Ah si je croise vendredi je crois qu’il me serrerait la « paluche » !
Ce matin comme prévu la houle est forte et la petite passe de sortie déferle. Impossible de l’embouquer sans prendre d’énorme risque.
Je suis heureux d’être « prisonnier » je suis seul et j’ai pas mal de choses à me raconter !?
Non Jo Zef je n’ai pas une tendinite des neurones !
Les gestes deviennent basiques, trouver du bois flotté pour rallumer le feu, partir à la recherche de nourriture et penser sans rien autre qu’à soi et le pourquoi de son bref passage sur terre.
Ce matin après une escalade granitique pour essayer d’attraper un réseau j’ai ma »Vrai » au téléphone, je la rassure lui dit qu’elle me manque et que ce que je vis est apaisant.
Je décide de faire mon pain, le feu a repris vie et je m’affaire à façonner la « miche » : de la farine de blé avec un peu de farine de châtaigne, de la levure le tout pétri avec de l’eau de mer.
C’ est simple et tellement agréable, le soleil pointe le bout de son nez ce qui permettra à mes affaires humides de sécher. Pendant que ma galette lève je pars à la récolte d’oursins, une grapette avec un long manche et le seau trouvé sur une plage se rempli facilement.
Pendant que j’ouvrirai les piquants de mer, le pain trouve sa place au coin du feu, d’un œil je surveille la cuisson. Le soleil me donne l’occasion même d’être en « chandail »(comme y disent au Québec) et ma peau d’hiver se gorge d’ultra violet.
C’est tellement simple et pourtant on passe souvent à côté. Prendre le temps de vivre sans penser à demain ni à hier, le présent est tellement prenant qu’il nous accapare. Pas de parade ni de théâtre, un moment de connexion direct avec ceux que les Amérindiens appellent le « Grand esprit ».
D’ailleurs j’ai parlé avec l’esprit des peurs ! Il a bien souri de ma panique d’hier, il m’a dit qu’il me suivrait jusqu’au dernier jour et que ce n’était qu’a moi de l’héberger ou non. De rentrer dans sa demeure ou de la contourner. Il m’a dit que j’avais peur de ma solitude car elle me révélait qui j’étais et que les hommes ont bien des difficultés à voir qui ils sont. Pendant longtemps je donnais le courage aux hommes forts qui avaient fait les guerres du monde, mais avec le temps j’ai compris que c’étaient des grands peureux car si ils y avaient tué leurs frères c’était par peur.
J’ai juste poussé la porte des hommes valeureux et courageux aucune arme ni vanité ne sont posées dans le vestibule, juste des hommes qui se regardent dans un miroir sans fuir le regard, sans baisser les yeux et surtout qui trouvent la force pour aimer plutôt que tuer.
Je pense à voix haute et la sérénité m’envahit, je rejoins les gens qui m’ont entouré et aimé, ceux qui m’entourent et qui m’aiment et imagine ceux que je ne connais pas encore que je vais aimer et découvrir, la vie est ainsi faite croiser, décroiser à l’infini.
Je savais que ces jours de kayak seraient une excuse pour m’apaiser de pas mal de tension accumulée les années passées et je sais que le Yukon même si l’histoire est un « Everest » pour moi sera une espèce de retraite « monacale ».
Je vais redescendre de mon piton de granit car j’ai peur que Jo Zef en mon absence se soit « boulotté » ma belle galette de pain made in camp !
A pluche