Le froid, la pluie et les bourrasques

20 août 2017
 
L’escale rend le départ difficile, le confort de la cabane, demande une folle motivation pour affronter le froid et la pluie, pourtant là-bas au bout de l’horizon se cache la liberté. Un vent du sud-est de 8 mètres/seconde est annoncé. La pluie, très certainement, nous tiendra compagnie toute cette journée, mais d’un commun accord, nous décidons de partir vers le nord.
 
La marée est assez haute pour nous permettre le chargement des kayaks sans trop de portage. D’entrée, le vent dans le nez teste notre envie de départ. Fini les 15° de la semaine dernière, la neige n’est pas loin et les couches de vêtements sont nécessaires pour pouvoir tenir le coup. Karin ouvre la route, c’est elle qui doit donner le tempo, mais la règle est stricte, jamais nous ne devons être à plus de 50 mètres l’un de l’autre. Bien que plongeuse professionnelle, je lui donne les consignes de protocole en cas de chavirement. Son kayak, bien que stable, est beaucoup plus léger que son nautiraid, une mauvaise vague peut rapidement la faire dessaler dans une eau à 2°. La baie est calme, seul le vent contraire nous met dans le bain. Au bout d’une heure, juste avant la pause café, des icebergs jouent les acrobates en nous proposant des figures de gymnastique tout en lâchant des tonnes de glaçons, ça pourrait être le pays des apéros, mais ici l’alcool est très rare. Nous beachons nos embarcations, en prenant soin de coincer nos aussières de proue pour éviter la fugue de nos compagnons de navigation. Alors que notre barre de céréales fait trempette dans un bon jus de chaussettes bien chaud, un immense iceberg pète en se chavirant complètement ! Contemplatifs, nous admirons le spectacle jusqu’au moment où une vague se diffuse dans la baie. Ni une ni deux, l’unijambiste court jusqu’aux kayaks pour éviter de les poursuivre à la nage, ici tout est attention et concentration.
 
Nous reprenons la route avec prudence, la pluie est toujours là, notre détermination n’a pas bougé d’un poil de phoque ! A midi, une bonne nouille chinoise et sa boite de maquereaux à la sauce tomate, font partie de ces bons petits moments qui donnent du carburant. Mais la pluie redouble de force ainsi que le vent, nous sommes dans un fjord qui doit avoir un effet venturi, alors confiants, nous décidons de poursuivre. Les rafales sont vicieuses, elles marquent le visage, Karin, semble souffrir, mais ne veut pas lâcher. Je lui donne 20 mètres d’avance pour l’observer, les bourrasques
redoublent de violence, je vois qu’elle est à bout. Avec difficultés, je viens à son niveau pour lui donner la consigne de faire demi-tour. Le vent devient violent, je suis inquiet pour elle, il nous faut rapidement un abri. Un trou de galets cerclés de moules, sera notre arrêt d’urgence, l’accès est casse gueule mais assez bon pour battre en retraite. Karin, explose en larmes, l’effort a été violent mais nous sommes à l’abri, la pluie se renforce, il faut laisser passer l’orage… Finalement au bout d’une heure, le grain s’est épuisé et nous reprenons la route cap au nord. D’un beau campement, une baleine vient nous dire bonsoir, l’effort en valait la peine…
 
A pluche.

En Ville !

12 août 2017
 

Chut, silence en cours

5 août 2017
 

Journal de bord par les jeunes…

24 avril 2017

Aluu !

Nous sommes contents d’arriver enfin sur cette terre de glace.

La première GUESTHOUSE annonce déjà la couleur. Une vraie peinture animée, ou chalutiers, icebergs et goélands se confondent.

L’expé peut enfin commencer. Chacun de nous est attribué à un musher. Sur chaque traineaux, un fusil, du matos et deux, trois peaux de rennes. Nous avons en moyenne 13 chiens par binôme. Les locaux semblent à première vue assez renfermés, quelques mots et regards sont brièvement échangés.

Au bout de quelques heures, le froid commence à se faire ressentir, les pieds et les mains sont engourdis et le bout du nez picote.

La durée du jour est très longue, cela est assez déstabilisant les premiers jours mais nous nous apercevons par la suite que cela apporte pleins d’avantages !

Une petite cabane se dessine petit à petit, perchée au milieu d’un paysage époustouflant.

Une paire de chaussures traditionnelles en peau d’ours nous est prêtée sur place ; un prêt qui s’avère salvateur !

La barrière de la langue ne nous freine pas, nous apprenons un peu plus sur chacun. Les soirées dans les espaces restreints resserrent les liens, les histoires qui nous sommes confiées en émeu certains.  

Kim s’avère être le bon vivant et déconneur de la bande, suivi de près par Fari, quant à Steen, c’est un homme plus réservé mais très touchant et enfin, Jon, lui, est toujours souriant et taquin.  

Le paysage est apaisant, quelques pas suffisent pour s’éloigner et se rendre compte de cette immensité de glace…

Julien nous amène chercher de l’eau potable, il suffit juste de casser des blocs d’icebergs puis les faire fondre.

Le lendemain, après une nuit au chaud, à 12 dans le cabanon, nous repartons sur nos traineaux pour remonter les lignes de pêche. 800 mètres à remonter à la main.

Frank veut nous tester avant de partir en tente. Les chasseurs nous installent alors le style d’abri dans lesquels ils se réfugient en cas de tempête de neige. Deux traineaux côte à côte couverts par des bâches et chauffés par un réchaud au pétrole. A quatre dedans, la nuit fut courte mais c’est une sacrée expérience ! Pendant ce temps là, Frank roupillait au chaud au milieu de deux gros pêcheurs (chacun son truc).

Les Groenlandais nous apportent plein d’astuces qui améliorent notre confort.

Nous levons le camp, et partons chasser, en espérant ramener du phoque. Les traineaux zigzaguent entre les sculptures de glaces, ne laissant que de frais sillages derrière nous. Les mushers se concertent car la mer est encore loin et trop difficile d’accès, il est donc préférable de faire demi-tour. Frank s’éclipse le temps d’une pause, nous le retrouvons allongé sur un traineau en plein froid. Il faut préserver le chef !

 Le soleil nous accompagne tout le long, nous sommes chanceux.

Kim et Steen s’échappent le fusil à l’épaule, ils reviendront avec un beau lièvre arctique.

Les couleurs sont hissées, le drapeau Corse flotte désormais à côté du Groenlandais, le temps de quelques heures, jusqu’au glacier d’Unesco. La TEAM est plongée dans du coton, cela donne une dimension surréaliste et une impression de solitude.

Les chasseurs débordent de sympathie, nous vivons des moments uniques.

Pour notre dernier jour, l’équipe se dirige vers Oqaatsut , un petit village au bord de l’eau. De minces tâches de peinture sur une feuille A4.

Le temps s’arrête, le soleil perce et nous permet alors de profiter un maximum. Un banc semble nous inviter à le rejoindre, seul face à ce paysage figé.

Un pêcheur vient d’arriver, nous sautons dans nos chaussures. Seulement, nous arrivons trop tard, l’éléphant de mer est déjà en morceaux. Julien nous tend un œil, motivés à relever le défi, nous goûtons un par un sans trop d’hésitation.

Pour la nuit, Jon nous prête sa maison, encore une preuve de plus de leur sympathie. Puis, pour le diner, la mère de Steen nous ouvre ses portes. Un moment de partage au contact direct avec les locaux. Enfin, pour finir notre tour du village, l’équipe se rend chez son fils ou une dizaine de personnes attendent le café.

Comme le soleil ne se couche que vers 23 heures, nous partons entre jeunes sur une colline qui surplombe la banquise.

Tous les éléments sont réunis, le silence est assourdissant, les blocs d’eau s’entrechoquent, les derniers rayons disparaissent ; nous restons muet…

De réels liens se sont crées, les dernières heures pour rejoindre Ilulissat se font le cœur serré.

Ce partage ouvre les yeux, il est donneur de leçons. Nos petits chichis du quotidien sont à revoir…

Merci les gars !!!

QOJANAQ

 

 

 

Expédition Avannaanut Groenland 2017

11 novembre 2016
Elisa, Maxence, Ange-Paul et Rémi seront les protagonistes de l’expédition Avannaanut

Elisa, Maxence, Ange-Paul et Rémi seront les protagonistes de l’expédition Avannaanut

Il y a ceux qui croient en la religion, il y a ceux qui croient au pouvoir, il y a ceux qui croient au CAC 40, mais des irréductibles, eux, ne croient en rien, mais réalisent leurs rêves les plus fous. Dans cette belle bande, un certain unijambiste baroudeur, un poil cabochard. Depuis très longtemps je suis mes rêves, à vous de voir s’il faut utiliser le verbe être ou suivre, à moins que ce soit un peu des deux ! Ellen Johnson Sirleaf, présidente du Libéria et prix Nobel de la paix a écrit cette maxime : si tes rêves ne t’effraient pas, c’est qu’ils ne sont pas assez grands. Je l’ai mis en application depuis belle lurette. En 2012, déjà 4 ans, je réalisais un pari fou, rejoindre l’océan arctique à « ma » belle Corse que par des moyens naturels (vélo, kayak), 116 jours de solitude en mode commando pacifiste. Le retour fût douloureux, un virement de vie avec des changements privés assez intenses. Alors j’ai décidé de pratiquer un voyage immobile, une vie monacale pour comprendre le dessin de certaines ombres qui m’ont longtemps suivi, une forêt secrète, mes angoisses et du temps pour penser. Un livre en est né « Carnet de voyage d’un homme libre ». L’appel de l’aventure, n’a pas bougé d’un cran mais des priorités m’avaient envahi, enseveli. Alors j’ai posé mon sac à terre pour construire mon nouveau refuge loin du Cabochard qui avait perdu sa paix et sa sérénité. Un ponton, un port, sont accessibles à tous et ma liberté en souffrait, alors plutôt que d’être glacial et un peu soupe au lait, je me suis trouvé un pied-à-terre introuvable. Doucement j’ai retrouvé des repaires, tranquillement la cabane m’a apporté ce dont j’ai besoin, ce qui m’est vital pour avancer, le silence, la solitude et surtout une rêverie infinie. Un potager a vu le jour, une joie me prend les tripes à chaque fois que je cueille l’un de ses « ressortissants ». Là-bas au large la mer, en un clin d’œil, j’y vois la houle, le courant, sous mes yeux des hectares de maquis sauvage, la machine à rêver, ressuscite ! J’avais programmé un beau voyage en kayak en 2015, mais tout c’est enchaîné pour que je jette l’éponge mais là, ça y est, tout est en place, le plomb s’est transformé en or. N’y voyez aucune spéculation ma pierre philosophale se nomme liberté. J’ai gravé sur mon avant bras gauche cette phrase Inuite : kiffaanngissuesq qui veut dire : je suis un homme libre, juste pour m’en rappeler quand je me fais enfouir sous des tonnes d’obligations. Avant j’étais solitaire avec des maux maintenant je suis solidaire suivi de mots, une doctrine que reprend très volontiers mon « p’tit » basque adoré.  Logiquement une double aventure voit le jour, un mélange de solidarité et de solitude. Le 15 avril, la sélection fût rude, 4 jeunes, comme j’aime appeler « hors-normes », vont m’accompagner aux côtés de Julien Caquineau et de ses amis chasseurs de phoques, sur les pas de Paul-Emile Victor. Un attelage de chiens groenlandais, un musher-chasseur en binôme avec un junior et de l’improvisation à n’en plus finir. Knud Rasmussen disait : donnez-moi des chiens et de la glace, je vous laisse tout le reste ! L’expédition Avannaanut (vers le nord) voit le jour. Mais je ne voulais pas en rester là, l’appel de la mer est terrible, surtout quand elle encore isolée comme l’est l’océan Arctique. Alors tout est calé, en place, le 15 juin je m’élancerai sur plus de 1000km tout seul avec « Immaqa » (peut-être) en mer de Baffin jusqu’aux portes de la baie de Melville. Dume, mon Dume devait venir, mais la vie, la sienne, l’en empêche, alors plutôt que de supporter un « autre » ma solitude me tiendra compagnie. Karin, peut-être, m’accompagnera, elle aussi en kayak, sur les premiers 100km, puis l’isolement prendra  place à mes côtés. Je n’y vais pas pour y dénoncer le réchauffement climatique, ni pour décrypter le peuple Inuit, d’autres l’ont déjà fait. Je vais là-bas pour une balade poétique, pour un voyage de l’intérieur, loin du bruit, loin de l’Europe sous thérapie, loin de ceux qui se croient en enfer alors qu’ils sont au paradis. Il me reste quelques mois pour tout peaufiner, mais je suis déjà prêt. L’hiver, ici en Corse, me redonne l’énergie nécessaire pour la préparation d’un long et beau voyage… La vie est un présent alors je croque ce cadeau à chaque instant en laissant dans mon sillage tous ceux qui pourraient me blesser, me déstabiliser, me noircir. Excusez-moi, je dois allez voir au bout de l’horizon si l’on ne m’a pas menti, il paraît que la planête n’a pas de limite, qu’elle est ronde comme un tambour chamanique. Waouh, la Terre est encore mystérieuse…

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Niviarsiaq dépêche AFP

13 août 2015
A 5h de mer au nord d'Ilulissat

A 5h de mer au nord d'Ilulissat

PARIS, 12 août 2015 (AFP) – Ils s’appellent Elisa, Juliette, Rémi et Tximista. La benjamine a 13 ans et l’aîné 23 ans. Ces quatre jeunes « abîmés par la vie » s’envolent cette semaine vers l’Arctique pour une robinsonnade sur une île déserte du Groenland.

Ils doivent cette escapade dans les hautes latitudes à Frank Bruno, 50 ans, créateur et animateur de l’association « Bout de vie ».

« Cette expédition baptisée Niviarsiak (nom inuit de cette fleur violette emblème du Groenland, NDLR) est un retour, loin des téléréalités truquées, aux vraies valeurs de la vie », a expliqué à l’AFP celui qui, amputé d’une jambe à 18 ans alors qu’il servait sur le porte-avions Foch au large du Liban en guerre, conjure depuis son infortune en mettant sa rage de vivre au service des malmenés de la vie.

Elisa, 13 ans, a été amputée d’un tibia à 3 ans, après un accident. Rémi, 23 ans, est né avec un seul membre inférieur. Juliette, 17 ans et Tximista, 20 ans, ont vécu des expériences traumatiques dans un entourage perturbé.

L’expression « abîmés par la vie » appartient à Frank Bruno.

« Après la perte de ma jambe, écrasée sous le train d’atterrissage d’un chasseur Crusader sur le pont du Foch, j’ai cru que ma vie était foutue », se souvient Frank Bruno. « Le mot espoir était sorti de mon vocabulaire. Mais c’est lorsque j’ai cessé de ne penser qu’à ma petite personne, que j’ai réalisé que j’avais des centaines de compagnons handicapés comme moi, amputés d’un bras, d’une jambe, et qui eux aussi avaient perdu espoir, que j’ai créé +Bout de Vie+ ».

Frank Bruno est devenu une figure dans le monde du handicap. On ne compte plus ses performances et aventures, seul ou avec des compagnons d’infortune, sur terre et mer, à pied, à ski, à la rame, du Groenland à la Géorgie du Sud, des fonds marins corses à la banquise du Pôle nord ou sur les sommets de la cordillère des Andes… sur une jambe.

– Une île inhabitée au pays de Nanoq –

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La +robinsonnade+ des quatre jeunes aventuriers débutera la semaine prochaine sur la côte occidentale du Groenland, au Nord de la baie de Disko, sur l’île inhabitée Arve Prinsens, ou Alluttoq en langue inuit.

Battue par les vents de la mer de Baffin, couverte en partie de permafrost pendant l’été polaire au jour permanent, cette île au pays de Nanoq (ours polaire en inuit) abrita un temps un petit camp de pêcheurs aujourd’hui désaffecté.

Elisa, Juliette, Rémi et Tximista, accompagné par Frank, qui dressera sa tente au large du tipi collectif des quatre jeunes, « pour leur laisser le maximum d’autonomie », vont vivre à la dure et au froid pendant trois semaines.

Coupés du reste du monde, sans moyen de communication avec l’extérieur, ils vont être confrontés à un décor sauvage et inconnu qui va mettre à l’épreuve leur volonté et leur esprit d’entraide.

« Ils sont volontaires, impatients et enthousiastes », assure Frank Bruno, dont l’objectif est de faire acquérir à ses protégés des « images de référence ancrées sur des valeurs humaines universelles qui les accompagneront sur le difficile chemin de la vie ».

« L’important est de ne jamais boiter dans sa tête…! », lance-t-il avec un sourire.

Expédition Niviarsiaq au Groenland

10 août 2015

Niviarsiaq est le nom groenlandais de l'épilobe à feuille large, emblème du pays de Nanoq.

Niviarsiaq est le nom groenlandais de l'épilobe à feuille large, emblème du pays de Nanoq.

Un coin du bout du monde pour marcher sans trop boiter!

Un coin du bout du monde pour marcher sans trop boiter!

Les sacs sont fin prêts, les billets d’avion précieusement imprimés ; que les rêves se réalisent enfin !

Là-bas dans le Grand Nord l’île de glace Kalaallit Nunaat, depuis des milliers d’années des Hommes y ont survécu. Les petits blancs du sud ont essayé de s’y implanter mais la plupart s’y sont cassé les dents, la vie à ces latitudes est une leçon d’humilité au quotidien, celui qui ne s’y adapte pas meurt en souffrant. En l’an 1000 quelques Vikings bannis de Scandinavie et d’Islande ont été contraints de s’y installer. Leur terre d’accueil était dans le sud de l’île, seul endroit ou l’herbe pousse dans un bref été, ils la surnommèrent la Terre verte : Greenland. Mais la rudesse des lieux réduira en poussière ces premiers colons.  Au XIV siècle des marins danois ne découvrirent que des tombes et champs de ruines, mais la colonisation devenait un enjeu économique et nation après nation chaque pays du sud voulait se partager la part de « glace » ! En parallèle, une petite fleur chaque été ressurgit du permafrost, pendant cette période éphémère elle embaume et embellit le paysage de Nanoq, son nom Niviarsiaq, L’épilobe à feuille large. Elle est l’emblème du Groenland, elle est le symbole de la résurrection. D’où le nom de cette aventure…

Été 2015 Expédition Niviarsiaq :

Ils s’appellent Élisa, Juliette, Rémi et Tximista et ont entre 13 et 23 ans, plutôt que de causer de leur différence, j’aimerai mettre en avant leur ressemblance majeure : L’envie de vivre plus que tout. Sur la côte Ouest du Groenland dans la baie de Disko se trouve la ville plateforme d’Ilullissat, une sorte de bourgade danoise sans trop d’intérêt. Ce sera le point de départ d’un séjour un peu hors-norme. De ce port de pêche nous embarquerons pour le nord de la baie, vers l’île déserte d’ Arveprins, à environ 4 à 5 heures de mer suivant l’état de la glace et de l’épaisseur du brouillard. Nous serons déposés au lieu-dit d’Ataa qui fût un petit port de pêche, abandonné en 1961. Une fois notre barda débarqué, le bateau reprendra la mer pour nous récupérer fin aout. Un tipi sera la demeure des jeunes, le vieux loup solitaire, qui sommeille en moi placera sa tente bien plus loin pour qu’ils aient la sensation d’être seul au monde. Pas de programme prévu, à part vivre et découvrir tous nos rêves de gosses un peu boiteux ! Sur place des kayaks nous permettront de pousser un peu plus loin l’exploration, une bonne carte papier et un GPS seront nos guides pour un beau morceau de vie partagé. Chacun aura la mission de veiller sur son binôme, chacun devra gérer son sac de victuailles et gare à celui qui ne respectera pas ses menus, la diète risque de faire une visite au camp du bout du monde. Loin des téléréalités truquées la vie sera simple mais austère, des images de références vont émerger de ce séjour. Déplier son sac de couchage sur un sol gelé en permanence est une épreuve intéressante. Les nuits à cette latitude sont des soirées ensoleillées, là encore le sommeil en prend un coup. Vider les entrailles des ombles et truites péchées peut vite engourdir les doigts pour le non initié, quant à la douche dans les torrents à 4°, elle restera un grand moment de fraîche rigolade. Le ciel bleu peut être au rendez-vous mais ce n’est pas un habitué du coin, les affaires seront souvent mouillées, les éternelles nouilles chinoises reprendront de la saveur quand elles réchaufferont les corps fatigués d’avoir trop baroudés. Vous voyez rien de bien extraordinaire juste un retour aux vraies valeurs de la vie. Chaque jour je noterai un journal de bord avec de beaux clichés mais pour la pureté du séjour rien ne sera expédié par satellite, nous n’aurons aucun contact avec l’extérieur. Dés notre retour je me ferai un grand plaisir de vous le partager sur ce blog. En attendant je compte sur vous pour leur laisser de beaux messages de soutien sur ce billet, j’en connais 4 qui ne vont pas beaucoup dormir jusqu’au 14 aout, ni d’ailleurs après sur la terre gelée !!! Vos témoignages seront précieux pour eux !                                                                                                                                             L’important est de ne jamais boiter dans sa tête.

PS: Un grand merci aux partenaires financiers (Rotaract 17-30 et Société Lagarrigue) qui ont sur être généreux pour que cette aventure voit le jour et à Julien Caquineau qui réside à Ilulissat et qui a su m’enlever quelques épines du pied; sans lui l’opération n’aurait pas pu voir le jour!

Ils ne se connaissent pas encore mais la rudesse du grand Nord va les unir...

Ils ne se connaissent pas encore mais la rudesse du grand Nord va les unir...

Le cap Senetosa à cloche pied!!!

23 novembre 2011
Ouille houle!!!

Ouille houle!!!

Quand on pense aventure les idées s’envolent au bout du monde et pourtant…

L’automne est en phase de mort lente ; l’hiver me susurre des mots si doux que je ne peux y résister. Immaqa n’avait pas eu droit à ses balades longues et paisibles sur la côte Sud-ouest de la Corse. Tout est paré, yakapagayer ! La météo me presse une sortie engagée, mais vu mes préparations de gladiateur je veux toucher du doigt si j’ai acquis un bon niveau. Ouais, ouais !  Le golfe de Figari est déjà blanc et météo France a teinté d’orange la vigilance pluviométrique. On n’est pas en océan Arctique, alors on ne s’affole pas à bord et on pagaie. On ! Je dirais plutôt, je ! Le vent de Sirocco est violent et l’effet de fëcht rend la traversée  de la première baie en sorte de Horn pour kayak en peine. Je ne peux plus revenir en arrière, le vent mord et il me mène cap au nord. Un petit arrêt café canistrelli et je reprends la route, je voudrais arriver à mon escale avant la nuit. Le vent forci et le force 6 m’amène son cousin musclé 7 voir 8. Mon Nautiraid est un bon marin mais je l’ai chargé à ras la gueule pour me mettre en vraie condition d’expédition. Les oreilles tendues j’essaie d’anticiper la déferlante, au bas de la vague je n’ai pas le droit d’abattre sinon c’est le bain ! Vent dans le dos, c’est normalement des vacances, mais la tournure me fait tirer comme un malade sur mes pagaies… Bref ! Huit heures de bonheur à être trempé comme une éponge pour retrouver ma planque de corsaire. Le coup de vent est bien établi et la tente est montée avec vigilance. Je me transforme en bucheron et ramasse toute sorte de bois flotté pour alimenter un bon feu qui essaiera de me faire sécher. 20 h je grimpe en haut d’un caillou pour donner des nouvelles à ma princesse et un plaisantin ouvre le robinet de douche. Un déluge s’abat sur le petit pagayeur bien isolé. Blotti dans mon duvet, je savoure ce moment de grâce avec les éléments. Au petit jour c’est toujours la pluie grasse qui rassasie le maquis souffrant d’une sécheresse peu commune. Un petit tour d’horizon du camp et je rejoins ma tanière, le vent n’a pas molli et les éclairs strient les montagnes, c’est décidé je reste. Je profite d’une accalmie pour ramasser du bois, l’odeur des buissons m’enivre, les fragrances sont enfin là, la nature se saoûle de tant d’eau. Une orgie aquatique, un festin lacustre. Je quête le morceau de genévrier sec quand soudain explose un bruit de branche qui casse, je m’écroule, ma botte droite est à l’envers, je me suis brisé la cheville ! A genou dans une marre de boue je ne peux que constater le désastre, je deviens un aventurier à cloche pied !!! Je ne souffre pas du tout, et pour cause c’est ma prothèse qui s’est brisé !!! Je prends le temps de me mettre en terrain sec et essaie de bricoler quelque chose pour rentrer au camp, ces six cents mètres m’ont paru un poil long. Au fond de mon kayak je trouve un restant de colle rapide, un peu de gros scotch et je tente une réparation. J’allume, avec beaucoup de difficultés, sous la pluie un feu qui devra accélérer le processus de séchage de mon bricolage. Le déluge reprend le deuxième round, enfouis dans mon duvet, je pense, je rêve… Maggi sèche avant de reprendre un service provisoire. Les jours passent mais je dois reprendre la mer, ma prothèse ne m’inspire pas confiance et avec beaucoup de vigilance je charge Immaqa. La houle submerge la petite passe où je me suis réfugié, je calcule les séries et constate quelques secondes de calme. Il va falloir jouer fin, pour ne pas finir en puzzle ! Tout est en sac, prêt à être chargé et j’essaie de faire le vide, de ne pas regarder cette trachée en furie. Le premier boulot consiste à mettre le kayak dans le bon sens puis à répartir les charges. Ma prothèse acquiesce les contraintes du terrain très accidenté jusqu’au dernier voyage où je m’écroule ; mon bricolage a de nouveau lâché, il ne pouvait pas tenir bien longtemps… A cloche pied je charge mon embarcation, la mer semble se moquer éperdument de mes « tracas jambiaux». Je ne vais plus pouvoir utiliser mon palonnier et la direction ne sera qu’à la force des bras. Je me cale dans mon hiloire, vérifie l’étanchéité de mon bord et agrippe encore à l’abri de la furie un caillou pour attendre le moment opportun pour m’élancer. Un raz de marée d’écume me lèche la proue, j’ai dix secondes, pas plus, pour passer, la boule me prend les tripes mais je dois la renvoyer en fond de cale, ce n’est pas le moment. Je pars comme un avion, ouf je suis dehors mais là horreur devant moi trois immeubles consécutifs m’attendent pour me donner quelques cours d’humilité. Pas de direction au pied alors il faut pagayer comme un forçat, je monte face au colosse pour me sentir tomber dans le ventre mou du monstre. Pas le temps de flâner, je suis déjà dans la deuxième, je ne veux pas y croire la vague se casse pour se déverser sur moi. Je dois rester droit dans l’axe sinon j’explose en vol, la chute est terrible, Immaqa semble souffrir autant que moi. La troisième semble vouloir me donner le coup de grâce, plus longue que mon kayak, je me retrouve à la verticale, j’incline au plus que je puisse mon buste en avant, je ne veux pas sancir, ce serait fatal ! Je tire de toutes mes tripes sur les pagaies, je m’envole vers le paradis des Cabochards, sensation terrible de voler en kayak, je m’écrase dans un lit de mousse et me retrouve en pleine mer… Les heures qui suivront m’amèneront dans un calme déconcertant au petit port de Tizzano qui semble être rentré en léthargie hivernale.

Sur une patte, je m’extirpe de mon hiloire, quand deux hommes qui travaillent sur le quai mettent un nom sur le pagayeur un poil ému d’être tout simplement encore de ce monde de bipède, enfin presque !!!

A entraînement dur, expédition moins difficile !

Préface de Nicolas Dubreuil

12 septembre 2011

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Dans très peu de temps mon deuxième livre va arriver en librairie, patience!

Je vous dévoile la préface écrite de main de maître par Nicolas Dubreuil.

«66°29’33’’N – 44°54’32’’ O -27°C Vent de force 8 Ouest Sud Ouest. 18 Km de parcouru, le mauvais temps arrive, on plante la tente. Frank souffre à cause de sa prothèse. On prend du retard…»

Voila tout ce que j’écrivais ce jour là dans mon journal de bord, dans cette petite tente dont la toile jaune bat au rythme des rafales de vent. Par moment, les bourrasques tentent d’aplatir notre abri. Les arceaux plient et viennent jusqu’à me toucher le visage. Il va falloir renforcer le mur de neige qui nous protégeait, il doit commencer à disparaitre. Il faut aussi que j’imagine une solution de replis si jamais on n’arrive pas à traverser. Puis il faut que je compte le nombre de rations qu’il nous reste, je ne suis pas sûr que cela suffise pour terminer cette expédition…

Trop de questions…, je les laisse à un peu plus tard pour me reposer et profiter un peu de ce moment. Je suis allongé sur mon duvet, heureux ! J’adore particulièrement ces moments où le temps se déchaîne alors qu’on est dans notre petit abri au milieu de… RIEN!

Il fait tellement bon dans cette tente, il flotte comme un sentiment de bien être incroyable… Chacun est à sa place, les choses ne pourraient pas être autrement et je ne voudrais être ailleurs pour rien au monde malgré la tempête qui se déchaine.

Mon esprit vagabonde et tombe sur une question qui m’obsède : «Mais qu’est ce qui peut motiver les gens à venir faire ce genre d’expéditions à ski, en autonomie complète sur cette immense calotte glaciaire?».

Skier toute la journée, les crevasses, le froid, le vent, la faim, dormir sur la glace, la douleur, parfois la peur… Faut-il que leurs motivations soient fortes pour se mettre dans des situations pareilles! Je m’excuse en me disant que moi, c’est mon boulot, mais eux, pourquoi ? Que cherchent-ils ?

Et en particulier, lui là ! Lui, le gars qui est juste à côté de moi dans cette tente.

Comme moi, il est allongé sur son duvet,  il lit un livre en écoutant de la musique… Corse évidement !

On a la même coupe de cheveux, la même barbe de 15 jours, les mêmes gelures sur le visage, les mêmes brulures sur le nez, et les lèvres gercées par le soleil et le froid…

Mais lui, il a un truc… j’arrive pas à savoir quoi, mais un truc en plus qui me fascine.

Si je lui faisais part de mes interrogations, il me dirait certainement en riant que ce qu’il a de plus, c’est une jambe en carbone et donc qu’il a au moins un pied qui ne craint ni les gelures ni les ampoules !

Une prothèse en plus pour une jambe en moins ! Cette putain de prothèse qui s’abime de plus en plus au froid et qui lui inflige une douleur supplémentaire à chaque pas de ce voyage introspectif au cœur des immensités glacées.

Il doit en avoir des trucs à se raconter pour supporter ça toute la journée. Il doit en avoir des images de référence pour surmonter la douleur. Un combat de chaque instant ; pour lui mais surtout pour les autres, pour cette cause qu’il porte sur le dos. C’est un gladiateur qui retourne au combat tous les jours, un Spartacus des glaces. Sa jambe en moins lui a donné de l’énergie et de l’amour en plus à distribuer.

Je l’observe depuis un moment et voilà qu’il me regarde, il enlève ses écouteurs, ferme son bouquin. On se regarde, nous sommes tous les deux faces à nous même et sans raison on explose de rire. Ca fait un mal de chien de rire les lèvres gercées, mais pas moyen de faire autrement… un immense fou rire a moitié contenu par la douleur au milieu de la tempête au sommet de cette calotte glaciaire sans le moindre être vivant à 500 Km à la ronde.

Maintenant, je sais ce qui remplit de bonheur et protège ces 3,5 kilos de tissus et de fibre de carbone au milieu de la glace, c’est son bonheur à lui, cet amour qu’il fait rayonner et son incroyable envie de vivre!

Grazia u fratellu !!!

U mondu hè bellu basta à sapellu piglia!

Le monde est beau, il suffit de savoir le prendre!