Angalatooq : (le voyageur)

10 juillet 2019

Angalatooq : (le voyageur)

Tel l’oiseau migrateur je suis déjà loin de la Méditerranée, loin du bruit, loin de la chaleur, loin du surpeuplement. Là-haut au pays de Nanoq, tout est différent, tout est plus grand, plus silencieux, plus respectueux mais plus compliqué aussi !

En 2005-2006 avec mon Grand Dume, nous traversions un océan en ramant. 54 jours à écouter le bruit de la houle, à gérer les eaux salées qui nous burinaient le visage, à savoir des larmes ou des lames, qui nous auraient marqué le plus ! A bord de notre yole de mer un seul livre, celui de Gilles Elkaïm « Arktika ». Ce livre me passionnait, les mots de cet incroyable explorateur polaire, développaient ma curiosité. Je n’aurais jamais pu imaginer que moins de 90 jours après avoir parcouru 5500km à la force des poignets, j’aurais rejoint un groupe d’ancien militaires Russes pour atteindre à pied et en totale autonomie la latitude 90°Nord à pied, le mythique Pôle Nord. De ce jour rien ne fut plus pareil, Gilles Elkaïm devenait un copain et d’autres fous rêveurs me faisaient confiance pour des odyssées de dingue. Déjà 13 ans.                                                                                                                                      La traversée du Groenland d’Ouest en Est fut pour moi, une des expériences les plus compliquées de ma vie civile. Les 34 jours de marche forcée en tirant un traineau de 120kilos, m’ont demandé une énergie hors du commun. Mais le Kalaallit Nunaat m’a happé, m’a charmé et depuis 3 ans j’y possède une belle maison bleue. Oqaatsut (Cormoran) est un village de 23 habitants silencieux et souriants. Pas de voiture, pas de burn-out, les seuls bouchons sont ces gros « glaçons » qui partent pour un long voyage de 6 ans en mourant au large de Terre-Neuve. Les chiens sont les plus nombreux que les habitants. De temps à autre, une meute hurle en retrouvant très vite le silence pour laisser place à une détonation qui vous fera sursauter. N’y cherchez pas quelques raisons guerrières ou clandestines, ce n’est qu’un gros iceberg qui s’est désintégré. Je vais avoir quelques jours pour bricoler dans ma maison ; elle est âgée de 70 ans et en mode « restauration » mais une bonne partie des travaux est bien avancée. Puis ce sera la visite de ma « belle Vahiné » qui viendra découvrir ce monde si particulier, puis ce sera au tour du Grand capitaine du Drakkar à nous rejoindre. Le Grand Nord et nos blessures nous ont unis, rapprochés, en abattant le mur de nos différences. En grand seigneur, à titre personnel il a loué le voilier Polaire La Louise qui permettra à 6 « guerriers » Bout de vie de poser leurs sacs à bord pour une exploration hors norme.

Pour ceux qui me suivent depuis longtemps, je tiens absolument à vous rassurer. Jo Zef la mascotte est à mes côtés, comment pourrait-il en être autrement…

Proverbe Groenlandais : seuls la glace et le temps sont maîtres

La preuve ce soir au lieu d’être à Ilulissat, nous sommes bloqués à Kangerlussuaq. Malgré trois tentatives, le brouillard n’a pas permis au Dash8 de se poser…

Inuulluarit

PS : photos sur ma page Facebook Frank Bruno officiel

Été à Oqaatsut 2019…

7 juillet 2019

 

Bonjour à tous,

Ce petit mot va vous rafraichir puisqu’il est posté directement du Groenland où j’ai posé mes sacs.  Début août, 6 adhérents de l’association Bout de vie vont embarquer à mes côtés, à bord du voilier polaire la Louise. Une croisière australe en baie de Disko, va leur dévoiler des moments qui resteront gravés à tout jamais dans leurs âmes. Les mouillages seront sauvages et silencieux, les activités seront simples : Ouvrir ses yeux et tout prendre. Balades à terre et sous-marine, agrémenteront les escales. Un journal de bord vous dévoilera tous les petits moments magiques de cette exploration digne d’une aventure à la Shackleton.  En attendant depuis ma petite maison d’Oqaatsut je vous offre un peu de fraicheur et de liberté.

 En m’inspirant de la phrase de Rasmussen :

Donnez-moi un océan polaire et du silence, je vous donnerai tout le reste

Un crowndfunding est en ligne, vous pouvez vous aussi apporter votre flocon de neige à la création de cet iceberg de Liberté. Cliquez ici

 

Offrez vous une part de rêve et de fraîcheur polaire sur ce site en ligne. (Films, tasses, t-shirts, sacs de plage…) Cliquez-ici

 

La différence…

22 février 2019

 

Différence…
Un sujet qui me tient à cœur, une croisade dans laquelle je me suis offert corps et âme et bien plus encore… La différence est un chemin long et sinueux, telle une route de montagnes corses. Nous sommes tous différents, et tous semblables aussi ! Pourtant la différence prend toujours le dessus. Dans notre quotidien la différence nous accompagne en boucle, on l’entend à longueur de journée. Elle nous flagelle, elle nous harcèle, elle peut même devenir notre maître d’école. Un homme, une femme… Et commence l’odyssée de la différence. Le blanc, le noir et elle reprend de plus belle. Le Ying, le Yang qui choisir ? Une jeune, un vieux, houlala quel scandale…La différence est le pilier de nos maux, la quintessence des guerres, des ruptures, des incompréhensions. Depuis longtemps je hurle qu’elle peut-être une force, mais au fil des années par moments on tente de m’en dissuader. Il me semble perdre de l’énergie. Vous qui me lisez, vous êtes différents du pauvre gribouilleur qui ose raisonner ici sur ce blog, pourtant si mes réflexions vous attirent, c’est que quelque chose nous rassemble, nous unit. Le seul lien : notre ressemblance ! C’est vrai que réfléchir fait peur, le temps nous est compté, les informations nous happent. Les flux de réfugiés aux aspects si différents nous effraient, les homosexuels de plus en plus fréquents sur la scène de nos quotidiens deviennent dérangeants, quant aux handicapés qui réclament de vivre comme tous le monde, cela est une utopie déstabilisante. Utopie, tiens donc, que vient-elle faire dans ce texte ?  Elle n’aime pas les règles rigoureuses où rien n’est laissé au hasard. Comment éduquer les citoyens pour les rendre meilleurs si les lois inébranlables ne laissent aucune place à la folie du rêve ? Un pauvre fou avait hurlé : I have a dream. On l’a vite assassiné de peur que sa différence gagne une bataille. Trop de différences fatiguent, trop de différences usent, mais qui définit les règles, qui a créé ce serpent à deux têtes ? Nous et personne d’autre ! Nous sommes responsables de ce gouffre qui peut-être infranchissable, nos barrières doivent tomber pour faire des ponts. Ca aussi je le rabâche, mais moi-même suis-je sûr de ne pas avoir peur de la différence?  Je m’effraie tadalafilparis.com quand l’intolérance m’emporte, quand je ne supporte plus les « autres » ne vivant pas à mon rythme. Imaginez un monde avec des gens qui vivent sans télé, passant une partie de leur vie dehors à contempler les étoiles. Ouah cela serait désastreux ! La vie est Alchimie, la vie est trop précieuse pour ne pas s’ouvrir, pour ne pas aimer sans retenue. Alors comment faire, où est l’issue de cette question, où est sa réponse ? L’homme a toujours rêvé de transformer le plomb en or, la pierre philosophale, s’appelle l’amour. Et si nous devenions tous alchimistes, chiche !!!

PS: On peut aussi se retrouver tous les jours sur ma page FaceBook et sur Instagram

Stage sur-vie douce octobre 2018

31 octobre 2018

Vivre, vibrer, exister, encore un stage de sur-vie douce qui s’est déroulé au fil des rêveries automnales. Lucie, Nathalie, Yann, Clément, Christian et Gérald composaient la fine équipe des survivalistes ! Marches lentes mais silencieuses, la vallée perdue sait envouter ceux qui s’y perdent. Le but est de vivre sereinement au fil des ateliers qui se présentent à nous. Manier la ficelle pour l’apprentissage des nœuds, l’éternel feu qui rassure, réchauffe, éclaire les longues soirées humides mais si magiques, dégustation de glands de chêne, de poires sauvages, de fruits d’églantier et des premiers nombrils de vénus. Mais plus que tout cela, c’est l’unité que crée l’esprit de groupe: chacun vient de mondes si différents, de régions et de pays opposés. Cependant je n’ai vu qu’une bande de femmes et d’hommes toujours prêts à s’entraider, à se confier, à déléguer et à partager. Loin des très mauvaises caricatures de ce que doit être la survie, nous n’avons pas mangé de « bestioles » répugnantes et nous n’avons pas allumé de feu avec un silex en étant habillés en peau de bête. Les participants ne se sont pas évanouis d’efforts trop violents, je laisse ça aux autres. Ici c’est la découverte, de la bonne essence pour démarrer un feu avec une seule allumette, de l’emplacement zen pour monter le bivouac et du belvédère pour improviser le foyer qui nous fera repérer par les sauveteurs. Depuis quelques décennies, j’ai accumulé des expériences en expédition que je tente d’offrir aux participants. Le torrent n’est pas si froid que ça si la motivation est trouvée, la volonté n’a rien à voir, il faut juste comprendre pourquoi on fait les choses. Les marches sont lentes et silencieuses pour permettre un voyage de l’intérieur, qui va décrasser certaines situations floues et obscures de nos existences d’Hommes. Plus qu’un stage de survie, c’est un bout de vie partagé… Les bâches-abris, montées en fin d’après-midi définissent la tonalité qu’aura la longue soirée au coin du feu. Certains sont plus doués que d’autres, mais la compétition n’a pas sa place ici, alors chacun va aider et conseiller l’autre. La pluie nous remet en place, les grains se sont succédés, les fragrances de la forêt nous ont ravis, même si les habits sentaient une forte odeur de fumée… Ces 4 jours se sont envolés, j’espère qu’ils resteront gravés pour longtemps dans le cœur et l’âme des participants…

Le prochain stage aura lieu la première semaine de mars, il reste encore deux places… inscriptions bout2vie@wanadoo.fr

Seuls au monde

16 août 2018

C’est la dernière journée pour notre capitaine du drakkar noir. Comme nos anges gardiens sont formidables, il y a une tempête de ciel bleu sans le moindre souffle de vent !
Mes hôtes ont deux options, la première est une virée en mer à la recherche de coins perdus, ou l’ascension du gros pavé derrière la maison, ce sera la deuxième. Le protocole est toujours le même ; il faut être encore plus vigilant que n’importe où au monde. Mon sac à dos comporte toute la sécu et plutôt que de déjeuner avec « les fameuses » nouilles chinoises ce sera des sachets de nourriture lyophilisée, une manière de leur faire comprendre qu’aujourd’hui encore ce sera du baroude polaire.
Nous voilà partis, les jeunes chiots sont à nos trousses, mais à la première dalle à gravir ils retournent à leur occupation de voleurs de morues ! Si il n’y a pas de vent, c’est logique, les moucherons sont là par millions autour de nous, mais je remarque que mes potes se sont vite adaptés, ils ne portent pas encore leur moustiquaire de tête. Les terrasses rocheuses nous barrent la route, il faut mettre les mains, il faut être concentrés, « mon » Dume est en mode machine. Pour les nouveaux de ce journal de bord, avec Dominique (Dume en Corse) nous avons en 2005-2006, traversé l’Atlantique à la rame en 54 jours de galère. Sur 26 équipages valides nous avions eu la chance de finir 3éme. Je peux vous dire qu’une odyssée de la sorte nous a unis. Donc Dume, se régale, son amputation fémorale (coupé au niveau de la cuisse) devrait lui poser problème, mais ce n’est pas bien le connaître, il prend de la hauteur sans la moindre contrainte. Régulièrement nous prenons notre temps pour admirer le paysage qui est a couper le souffle, la baie de Disko est couverte de glace et d’icebergs. La brise de sud-ouest nous sauve, les suceurs de sang sont obligés de jeter l’éponge, ils disparaissent. Il nous faudra deux bonnes heures pour enfin atteindre le belvédère, l’effort est récompensé, nous sommes comblés. La photo selfie qui va bien rien que pour vous et nous nous « régalons  » de nos sachets de purée lyophilisée. Tout au long de l’ascension pas besoin de leur conseiller le silence, le lieu ne se prête pas aux babillages. Nous sommes dans nos bulles, la quiétude de la montagne nous berce, nous prenons ce qu’il y a prendre là et c’est juste suffisant. La brise est polaire, mais nous déjeunons ici pour ne pas nous offrir en pâture aux insectes. Les conversations vont bon train, un mélange de blagounettes de garçons et de philosophie sur nos vies de balafrés. Mon ami valaisan s’est transformé en ces 10 jours, son visage est épanoui, il se lâche, nous taquine, nous tend des pièges verbaux amicaux. Mais nous sommes comme deux sales gosses et nous le chambrons à tour de rôle. La magie de la vie nous a réunis ici, lui l’enfant prodige de la finance est venu rejoindre un nomade du Grand Nord qui à son tour à fait venir son « frère » de rame et ça marche du tonnerre de dieu. Comme quoi nos différences peuvent être une sacrée force.
Nous nous offrons une micro sieste, mais la brise de sud-ouest se lève, le froid nous envahi, il nous faut bouger. Nous n’arrivons pas à nous imaginer qu’en bas dans le sud la canicule est installée, les plages bondées, les montagnes engorgées, ici il en est tout autre, nous sommes seuls au monde et dans une fraîcheur bénéfique. Le vent est incroyable, en un claquement de doigt la glace encombre la route entre Oqaatsut et Ilulissat, demain à 6h nous allons devoir nous frayer un passage avec Ifaraq.
A la descente, des tapis de myrtilles nous transforment en randonneur-cueilleur, les bolets arctiques sont à foison, ici tout est abondance. En milieu d’après-midi nous rejoignons la maison bleue, une douche à la maison communale va nous remettre en forme. Ce soir menu groenlandais : foie cru de phoque, mataq de narval, ammassat séchés, flétan cru et autres bricoles…
Demain matin notre capitaine du drakkar noir, va retourner chez lui. Vu son haut poste il a voulu rester anonyme, et j’ai suivi ses désirs, mais sachez tout de même que depuis cette année son groupe financier est devenu mécène de Bout de vie. Un grand merci à toi Capitaine, tu vas nous manquer. Une étoile bleue supplémentaire est peinte sur le mur blanc du salon, il a écrit ceci :
Tomber encore, se relever toujours.
Take care.

 

Dume est arrivé..

15 août 2018

Ilulissat Airport, Dume débarque au Groenland, je me l’étais promis, le rêve se réalise. Nous sautons dans un taxi pour le port, l’appel du large est plus que nécessaire. Mais avant de prendre la route vers le Nord je voudrai lui faire un cadeau d’arrivée. En Polynésie, de belles vahinés vous coiffent de fleurs. Ici ce seront de belles baleines qui viendront lui offrir danse et chant. Trois beaux spécimens à 5 mètres d’Ifaraq, rien que pour nous…

Oqaatsut est devant nous, le capitaine du drakkar noir est prévenu, avec Dume ca va dépoter !

La mise à quai une fois encore, donne le ton, un bon gros phoque est amarré solidement au ponton. Les nuages de moustiques n’ont encore jamais gouté du triathlète « world champion », ils vont se gaver.  Ce soir, à la cabane l’un de mes rêves les plus intimes se concrétise, « mon » Dume est assis en face de moi. Nous rions, nous sommes émus, notre amitié est si forte, si profonde, qu’il m’est impossible d’y mettre des mots.

Ce matin c’est le petit déjeuner, l’iceberg « smiley » est encore là mais il a subi un régime sec, ça sent l’explosion. Mes deux hôtes, papotent, échangent, je fini quelques petits travaux. Au moment du repas je leur soumets une idée cabocharde ! Et si vous me faisiez la sécurité pour que je puisse faire de l’apnée ?  Je sens un peu de tension dans leur oui, je leur promets d’être prudent, nous y allons.

Après 20minutes de mer nous voilà au bord d’une belle rive où certains gros icebergs sont prisonniers, l’eau est cristalline, pas un souffle d’air, nous et la grandeur des régions arctiques. Ici pour faire de l’apnée une combinaison étanche est obligatoire et pour l’enfiler seul, cela demande du talent de contorsionniste, Dume va m’aider. Me voilà emmitouflé dans mon équipement, je glisse sans bruit dans l’océan arctique, pas d’orques en vue, on peut y aller tranquillement. Les oursins tapissent le sol, des holothuries gigantesques aussi, une ou deux morues tentent l’approche, qu’est ce que c’est beau!! Je barbotte, je me laisse bercer par ce moment de grâce, je me laisse envouter, une sensation étrange se passe, je ne me sens plus seul, comme si tous mes anges gardiens étaient là pour me protéger. Il  m’est impossible de me rendre compte du temps qui passe, des tourments de la vie terrestre, ici tout semble si simple. Puis une envie, une montée d’adrénaline me pousse à découvrir encore une nouvelle limite, et si j’allais rendre visite au bel iceberg en face de moi. Je sais qu’à cette saison ils peuvent s’écrouler sans crier gare, mais je me sens en état de grâce, alors j’ai confiance. Pas besoin de parler, Dume et son binôme m’observent. Je nage les yeux grands ouverts, j’ouvre mes oreilles, je sais qu’au moindre craquement il me faudra réagir. La masse blanche qui s’enfouit dans les abysses me coupe le souffle, je me sens petit, je prends ma place sur la planète océan, je ne suis qu’un simple plancton. Il est là stoïque, je sais qu’il observe, je lui promets de ne pas le déranger, il m’autorise à l’effleurer… En remontant à bord d’Ifaraq, je n’ai même pas froid, quel bonheur… Je lui adresse comme une prière, je lui demande pardon de tellement d’audace, il me fait comprendre qu’aujourd’hui je pouvais. Merci la vie!

De retour, La Louise toujours au mouillage nous salue, Thierry son skipper nous accueille pour un thé, et nous partons sur des échanges magnifiques. Pas de banalité, de mots pour combler une vie vide ; on cause, mers et océans, vent, courant, vie, oui c’est ça on cause vie, parce qu’on est vivant.

Même si je n’ai pas accès au net je sais que vous être nombreux à suivre ce journal de bord. Pour certains vous êtes à l’hôpital en plein soin, en centre de rééducation, on vous a dit des choses, on vous a dit que votre vie va être différente. Acceptez la comme elle vient, 35 ans après mon terrible accident je remercie la vie de m’avoir enlevé cette jambe, car sans elle je ne serai pas où j’en suis aujourd’hui…

Je vous envoie plein de courage avec une bonne brise polaire pour vous rafraîchir… Je pense à vous!

A pluche

Et ca continue!

11 août 2018

Aluu les amis, je serai bref car la vie ici me pompe une belle énergie, on bosse sans relâche, mon « pote » le Capitaine du Drakkar noir suit mon rythme… Je ne veux pas m’arrêter, il y a un boulot immense à faire et j’aurai toute la mort pour me reposer. Ca y est, toutes les fenêtres son décapées et repeintes. Un boulot ingrat et poussiéreux surtout  quand on travaille avec les fenêtres ouvertes! Il me semble que mes doigts sont devenus des cornettos à la crème gelée !

Ok, je vais cesser de gémir, je suis au Groenland et vous dire que c’est toujours beau est un mot trop faible. Ce matin le soleil enfin revenu, avec une brise polaire, a inondé la cabane. Là, à deux pas, deux belles baleines nous ont honorées de leurs chants. Elles ont jouées devant nous dans un ballet unique et majestueux; inoubliable !

A Oqaatsut aujourd’hui, c’est la rentrée scolaire, l’église qui sert de salle de concert est aussi l’école, mais 50% des élèves sont absents, 3 sur 6. Ici, les images de référence sont toutes, autres qu’en bas au sud. La seule école qui compte ici c’est celle de la vie et je peux vous dire que de vivre ici, c’est l’université +++ !

Au village, ils nous voient travailler d’arrache pieds, pardon pour le jeu de mot, personne ne dit mot, personne ne vient nous voir mais je sens de temps à autres des regards furtifs. Je pense qu’ils sont heureux de voir la cabane reprendre vie. Le vendredi c’est le jour de la douche et de la lessive pour moi. A la salle communale, Fareq a vu mes cernes, ma perte de poids, il m’a sourit et m’a appelé « Frankini » ce doit être un compliment exceptionnel au Groenland! Il m’a expliqué l’histoire de ma maison, de ses habitants, il est heureux que je m’en occupe autant. Cela m’a fait du bien…

Inès, mon papillon, a fait de sa propre initiative un appel à cotisations sur le groupe Facebook. Vous savez qu’un projet mérite finances et vous savez qui en bénéficie alors on compte sur vous!!

Je vous souhaite tout le meilleur du monde.

PS : Une pensée pour Jean-Phillipe Rapp qui est à la tête du Festival du film d’aventure et d’exploit des Diablerets. Ce sera son dernier festival. Hélas on ne m’a prévenu qu’aujourd’hui que je devais lui faire une vidéo mais c’est mission impossible à Oqaatsut.

Alors voici quelques mots :

Cher Jean-Philippe, je suis très ému de savoir que c’est ta dernière, je ne pourrai jamais oublier tout ce que tu as fait pour moi. Quel honneur d’avoir gravi en direct le musée Olympique de Lausanne pour une conférence télé sur le dépassement de soi. Quel souvenir d’être encore à tes cotés à l’université de Genève et de pouvoir booster les étudiants venus en masse. Comment oublier toute tes invitations au Diablerets comme jury du festival. Je crois que mon record d’assiettes de raclette englouties n’a pas été encore battu !  Merci Jean-Philippe, merci du fond du cœur je sais que cette dernière sera forte pour toi… Becs depuis le Groenland et tout de bon…

 

 

 

 

Groenland… la suite!

9 août 2018

Finalement le vent est tombé, finalement le calme prend place, il nous amène un beau crachin avec un brouillard londonien et 6 petits degrés. Le village est redevenu silencieux, les icebergs ont pratiquement disparu, seul le « smiley » surnommé ainsi par les jeunes, est encore ancré sur un haut fond. Par contre son arc de triomphe a volé en éclat, l’explosion fût si forte que même la cabane a tremblé.

 Depuis hier à deux pas de la porte, une chienne vient de mettre au monde 6 chiots. Un acte de survie terrible, la mère offre toute son attention à ses boules de poils, je me demande combien survivront…

 Le capitaine du drakkar noir, mon invité, c’est le surnom qu’il aura pour son séjour ici, commence à prendre ses marques. Il a croisé en coup de vent mes stagiaires qui ont compris que mon hôte était un grand personnage, son groupe financier est depuis un an le mécène de mon association. Cet homme de la finance suisse n’est pas venu en touriste mais pour m’épauler dans ma tâche de restauration de la maison perdue. Muni d’une classique salopette bleue, depuis 2 jours, il décape toute les huisseries de la maison, un travail de fourmi nécessaire pour repeindre les fenêtres qui depuis quelques décennies souffrent des bises polaires. Chacun de notre côté nous travaillons, de temps à autres nous échangeons, mais l’endroit ne laisse pas place au discours inutile, n’oubliez pas que nous sommes au pays du silence.

 En fin de matinée, un homme franchi le pas de la porte ; mon pôte Brieuc, vient me dire au revoir. Je le sens moins « déconneur » que d’habitude, il vient juste me prendre dans ses bras, dans quelques minutes il part avec son équipage du voilier Akta vers la grande route du passage du Nord-ouest. Dans son accolade je sens une immense émotion, un immense soupir. Je lui souhaite bon vent, la route ne va pas être facile mais une bougie brûlera, pour lui, pour ses coéquipiers, pour son rêve. Ils devraient rejoindre l’Alaska courant octobre…

En fin d’après midi « mon » capitaine me fait une petite frayeur, il demande à s’allonger rapidement, la vie est austère ici. On dort à même le sol dans une maison poussiéreuse en chantier. Ce petit coup de moins bien m’inquiète un peu, après coup il revient à lui, je vais lui faire prendre l’air, une excuse pour aller chercher le diner. Nos grosses combinaisons de mer enfilées, nous prenons le large pour une partie de pêche. Le moteur coupé nous sommes dans un silence indescriptible. Pas la moindre ride, la mer est lisse. Des icebergs entonnent leur explosion, nous guettons aussi les baleines, avant-hier au même endroit une est venue à 5 mètres à la proue d’Ifaraq. Une grosse étoile de mer se fait piéger, puis ce sera au tour de quelques scorpions de mer que je relâche aussitôt, et enfin deux grosses et grasses limandes vont venir diner avec nous.

Nous prenons le chemin du retour par le chemin des écoliers, la vie est simple ici, très simple. Bien sûr le confort manque, bien sur que les facilités du sud nous sembleraient divines mais on ne peut pas tout avoir dans la vie, alors nous prenons en pleine face cet air de liberté.

Dans nos assiettes le poisson nous rassasie, le dialogue commence, nous savons que nous sommes chanceux d’être où nous sommes. La rusticité du lieu a fait fondre le superficiel, et l’homme de la haute finance se confie au nomade du grand Nord. Les courbes du CAC 40 n’ont plus trop leur place ici, nous causons de la vie, la vraie celle qui fait vibrer, celle qui te rend Homme, qui te rempli de doute sur son devenir futile et superficiel. L’argent, la différence sociale volent en éclat, c’est ça la magie du Grand Nord.  Nous échangeons nos rêves, il me souffle les siens, je lui cause du petit papillon qui remplit mon cœur, mon âme.

Ce soir là haut au pays de nanoq deux hommes ont oublié pour un instant qu’ils n’étaient que des mortels, parole, à un moment on s’est crus immortels…

Lundi « mon » Dume arrive, là ca va être encore un grand moment …

Ps :BTAPP

 

Takuss les 6!

5 août 2018

Reveil à 5h, le soleil et les moustiques sont déjà au rendez-vous, la belle équipe doit démonter le camp, le départ est fixé à 8h30. Les yeux vers le large, je vois, je sens le vent, le bateau est petit, je croise les doigts ! Au départ l’émotion est palpable, le village est endormi, seule Ingrid est au rendez-vous d’adieu. Cette jeune femme est touchée par le groupe, sa vie est sur un fil, malgré son cancer elle guide encore un groupe de kayakistes en baie de Disko. Nous lui envoyons toute notre énergie, Ange-Paul et Marion s’en sont sortis, on sait qu’elle aussi… Au mois de septembre elle repart au combat contre sa maladie… Allez visiter sa page Face Book Ingrid Ulrich, sa volonté et sa rage de vivre sont impressionnantes!
Nous voilà partis, le village d’Oqaatsut est dans le sillage du vaillant Ifaraq, le vent de terre est virulent, il me faut jouer l’indien pour être en toute sécurité. Nous frôlons la côte, la brise a chassé les icebergs, la mer est libre de glace mais les moutons annoncent une traversée musclée. Pas un mot, pas un geste, les 6 le savent, c’est leur dernière heure au pays du silence. Je me demande se qu’il se passe dans leur tête. Je croise les doigts en douce, au bout du promontoire le port est en vu, ouf nous y sommes.
Tous va très vite : un taxi est là, un autre pas loin, nous filons au bout des 3 petits kilomètres de route unique d’Ilulissat à l’aéroport. Patrick à l’aller a perdu sa carte d’identité, j’espère qu’il va tout de même embarquer avec son permis de conduire, là aussi ça passe ! Les bagages sont enregistrés, il est temps de se dire « takuss ». Chacun à sa part d’émotion, tous m’embrassent, tous me regardent droit dans les yeux, je sens de la fierté, chacun a réussi à trouver de nouvelles limites.
Mes derniers mots ont été : « Bravo les jeunes, vous avez découvert de nouvelles limites, vous avez compris que c’était possible. Quand les « autres » parlent, vous, vous agissez. Quand les « autres » vous disent attention, vous, vous avez déjà dépassé le danger. Avant que vous partiez, je veux juste vous dire que je suis fier de vous. N’oubliez pas que vous devez vous bouger les fesses, ne jamais lâcher, croyez en vos rêves ils vous appartiennent, la vie ne vous attend pas, elle se moque de vos bobos, alors foncez même si vous boitez… »
Un peu ému, l’aventurier à cloche pied ! Je saute dans un taxi pour rejoindre la ville où je dois faire mes courses, ce soir à la cabane leurs rires me manqueront. Par moment je sais que je n’ai pas été tendre, pas conciliant du tout, mais c’est ma marque de fabrique, c’est ma manière de transmettre. Il faut bosser pour y arriver, les mous ne s’en sortiront jamais et ça je crois qu’ils l’ont bien compris.
Depuis mon arrivé à Oqaatsut, un immense iceberg est scotché devant la cabane, une de ses immenses veines de glace lui donne un air souriant. Nous l’avons baptisé  «smiley », promis les jeunes je vous donnerai de ses nouvelles, le jour où il commencera sa longue route je vous tiendrai au courant, je sais que tout au long de son voyage il se souviendra, qu’un jour dans un village groenlandais une bande d’abimés de la vie avait trouvé une belle excuse pour vivre coute que coute…
Mon hôte arrivé cette nuit sera mon binôme cette nuit. Furtivement ce matin il a rencontré la belle équipe, il a été très touché. Lui aussi a perdu son bagage, décidément cela devient une tradition d’Air Greenland…
Jusqu’au 30 aout je serai au pays d’Apoutsiaq mon journal de bord vous sera confié. Pensées polaires, philosophiques, rencontres, introspection, rêves de papillon, projets, écriture, encore quelques beaux jours pour être un Freeman plus que jamais…
PS : BTAPP
A pluche!! 

Dernier jour…

4 août 2018

Il y a des moments qui restent gravés dans la vie de tout un chacun et hier soir en fait partie. La toute petite église protestante d’Oqaatsut s’est transformée hier en salle initiatique où le chamanisme nous a transporté dans un autre monde. Un groupe d’hommes et de femmes sont venus présenter leurs rites, leurs croyances, leurs origines. Nous étions les témoins d’un moment de grâce. Chant guttural, où le vent de la toundra se fait entendre, où les pas du grand nanoq nous ont fait frissonner, où les aurores boréales nous ont enveloppé de tendresse, où les qivitoqs (esprits malfaisants) sont venus nous conter légende. Nous en sommes sortis bluffés et conquis, les anciens du village nous regardaient en coin, je crois qu’ils nous apprécient…

Ce matin le vent a encore pris de la force, la bise est vraiment forte, autour du poêle à pétrole un petit déjeuner copieux réchauffe ma belle équipe. La pluie omniprésente nous prend en otage alors nous  décidons d’orner le grand mur blanc de quelques étoiles. Nous, les mutilés de la vie nous sommes des lumières filantes rescapées du big bang. Alors chacun a dessiné son étoile avec son verbatim. Encore un bon moment d’émotion et de tendresse.

Puis je dois mer remettre à chercher la solution pour ma cabane qui n’est pas encore électrifiée. Mais ici tout est compliqué… Le responsable de la « technique » parait motivé pour m’aider; il appelle Ilulissat qui bascule à Nuuk la capitale pour revenir à Ilulissat où d’après une dame, ma maison n’existe pas… Mdr ! Ma maison étant à deux pas de la salle communale qui est toujours fermée, je me dis qu’en tirant des rallonges ( ramenées de Corse) je pourrai être sauvé… On me promet que lundi se sera arranger!
Immaqa! (peut-être!)

Pendant mes démarches, les filles se lancent dans la cuisson d’une belle pile de crêpes, avec le froid de canard qu’il fait dehors tout le monde est d’accord pour les engloutir. Nous sommes vendredi et  ce les douches communales seront fermées tout le week end, alors nous en profitons pour un décrassage bien mérité.

En plein milieu du golfe, La Louise, belle goélette du fameux marin Thierry Dubois, est solidement ancrée face au vent qui ne faibli toujours pas. Nous sommes très chanceux; il nous invite à bord pour une visite guidée. Le voilier est tout simplement somptueux, du long de ses 19 mètres il est taillé pour les mers polaires et peut accueillir à son bord 8 invités. Thierry nous parle de son parcours hors norme de régatier. Il a participé à 2 Vendée Globe Challenge et a subi un naufrage à 3000kms au sud de l’Australie tout prês des côtes d’Antarctique. Sa vie est aventures et découverte de nouvelles limites, je sens mes stagiaires très très attentifs, ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre des légendes de la mer. Alors que nous parlons de la navigation au Groenland, un grand boum nous interpelle. Mon pote Steen nous appelle, il est sur une embarcation, je n’en crois pas mes yeux! C’est mon petit bateau Ifaraq qu’il vient de récuper sur la berge, mon aussière, par les coups de boutoirs dus au clapot, à cédé ! Il monte à bord avec un grand sourire, les qujanaqsuaq (merci beaucoup) sortent en boucle, le sauveur a été sauvé ! Il est temps de rejoindre la terre ferme, nous échangeons nos contacts, je crois qu’une belle histoire entre La Louise et Bout de vie  est en train de voir le jour…

C’est la dernière soirée de l’équipe, demain matin de très bonne heure ils vont devoir démonter leur camp, à 11h « local time » ils s’envoleront pour rejoindre leur famille. En attendant ce soir ils vont avoir la chance de gouter au mataq (peau et graisse) de narval, foie de phoque cru, ammassat séchés, suivis de la soirée chants chamaniques.

A minuit je reprends la mer pour aller chercher un de mes invités qui va continuer à m’épauler pour la restauration de la maison bleue… Encore une sacrée journée…

Un immense Takuss du bout du monde, on vous envoie de la fraîcheur, du silence et beaucoup de sérénité…

PS : BAPP