Samedi 31 décembre 2005 – Toujours plus haut, toujours plus loin !

31 décembre 2005

Comme d’hab, le vent est pas encore dans le bon sens mais c’est la vie. Il nous remonte sur la zone de turbulence mais on avance bien alors pourquoi se plaindre ? Jour partculier et oui une bougie de plus sur le gateau d’anniverssaire : 41 ans et toutes mes dents mais une guibole en moins, ben ouai nul n’est parfait.

L’année dernière, à cette heure ci je venais juste de planter la bannière de bout de vie au sommet du Huru Peak 5895 mètres d’altitude (Kilimanjaro) point culminant d’Afrique. Et cette année, me voilà en train d’essayer de traverser un océan à la rame ?! Certains doivent se dire mais qu’est ce qui les pousse à faire ces trucs ? On vous rassure, on le sait même pas nous mêmes !!! (RIRE)

Le dépassement de soi est une manière de crier haut et fort à la planète qu’on est pas mort même raccourci d’un morceau. De ma blessure jaillie un océan de liberté… L’année dernière, après mon retour de Tanzanie, à part Corse Matin que je salue d’ailleurs, aucun média n’a relaté cette ascension. Si ! Le magazine montagne : 4 lignes ! Alors que quelques pages loin plus il y avait un reportage de 4 pages sur des cadres d’une grosse boite de voyagistes qui faisait eux aussi cette ascension ! (soupir) Dommage je pense que ca aurait pu être porteur d’espoir ! Alors amis journalistes, changez votre fusil d’épaule et ouvrez les voies du bonheur à ceux qui l’on cru perdu à tout jamais… Dans tous les cas, l’important c’est de se reconnaître soi-même!

Vendredi 30 décembre 2005 – Ca fait un mois qu’on rame !

30 décembre 2005

Hier pour la énième fois, le vent a tourné pile poil dans le nez !!! Ah ah mort de rire ?! Ancre flottante et au bouleau car avec le temps pas mal de choses s’usent à bord, à part le moral qui malgré quelques petits passages à vide reste bon et confiant.

Donc bricolage océanique, graissage des roulements, des roues de chariot et remplacement des roulements à billes assassinés par le sel. Le tout dans un clapot du tonnerre de dieu, histoire que les trippes s’en souviennent !

Ensuite : rasage de prêt, miam miam et dodo. Mais savez-vous comment deux unijambistes dorment dans une machine à laver ? Non ! Alors on va vous expliquer.

Dumé, amputé fémoral ne peut pas rester sur le dos ou le coté car sans la totalité de sa deuxiéme jambe il roule et est donc projeté contre la paroi. La parade est de rester à plat ventre, le bassin calé par des serviettes, le tronc par un coussin et les bras en croix. Quand à moi plus chanceux puisque moins raccourci je cale le moignon dans des t-hirt et reste plus au moins à plat ventre, les bras bien calés pour éviter l’expulsion…

Sympa comme croisière! Sinon le vent a repris le bon sens et nous attendons une jeune fille qui sait se faire attendre comme toute jolie créature qui se respecte : mademoiselle Alizée !

« L » qui est toujours là nous a dit que c’était pour bientôt ?

Mercredi 28 décembre 2005 – Coup de vent force 7

28 décembre 2005

Rebelote coup de vent. Mais cette fois dans le bon sens, des trombes d’eau nous tombent dessus et hier nous avons filés comme un matelas de plage à la dérive. Si on vous dit que la vie à bord est un enfer, ça fait rabat-joie et pourtant c’est comme bien vrai. Nous sommes, du moins nous espérons être à mi-parcours car par moment la course semble dérisoire.

L’océan nous met à genoux peut-être parce que ça ne lui convient pas de voir qu’on se sert de lui ! Nous sommes comme deux bestioles cachées, poursuivies par le chasseur, attendant dans notre tanière humide et sale, des jours meilleurs… Vos messages de soutient nous touchent et nous vous en remercions. Rêve de rameur : une douche chaude et abondante avec à la sortie un simple thé chaud puis s’endormir en position foetal dans les bras de son amoureuse sur un lit qui ne gigote pas dans tous les sens…

Mardi 27 décembre 2005 – Entourés d’immeubles

27 décembre 2005

Cette nuit fera partie des nuits à oublier tout doucement comme le fait si bien dame atlantique. Nous avons de la houle venant du Nord Ouest croisée avec un vent d’une vingtaine de noeuds de Nord Est.

Nos tours de rames respectifs étaient très solennels et concentrés. Les coups d’aviron ne servant qu’à une seule chose : ne pas se mettre en travers et mettre le programme essorage NON DELICAT en route !

La nuit fut longue et douloureuse mais le côté positif est le nombre de milles nautiques effectuées en 24 heures :76, record battu pour l’instant. Dommage que la très forte houle de Nord Ouest ait gachée cette partie de luge ! A 6h15 la nuit laisse doucement place au petit jour, les yeux arrivent à deviner la marmite en ébulition sur laquelle nous tentons de naviguer. Soudain malgré la grosse fatigue ; comme dans un rêve une énorme baleine se trouve dans notre sillage. Elle s’approche à quelques encablures et bondit deux fois hors de l’eau en faisant un déplacement d’eau gigantesque. J’ai du mal à avaler ma salive. Un dernier coup de queue et elle sombre dans les abysses. Le jour naissant, la furie laisse place à un calme relatif. 8 heures Dumé vient me remplacer ! C’est bon d’être son « Frangin »…

Lundi 26 décembre 2005 – Nuit étoilée

26 décembre 2005

22 heures : fin du quart de Dumé, à mon tour de ramer ! C’est le seul quart où je m’autorise à écouter de la musique, hier soir j’ai attaqué par mozart puis on change de planète avec des rappeurs marseillais, histoire de sourire et pour finir : de la musique corse ; celle qui me rappelle des sourires, des joies, des peines, des chanteurs qui s’expriment avec les trippes et non le porte monnaie. Vous voulez des noms ? Surghjenti, Canta, Albinu, Giramundu, Chjama, Aghjalesi, … Et bien sur, tout droit de las vegas de St Maria les incontournables Daniel et José le groupe internationalement connu les « I mantini » auteur d’un superbe morceau qui est l’hymne de Bout de vie en vente au profit de l’association. D’ailleurs depuis quelques jour il on sorti un nouvel album qui d’après certains « amis » se vend très bien en Corse ! Deux à Porto Vecchio, trois à aleria et huit quand même sur la place St Nicolas de Bastia, Capitale Européenne !

Si vous avez déjà acheté quelque chose à la boutique bout de vie on vous autorise à acheter leurs produits sur « Imantini.com » car ils sont gentils, bien braves et surtout nourissent beaucoup d’enfants au quatre coins de la Corse alors faites un geste, de grâce ! Merci on vous aime et derrière chaque étoile se cache l’un de vous. C’est pour ça qu’il faut regarder les étoiles.

Dimanche 25 décembre 2006 – Joyeux noël

25 décembre 2005

Vous qui êtes dans votre lit d’hôpital en train de vous plaindre que c’est injuste ce qui vous est arrivé ! Dîtes vous que c’est de la gnognotte en comparaison d’une traversée océanique à la rame. Si si, on peut vous le dire on est passé avant vous ! Alors on sert les fesses et on se dit que ça passera et que vous êtes pas tout seul a en baver !

Avec ces histoires de noël et de traditions, hier Jo Zef nous a fait venir à quelques mètres de notre frêle yole un Rorqual d’au moins 8 mètres, la poêle de bord à la main il lui faisait signe de monter dedans pour la cuisiner. Sa logique est implaccable : « faute de dinde on bouffe une baleine ». Avec beaucoup de tact nous avons expliquer au cuistot à poil qu’il y avait à bord de très bons produits lyophilisés et presentés nos excuses à dame baleine de ce petit moment d’égarement de la part de notre mascotte…

Le moral est bon, on commence à trouver du vent dans le bon sens et les nouvelles de monseigneur prince des océans à la rame : maître Jo Leguen, plus celles du PC (je rappelle que ça ne signifie pas petite crevette) nous motivent pour souquer ferme. Nous pensons bien fort à nos familles et on vous embrasse.

Blague à deux pesos ! La difference entre un rameur océanique et un sapin de noël ? Aucune dans les deux cas les boules servent de décoration ! Bises à la famille de minouche !

Samedi 24 décembre 2005 – On est pas mort

24 décembre 2005

Certains de vos messages nous surprennent, bien sur qu’on souffre aussi bien physiquement que mentalement mais à votre avis pensez-vous que nous allons baisser les bras ? Non ! Ne vous inquiètez pas on y arrivera ! On est sorti de situations plus longues et plus merdiques alors de grâce pensez fort à nous allumer une bougie et rendez-vous a l’arrivée ! On va tout faire pour vous surprendre ! Faîtes passer le message on est fatigué c’est clair, la route est longue mais on tient le bon bout, de vie bien sur ! Valides, tremblez, ils reviennent !!!

Visite éclair du père noël ! C’est comme le bon dieu, on est pas obligé d’y croire ?!

Vendredi 23 décembre 2005 – Ca sent le chaud !

23 décembre 2005

Jo Zef nous a donné un scoop ! Que le jour de notre dèpart, il y avait d’autres bateaux à rames ??? Pas possible alors on est pas les seuls félés ! Il paraît même que c’est une course, mais on était pas au courant ! Et d’aprés les rumeurs de coursive il paraît qu’on serait même bien classés ? Promis on pas fait exprés. D’abord on s’est gourré de route trop au sud (on a suivi les conseils de Jo Zef) puis pendant 10 jours on a bouchonné ensuite on a taquiné le goujon pour changer des sachets et barres vitaminées. ET on nous annonce que l’on est bien classé ! Peut-être que ce sont des handicapés ?

On a jamais vu des pauvres unijambistes battrent des valides ? Ca ce saurait ! Gros bisous à Zezette, Jean-Pierre attention au régime ! Jean-Luc respire un bon coup ! Ainsi qu’à tous les enfoirés qui en lisant ce journal se préparent à un gavage intempestif et honteux par rapport à notre super cantine du bord !

Jeudi 22 décembre 2005 – Doucement mais sûrement

22 décembre 2005

Gentillement mais sûrement le vent tourne pour nous propulser dans le bon sens. C’est fou ce que le corps peu encaisser, on dort de moins en moins, manger c’est pas le top mais le moral est tout de même là. Quand on sent qu’on va craquer l’autre est au petit soin pour l’autre et vis et versa, heureusement que c’est jamais en même temps.

Ce matin un voilier nous a doublé sans même nous calculer, avec la longue houle et la taille de notre yacht il ne nous a pas vu ! Chaque fois qu’un voilier nous croise sans nous voir je pense au pauvres naufragés à la dérive sur leur radeau de survie, l’espérance qui passe à portée d’aviron sans s’arrêter.

Comme quand on est amputé, des espoirs qui vous frôlent mais s’envolent, mais l’important c’est de ne pas perdre espoir car tout a une fin, comme notre arrivée si lointaine. Pourtant un jour la délivrance arrivera et tous ensembles nous remarcherons.

Mercredi 21 décembre 2005 – Cocktail de mer

21 décembre 2005

Pour faire un vrai cocktail de mer : prenez une houle de nord ouest croisée avec une forte houle de nord est, appliquez lui un vent frais de nord de 15-20 noeuds, prenez deux unijambistes bien frappés, un zeste de transpiration de mâle et incorporez le tout dans un shaker type bateau à rame. Vous obtiendrez un super cocktail océanique. Biensûr celui-ci peut être accompagné de petites galettes bien chaudes !

Blague à part, qu’en est-il de la vie à bord avec nos amputations ? Beaucoup plus difficile que prévue, Dumé avec son système de prothèse manchon siliconée ne peut l’utiliser et doit donc se déplacer sans ! Comme vous pouvez l’imaginer le moindre déplacement demande beaucoup d’effort et d’énergie en plus du reste. Son moignon n’étant pas appareillé, il gonfle énormément et doit donc être bandé 24 heures sur 24.

Quant à moi, c’est un peu moins compliqué puisque je suis amputé tibiale bien que les déplacements sur le bateau avec une articulation de cheville mole restent du domaine acrobatique. C’est vrai, on le reconnait, on a un léger handicap par rapport aux autres concurrents.