Mare adentro…

15 mars 2010 par Frank Laisser une réponse »

leonard-de-vinci-11

Ce week end j’ai visionné un film extraordinaire Mare adentro .

Un homme se retrouve suite à un accident tétraplégique et 28 ans après il décide de mourir pour vivre !!!

Et si ça m’arrivait et si ça vous arrivait ?

Et dire que je me prenais pour une force de la nature indestructible !

L’intuition, le 6éme sens, la préméditation… Je ne sais comment je pourrais le définir mais souvent avant mon accident je disais tout haut que si je devais me retrouver infirme, « je me foutrais en l’air ».

J’avais 18 ans et déjà Cabochard, l’école était bien loin derrière et il n’y avait pas un sport où je ne m’étais illustré, le 9 juin 1983 à 19h20 le porte-avion Foch déploré un très grave accident de pont d’envol, le matelot Bruno venait d’être écrasé par un avion de chasse et devait être évacué vers la France au plus vite.

Un major bien gêné venait m’annoncer non sans difficulté que j’étais amputé de la jambe droite !

« Ça n’arrive pas qu’aux autres », cette phrase prenait tout son sens.

Le médecin chef qui me demande d’être fort quand il lève les draps, ce n’est plus deux jambes que j’aperçois mais une et demi ! Je m’en fous, je suis convaincu que c’est une mauvaise blague d’une nuit agitée et que je vais me réveiller, ce n’est pas possible, pas moi..

10 jours pour être rapatrié en France, sur la fourmilière du porte-avion (3000 hommes) malgré le raffut incessant de va et vient, je reconnais un pas de femme, ma mère.

Je commence à comprendre que je ne rêve plus et puis le temps passe et je suis bien obligé de baisser la garde, je suis infirme, amputé, ma jambe droite ne mérite plus que le nom de moignon…

j’ai mal, je veux mourir, je ne mérite pas cette étiquette « handicapé » et puis on s’adapte.

Tous on subit quelque chose de grave dans notre passage sur terre.

En regardant ce film, j’ai entendu des mots, des sensations qui parlent, qui sortent sans qu’on se rende compte. Le corps est mutilé mais l’esprit est libre de voyager. Ma chambre d’hôpital donnait sur un jardin et un jour un petit oiseau s’était posé sur son rebord, il m’observait sans se soucier de ce qui m’arrivait, je me mettais à pleurer profondément je ne sais toujours pas si ses sanglots étaient de détresse ou de joie d’être encore vivant.

On se retrouve prisonnier dans son corps qui ne veut plus fonctionner comme avant, on devient « matérialiste » et oui le corps devient un matériel qui ne fonctionne plus comme avant, le cerveau donne des ordres mais plus rien ne va, le tableau de contrôle clignote.

Bien sur la mort me paraissait douce et libératrice et puis le temps fait son boulot et puis une jambe en moins ce n’est pas si grave et puis sans s’y attendre la question lancinante qui revient alors qu’on croit que cette fois on a fait son deuil : « Pourquoi moi,  quelle injustice… »

Et puis on pleure un bon coup, on pique une grosse colère, on accuse la terre entière d’en être responsable et puis la vie reprend son cours. Quand je dis que la vie reprend son cours cela signifie tout ce qu’il y a dans un parcours d’homme et de femme, ce n’est pas parce que on a pris une grosse claque qu’on est exempt d’autres baffes. Des fois le destin semble s’acharner sur un être mais la vie n’a pas de règle c’est ça la seule règle .

D’avoir perdu un morceau de mon corps m’a peut être permis de gagner une partie de mon âme. 28 ans après je n’ai pas oublié « avant », pourtant c’est déjà loin ; Peut être c’est une excuse pour me plaindre, pour gémir, pour douter, pour trembler et si j’avais mes deux jambes et si je redevenais comme avant. Des questions sans réponses.

Ce film Mare Adentro m’a été remis comme ça au hasard et aujourd’hui j’avais envie de vous dire à mon tour et si cela vous arrivait ?

A voir sans modération même si vous allez certainement sangloté ou juste pleuré ce film est une histoire vraie.

Et si ça vous arrivait ?

Ramon Sampedro – Mar adentro

Mar adentro

Mar adentro, mar adentro,
y en la ingravidez del fondo
donde se cumplen los sueños,
se juntan dos voluntades
para cumplir un deseo.

Un beso enciende la vida
con un relámpago y un trueno,
y en una metamorfosis
mi cuerpo no es ya mi cuerpo ;
es como penetrar al centro del universo :

El abrazo más pueril,
y el más puro de los besos,
hasta vernos reducidos
en un único deseo :

Tu mirada y mi mirada
como un eco repitiendo, sin palabras :
más adentro, más adentro,
hasta el más allá del todo
por la sangre y por los huesos.

Pero me despierto siempre
y siempre quiero estar muerto
para seguir con mi boca
enredada en tus cabellos.

Ramon Sampedro

poème extrait de son recueil « cartas desde el infierno » dont alejandro amenabar s’est inspiré pour faire le film « mar adentro »
Ramon Sampedro est devenu tétraplégique suite à un accident en mer. il a combattu pour le droit à l’euthanasie. ce recueil rend compte de ce combat sous forme de poèmes, de lettres et de pensées…

*

Au loin, au plus profond

Au loin, au plus profond
et dans l’apesanteur du fond
où se réalisent les rêves,
s’unissent deux volontés
pour accomplir un désir.

Un baiser embrase la vie
En un éclair, un coup de tonnerre,
et par une métamorphose
mon corps n’est déjà plus mon corps ;
c’est comme pénétrer au centre de l’univers.

L’étreinte la plus puérile,
et le plus pur des baisers,
jusqu’à nous voir réduits
en un unique désir.

Ton regard et mon regard
comme un écho qui se répète, sans aucune parole :
encore plus loin, au plus profond
jusqu’à l’au-delà absolu
par le sang et par les os.

Mais toujours je me réveille
et toujours, je veux être mort
pour continuer avec ma bouche
emmêlée dans tes cheveux.

poème de Ramon Sampedro traduit de l’espagnol.

Le recueil paru en français est intitulé « Mourir de vivre »

  1. Patator dit :

    superbe post 😉

Laisser un commentaire