La Fenice…

21 septembre 2012
Vue d'en haut c'est encore plus beau, mais il faut le suer...

Vue d'en haut c'est encore plus beau, mais il faut le suer...

Je reprends les bonnes habitudes de France Bleue Frequenza Mora en donnant la météo du vendredi à 7h37 en compagnie de mon très cher Jean-Pierre Aquaviva… Je sais qu’aujourd’hui sera une étape difficile de montagne mais je ne pouvais imaginer ce qui m’attendait. « Si j’avais su, j’aurais pas venu ! » Pendant 45’ je grimpe en douceur pour passer une sacrée bosse qui me fera dévaler sur Lavagna, il ne fait pas encore trop chaud mais malgré tout je suis déjà en sueur. Le trafic urbain est fouilli et je peux vous dire que je suis prudent, ici le clignotant est en option et les stops, c’est bien connu c’est pour les couillons ! J’ouvre l’œil et le bon ! Je retrouve enfin le calme mais le long et tortueux massif des « Cinque terre » m’attend de pied ferme. Je ne dois surtout pas penser à la moyenne, le col du Bracco a mauvaise réputation. La route est devant moi, je dois y aller molo. Je grimpe et un émouvant souvenir me vient en tête. Il y a presque 50 ans mon parrain Walter, prof de sport était parti de Menton pour rejoindre la Toscane en vélo, il m’avait souvent raconté le fameux Passo del Bracco. La grimpette est monstrueuse mais je ne suis plus seul, il m’accompagne, j’entends encore son rire. Je lui cause, non je vous promets je ne prends pas des produits illégaux. Il est parti subitement quelques semaines avant mon expédition au Yukon et quand mon moral était en berne il apparaissait. Il y en a qui vont dans des églises où des « trucs » du genre pour prier, moi je cause avec les disparus. Chacun sa bible !  Mais Dieu que c’est dur, Jo Zef se demande si Marlène, Gilles et Taïko vont venir nous enlever du poids ! Eh ben non la mascotte, y sont trop loin, à nous de nous débrouiller. Quelques cyclistes nous doublent en nous encourageant mais c’est long, c’est épuisant, c’est éreintant ! Soudain alors que je reprends ma causerie avec mon ange gardien je sens une présence derrière moi, un cycliste est dans ma roue. La route est tellement isolée que l’on peut rouler de front, ce vieux champion veut faire un bout de chemin avec moi, il est impressionné par le poids que je monte et par mon bout en moins. Sergio est de bonne compagnie, il a beaucoup d’expérience et sait que sa présence me donne de l’énergie, on papote, on échange mais il doit retourner chez lui. On se serre la main comme si on se connaissait depuis toujours. Cela fait 2h30 que je grimpe, je commence à sentir une lassitude, finalement un panneau m’annonce le village de Bracco, je crois être arrivé au sommet. Un bar est ouvert, je vais tellement doucement que je peux saluer les clients devant l’entrée, je décide de stopper pour un café. Je suis la diversion du jour, ici personne ne passe, l’autoroute canalise le flux routier et un unijambiste en vélo cela se fête. J’ai droit à mon expresso explosif et mon verre d’eau gazeuse, pour récupérer un peu de sels minéraux. Je ne peux pas payer mon café, tout le monde est enthousiaste et me souhaite bonne route. Je fais l’erreur de demander le dénivelé jusqu’à La Spezia, on me prévoit encore du dur !!! En vérité je ne suis qu’au village, le col est encore à 4km plus haut, je prends mon mal en patience mais je ne sais pas où je vais chercher cette énergie pour grimper, aucun « bobos » ne se réveille et mon moignon bien cicatrisé ne fait plus le malin pour se faire remarquer. Finalement atteints le sommet, je suis cuit, extra cuit. Je roule en libre en me croyant sorti d’affaire, je ne pédale même plus en descente, ce qui est une erreur car je n’élimine pas mon acide lactique, mais je zappe le protocole pour récupérer différemment. Je m’aperçois que je perds trop vite du dénivelé, ça sent le piège. J’arrive dans un bled et découvre devant moi un mur, le col du Bracchetto me fait un pied de nez. Du 10% pendant 2 bornes avec les derniers 100mts à 15%, je ne pose pas pied à terre en mémoire de mon parrain disparu, mais je peux vous dire que je force comme un bœuf. Je reprends une longue descente, je pense que cette fois ci je suis sorti d’affaire. Pour être léger j’ai fait le choix de ne pas avoir ma nourriture de midi, mais je n’avais pas anticipé que cette route était déserte. Pour l’instant ça descend alors j’oublie mon déjeuné. Je retrouve une rivière, je sens la fin de mon calvaire, elle doit descendre à la mer donc il ne devrait plus y avoir de côte. Enfin un village animé, il y a un bar restaurant, je stoppe ma « pédalerie ». Pas de plat à emporter, au diable le protocole, je m’attable. Alors que je me déshydrate avec une grande bouteille d’eau gazeuse, je m’aperçois que le local se nomme : « La Fenice » le Phoenix en français. Je cause avec le gérant sur ce nom, renaître de ses cendres comme le phœnix, ca me parle. Une date avec un patchwork de photos est dans mon dos, il est écrit la date du 25 octobre 2011, pour ne jamais oublier. Je prends le soin de détailler les images, il semble qu’une inondation aurait ravagé le village. Effectivement des pluies très violentes ont en amont formé un barrage de branchages et quand il a cédé une très grosse vague a envahi la région. 3 morts et des vies de labeurs mis à terre, Davide est très jeune et il vit mal, l’après drame. Le village au lieu de s’unir, s’est divisé et une mini guerre s’est installée. Il me parle de partir travailler au Mexique mais la peur le freine, peur de l’inconnu, peur de ne pas savoir s’adapter. On cause un bon moment, il me prend pour un surhomme mais je lui cause de mes craintes quotidiennes. Elles ne m’arrêtent pas, bien au contraire, elles sont justes là pour m’avertir du danger et je découvre que je peux les surmonter. Allez Davide, fait ton sac et tu verras que la Terre n’est qu’une petite île, où que l’on soit on y rencontre que de bons voisins… Je reprends la route ventre repus et cœur léger de cette belle rencontre, j’aime bien transmettre de l’énergie positive à qui veut la recevoir. Mais la route est longue encore une grosse montée le vent dans le nez, j’abdique, je baisse la tête et fait le vide il faut que j’avance c’est tout. Enfin, j’arrive aux abords de La Spezia, deux routes se présentent à moi, droite, gauche ? C’est une longue descente, je vais vite et je n’arrive pas à détailler ma carte, je choisis celle qui mène vers le Sud-est. Hasard ou pas je me trompe d’itinéraire, j’avais décidé de stopper dans ce grand port mais c’est une périphérie qui me l’a fait éviter. Ok, j’ai compris ce sera une très longue journée, le plat descendant au programme, ce n’est pas si mauvais quand même. J’avance, le compteur affiche bientôt les 100km, je trouve une auberge de campagne, ok les mascottes, on va pas faire les difficiles. Une chambre proprette pour une poignée de figue, c’est le camp de ce soir. On est à la frontière avec la Toscane.

A pluche…

Sur les bords du Rhin avec l’amiral Festor…

6 septembre 2012
Jo Zef très fier de présenter le grand Franck à Norra...

Jo Zef très fier de présenter le grand Franck à Norra...

Mon dernier break fut Northeim , tendinite disparue, vélo nickel « yakarouler » soit 611 km en 6 jours d’affilés. Je m’autorise un break, bien que je sois en forme. Le vieil adage le dit : Qui veut aller loin doit ménager sa monture… Ce matin ce n’est pas pour autant que je tarde au lit, la vie est trop courte pour dormir. La petite ville de Lauterbourg est paisible avec un certain charme qui me fait un bien énorme. Depuis presque trois mois que je sois parti, rares furent les moments où j’ai pu m’exprimer dans la langue de « Coluche » ! Je deviens une pipelette, je suis trop heureux de pouvoir échanger sans chercher mes mots. Mon vélo est un tas de sable, le patron de l’hôtel du Cygne me met à disposition tous les moyens pour le rendre comme neuf. De plus il me prête une lime à bande électrique pour rectifier enfin ma prothèse qui me blesse au niveau de la tête de péroné. Je peux vous dire que je m’en donne à cœur joie, je creuse, je rabote pour enfin laisser la plaie ne plus subir ces douloureuses frictions qui par moment me gâchent un peu la vie. Petite course au supermarché du coin pour remplir ma cambuse, mais je dois me freiner, je ne dois pas sortir de ma diététique stricte même si les produits en vitrine me font saliver. C’est dur de prendre que des salades alors que les choucroutes nous tendent les bras, une sorte de remake d’Ulysse et les sirènes façon charcuterie alsacienne !!! Mais la belle nouvelle de la journée c’est que je vais avoir de la visite. Fidèle de mon journal de bord, vous avez dû remarquer que régulièrement je suis encouragé par le grand Franck Festor, et bien aujourd’hui il a fait le déplacement depuis sa région de Metz. Aussitôt revenu de sa deuxième traversée océanique à la rame en courant un marathon il s’est blessé au moignon et ne peut plus porter sa prothèse pour cicatriser. Il a choisi l’opportunité pour partager un bout de vie avec le « cabochard ». Je suis toujours heureux de le croiser, un géant au cœur en or, toujours prêt à aller soutenir un nouveau venu dans le monde des raccourcis. Sous une tonnelle au bord du Rhin entre deux péniches qui luttent contre le courant nous échangeons nos idées, nos sentiments. C’est vrai qu’il est bon de savoir s’arrêter pour vivre le moment présent si riche. J’entends souvent parler de miracle pour certaines choses extraordinaires qui arrivent, mais pour moi le miracle c’est le fait de vivre chaque seconde les yeux ouverts. Ce n’est pas un miracle le soleil qui se lève tous les matins, le fleuve qui coule depuis des siècles, la plaie qui cicatrise, deux hommes qui papotent avec sourire de leur souffrance… Oups je me lâche, c’est vrai les jours de repos je cogite plus que d’ordinaire…

Merci amiral Festor, que les Dieux des vents, des océans et de tes rêves te protègent encore longtemps. Son blog…

A pluche !

A la croisée de nos vies…

1 septembre 2012
Bel échange avec Patrick qui rallie le Danemark à Gibraltar à pied

Bel échange avec Patrick qui rallie le Danemark à Gibraltar à pied

Nuit agitée malgré que le camping soit vide, je suis tellement sur le qui vive avec ma cheville que toutes les heures je me réveillais pour masser mon tendon d’Achille et vérifier qu’il n’était pas enflé et ne soit douloureux. Quelle drôle d’idée au lieu de se reposer, en tout les cas tout va bien de ce côté là ! Je démonte mon camp et me revoilà parti. Les bobos sont en stand by, yakapédaler. Le froid me saisit, 10 petits degrés, le vent cette nuit est passé enfin au nord. Il va enfin être en notre faveur, une sacrée côte comme entrée, au moins je vais pouvoir enlever une couche. Je continue sur la voie cyclable R1, le bonheur de ne pas subir les affres des chauffards. Les villages sont encore endormis, la route est vide, je peux poursuivre mes rêveries. Je fais gaffe quand même de ne pas perdre le fil des panneaux qui m’indiquent comme un jeu de piste les directions à suivre. Les pommiers regorgent de fruits et je m’autorise quelques prélèvements pour mes repas à venir. Des ponts enjambent des petites rivières, je passe à travers champs, l’Allemagne rurale se dévoile à mon passage. Je poursuis ma route, dans un hameau deux gamins en vélo me prennent la roue, ils font un bout avec moi. Je comprends après coup pourquoi ! Une rivière barre la R1, pas de pont mais une nacelle à activer manuellement. Les adolescents doivent guetter le randonneur et se font un malin plaisir à jouer de la manivelle. Paul et Morris me fileront un sacré coup de main pour me faire passer de l’autre côté. Une manière originale de plus dans mon voyage, à quand la montgolfière ? Je poursuis, le vent est en notre faveur, un vrai bonheur. Au loin je vois des gyrophares d’une ambulance et d’un véhicule de police, je m’approche en redoutant le pire, la piste est interdite aux voitures, s’ils sont là c’est que quelque chose de grave est arrivé. Un homme âgé est allongé à côté de son vélo, vu le manque d’activité des secouristes sa vie s’est arrêtée sur ce chemin aujourd’hui. Pas encore couvert, effectivement le masque de la mort est tombé sur lui. Je poursuis, je suis encore sous le coup, les images de sauvetages en mer tragiques que j’ai vécus me remontent au visage, je ne pensais pas croiser cela ce jour. La vie, la mort, on n’est pas grand-chose !!! Je me fais un break café, biscuit, et pratique quelques étirements. Toujours sud j’avance, la vision de tout à l’heure me hante, il faut que je passe à autres choses. Dans un plus grand bourg je profite pour faire quelques courses, demain c’est dimanche et ici tout est fermé. Pour compenser mon mal être je m’offre un grand jus de fruit et une brioche au sucre, les douceurs du palais pour compenser les froideurs de la vie, la grande cause de l’obésité dans les pays riches ! Le soleil enfin se réveille, il a envie de réchauffer le nomade unijambiste, j’avance encore et toujours vers le sud. Des interminables lignes droites avec le vent portant, ça fait du bien, je plains les pauvres cyclistes que je croise dans le sens inverse de ma route. Je rattrape un coureur d’origine asiatique, je devrais dire un marcheur, il est à l’agonie, ses pas ne sont pas assez rapides pour appeler cela courir, témoignage d’une longue distance déjà parcourue. Puis un deuxième et encore un autre, j’en conclus qu’il doit y avoir une course très longue distance dans le coin. Pendant plusieurs kilomètres je double ces athlètes de l’endurance, je n’arrive pas à savoir quel est leur parcours. Je suis maintenant en t-shirt avec dans mon dos la phrase du défi Arcticorsica : Ma différence c’est ma force. En dépassant l’un d’eux il me dit bonjour en français. Je ralentis pour rester à son niveau. Patrick Bono fait parti de ces hommes et femmes qui réalisent la course : Trans-Europe 2012 ! Le départ a eu lieu au nord du Danemark mi-août et se terminera à Gibraltar dans plus de deux mois!!! Des étapes de 60 à 80km au quotidien avec une moyenne minimum de 6km/h, sinon c’est l’élimination. Aucun jour de repos, une course titanesque ! Je reste au côté de Patrick, on ne se connaît pas mais quelque chosesde très fort se passe entre nous deux. On parle de nos défis, de nos bouts de vie et de cette souffrance choisie. Puis en quelques secondes un sujet très difficile à aborder en occident : de ces chers disparus qui nous accompagnent dans cette solitude qu’est l’endurance de la vie. On se livre comme deux vieux copains, je sens qu’il est au bord des sanglots, je le pousse à se lâcher, il chiale de toute son âme… A un carrefour nos routes vont se décroiser, on se serre les mains comme deux frères, alors qu’il y a peine quelques secondes on ne se connaissait pas. Bravo Patrick continue jusqu’au bout de tes rêves, Gibraltar ou pas, va jusqu’au bout de ta route elle est bordée de lumière.
Au 83éme kilomètre je décide de m’arrêter dans un hameau, quelle journée ! Le présent est un cadeau et de là haut nos anges gardiens s’amusent bien dans notre quête quotidienne.
A pluche !

Les dames de la forêt…

27 août 2012
Les mascottes ont rencontré un collègue éléphant...

Les mascottes ont rencontré un collègue éléphant...

Dormir dans un endroit calme sans avoir l’oeil sur des fadas ça repose le cycliste soupe au lait. Un vrai petit déjeuné de routard, ça me change un peu de mes poudres même si ce sera un peu plus difficile à digérer. Je reprends la route toujours sud, le dérailleur « déraille » et cela me chiffonne, j’ai encore quelques kilomètres à parcourir. La route est plate comme je n’avais jamais vu et je me surprends à rouler avec une moyenne au-delà des 22km/km du jamais vu avec mon poids-lourd. Des éoliennes en file indienne et chaque maison avec le toit recouvert de panneaux solaires voltaïques, comme quoi quand on veut on peut. Je retrouve le sourire mais je dois régler mon vélo. Je choisis de rentrer dans la ville d’Uelzen, il y a le mot zen, c’est bon signe ! Une charmante demoiselle en vélo m’amène au mécano-vélo du coin. Ici c’est impressionnant mais tout le monde roule en deux roues, vu ma dégaine pas besoin de leur dire que j’arrive de loin, ils laissent tout tomber et s’occupent  de ma bicyclette. Ils me demandent depuis quand la cassette saute, depuis Travemunde où je me suis fait changer les rayons cassés ! Mike au look de biker, en deux temps trois mouvements me trouve mon problème. En remontant ma cassette le mécano précédent a tout simplement oublié de remettre une entretoise entre deux pignons, la chaîne n’avait plus la place pour s’accrocher. Aussi simple que ça ! Il remonte tout méthodiquement et me voilà avec un vélo tout neuf. J’aime bien tailler la bavette avec ce type de personnage, on parle compétition, depuis qu’il a arrêté il a pris du poids et voudrait bien reprendre mais toutes les excuses, lui en empêchent. Un lien de leur boutique www.bikemaster-ue.de Il m’apprend pour Armstrong, je n’en démords pas, pour moi il sera toujours un grand champion. Je reprends le chemin sans ce souci de chaîne qui saute, ça change la vie. Une fois de plus j’ai demandé si je pouvais planter ma tente dans une forêt sur ma route. La réponse est catégorique, non car c’est trop dangereux !!! J’ai dormi au milieu de grizzli pendant des semaines, de loups, sous la neige et la glace par des températures négatives hallucinantes et on me dit qu’ici en Allemagne c’est trop risqué !!! Je sors de la ville et reprends ma « pédalerie ». Depuis 60km je suis sur une voie cyclable sans être tout le temps à l’affut du chauffard qui va me frôler, un vrai plaisir. J’attaque ma première côte, ce n’est pas les Alpes mais une belle montée. Toujours sur ma piste « privée » je taille ma route, la forêt est belle sombre, je me vois bien planqué au coin d’un feu. Tiens un camping-car sur un chemin de terre ! Il a l’air en piteux état le van. Encore un deuxième de même condition, c’est bizarre ce genre d’épave dans ces jolies forêts ! Un troisième, mais on m’avait dit que c’était dangereux le coin ! Encore un autre. Il y a quelqu’un, je m’arrête. Oh nom de Zeus !!! De peu je tombe du vélo, une « pépé » à moitié nue descend du fourgon ;  je ne sais plus où me mettre. Eureka j’ai compris pourquoi la forêt est dangereuse un repaire de prostituées et certainement tout ce qui va avec ! Va prendre froid la demoiselle, moi je lui tire ma référence et taïo ! C’est bon la mascotte, je t’expliquerai un jour le cursus scolaire de ce genre de minette. Rendors toi, ce n’est pas un coin fréquentable. Ces pauvres filles viennent du fin fond de l’Afrique pour un eldorado et les voilà à risquer leur peau pour quelques détraqués. J’appelle ça la solitude urbaine. Je me fais un break sur un parking pour me gaver de ce que ma boîte en plastique a pu engranger ce matin au buffet de l’auberge. Des routiers de l’Est sont là ; eux aussi me font peine, à voir leurs têtes ils doivent avoir quelques milliers de kilomètres au compteur. Je poursuis, je me sens de nouveau bien dans mon raid. La nuit de Travemunde oubliée, le vélo réparé et mes petits bobos physiques qui semblent régresser.  Au 100éme kilomètre je décide qu’au prochain coin je m’arrête. Mais non pas en forêt ! L’Allemagne a un réseau pour cyclistes et les nuits sont très bon marché, pour exemple hier soir une nuit en demi-pension avec un vrai diner cycliste et petit déjeuner de même acabit 48 euros. Je vais trouver le jumeau j’en suis sur. Mais le village n’en possède pas, un tailleur de pierre attire mon attention. Un métier en voie de disparition, Peter est robuste et son coup de main démontre des décennies de pratique. A l’entrée de son atelier, je vois une dalle gravée du mot « zimmer ». Je pense que c’est une commande. Nous discutons de son métier et moi de mon voyage. Sa femme arrive et je comprends avec un temps de retard qu’ils ont une chambre libre pour le voyageur que je suis, zimmer, voulant dire chambre. Dans un endroit charmant je me refais une santé. Petite cuisine à disposition je vais me préparer un super diner, non pas de crêpes la mascotte, trop lourd. Salade, riz et viande.
I’m again a free man !
A pluche !

Dans la boule de cristal je vois…

22 août 2012
Quel charmeur ce Jozef ! Il n'a pas hésité à quitter sa "Norra" pour poser avec une belle suédoise !

Quel charmeur ce Jo zef ! Il n'a pas hésité à quitter sa "Norra" pour poser avec une belle suédoise !

Ce matin je suis d’attaque, une journée complète sans pédaler ça requinque le rebelle à cloche pied. Le ciel est déjà très chargé, la météo nationale est en vigilance orange pour des raisons de forte pluie, ça tombe bien on est rodé ! Pour corser le départ, je tente l’autoroute qui me fera traverser la ville directement sans passer par le labyrinthe urbain où je vais certainement m’égarer. Il est 5H45 et je ne pense pas trouver grand monde. Pendant 8km je serre les fesses, si la police passe, va falloir ruser. Finalement, l’épreuve est réussie mais quelques faux plats montants me donnent du fil à retordre. Deux heures pour retrouver enfin une route plate, je mouline.  Là bas au Sud-ouest le peintre badigeonne le ciel de noir, comme dirait la mascotte : « Chu sur que c’est de la peinture à l’eau ! Bien vu, y z’ouvre le robinet et ce n’est plus un vélo mais un pédalo. » Les camions qui nous frôlent nous estiment surement trop sec et nous envoient quelques belles giclées. Je suis motivé pour avancer alors, yakapedaler ! La moyenne est bonne, le sud se rapproche. Au bout de 75km, ce n’est plus de la pluie mais une cascade, les automobilistes nous encouragent, mais là je crois qu’il faut arrêter. Je trouve un camping désert, l’accueil n’ouvrira qu’en début d’après-midi, il n’est que 11h. En face de moi je vois une pauvre femme en train de batailler avec sa remorque toute neuve, son mari à l’abri sous un immense parapluie est tétraplégique. Cela ne pouvait arriver qu’à moi, trempé pour trempé je lui débrouille la situation. Elle a le passe qui donne accès au service salle à manger, coin repas et m’ouvre les portes du paradis. Je m’installe bien à l’abri et regarde la pluie inonder le pays. Je suis seul, style un peu yacht club britannique il y a un vieux sofa en cuir, je lui promets une sacrée sieste. Mais voilà, des femmes arrivent, je devrais dire des matrones. La communauté Rom est prise en charge par l’état et les campings leurs sont ouverts pour des prix dérisoires, plutôt qu’ils ne squattent des terrains vagues. Ici l’hiver peut-être fatal et le peuple suédois est très stricte, si bien que les allemands me paraissent un poil excentrique en comparaison. Donc ces dames débarquent, avec leurs toutous, deux pitt bulls ! Un poil tendu le cabochard. En deux seconde le coin calme et reposant se transforme en une hall aux poissons. Elles ne parlent pas, elles hurlent. L’un de ses mollos, me regarde du coin de l’œil, j’anticipe et me cale proprement avec la prothèse, ça ne loupe pas, l’enfoiré de clebs tente l’intimidation, je réagis avant qu’il ne comprenne. Un grand kaï kaï couvre le hurlement des gitanes. Sorry, i don’t now whats happen ! Elles ne causent pas anglais, moi je ne parle pas le rom ! Une grosse motte de beurre fond dans la poêle et des grosses tranches de lard enfument la pièce. C’est bon on s’arrache ! Elles auraient pu lire dans leurs boules de cristal que le corse solitaire n’aime pas le graillon et qu’il n’a pas trop confiance aux gamins qui viennent de rejoindre les cordons bleu grassouillets ! Dans la ligne de ma main je vois une belle et longue route qui va m’amener loin de ses fadas avant que je me retrouve en slip ! Le soleil semble jouer les troubles fête, je rigole en repensant aux « ladys » du camping, quelle différence avec le peuple suédois si calme, poli, soigné. Je fonce vers la ville de Hassleholm, mais pas de coin pour monter la tente, le ciel redevient noir, tient c’est pour la deuxième couche ! Je demande à un fermier où se trouve un camping mais il ne parle pas l’anglais, j’arrive à traduire qu’à deux kilomètres il faut que je tourne à gauche. Ok, mais rien du tout. Une grange vide, je mets le vélo sur béquille et pars en repérage, une herbe rase bien plate, un robinet d’eau douce, je suis au Novotel du coin ! Personne à l’horizon, je n’aime pas monter mon bivouac sans demander l’autorisation. Le vent devient violent, l’orage va exploser. Soudain, une jeune fille en vélo passe, elle ne m’a pas vu. Je l’interpelle en lui demandant l’autorisation, mais elle me dit que ce n’est pas un bon coin, les vaches vont revenir, elle me demande de la suivre. Devant chez elle un magnifique jardin avec pelouse, elle m’invite à y planter ma tente où je veux. Je suis gêné, je serai sous ses fenêtres. Elle sent ma réticence, et nous voilà partis sur une magnifique route en terre pour arriver sur une immense prairie. C’est une ancienne mine et les touristes, quand il y en a, peuvent la visiter. Il y a même un coin douche avec de l’eau courante. Nous discutons un moment, son projet va d’être  l’année prochaine de parcourir en vélo Vienne à Prague. Cela faisait un moment que le milieu urbain me chagrinait, j’avais connu dans le nord du pays de très belles rencontres et depuis mon départ de Stockholm je ne me sentais plus trop dans ce voyage découverte. Ce soir je suis fier d’afficher un petit 130km et le souvenir d’une très belle rencontre.
Tack sa mycket.
A pluche !
PS : Jo Zef enlève moi ce foulard de sur ta tête, je n’ai pas envie que tu me lises les lignes de la main, mon destin est juste devant moi.

Un gros coup de blues…

18 août 2012
Un dernier échange complice avec Valentin avant le départ...

Un dernier échange complice avec Valentin avant le départ...

Le zip d’une tente qui s’ouvre, Valentin a du m’entendre ranger mon vélo, on discute ensemble. Je l’observe partir vers les sanitaires, privé de ses deux jambes il n’est pas appareillé. Je vois en lui un gamin serviable, toujours souriant qui malgré sa double amputation fémorale est la joie de vivre. Je suis à fleur de peau, ces 3000km de vélo me font des soucis, ai-je bien estimé l’effort ?  Il revient, je me maudis d’être aussi axé sur mon égo, au loin il me sourit, je me mords les lèvres. Le cumul des deux mois passés peut-être, je me mets à pleurer comme un gosse. Je m’agenouille, il me prend dans ses bras. Promis, « neveu de vie », pour toi je donnerai le meilleur de moi-même, promis !

Aujourd’hui je vais me retrouver seul, le camion va rentrer pour la France, je ne dois rien oublier. Je vérifie une énième fois mes sacoches et nous partons. Je n’ai pas récupéré de la journée d’hier, je crois plutôt que c’est mon mental qui est en bas. Je fais mouliner mes jambes mais ça ne veut pas venir, je tente le vide. Je connais ces situations, il faut les contourner plutôt que les affronter. Jusqu’à midi, c’est difficile. A l’entrée de la ville de Norrköpping, l’autoroute me barre la route, je n’ai pas l’énergie de me perdre, je charge le vélo dans le fourgon. Une fois passée la plus grande ville de la région, nous nous arrêtons pour le déjeuner sous des pins. Nicolas et Robin sont euphoriques de savoir qu’ils vont repartir pour la France, quant à Valentin je le sens triste de cette séparation. On se serre la main et je reprends ma route en solo. Le soleil me cuit le cerveau, je pédale mais je n’y suis plus. Au 100éme km je stoppe tout. Un hangar oublié au bout d’une route fermée, me servira d’abri pour ce soir. Je n’ai pas beaucoup d’eau mais je vais m’arranger pour tenir le coup jusqu’à demain, je trouverai bien une ferme sur mon chemin. Je monte ma petite tente, la tristesse m’a bien en main, mon rendez-vous hebdomadaire du vendredi 17h40 sur France Bleu Frequenza Mora me demandera beaucoup d’effort pour rester dynamique. J’appelle ma princesse, deux mois qu’on ne s’est pas vu, elle me manque. Je crois qu’il va me falloir une bonne nuit de repos pour retrouver mon énergie habituelle. Ne vous inquiétez pas, je ne veux pas dissimuler mes ressentis, quand ça ne va pas trop fort, je ne dois pas vous le cacher. Une expédition aussi engager demande beaucoup d’énergie, plus mental que physique. Je m’autorise de temps à autre, à vider le trop plein. Ce soir je ressemble plus à un clochard des routes qu’à un bel aventurier qui ne redoute rien. J’ai mes peurs et ce soir je crois qu’elles seront dans mes doutes embrumés.  Je vais serrer très fort mes deux protégés, comme le fait un gosse qui a peur du noir, demain il fera jour et le guerrier pacifique reprendra sa croisade.
Bise à tous.

Presque une journée tranquille, enfin presque !

17 août 2012
Robin, Valentin, Nicolas et Frank prêts pour une nouvelle aventure !!!

Robin, Valentin, Nicolas et Frank prêts pour une nouvelle aventure !!!

A ma grande surprise la nuit fut sans bruit, en plein milieu de Stockholm un 15 août à bloc de touristes !!! Comme quoi, l’effet éponge, les latins deviennent silencieux chez les scandinaves.
Ce matin, promis, juré je pars pour une petite journée. Il faudra encore l’aide du GPS des jeunes pour sortir de la capitale. 15km urbain que je n’apprécie pas du tout. Puis d’un coup la campagne. Le problème c’est que le réseau routier est très récent et l’autoroute est souvent la seule voie. Il va falloir jouer de malice pour trouver la bonne route. Un mélange de forêt et de champs agricole. Je revis, si cela pouvait être comme ça tout du long de mon chemin. Le ciel est bien bleu ma première journée complète de vélo s’annonce merveilleuse. Je possède deux cartes, une édition locale avec plein de petites routes et la Michelin plus grand axe. Je choisi celle des petits chemins ! C’est là où commence l’aventure. Je voudrais faire une sorte de traversée diagonale pour rejoindre une autre nationale, mais voilà la carte comporte des noms de lieux dits qui n’existent pas. Le GPS du fourgon est perdu et Frank pédale sur des chemins de terres qui tournent, retournent et tournent encore ! Un sacré raccourci qui me fera une petite rallonge de presque 20km. Entrevous et moi je ne suis ni en colère, ni dessus. La forêt est magnifique, les biches ne doivent pas souvent voir de cycliste unijambiste, les écureuils en profitent pour traverser au dernier moment mais nous sommes un poil perdu ! Finalement je retrouve un bled qui nous amène sur une route goudronnée qui reprend une nationale qui fait route au sud. Ouf ! Mais où va-t-on dormir, ce soir ? Pas de camping en vue, alors je continue de pédaler. 100km tout rond, c’est une bonne journée, 110km, bon va falloir trouver, 120km tiens il pleut, 130km, c’est quand qu’on arrive ? 131km nous sommes
devant un terrain vague grillagé de barbelé ! Pas fameux le « Camping de la plage » ! Le prochain est à 20 bornes à l’opposé de notre route !!! STOP ! Je suis cuit, vélo dans le fourgon et le pédaleur en  passager clandestin. Une belle pelouse dans un camping calme et une longue douche chaude, quel délice. Demain les jeunes reprendront la route pour rentrer en France et moi je reprendrai mon bâton de pèlerin solitaire pour commencer un  autre voyage de l’intérieur.  Promis dés à présent quand  je serai cuit je m’arrête et monterai ma tente où je suis. Seul sans véhicule, c’est  beaucoup plus facile de dénicher une bordure de rivière ou de lac pour faire relâche. Une bonne petite journée pour commencer la partie 4 !
A pluche !

Encore une bien belle journée…

8 août 2012
Norra et Jo Zef en très bonne compagnie...

Norra et Jo Zef en très bonne compagnie...

Qu’est ce qu’on est bien emmitouflé dans son duvet quand dehors c’est le déluge, mais le nomade a besoin de rependre la route, une drogue douce, une vis sans fin : Et comment ce sera là-bas en face ? Je me remémore le rêve de cette nuit j’étais avec Sylvain Tesson et on sillonnait une montagne enneigée à peau de phoque, certainement un souvenir de notre rencontre au festival du film d’aventures de Val d’Isère. J’ai dévoré tous ces livres, si vous ne l’avez pas encore fait dépêchez vous c’est sublime. Nous discutions de notre quête qui nous mène à ne jamais rester au même endroit, à rencontrer les « Autres » pour mieux se connaître. Un thé à la menthe à l’ombre aux îles Kerkennah, un morceau de phoque bouilli dans un fjord de l’Est du Groenland, un sourire d’un enfant athapascan là-bas très au nord de l’Alaska. Le voyage en ermite nous permet la rencontre de l’autre. Arriver dans un endroit par un long et fastidieux parcours ouvre de suite les portes. Un mot dans la langue local, une connaissance des us et coutumes et l’étranger devient le frère d’un soir. Le vent est bien sur toujours et encore sudiste. Les îles vont un peu m’aider à me cacher mais je sens que la tâche va être rude. Il fraîchit, c’est son histoire moi j’ai envie d’avancer. Je suis serein, j’ai pris le coup d’avoir le pif ventilé. Le passage de Blidö m’avait refroidi, je ne m’attendais pas à une île aussi urbaine, je me serais cru sur les bords d’un grand lac d’Italie, beau, mais rempli de maisons sans âme. Enfin je retrouve le côté sauvage que j’ai aimé dans ce voyage en kayak, le vent se renforce, temps pis pour lui, moi j’avance. Je suis à ma place, pas hier, ni demain, juste maintenant. Je rejoins une longue île qui comporte une brèche, je pense que cela doit passer. Je suis à quelques mètres du bord, les fortes pluies d’hier ont rafraîchit l’atmosphère et libèrent toutes les saveurs forestières, je hume comme le fait l’ours brun. J’avance contre le vent, notre vitesse est faible ça tombe bien on n’est pas pressés. J’invente cette maxime :
« Il n’y a pas de vent contraire, c’est notre route qui est dans le mauvais sens ».

C’est bizarre, le chenal, il me semble que je m’en approche mais je ne le vois toujours pas. Le vent se renforce sévèrement, à la limite du tenable. Ca devrait être derrière la pointe. Encore rien, j’allume mon GPS, je n’arrive plus à me positionner sur la carte. Je tombe des nus, je l’ai dépassé de 800mts ! Demi tour, j’avance avec le vent dans les fesses, mais on va trop vite, 6,5km/h, cela faisait un bail. Effectivement, le passage est bien là, ma rêverie et mon bien-être mon fait passer sans le voir. Un poil rêveur le kayakiste des vents contraires !!! De l’autre côté le ventilateur est toujours en marche, je suis toujours bien mais la moyenne est l’une des plus basse depuis le départ. Ce n’est pas grave, ce qui est pris n’est plus à prendre. Au bout de 6h je vois enfin le cap où je vais pouvoir bifurquer, une clairière s’offre à nous, le vent lui par solidarité nous suit aussi. On tourne, il vire ! La place me plait, elle est plate et bien abritée, une cabane rouge à 200mts, je vais demander si je peux bivouaquer. « Hej ! Vous êtes français ? » «  Oui mais comment le savez-vous ? » «  Votre accent ! » me répond la personne en excellent français. Je suis surpris et heureux. En échangeant quelques mots je lui demande d’où lui vient cette facilité à maitriser la langue de Molière. « J’ai de la famille dans le sud de la France, à Menton et j’y ai passé toute ma jeunesse «  me répond-t-elle d’un air pensif !!! « Menton, mais j’y suis né, j’y ai vécu jusqu’à 30ans. » «  Ma tante était mariée avec le docteur Grasset !»  je manque de m’évanouir. « Vous êtes donc la cousine germaine de Patrick et Kristina Grasset !!! » 24 000 îles dans l’archipel de Stockholm et je tombe sur la seule personne qui connait des copains d’enfance. Incroyable, mais vrai ! On parle de boite de nuit où l’on allait quand j’avais 15-16 ans, je bossais déjà dur mais pour rien au monde on ne loupait avec les copains la fièvre du vendredi et samedi soir. Mon père et ses potes avaient un club de plongée qui avait un deal avec l’organisme EF (école française) qui faisait venir pendant tout l’été des scandinaves qui allaient à l’école le matin et l’après-midi avaient des activités à bas coût comme la plongée sous-marine. Patrick, le cousin germain d’Anna que je viens de rencontrer, connaissait les bases du suédois par sa mère et je peux vous dire qu’il était souvent d’un grand secours pour arriver à sortir avec l’une d’entre elle. Ce n’était que des flirts mais nous nous faisions vraiment plaisir. Je crois que beaucoup de copains qui viennent régulièrement sur mon blog doivent eux aussi se souvenir. Encore un clin d’oeil improbable de la vie. Vous m’auriez dit cela ce matin jamais je ne vous aurais cru !
I’m a free man !
A pluche !

Jour de repos et rencontre…

30 juillet 2012
Encore et toujours un bel accueil chaleureux, quel bonheur !!!

Encore et toujours un bel accueil chaleureux, quel bonheur !!!

L’été suédois continue de sévir, pluie discontinue toute la nuit, il parait que c’est le pire depuis quelques décennies ! Je suis en avance sur mon programme de navigation, je décide de rester là aujourd’hui. Je sens que mon corps et surtout mon esprit ont besoin de calme, de reprendre un peu d’énergie. Hier soir j’ai appris que le village était à 5km et qu’il y a avait une épicerie. Tranquillement muni de mon sac à dos je pars en balade. Des fraises des bois grosses comme des cerises que personne ne ramasse, certainement la peur d’attraper la maladie transmise par les renards. A l’Ouest une barre bleue d’azur, certainement le retour du soleil. Au détour d’un virage une biche traverse, sans se soucier de moi, la route..  belle rencontre matinale. La route semble mener à nulle part, à la première maison habitée je m’informerais. Pour l’instant tout semble vide, puis une cabane blanche a la porte ouverte. Un homme en peignoir me sourit, je lui demande si je suis sur la bonne route pour le village et à quelle distance exacte est-il ? Encore 5 bornes mais il n’ouvre qu’à 9h, je dois y aller moi aussi me dit-il. Je le remercie mais je préfère un peu marcher dans ce cadre magnifique, la pluie fait ressortir toutes les fragrances de la forêt, je m’enivre de bon matin ! Un taxi me double et ralentit, il me demande ma destination, mais je ne veux pas de ses services. Il insiste, sa cliente derrière ne dira rien, elle a un lourd déficient mental, il l’amène dans un centre spécialisé. Entre vous et moi je crois surtout qu’il a surtout envie d’avoir une compagnie, sa cliente est très agitée et je le sens un peu perdu !!! Finalement il me déposera sans me demander quoi que ce soit devant la superette, ma casquette avait l’air de plaire à la jeune fille qui n’arrêtait pas de vouloir me la chiper.
Je fais mes courses en essayant de ne rien oublier, ma liste en main je salive déjà du festin de tout à l’heure. A la caisse je reconnais l’homme en peignoir, qui ne l’est plus d’ailleurs. Il discute avec moi et me propose de me ramener jusqu’à mon camp. Lars travaille au parlement à Stockholm et semble passionné par ma « croisade ». Il me demande si j’ai contacté les médias suédois ? Je ris en lui répondant, vous savez en ce moment je ne pense qu’à une seule chose, avancer en restant entier, façon de parler ! Il me propose de le faire pour moi. Je lui laisse mes coordonnées sans trop y croire. Alors que je me prépare un petit déjeuné pantagruélique, mon téléphone sonne, une journaliste veut me rencontrer. Ce matin je ne savais pas si je reprenais la mer et me voilà avec un agent en communication qui veut faire la promo de Bout de vie ! Jana, est attentive et demain dans le journal régional, Arcticorsica sera décrit en suédois. Mais Lars ne veut pas en rester là, il est convaincu qu’il faut que ce soit du national, il s’engage à le faire pour moi, pour vous, pour nous.
Tak Lars !

PS : Jo Zef reprend du poil de la bête, le lyophilisé ça nourrit pas la mascotte et puis il a une grosse excuse avec Norra…
A pluche !

Un jour gravé à tout jamais !!!

26 juillet 2012
Immaqa chasse neige à roseaux...

Immaqa chasse neige à roseaux...

Il y a des jours qui restent gravés à vie ! Qui ne se souvient pas de la date d’un grave accident, d’une rencontre qui bouleverse notre vie à tout jamais. Ce 26 juillet 2012 sera gravé à vie dans mon âme.
En plein milieu de la nuit un orage s’abat sur nous un déluge d’eau et surtout une subite rotation du vent au Nord, je n’arrive plus à retrouver le sommeil. 5h30 je sors de mon refuge, sans attendre j’envoie mon cerf-volant. Pour l’instant je suis protégé par la multitude d’îles, mais après ! Une petite demi-heure et je commence à comprendre que je vais une fois de plus prendre une sévère leçon d’humilité. Le vent n’est pas si violent 30 à 40 km dans le bon sens, mais la houle enfle de plus en plus. Je reçois le bulletin météo, cela devrais se calmer en fin d’après midi. Je poursuis, je n’arrive plus à avaler ma salive, je suis tendu mais je ne le dois pas. Je dois rester concentré ! La houle déferle, les rouleaux me doublent comme des TGV, il ne faut absolument pas que je me mette en travers. Le kayak est très lourd ce n’est pas un jouet de plage, je pagaie avec les oreilles toutes tendues. Je sais qu’à 15 km devant moi je passerai à l’abri d’un nouvel archipel, mais il faut y arriver. Cela fait deux heures que ça remue et depuis quelques instants la houle a encore pris du volume et commence à déferler de manière inquiétante. Soudain j’entends un bruit sourd monstrueux, je sens la catastrophe arriver, trois vagues successives  de trois mètres me prennent par la poupe. A la première je monte d’un étage, elle déferle je ne dois pas tomber dans son lit. Le cerf-volant prend une rafale, il fait un piqué vers la mer, s’il tombe à l’eau je suis foutu, ces suspentes vont s’enchevêtrer dans mon safran et je ne pourrai plus le diriger. Un miracle il frôle la crête d’une lame et repart vers le ciel tout aussi vite. La deuxième me projette comme un vulgaire chiffon, la troisième me submerge, mais Immaqa tient le cap. Je me retrouve dans une mousse d’écume, je suis encore de ce monde. Je poursuis de toute façon je n’ai plus le choix. Devant moi une barre blanche, c’est la passe que je dois franchir, mais par quelle « porte » passer ? Le cerf-volant me maintien bien mais je dois trouver l’issue de ce cauchemar ! J’écarquille tout grand mes yeux, je sais que je peux passer, j’ai étudié la carte hier soir. Il n’y a plus que cinq mètres d’eau en profondeur, je suis sur un manège grandeur nature, je décèle un trou, une passe de 10 mètres de large pas plus, je m’envole, je n’ai jamais été aussi vite de ma vie, 12km heure !!! Finalement je retrouve une mer calme et un vent portant. Je poursuis ma route, double quelques îles et le vent qui devait tomber ce soir faibli d’un coup, je continue sud, je ne veux pas laisser l’opportunité de louper une telle aubaine. 13H45 je rentre dans un chenal qui me fera couper un immense cap qui doit être bien secoué en ce moment. Le boyau se resserre, je sens un truc bizarre, comme si il allait se passer encore quelques choses ! Je passe une cabane qui m’annonce qu’il n’y a plus de passage !!! Non je ne peux y croire, têtu comme une bourrique j’avance, Immaqa devient un chasse neige à roseau. Je me retrouve coincé, empêtré. Mais ce n’est pas possible ça n’en finira jamais alors ! Je tente de m’approcher du bord, je sors du
kayak, de l’eau jusqu’à la taille. Ce n’est pas grave, ce n’est pas le moment de se plaindre. Je trouve un talus avec une route en terre. Je vide l’eau des bottes et de la prothèse et cherche la solution. La seule, un portage. Je retourne démonter mon barda une fois un peu allégé, je le tire jusqu’à la rive, je fais des allers et retours avec tout mon matériel, le terrain est escarpé, je tombe sans gravité. Je me gueule dessus : « Reste concentré Frank ! Concentré ! » Une fois tout monté j’entends une voiture arriver, un vieil homme ne parlant pas anglais me vois trempé au bord de son chemin. Il me baragouine des trucs que je ne cherche pas à déchiffrer et s’en va. Je continue de toute façon je n’ai pas le choix. Une fois tout monté, je cherche comment faire pour passer Immaqa sans le blesser, même à vide il pèse 48 kilos pour 5,40mts de long. Un jeune homme arrive à pied, il parle anglais c’est son père qui l’a appelé. Il sourit avec le flegme et la sérénité suédoise.  Il me demande de rebrousser chemin avec mon kayak vide, cela devrait passer facilement puis me récupérera. Je me retrouve devant sa ferme, sur une pente douce d’herbe. Immaqa est hissé à terre. Une grosse remorque agricole va le transporter. Nous passons récupérer mon matos sur le bord de la route pour faire les 1300mts de morceau de canal que la vase et les roseaux ont envahi. J’arrive sur le terrain d’une autre ferme, le propriétaire m’accuelle le sourire aux lèvres. Je décharge tout  ; le voisinage est au courant et me rend visite, la presse locale aussi, j’en ai le tournis. Je remets tout en place quand l’homme me demande où je pense passer ma prochaine nuit ? Je ne sais, et lui désigne l’îlot en face : un tas de cailloux. Il me dit que je pourrais dresser ma tente dans son jardin, puis malgré un faible anglais, il me pose des questions, puis me propose une cabane qui lui sert de débarras.
J’accepte à leur manière, sans joie exagérée, puis revient en me demandant si je veux bien diner avec lui et sa femme. Ils ne roulent pas sur l’or ce sera des patates, des œufs durs, un peu de harengs et des tartines beurrées. Toujours tranquillement, il m’indique que si je veux je peux prendre une douche chaude.
Ce soir je suis assis devant ce canal paisible, Immaqa est déjà chargé, demain je reprends le large.
I m a free man !
Jo Zef en comptabilité on en est où ? 48km plus 1300 en tracteur !!!
A pluche !