake du Paris-Dakar avec un bateau à peine fixé. Je croise les doigts, serre le grigri que m’a offert ma chérie avant de partir et nous voilà enfin au port, le bateau est toujours là, ouf ! Le port est très encombré mais surtout une immense couche de peaux de crevettes embaume la mise à l’eau. Ilulissat est une plaque tournante de la crevette sauvage arctique et tous les restes sont jetés directement à la mer. Aujourd’hui le courant était dans le bon sens, pouha !!!

Haut de 5mts, le mur du ponton est plus qu’hostile, en un claquement de doigt je dois grimper à bord du bateau encore en l’air, un vrai exercice de cirque. Heureusement que je ne suis pas handicapé ! Ouf, j’ai réussi mon saut ! Ce serait ballot de patauger au milieu des carapaces de crevettes dans un océan à 4°. Ben oui, c’est l’été donc elle est bonne !

Le moteur part au quart de tour, pas de voix d’eau, la « pissette » du refroidissement moteur fonctionne, je croise les doigts la route va être longue jusqu’à ma maison bleue. A bord c’est un peu la panique, mais je m’en moque, coûte que coûte je veux arriver chez moi. J’ouvre mes sacs au hasard pour chiper des affaires chaudes. Pas le temps, je prendrais ce qui me vient le plus facilement. Je ne trouve pas mon gilet de sauvetage, de toute façon aujourd’hui je n’ai pas envie de nager. Mais plus que mon petit confort et ma sécurité, c’est l’épaisseur du brouillard qui me cause soucis. Mon GPS est à Oqaatsut et il va falloir y aller à l’instinct ! Je stoppe le dialogue interne qui me harcèle : le moteur, le brouillard, l’état de la glace, la houle… Aux oubliettes les pensées parasites !

Je pars tout doux en auscultant le bruit du moulin qui tourne rond, puis prend repère avec la luminosité du soleil qui semble vouloir m’aider. Donc c’est cap plein nord, c’est fou, je suis seul en mer !!! Je me mets en vitesse de croisière et tente de ne pas lâcher le nord. Je sais que c’est 30’ maxi avant de dénicher la passe de la baie qui me mènera à destination. A un moment je sens l’embrouille, le brouillard est si dense que la lumière du soleil ne passe plus. Je stoppe le moteur et hume le vent et tente de lire la houle. Damned, je suis trop ouest. Je repars en modifiant mon cap. Chaque iceberg croisé et un fantôme lumineux, l’effet est sordide et envoutant en même temps. Je garde le cap, la côte a disparu depuis un bon moment puis de nouveau je stoppe le moteur. Les chiens du village, oui je les entends, je n’ai qu’à suivre leur aboiement. Soudain, comme par miracle, je trouve la passe et l’immense baie d’Oqaatsut. Je cris ma joie, le village est devant moi. J’en ai les larmes aux yeux… Demain je vous raconterai la suite de cette belle aventure.

Que c’est beau, que c’est puissant, que c’est envoûtant. Ici le temps s’est arrêté, ici le présent à encore plus de place que dans le sud.

Je vous embrasse bien fort, je vais me mettre au chaud, 6° quand même. Ca c’est un bel été qui s’annonce…

Bloqué à Kangerlussuaq :

11 juillet 2019

Le brouillard à Ilulissat semble tenace, depuis hier aucune rotation n’est possible. Ici pas de route, le seul pont est par les airs ou par l’océan. Les annonces toutes les deux heures sont les mêmes : fly canceled. J’ai une pile de bouquin, j’en sors un, je vais le lire dans la journée. Vers 17h c’est sûr je vais encore passer une nuit ici. Rassurez-vous l’hôtel du coin est plus que bien. Lit confortable et surtout douche et toilettes individuels ce qui est un grand luxe pour cette terre en permanence gelée. Après être sûr de ne pas partir ce soir, j’endosse mon sac à dos pour aller me balader. Ici ce n’est pas trop glamour, ce lieu n’est que la plateforme aérienne de la côte Ouest du Groenland. Un airbus par jour arrive de Copenhague, pas plus, mais après, d’ici les petits Dash8 desservent toute la côte. En calculant un peu c’est 250 personnes par jour qui partent et qui arrivent du Danemark. Cela me laisse pensif quant au monde qui est déversé quotidiennement en Corse en ce moment !

Donc j’emprunte une route en terre, la même qu’il y à 12 ans avec Nicolas Dubreuil quand nous avions traversé la calotte à pied en 34 jours de marche forcée sans la moindre assistance. Cette piste avait été taillée par l’industrie automobile allemande pour les tester sur la glace. Encore une folie des hommes. Je marche sans but, mon errance me porte sur un promontoire qui domine un fleuve boueux. La brise est la bienvenue, les moustiques sont tous aux abris. Dans la toundra des myrtilles me font de l’œil, puis ce sont des massifs d’épilobes à feuilles larges qui donnent un peu de couleur à ce paysage poussiéreux.  Niviarsiaq, c’est son nom Groenlandais, signifie aussi jeune fille. C’est le nom que j’ai donné au projet de cet été et des années à venir. Emblème du Groenland, elle est éphémère. Ce qui me fascine dans cette jolie fleur c’est qu’elle résiste toute l’année aux frimas d’un hiver rigoureux pour renaître chaque saison estivale en lui donnant un air de fête, de joie. Comme ces gamins qui vont me rejoindre bientôt. Ils ont surmonté des cancers, des graves accidents de la vie, mais sont encore là pour hurler aux qivitoqs (croyance inuit, esprits malicieux qui hantent la toundra et les glaces) qu’ils sont encore vivants avec un avenir extraordinaire. La vie ici, plus qu’ailleurs est un présent qu’il ne faut pas louper, chaque seconde à son importance. En étant optimiste ile me reste encore 3 024 000 secondes à vivre alors pourquoi en gâcher une !!!

Vous aussi bougez-vous les fesses, soyez les explorateurs de vos âmes, de vos envies, de vos rêves. Allez-y jetez vous dans le vide, si vous avez rêvé bien fort vos plus beaux désirs, vous allez voir que soudainement vous allez certainement vous envoler… Go go go…

Bises à vous tous…

Angalatooq : (le voyageur)

10 juillet 2019

Angalatooq : (le voyageur)

Tel l’oiseau migrateur je suis déjà loin de la Méditerranée, loin du bruit, loin de la chaleur, loin du surpeuplement. Là-haut au pays de Nanoq, tout est différent, tout est plus grand, plus silencieux, plus respectueux mais plus compliqué aussi !

En 2005-2006 avec mon Grand Dume, nous traversions un océan en ramant. 54 jours à écouter le bruit de la houle, à gérer les eaux salées qui nous burinaient le visage, à savoir des larmes ou des lames, qui nous auraient marqué le plus ! A bord de notre yole de mer un seul livre, celui de Gilles Elkaïm « Arktika ». Ce livre me passionnait, les mots de cet incroyable explorateur polaire, développaient ma curiosité. Je n’aurais jamais pu imaginer que moins de 90 jours après avoir parcouru 5500km à la force des poignets, j’aurais rejoint un groupe d’ancien militaires Russes pour atteindre à pied et en totale autonomie la latitude 90°Nord à pied, le mythique Pôle Nord. De ce jour rien ne fut plus pareil, Gilles Elkaïm devenait un copain et d’autres fous rêveurs me faisaient confiance pour des odyssées de dingue. Déjà 13 ans.                                                                                                                                      La traversée du Groenland d’Ouest en Est fut pour moi, une des expériences les plus compliquées de ma vie civile. Les 34 jours de marche forcée en tirant un traineau de 120kilos, m’ont demandé une énergie hors du commun. Mais le Kalaallit Nunaat m’a happé, m’a charmé et depuis 3 ans j’y possède une belle maison bleue. Oqaatsut (Cormoran) est un village de 23 habitants silencieux et souriants. Pas de voiture, pas de burn-out, les seuls bouchons sont ces gros « glaçons » qui partent pour un long voyage de 6 ans en mourant au large de Terre-Neuve. Les chiens sont les plus nombreux que les habitants. De temps à autre, une meute hurle en retrouvant très vite le silence pour laisser place à une détonation qui vous fera sursauter. N’y cherchez pas quelques raisons guerrières ou clandestines, ce n’est qu’un gros iceberg qui s’est désintégré. Je vais avoir quelques jours pour bricoler dans ma maison ; elle est âgée de 70 ans et en mode « restauration » mais une bonne partie des travaux est bien avancée. Puis ce sera la visite de ma « belle Vahiné » qui viendra découvrir ce monde si particulier, puis ce sera au tour du Grand capitaine du Drakkar à nous rejoindre. Le Grand Nord et nos blessures nous ont unis, rapprochés, en abattant le mur de nos différences. En grand seigneur, à titre personnel il a loué le voilier Polaire La Louise qui permettra à 6 « guerriers » Bout de vie de poser leurs sacs à bord pour une exploration hors norme.

Pour ceux qui me suivent depuis longtemps, je tiens absolument à vous rassurer. Jo Zef la mascotte est à mes côtés, comment pourrait-il en être autrement…

Proverbe Groenlandais : seuls la glace et le temps sont maîtres

La preuve ce soir au lieu d’être à Ilulissat, nous sommes bloqués à Kangerlussuaq. Malgré trois tentatives, le brouillard n’a pas permis au Dash8 de se poser…

Inuulluarit

PS : photos sur ma page Facebook Frank Bruno officiel

Été à Oqaatsut 2019…

7 juillet 2019

 

Bonjour à tous,

Ce petit mot va vous rafraichir puisqu’il est posté directement du Groenland où j’ai posé mes sacs.  Début août, 6 adhérents de l’association Bout de vie vont embarquer à mes côtés, à bord du voilier polaire la Louise. Une croisière australe en baie de Disko, va leur dévoiler des moments qui resteront gravés à tout jamais dans leurs âmes. Les mouillages seront sauvages et silencieux, les activités seront simples : Ouvrir ses yeux et tout prendre. Balades à terre et sous-marine, agrémenteront les escales. Un journal de bord vous dévoilera tous les petits moments magiques de cette exploration digne d’une aventure à la Shackleton.  En attendant depuis ma petite maison d’Oqaatsut je vous offre un peu de fraicheur et de liberté.

 En m’inspirant de la phrase de Rasmussen :

Donnez-moi un océan polaire et du silence, je vous donnerai tout le reste

Un crowndfunding est en ligne, vous pouvez vous aussi apporter votre flocon de neige à la création de cet iceberg de Liberté. Cliquez ici

 

Offrez vous une part de rêve et de fraîcheur polaire sur ce site en ligne. (Films, tasses, t-shirts, sacs de plage…) Cliquez-ici

 

Tel le Phoenix qui renaît de ses cendres…

30 août 2018

Un bouquet de Niviarsiaq en hommage à la Liberté…

 

Tomber encore, se relever toujours, ok ça c’est l’adage ; mais encore faut-il une fois debout se remettre à marcher et avancer. Nous n’avons pas le choix, ma résolution est simpliste peut-être, je désire m’abandonner sans retenue sur le sentier de l’amour universel.

Bien sûr, je n’emprunterai plus le même chemin qui m’a mis le genou à terre. Se servir des échecs comme d’une chance sans retourner d’où l’on est parti.

Pour ma part, j’ai choisi de suivre la lumière. Se servir du passé comme un phare qui guide et non d’une baie où l’on se cache. Einstein disait : « la vie, c’est comme le vélo ; pour garder l’équilibre il faut avancer ». Cette expérience groenlandaise m’a mis sur une sacrée route, je n’y ai vu au départ qu’injustice et noirceur mais soudain tout s’est éclairé.

 Nous sommes en permanente formation, nous sommes dans une école où les professeurs ne sont pas toujours très délicats, mais l’enseignement n’est pas une chanson de Casimir dans l’île aux enfants. Il nous faut rester dignes et surtout comprendre les leçons. La vie dans un minuscule hameau Inuits a sa part d’enseignement aussi. Ici on est quasiment transparent, le villageois ne perd pas son temps en dialogues qui ne servent à rien. Je me souviens de soirées dans le sud, où je me posais la question : mais qu’est ce que je fous là ? « Blablater » pour ne rien dire, pour qu’aucun frisson n’en sorte. Je ne suis pas dur, ni amer, mais constate l’abysse qui nous sépare entre le pays du silence et celui des « autres » sans vibration.

Apprendre le silence, ce fût ma première leçon. Il est dur par moment de ne rien dire quand on est en manque d’échange, mais en vérité j’avais occulté le frissonnement, l’intention de l’âme et cela faut bien plus qu’un long discours qui n’a pas de sens et de profondeur !

La vie groenlandaise se mérite, les flemmards n’ont pas trop leur place au pays d’Aputsiaq. Ici, j’ai travaillé sans relâche en silence, seul sans demander la moindre aide, il m’aura fallu du temps pour comprendre qu’ils m’observaient, en se demandant comment le petit blanc boiteux allait s’en sortir. Puis des sourires m’ont réchauffé, m’ont fait du bien.

A mon départ je suis allé voir Steen, il a senti sans que je lui explique, sans le moindre mot. Nous nous sommes étreints et subitement nous nous sommes mis à pleurer. Je lui ai donné des victuailles et puis j’ai tourné les talons pour rejoindre mes potes qui étaient déjà sur le bateau… Whaou quelle sensation, là, en un claquement de doigts je me suis senti, Homme, la liberté m’a emporté, elle m’a pris dans ses bras, je sais que je ne suis plus seul. Les projets naissent en cascade, vos messages abondent, une brève connexion sur le net a fait rougir mes joues déjà tannées par la glace.

Alors, je comprends à peine pourquoi j’ai acheté cette maison si loin de ma culture, pourquoi je tente de restaurer une cabane qui n’a plus d’âge. Oui, doucement le brouillard s’évapore, les « qivitoqs » se cassent les dents sur tout l’amour que vous m’envoyez, deviendrais-je immortel ? N’ayez crainte, la mort va venir pour moi aussi, mais depuis peu je ne suis plus pressé !  En rentrant je vais lézarder au doux soleil Corse, m’occuper de ma petite cabane, retrouver quelques potes et reprendre ma marche en tant que donneur d’espoir.

Deux conférences de hauts vols, la présentation de mon dernier film aux Ecrans de l’aventure et certainement d’autres événements m’attendent, j’adore les défis, je vais me régaler. Puis il va y avoir des stages de survie en novembre et en mars, puis un nouveau, mi-décembre en mode survie-mer. Surveillez mon blog, les infos vont être très vite mises en ligne.

Je n’ai pas de conseil à vous donner, je ne veux pas moraliser qui que ce soit, j’écris comme je pense à l’instant présent. Nous vivons dans un miroir, à nous d’avoir le courage de nous regarder droit dans les yeux ; essayez, osez, tentez l’aventure ! N’ayez pas peur, au départ vous allez y voir des ombres, des facettes de votre vie qui ne vont pas vous convenir. Certains se trouvent ridés, vieux, fuyants, puis avec un peu d’humilité les ombres disparaissent, les stigmates de nos souffrances s’envolent, plus besoin de botox et silicone, la vie en se regardant dans les yeux est régénératrice, elle vaut toute intervention chirurgicale !

Je n’aurais jamais pu croire avoir autant de force. Comme l’arbre qui perd ses feuilles et qui se fait élaguer, la sève de la vie m’enivre, me fait tourner la tête… Yes I’m a Freeman bien plus qu’avant.

Vive la vie.

Une étoile de plus dans la cabane…

Au pied du glacier Eqi

D’ombre et de lumière

Nouvelles du Grand Nord…

29 août 2018

 

1heure du matin, encore une insomnie, alors je profite de la première nuit obscure de l’été pour saluer les étoiles, cela fait quelques mois qu’elles n’ont pas scintillé au dessus de « mon » petit village Oqaatsut. J’y cherche la mienne, la sienne, la votre… J’hume l’air polaire, je respire à plein poumon, le petit 4° est vivifiant, la Grande Ours est apaisante. Je n’ai pas écrit depuis plusieurs jours car une grande tristesse m’a envahi, les nouvelles d’en bas ne sont pas très bonnes, mais j’essaie de suivre cet adage : la douleur est inévitable mais la souffrance, elle, est intolérable, alors je tente de ne pas souffrir. Toutes les ruptures, blessures, sont enrichissantes en leçons de vie, alors j’apprends. 45 jours de vie là-haut au pays d’aputsiaq, 7 semaines à retaper une maison bleue perdue au milieu des glaces et du silence. Un rêve de plus de réalisé, un défi de plus relevé, mais l’essentiel c’est envolé, la fondation c’est écroulé, l’existence sans amour est un oiseau sans aile, un horizon sans espoir. Je me force de croire que c’est salutaire pour mon âme, souffrir c’est grandir, alors je vais bientôt prendre de la hauteur. Dume, mon Dume est là, heureusement, il me fait rire, il fait le pitre. Un invité de plus a rejoint la cabane, Christophe, alors il me faut encore endosser le rôle de guide. Bivouac au milieu de rien, rencontre de dizaines de baleines et phoques, village plus souriant. La vie ici est riche, pleine de grandeur. Je me reprends en main, je tente de penser de nouveaux projets, de panser ma plaie, de comprendre et de me mettre à la place de l’autre. Nous sommes tous fautifs de nos actes et donc je cherche mes erreurs mais il me manque des éléments, des réponses…

Pendant ces 45 jours la cabane a accueilli des « éclopés », des amis, des copains, elle a vibré, elle a retrouvé une certaine jeunesse, derrière tous ça des mécènes qui ont permis ce rêve. Un immense merci, vous allez voir je vais en sortir plus fort, j’en suis sur, même si je boite bas et même si la nuit a envahi en partie ma vie. Je ne sais pas quand je reviendrais ici, je dois vivre l’instant présent, je dois juste écouter battre mon cœur, j’ai espoir, je l’ai entendu vibrer de nouveau, je vous assure. Inévitablement je vais revenir au pays des silences, au pays des Homme silencieux. En rentrant je vais apprendre à pardonner, à me mettre à la place de l’autre, pas facile, pas facile pour un gars comme moi. Mais homme de défi, celui-là aussi je vais le réussir. Je ne m’épanche pas mais je devais vous le dire, vos multiples messages d’inquiétudes m’ont soufflé de vous écrire, de vous dire que tout va bien, je suis encore là, mes yeux cherchent la mer ouverte pour sortir des glaces qui m’ont emprisonné.

Les baleines sont de partout et les troupes de phoques aussi comme un cadeau de mes anges gardiens. Ce matin les morues sont montées à bord d’Ifaraq, jamais je n’en ai péché d’aussi grosses. Sans trop d’excentricité, les gens du village me félicitent pour le travail de restauration et surtout je commence à peine à comprendre comment ils fonctionnent, pas évident pour un latin. Ce soir c’est ma dernière soirée avant de reprendre la route vers chez moi, là-bas où la cabane sera vide. Je pars en balade sur les dalles de granit, la mer est calme il n’y a pas un souffle d’air, seule 4 baleines, jouent les passantes. Je n’ai rien prévu, pas de serviette pas de plan B, je sens qu’il me faut me mettre à l’eau, l’océan Arctique me le demande. Sans ciller, sans trembler, je m’immerge en tenue d’Adam et Eve. La mer de Baffin est accueillante, je n’ai même pas senti le froid, bien au contraire elle m’a apaisé, elle m’a lavé de beaucoup de noirceur prêt à affronter ma nouvelle vie…

Je crois que je vais pouvoir écrire une belle nouvelle, sur l’histoire d’un papillon qui s’est posé dans l’écrin du cœur d’un Nanoq blessé. Ils vécurent des moments forts, des vibrations célestes, mais a-t-on déjà vue un papillon partager la vie d’un ours polaire ?

Je vous envoie plein de belles pensées, de belles ondes,

Allez papillon déploie tes ailes et vole sans te retourner, ce qui ne tue pas rend plus fort…

 

Oqaatsut selon Dume

22 août 2018

Oqaatsut le 21 aout 2018

Latitude 69°13 Nord 51° 06 Ouest : température 6° vent nul ciel couvert avec crachin.

Extrait du journal de bord de Dume Benassi :

 

Village plus que paisible où les gens sont quasiment transparents. Seuls les icebergs troublent le silence, ce qui semble l’une des distractions les plus importantes des touristes très rares qui viennent s’échouer dans la baie.. Ici les heures ne sont pas comptées, elles s’écoulent, comme le courant qui joue avec ces immenses blocs d’eau douce. Les gens qui vivent là, n’ont certes pas perdu la clé, mais vivent dans leur monde comme nous dans le nôtre. Ce qui fait la beauté de notre planète c’est le paysage, qui est époustouflant de rigueur et d’incertitude. Comme le dit le proverbe groenlandais : seul le temps et la glace sont maîtres. Nos yeux d’occidentaux doivent s’habituer aux silences des pas, aux chiens de traineaux qui attendent la glace pour pouvoir s’exprimer dans leur savoir. Nous découvrons ce que vivre et survivre veut dire. Chaque pas, chaque souffle, devient aussi important qu’une flamme qui nous réchauffe, la vie ici ne s’arrête pas pour celui qui sait épier, qui cherche son avenir, son devenir. L’essentiel de mettre un pas devant l’autre, une quête comme une inaccessible étoile. Comment rester insensible devant tant d’émotion et devant la certitude que nous ne sommes là que pour quelques instants…

 

Ici et maintenant…

21 août 2018

Aluu à tous!

Je ne vous ai pas du tout abandonné, croyez le bien! C’est juste qu’avec Dume nous nous sommes enrichis d’une sacrée virée !

Oqaatsut au petit matin.

La cabane est silencieuse, je suis concentré sur le départ. Dans la liste qui lui avait été donné pour venir ici, il y était noté entres autres, gamelles et thermos, Dume n’a pas dû lire ces lignes… et je ne vous parle pas du passeport qu’il a perdu à Copenhague !  Je lui mets la pression mais le loustique a l’habitude !

 Avant de quitter Oqaatsut nous devons faire le plein (plus de 150 litres d’essence); nous partons longtemps et loin. J’ai des bons de carburant que l’on m’a offert pour des petits services rendus, mais au comptoir du drugstore ça bloque, pourquoi? Je ne le saurai jamais! Je dois faire le silence, je dois apprendre à attendre… Finalement au bout d’une heure d’attente et de mutisme, le plein est fait. Quel pays !

Ifaraq chargé, nous voilà partis vers le nord, la carte papier est a portée de main, le GPS aussi, mais seule la glace nous donnera la route. Un groupe de phoques capuchons marsouinent à la proue du petit bateau, cela nous enchante! Deux baleines brisent la glace, fabuleux! La route se charge de morceaux d’icebergs qui ont volés en éclat, toute ma concentration est requise. La première heure se passe bien mais le froid mord et Dume étrangement silencieux semble en souffrir. Nous nous accordons un peu d’eau chaude pour nous réchauffer les entrailles, mais mon Dieu qu’il fait froid! Nous poursuivons notre voyage, mon index droit, déjà fatigué de gelures d’anciennes expéditions donne son avis, il veut de la chaleur ! Nous ne pouvons suivre le cap désiré, nous devons trouver le bon passage. Au fil des heures, la glace se charge, je dois ralentir. Finalement, la destination est atteinte, nous devons trouver une roche assez saine pour pouvoir débarquer notre barda et sécuriser Ifaraq qui va monter et descendre avec les 4 mètres de flux de la marée. L’emplacement est là devant nous, c’est le coin idéal, le bateau est à vue et nous sommes en sécurité, suffisamment en hauteur en cas de grosses vagues. En effet le fjord est rempli d’icebergs immenses qui menacent de se briser à tout moment provoquant des ondes incroyables qui peuvent déferler sur le rivage. Derrière notre tente il y a une vieille cabane de chasseur, elle nous servira de coin cuisine nous protégeant des morsures du froid et des moustiques qui résistent encore. Ce soir au menu : truite arctique et riz. A deux pas de notre camp, le déversoir d’un immense lac regorge de beaux poissons et en un clin d’œil nous en remplissons un seau. Puis, chacun dans notre coin nous partons à nos rêveries, Dume s’isole sur une dalle plate, et moi au sommet d’une montagne que j’atteins vers 20h. Dieu que c’est beau.. Dieu que c’est grand… Dieu que je suis seul ! Il est difficile de décrire ce que l’on peut ressentir ici, la terre vous semble vide, il vous semble que tous les habitants de la planète ont disparus. Je pars dans mes pensées, je quitte le lieu, je m’envole autour du monde, je deviens le vent, oui le vent. Puis je rejoins mes amis, je vous rejoins, je sais que je ne suis pas seul !

Il est temps de redescendre de retrouver « mon » Dume, lui aussi a les yeux rougis, ce lieu ne peut vous laisser insensible. Nous parlons sans retenue, nous nous lâchons, nous causons du présent, du « ici et maintenant » qui se résume à une dalle minérale, face à un fjord, rempli de glace millénaire…

La nuit est très bruyante, vous avez bien lu, bruyante. Les icebergs explosent sans discontinuer, l’un d’eux vole littéralement en éclat, provoquant une vague terrible. Dans l’impossibilité d’agir, je ne peux que constater la série de déferlantes qui s’abat sur notre berge, je tremble pour notre petit bateau, qui joue au yoyo, monte, descend,monte, descend, mais ses mouillages résistent.. ouf !!

Je retourne au fond de mon doux duvet pour vite y retrouver mes rêves… Chut! c’est un secret !

Vers les 6h30, nous quittons les bras de Morphée, il est temps de nous préparer au départ. Devant un bol d’eau chaude brûlante, nous planifions notre journée, nous irons au pied de la calotte glaciaire, au lieu dit de Eqi (prononcé Eri). Des huards sont en formes, ils nous offrent des cris d’encouragement, nous ne savons pas ce qui nous attend. Le froid est encore plus saisissant qu’hier, la toundra se pare de ses premières blancheurs de givre, les moustiques sont au chômage technique.  Ifaraq trace sa route mais dès les premières encablures, la glace se densifie, je dois réduire notre vitesse. D’après la carte et le GPS qui sont absolument faux, nous pourrons peut être voir au bout du cap, si nous pouvons ou pas continuer. Whaouuu! La mer est blanche, c’est à dire gelée !!! Ca, c’est une première pour moi! Gaz réduit, Ifaraq se transforme en chasse neige, les plaques encore très fines se brisent sous son étrave provoquant un bruit très proche du ski hors piste en poudreuse. Pendant une heure, nous avançons tout droit vers le glacier, mais je suis tendu, je redoute un problème d’hélice. Lorsque la glace devient vraiment épaisse, je stoppe le bateau. Nous devons réfléchir et prendre une décision. Soudain, dans un silence absolu, le ciel se déchire laissant place à un grand soleil… Merci mes anges gardiens, je crois que nous l’avons notre solution! Plutôt que de geler, nous nous offrons notre premier café-Toblerone, un vrai délice. Je teste la glace en posant un pied léger dessus; elle est encore fine : ouf! Nous n’allons pas passer l’hiver ici, lol ! Au bout d’une heure, nous reprenons la route, la glace s’amincit, nous sortons du piège blanc, eh ben, quelle émotion!! Je peux remettre les gaz pour enfin nous retrouver au pied de l’Icecap. De la taille d’une série d’immenses barres d’immeubles, le glacier d’Eqi est là, cela en valait la peine, l’attente et le risque. A chaque instant, un pan de glace tombe dans un fracas immense, des détonations d’une force indescriptible. Nous sommes sous le charme de ce spectacle d’une pure beauté. Les heures passent et même si le soleil n’a pas assez de force pour nous chauffer, il nous rassure, nous nous sentons moins isolés. A midi nous dégainons nos éternelles nouilles chinoises et là… c’est Hiroshima! Un pan entier, soit 100 mètres de glace d’affaissent dans un bruit d’outre tombe! Sans attendre, je démarre le moteur du bateau pour me mettre face à l’onde mais à notre grande surprise, elle passe tout en douceur et les « petits » 4 mètres de creux nous rappelle la douce houle de notre traversée océanique à la rame!  Nous voilà rassurés, mais l’adrénaline redescend que tout doucement..

Il est temps de faire demi-tour. je me tourne vers Dume, muet, qui enlève ses lunettes de glacier. Ses yeux sont rouges. Nous nous prenons et nous serrons dans les bras l’un de l’autre et nous explosons en larmes, de joie, de bonheur, d’une intensité incroyable…

Nous sommes là, ici et maintenant.

Bises à vous tous…

 

Cherchez l’erreur!

Seuls au monde

16 août 2018

C’est la dernière journée pour notre capitaine du drakkar noir. Comme nos anges gardiens sont formidables, il y a une tempête de ciel bleu sans le moindre souffle de vent !
Mes hôtes ont deux options, la première est une virée en mer à la recherche de coins perdus, ou l’ascension du gros pavé derrière la maison, ce sera la deuxième. Le protocole est toujours le même ; il faut être encore plus vigilant que n’importe où au monde. Mon sac à dos comporte toute la sécu et plutôt que de déjeuner avec « les fameuses » nouilles chinoises ce sera des sachets de nourriture lyophilisée, une manière de leur faire comprendre qu’aujourd’hui encore ce sera du baroude polaire.
Nous voilà partis, les jeunes chiots sont à nos trousses, mais à la première dalle à gravir ils retournent à leur occupation de voleurs de morues ! Si il n’y a pas de vent, c’est logique, les moucherons sont là par millions autour de nous, mais je remarque que mes potes se sont vite adaptés, ils ne portent pas encore leur moustiquaire de tête. Les terrasses rocheuses nous barrent la route, il faut mettre les mains, il faut être concentrés, « mon » Dume est en mode machine. Pour les nouveaux de ce journal de bord, avec Dominique (Dume en Corse) nous avons en 2005-2006, traversé l’Atlantique à la rame en 54 jours de galère. Sur 26 équipages valides nous avions eu la chance de finir 3éme. Je peux vous dire qu’une odyssée de la sorte nous a unis. Donc Dume, se régale, son amputation fémorale (coupé au niveau de la cuisse) devrait lui poser problème, mais ce n’est pas bien le connaître, il prend de la hauteur sans la moindre contrainte. Régulièrement nous prenons notre temps pour admirer le paysage qui est a couper le souffle, la baie de Disko est couverte de glace et d’icebergs. La brise de sud-ouest nous sauve, les suceurs de sang sont obligés de jeter l’éponge, ils disparaissent. Il nous faudra deux bonnes heures pour enfin atteindre le belvédère, l’effort est récompensé, nous sommes comblés. La photo selfie qui va bien rien que pour vous et nous nous « régalons  » de nos sachets de purée lyophilisée. Tout au long de l’ascension pas besoin de leur conseiller le silence, le lieu ne se prête pas aux babillages. Nous sommes dans nos bulles, la quiétude de la montagne nous berce, nous prenons ce qu’il y a prendre là et c’est juste suffisant. La brise est polaire, mais nous déjeunons ici pour ne pas nous offrir en pâture aux insectes. Les conversations vont bon train, un mélange de blagounettes de garçons et de philosophie sur nos vies de balafrés. Mon ami valaisan s’est transformé en ces 10 jours, son visage est épanoui, il se lâche, nous taquine, nous tend des pièges verbaux amicaux. Mais nous sommes comme deux sales gosses et nous le chambrons à tour de rôle. La magie de la vie nous a réunis ici, lui l’enfant prodige de la finance est venu rejoindre un nomade du Grand Nord qui à son tour à fait venir son « frère » de rame et ça marche du tonnerre de dieu. Comme quoi nos différences peuvent être une sacrée force.
Nous nous offrons une micro sieste, mais la brise de sud-ouest se lève, le froid nous envahi, il nous faut bouger. Nous n’arrivons pas à nous imaginer qu’en bas dans le sud la canicule est installée, les plages bondées, les montagnes engorgées, ici il en est tout autre, nous sommes seuls au monde et dans une fraîcheur bénéfique. Le vent est incroyable, en un claquement de doigt la glace encombre la route entre Oqaatsut et Ilulissat, demain à 6h nous allons devoir nous frayer un passage avec Ifaraq.
A la descente, des tapis de myrtilles nous transforment en randonneur-cueilleur, les bolets arctiques sont à foison, ici tout est abondance. En milieu d’après-midi nous rejoignons la maison bleue, une douche à la maison communale va nous remettre en forme. Ce soir menu groenlandais : foie cru de phoque, mataq de narval, ammassat séchés, flétan cru et autres bricoles…
Demain matin notre capitaine du drakkar noir, va retourner chez lui. Vu son haut poste il a voulu rester anonyme, et j’ai suivi ses désirs, mais sachez tout de même que depuis cette année son groupe financier est devenu mécène de Bout de vie. Un grand merci à toi Capitaine, tu vas nous manquer. Une étoile bleue supplémentaire est peinte sur le mur blanc du salon, il a écrit ceci :
Tomber encore, se relever toujours.
Take care.

 

Dume est arrivé..

15 août 2018

Ilulissat Airport, Dume débarque au Groenland, je me l’étais promis, le rêve se réalise. Nous sautons dans un taxi pour le port, l’appel du large est plus que nécessaire. Mais avant de prendre la route vers le Nord je voudrai lui faire un cadeau d’arrivée. En Polynésie, de belles vahinés vous coiffent de fleurs. Ici ce seront de belles baleines qui viendront lui offrir danse et chant. Trois beaux spécimens à 5 mètres d’Ifaraq, rien que pour nous…

Oqaatsut est devant nous, le capitaine du drakkar noir est prévenu, avec Dume ca va dépoter !

La mise à quai une fois encore, donne le ton, un bon gros phoque est amarré solidement au ponton. Les nuages de moustiques n’ont encore jamais gouté du triathlète « world champion », ils vont se gaver.  Ce soir, à la cabane l’un de mes rêves les plus intimes se concrétise, « mon » Dume est assis en face de moi. Nous rions, nous sommes émus, notre amitié est si forte, si profonde, qu’il m’est impossible d’y mettre des mots.

Ce matin c’est le petit déjeuner, l’iceberg « smiley » est encore là mais il a subi un régime sec, ça sent l’explosion. Mes deux hôtes, papotent, échangent, je fini quelques petits travaux. Au moment du repas je leur soumets une idée cabocharde ! Et si vous me faisiez la sécurité pour que je puisse faire de l’apnée ?  Je sens un peu de tension dans leur oui, je leur promets d’être prudent, nous y allons.

Après 20minutes de mer nous voilà au bord d’une belle rive où certains gros icebergs sont prisonniers, l’eau est cristalline, pas un souffle d’air, nous et la grandeur des régions arctiques. Ici pour faire de l’apnée une combinaison étanche est obligatoire et pour l’enfiler seul, cela demande du talent de contorsionniste, Dume va m’aider. Me voilà emmitouflé dans mon équipement, je glisse sans bruit dans l’océan arctique, pas d’orques en vue, on peut y aller tranquillement. Les oursins tapissent le sol, des holothuries gigantesques aussi, une ou deux morues tentent l’approche, qu’est ce que c’est beau!! Je barbotte, je me laisse bercer par ce moment de grâce, je me laisse envouter, une sensation étrange se passe, je ne me sens plus seul, comme si tous mes anges gardiens étaient là pour me protéger. Il  m’est impossible de me rendre compte du temps qui passe, des tourments de la vie terrestre, ici tout semble si simple. Puis une envie, une montée d’adrénaline me pousse à découvrir encore une nouvelle limite, et si j’allais rendre visite au bel iceberg en face de moi. Je sais qu’à cette saison ils peuvent s’écrouler sans crier gare, mais je me sens en état de grâce, alors j’ai confiance. Pas besoin de parler, Dume et son binôme m’observent. Je nage les yeux grands ouverts, j’ouvre mes oreilles, je sais qu’au moindre craquement il me faudra réagir. La masse blanche qui s’enfouit dans les abysses me coupe le souffle, je me sens petit, je prends ma place sur la planète océan, je ne suis qu’un simple plancton. Il est là stoïque, je sais qu’il observe, je lui promets de ne pas le déranger, il m’autorise à l’effleurer… En remontant à bord d’Ifaraq, je n’ai même pas froid, quel bonheur… Je lui adresse comme une prière, je lui demande pardon de tellement d’audace, il me fait comprendre qu’aujourd’hui je pouvais. Merci la vie!

De retour, La Louise toujours au mouillage nous salue, Thierry son skipper nous accueille pour un thé, et nous partons sur des échanges magnifiques. Pas de banalité, de mots pour combler une vie vide ; on cause, mers et océans, vent, courant, vie, oui c’est ça on cause vie, parce qu’on est vivant.

Même si je n’ai pas accès au net je sais que vous être nombreux à suivre ce journal de bord. Pour certains vous êtes à l’hôpital en plein soin, en centre de rééducation, on vous a dit des choses, on vous a dit que votre vie va être différente. Acceptez la comme elle vient, 35 ans après mon terrible accident je remercie la vie de m’avoir enlevé cette jambe, car sans elle je ne serai pas où j’en suis aujourd’hui…

Je vous envoie plein de courage avec une bonne brise polaire pour vous rafraîchir… Je pense à vous!

A pluche