Presque arrivé à mon arrêt du soir... Ouf!
Un petit air de Sibérie me fait partir un peu plus tard, au lieu des 6h30 « obligatoire » je reporte à 8h, brouillard et un 9°au thermomètre, un coup à congestionner un couple de mascottes. Cette fois j’ai récupéré, je suis en pleine forme. Je me doute de ce qui m’attend, la montagne ! Je quitte la piste R1 pour la R7, ce système est absolument génial, une sorte de fléchage comme sur les GR. Il y a quelques jours je passais une bonne heure par soir pour pointer les carrefours de ma future journée sur mon GPS de poche pour éviter de me perdre, là comme un petit mouton, je suis le jeu de piste. Le soleil bouscule les nuages, la forêt reprend des couleurs et le dénivelé s’est endimanché rien que pour nous. Au programme 45km de montée !!! Non les mascottes, on ne va pas y aller en mobylette ! Cette journée va être un vrai test pour ma cheville, je ne vais plus pouvoir ne pas forcer. « Vélo+barda » représentent 30 kilos, je pédale pratiquement que de la jambe gauche, donc ça passe ou ça casse ! Des panneaux sournois annoncent les dénivelés, commençons par un 8%, pas long mais juste pour donner le tempo, je mouline mais je sens que je force comme un taureau, tout semble tenir. Le terrain devient plus humain, j’enlève des couches. Une heure, ça va, deux heures : c’est quand qu’on arrive ? Trois heures, un sale panneau annonce 11% !!! Personnel Arcticorsica, sur le pont, la guerre est déclarée, feu à volonté et surtout pas de prisonnier !!! Je pense que je force un peu !!! Je tiens le choc, la cheville aussi, devant nous un couple en VTT tente aussi l’aventure, ce seront mes victimes ! Ils sont moins chargés mais ils semblent souffrir, on va les achever. Doucement j’arrive dans leurs roues, ils soufflent, ils suent, je double. Hello, nice day today !!! Ils sont carbonisés, je les dépasse. Non mais, ce n’est pas des bipèdes qui vont nous narguer, quand même ! Quatre heures de guerre interne pour arriver au sommet de la montagne des oiseaux, c’est son nom, je me sens bien, je dois rester prudent, je m’hydrate à outrance mais je dois refroidir la machine. Une table et des bancs avec un torrent, je vais y tremper le moteur. Quel délice, elle est polaire mais ma jambe et mon moignon revivent, pas de tracas pour l’instant. Mes victimes arrivent, ils sont jeunes mais n’ont pas la condition. J’ai droit à tous les compliments de la terre, ils ne savent pas pourtant que je ne suis qu’un sale gosse ! Ils m’apprennent qu’une piste cyclable m’amènera jusqu’à Bâle en Suisse, je glisserai le long de la rivière Main et du Rhin. Si je ne dis pas de bêtise, fini les montagnes allemandes. Qui vivra verra. Je fais mon break lunch mais un coup de barre monstrueux m’envahit, je lutte mais je suis cuit. J’essaie de penser à autre chose mais en bas ça ne veut plus. Je me recadre et reprends le dessus, pas facile de contrôler mental et physique en même temps. Finalement j’arrive à un grand panneau d’information sur les pistes qui m’attendent. J’ai le choix, tribord ou bâbord ? Je m’aperçois qu’il y a même des courbes de dénivelés avenirs. Oh mais la gauche nous parait intéressante. Jusqu’à la ville de Hanau, que de la descente, soit 70 bornes à « faignantiser »… Je lâche les chevaux, banzaï, on déboule comme des fadas. 45à 60km/h en pointe, ça dépote les copains. Plutôt que d’appeler le coin la montagne des oiseaux ils auraient mieux fait de la nommer la montagne des belettes, de partout ces demoiselles déambulent sans ce soucier du pèlerin en goguette. Les pauvres mustélidés, font quatre tours sur elles-mêmes à notre passage en roue libre, je retrouve la patate, on va chercher le 100km: Celui là, il est à nous aujourd’hui. Finalement à la petite bourgade de Wachterbach, je fouille pour un coin du soir. Un p’tit restau est ouvert, je lui explique que je cherche un gîte tranquille pour la nuit. Je comprends que mon interlocuteur est turc, j’ai vécu un an merveilleux dans ce beau pays, je sors les phrases qu’il me reste, cela fait déjà 16 ans !!! Il est de la région de Sinop sur la mer Noire, j’y suis allé, il m’offre un vrai tchaï. Je suis un peu à la maison. Il appelle son oncle qui a un hôtel, il va héberger le nomade à cloche pied… Ce soir au diner je vais me régaler de produits turcs, elle est pas belle la vie ! Après la douche et ma séance d’automassage aux huiles essentielles d’arnica, pas la moindre douleur, je verrai demain matin…
PS : Je viens d’apprendre que Thierry Corbalan n’avait pu aller au bout de sa traversée en mono palme entre l’ile d’Elbe et la Corse. Cette nuit vers 23h à cause du mauvais temps son équipe kayak ne pouvait plus avancer. Par ce billet je tenais à le féliciter pour sa ténacité et sa préparation drastique pour être présent au départ. La nature est plus forte que nous, elle est là pour nous enseigner patience et humilité… Bravo Monsieur Thierry…
A pluche !
Un vrai "Tchaï" et surtout encore une belle rencontre...