Il pleut sur Nantes…

19 juillet 2012 par Frank Laisser une réponse »

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La météo m’autorise à tenter encore une grande et longue traversée, depuis mon bivouac au cap Björkön, il y a 20 km tout droit plein Sud-SudEst. Je me cale dans Immaqa, une dernière vérification visuelle que tout soit bien fermé et étanche et nous prenons la mer. La forte brise de Nord-ouest est déjà là, nous sommes deux à être matinaux. Je pagaie au milieu de quatre îlots qui créée une sorte de dépression dans la ventilation du golfe ce qui me donne de violentes rafales assez inédites. Au passage de chaque caillou les vagues la contournent et viennent lécher le tribord de mon kayak. J’essaie par trois fois d’envoyer mon cerf-volant mais le vent est trop irrégulier et il ne peut s’envoler, je rage, je peste contre ces maudites perturbations. Au dernier îlot je peux un peu me protéger et lire le dernier bulletin de prévision météo, ça me rassure dans ma décision de couper tout droit.
Les sms de prévision marine de Véro comporte toujours un petit mot d’encouragement, ce matin j’en ai encore plus besoin que d’habitude ! Je sors de sous le vent de l’île et m’installe sur mon cap à suivre ; le ciel est bleu azur mais le vent du nord me glace les os. Pour l’instant c’est un ouest et non un nord-ouest annoncé qui me décoiffe et je suis ballotté par ce vent tribord arrière, le clapot devient déferlant ! Je tente de scruter l’horizon et suis convaincu qu’il prendra quelques degrés pour être à ma convenance. J’essaie avec calme et tact d’envoyer le cerf-volant, sans les turbulences créées par les îles, il s’envole dès le premier coup. Je ralenti un peu ma cadence mais ma vigilance s’accrue, les séries de déferlantes augmentent. Malgré le vent je retire ma capuche pour mieux entendre et sentir arriver les murs d’eau dans mon dos. Je n’ai pas peur, je n’en ai pas le temps et ce n’est surtout pas le moment de cogiter, j’y suis, je dois gérer. Je sens que je dois augmenter la vitesse du kayak, il faut qu’il reste dans l’axe des rouleaux qui nous doublent, si l’on se met en travers, c’est échec et mat. Je compte mes coups de pagaies, 60 à la minute, je ne sais pas si je vais tenir longtemps, mais ce qui est sur c’est que l’on va très vite. Une heure et je devine le passage du cap, j’arrive dans une zone
où il y a des hauts fonds, la carte mentionne 0,6 mts ! Je force l’observation tout en gardant le cap et la cadence, soudain à mon bâbord, je vois les roches affleurer, elles sont loin de moi, le courant est plus fort que je ne pensais. Deux heures de lutte fratricide, je ne suis toujours pas fatigué, le stress stimule mes glandes qui sécrètent de l’endomorphine, je serai fatigué une autre fois ! Le cap n’est plus très loin, trois heures que je mouline, je m’habitue, je suis plus à l’aise, Immaqa est un sacré kayak, je n’en connais qui ne tiendraient pas dans une mer aussi hostile, je m’y sens bien, un vrai ami sur qui je peux compter. 10h je double le cap Björkön, je suis enfin passé, je rentre doucement mon cerf-volant et savoure la paix d’une eau calme, malgré quelques rafales rebelles j’entends le vacarme de la houle qui s’écrase sur les hauts fonds du cap. Je me retourne pour mieux voir, je ne vois même plus d’où je viens, je ne m’en rappelle plus, je ne sais plus c’est déjà loin tout ça. Je ne sais pourquoi mais le refrain de la chanson de Barbara me vient en tête, et sans trop me rappeler les paroles je fredonne l’air de : « Il pleut sur Nantes ». Fatigue, fin de stress, passé qui ressurgit, en même temps que les mots sortent, je me mets à pleurer. I’am a free man.
Je longe à l’abri du vent et de la houle une côte sublime, des petits îlots couverts de forêt, à chaque fois je me promets d’y amener ma belle, je cabote, je suis heureux. Finalement  je trouve un petit caillou plat que je vais aborder et y monter mon camp. Malgré les 14° de
l’eau je me baigne dans les entrailles de la mer de Botnie, nu sur un bloc de roche je fais corps avec ce  granit, je récupère toute l’énergie de la terre, le soleil m’irradie de lumière. Je m’endors, un fort vent de Sud-Est me réveille. Je range ce qui traîne et savoure ce moment de solitude intense. Si demain c’est du sud je ferais le fainéant, j’ai pris un paquet d’avance encore aujourd’hui, donc je peux me calmer si j’y arrive!!! 38km de plus au compteur.
A pluche !

3 commentaires

  1. Genay Bruno dit :

    Salut les « wind … surfers ». Message de votre passage du Cap Björkön bien reçu. Accusé réception du mode « lézard sur la pierre chaude ». Attention au fourmis …. ça pique ! Bonne route et bon vent.
    Bises à tous.
    A pluche
    Bruce

  2. Festor dit :

    c’est parfois dur, souvent difficile mais tellement bon. Tu le sais depuis bien longtemps. Ne perd pas le Sud car le nord est dans le mauvais sens. Chaque coup de pagaie te rapproche de nous. Tu nous fais une fois de plus rêver. A bientôt mon vieux Cabochard. Vivement que je vienne te rejoindre. Je suis en pleine préparation intensive 100 bornes pour millau le 29 septembre. Je sors de blessure et une nouvelle refait son apparition. Je vais une fois de plus mettre mon moignon a dur épreuve. Heureusement, je pèse nettement moins lourd et au fil des jours et moi, je continu à m’affûter… Entrainement difficile = galère facile. En théorie, sur le papier. On le sait. Faut faire avec pour réussir…;)

  3. Barbara dit :

    Whaouuuu…quand on vous lis c’est toujours avec autan de plaisir et d’émotions,je vous imagine ou plutot je vous « vois » avec Immaga dans la mer rugissante…quelle énergie!!!Votre chère moitié peut etre fière…
    Bravo et surtout merci de partager avec nous ce « bout de vie »…..

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