Et d’aventures en aventures…

13 août 2018
Ce matin est un matin comme un autre ici, calme, froid et silencieux.
Pourtant à la cabane bleue, deux potes se préparent à « l’aventure » ! Je
briefe mon binôme sur la journée à venir qui sera engagée et très certainement remplie de surprises. Le refrain habituel doit être entonné avant le départ ; explication du GPS, du téléphone sat, de la balise spot au cas où je serai en difficulté, ça n’arrive pas qu’aux autres !
Nous enfilons nos combinaisons de mer et nous partons vers le nord,
pour où ? Je n’en sais strictement rien ! Ifaraq file sur une mer ultra
plate, l’océan est très peu encombré de glace, le froid est saisissant mais
nous n’avons pas le droit de nous plaindre. Des gros icebergs sont encore
là, ils nous font de la peine : tous leurs copains ont déjà pris la route pour un long voyage. Nous pénétrons le grand golfe de Pakitsoq vers ces mers
intérieures mystérieuses qui m’attirent de plus en plus, il faudra voir avec le niveau de la marée qui est en face ascendante… Une baleine nous salue mais pas le temps de flâner, le « mystère » nous attend! Nous voilà devant le goulet de la grande mer fermée, le courant est jouable mais entre vous et moi j’ai les mains moites. La carte ne me donne pas les sondes, l’eau est blanchâtre il m’est donc impossible d’estimer la profondeur. Je m’engage, le courant secoue Ifaraq de toute sa quille, je donne de la puissance, nous rentrons en force. Nous y sommes! Déjà la dernière fois avec les jeunes, nous avions eu la chance d’y pénétrer mais c’était pile poil à l’étale, cette fois ci c’était plus « rock n’ roll » ! Nous filons plein pot, l’endroit est indescriptible, magique. Nous doublons l’île, celle devant laquelle les jeunes et moi avions fait demi-tour par prudence. Il nous reste 15 kms pour atteindre une autre gorge… Mais vers le nord, là où l’on devine la calotte glacière, un son, un bruit, un souffle nous surprend. Impossible, absolument impossible,
il ne peut y avoir de baleines ici ; le goulet est trop petit, pas assez profond! Aurions nous nos premières hallucinations ? Je change de cap et fonce dans une eau entre la couleur lait et turquoise. Nous essayons de comprendre, de deviner d’ou provient ce bruit. Un orque, un immense dauphin, pas un simple globicéphale polaire. Nous reprenons la route, je surveille la hauteur d’eau sur les berges, il ne faudra pas louper la sortie ce serait fatal, on m’a prévenu de multiples fois, mais ma curiosité est trop forte. Au bout d’une heure, il est temps de faire demi-tour, la sagesse prend le dessus. Dans le goulet le courant est rentrant, à 2000 tours minutes mon 75cv, est en pointe fixe, il lui faudra toute sa puissance pour passer ! Ouf on respire ! Nous reprenons nos esprits et la route vers la petite mer fermée pour y faire escale. Mon binôme est congelé, l’arrêt nouilles chinoises va nous réchauffer. Mais cette journée est un sacré cadeau. Une autre baleine nous salue ainsi qu’une bande de 30 phoques qui nous offre un sacré spectacle! Moteur coupé nous regardons faire ses pitres qui nous tiennent à distance. Le bateau bien amarré, une ancre derrière et deux amarres à terre, des milliers de petites mouches bouffeuses d’aventuriers du dimanche nous mettent à leur menu. Sac à dos cappelé nous cherchons rapidement un belvédère, vue à 360°, et suffisamment ventilé pour déjeuner sans nos moustiquaire de tête. Ces 4 semaines à jouer le restaurateur de maison bleue m’ont donné envie de baroude;  de l’autre côté du Belvédère, on aperçoit une cascade qui doit provenir d’un lac suspendu, nous tentons l’approche. La toundra est spongieuse, mais le pas est ferme.Au pied de la falaise une faille herbeuse pourrait être la clé de l’ascension. Je demande à mon pote s’il se sent de passer sans corde. Il est suisse valaisan et habitué des montagnes, il sera enchanté! Nous voilà engagés au milieu de nulle part, quelle sensation incroyable, à perte de vue pas âmes qui vivent, seulement nous et nos désirs de découvertes! Avec ma patte folle je suis extrêmement concentré, un loupé et adieu phoques, baleines et morues ! Sur un replat je joue de prudence, ici tout se ressemble, il nous faut cairner l’entrée de la vire, ce serait ballot de se perdre…
Au bout de 2h nous arrivons en place, le lac est là, notre mission est réussie. Je suggère au « capitaine du drakkar noir » d’ériger son propre cairn;  qui sait si un jour quelqu’un passe par là ! J’ai des doutes, lol !
Au retour, les phoques nous saluent dont un d’un peu trop près : il évite de justesse mon hélice et de finir par la même occasion dans mon assiette! La journée a été riche et  incroyablement fluide, avec un bel échange. J’en retiendrai un particulièrement lorsque mon binôme au cours d’une pause me pose « la » question : « Pour toi, c’est quoi l’Amour ? »
Whouaaaa….! J’aurais pu lui dire qu’aimer c’est la passion, c’est la fusion de deux êtres, c’est trembler de l’absence, c’est….  mais non.
Je lui ai dit simplement : « Aimer c’est offrir la liberté à l’autre, aimer c’est donner sans attendre rien en retour, aimer c’est devenir encore plus Homme, plus Femme…
 

A pluche

 
 
 
 
 

Et ca continue!

11 août 2018

Aluu les amis, je serai bref car la vie ici me pompe une belle énergie, on bosse sans relâche, mon « pote » le Capitaine du Drakkar noir suit mon rythme… Je ne veux pas m’arrêter, il y a un boulot immense à faire et j’aurai toute la mort pour me reposer. Ca y est, toutes les fenêtres son décapées et repeintes. Un boulot ingrat et poussiéreux surtout  quand on travaille avec les fenêtres ouvertes! Il me semble que mes doigts sont devenus des cornettos à la crème gelée !

Ok, je vais cesser de gémir, je suis au Groenland et vous dire que c’est toujours beau est un mot trop faible. Ce matin le soleil enfin revenu, avec une brise polaire, a inondé la cabane. Là, à deux pas, deux belles baleines nous ont honorées de leurs chants. Elles ont jouées devant nous dans un ballet unique et majestueux; inoubliable !

A Oqaatsut aujourd’hui, c’est la rentrée scolaire, l’église qui sert de salle de concert est aussi l’école, mais 50% des élèves sont absents, 3 sur 6. Ici, les images de référence sont toutes, autres qu’en bas au sud. La seule école qui compte ici c’est celle de la vie et je peux vous dire que de vivre ici, c’est l’université +++ !

Au village, ils nous voient travailler d’arrache pieds, pardon pour le jeu de mot, personne ne dit mot, personne ne vient nous voir mais je sens de temps à autres des regards furtifs. Je pense qu’ils sont heureux de voir la cabane reprendre vie. Le vendredi c’est le jour de la douche et de la lessive pour moi. A la salle communale, Fareq a vu mes cernes, ma perte de poids, il m’a sourit et m’a appelé « Frankini » ce doit être un compliment exceptionnel au Groenland! Il m’a expliqué l’histoire de ma maison, de ses habitants, il est heureux que je m’en occupe autant. Cela m’a fait du bien…

Inès, mon papillon, a fait de sa propre initiative un appel à cotisations sur le groupe Facebook. Vous savez qu’un projet mérite finances et vous savez qui en bénéficie alors on compte sur vous!!

Je vous souhaite tout le meilleur du monde.

PS : Une pensée pour Jean-Phillipe Rapp qui est à la tête du Festival du film d’aventure et d’exploit des Diablerets. Ce sera son dernier festival. Hélas on ne m’a prévenu qu’aujourd’hui que je devais lui faire une vidéo mais c’est mission impossible à Oqaatsut.

Alors voici quelques mots :

Cher Jean-Philippe, je suis très ému de savoir que c’est ta dernière, je ne pourrai jamais oublier tout ce que tu as fait pour moi. Quel honneur d’avoir gravi en direct le musée Olympique de Lausanne pour une conférence télé sur le dépassement de soi. Quel souvenir d’être encore à tes cotés à l’université de Genève et de pouvoir booster les étudiants venus en masse. Comment oublier toute tes invitations au Diablerets comme jury du festival. Je crois que mon record d’assiettes de raclette englouties n’a pas été encore battu !  Merci Jean-Philippe, merci du fond du cœur je sais que cette dernière sera forte pour toi… Becs depuis le Groenland et tout de bon…

 

 

 

 

Groenland… la suite!

9 août 2018

Finalement le vent est tombé, finalement le calme prend place, il nous amène un beau crachin avec un brouillard londonien et 6 petits degrés. Le village est redevenu silencieux, les icebergs ont pratiquement disparu, seul le « smiley » surnommé ainsi par les jeunes, est encore ancré sur un haut fond. Par contre son arc de triomphe a volé en éclat, l’explosion fût si forte que même la cabane a tremblé.

 Depuis hier à deux pas de la porte, une chienne vient de mettre au monde 6 chiots. Un acte de survie terrible, la mère offre toute son attention à ses boules de poils, je me demande combien survivront…

 Le capitaine du drakkar noir, mon invité, c’est le surnom qu’il aura pour son séjour ici, commence à prendre ses marques. Il a croisé en coup de vent mes stagiaires qui ont compris que mon hôte était un grand personnage, son groupe financier est depuis un an le mécène de mon association. Cet homme de la finance suisse n’est pas venu en touriste mais pour m’épauler dans ma tâche de restauration de la maison perdue. Muni d’une classique salopette bleue, depuis 2 jours, il décape toute les huisseries de la maison, un travail de fourmi nécessaire pour repeindre les fenêtres qui depuis quelques décennies souffrent des bises polaires. Chacun de notre côté nous travaillons, de temps à autres nous échangeons, mais l’endroit ne laisse pas place au discours inutile, n’oubliez pas que nous sommes au pays du silence.

 En fin de matinée, un homme franchi le pas de la porte ; mon pôte Brieuc, vient me dire au revoir. Je le sens moins « déconneur » que d’habitude, il vient juste me prendre dans ses bras, dans quelques minutes il part avec son équipage du voilier Akta vers la grande route du passage du Nord-ouest. Dans son accolade je sens une immense émotion, un immense soupir. Je lui souhaite bon vent, la route ne va pas être facile mais une bougie brûlera, pour lui, pour ses coéquipiers, pour son rêve. Ils devraient rejoindre l’Alaska courant octobre…

En fin d’après midi « mon » capitaine me fait une petite frayeur, il demande à s’allonger rapidement, la vie est austère ici. On dort à même le sol dans une maison poussiéreuse en chantier. Ce petit coup de moins bien m’inquiète un peu, après coup il revient à lui, je vais lui faire prendre l’air, une excuse pour aller chercher le diner. Nos grosses combinaisons de mer enfilées, nous prenons le large pour une partie de pêche. Le moteur coupé nous sommes dans un silence indescriptible. Pas la moindre ride, la mer est lisse. Des icebergs entonnent leur explosion, nous guettons aussi les baleines, avant-hier au même endroit une est venue à 5 mètres à la proue d’Ifaraq. Une grosse étoile de mer se fait piéger, puis ce sera au tour de quelques scorpions de mer que je relâche aussitôt, et enfin deux grosses et grasses limandes vont venir diner avec nous.

Nous prenons le chemin du retour par le chemin des écoliers, la vie est simple ici, très simple. Bien sûr le confort manque, bien sur que les facilités du sud nous sembleraient divines mais on ne peut pas tout avoir dans la vie, alors nous prenons en pleine face cet air de liberté.

Dans nos assiettes le poisson nous rassasie, le dialogue commence, nous savons que nous sommes chanceux d’être où nous sommes. La rusticité du lieu a fait fondre le superficiel, et l’homme de la haute finance se confie au nomade du grand Nord. Les courbes du CAC 40 n’ont plus trop leur place ici, nous causons de la vie, la vraie celle qui fait vibrer, celle qui te rend Homme, qui te rempli de doute sur son devenir futile et superficiel. L’argent, la différence sociale volent en éclat, c’est ça la magie du Grand Nord.  Nous échangeons nos rêves, il me souffle les siens, je lui cause du petit papillon qui remplit mon cœur, mon âme.

Ce soir là haut au pays de nanoq deux hommes ont oublié pour un instant qu’ils n’étaient que des mortels, parole, à un moment on s’est crus immortels…

Lundi « mon » Dume arrive, là ca va être encore un grand moment …

Ps :BTAPP

 

Takuss les 6!

5 août 2018

Reveil à 5h, le soleil et les moustiques sont déjà au rendez-vous, la belle équipe doit démonter le camp, le départ est fixé à 8h30. Les yeux vers le large, je vois, je sens le vent, le bateau est petit, je croise les doigts ! Au départ l’émotion est palpable, le village est endormi, seule Ingrid est au rendez-vous d’adieu. Cette jeune femme est touchée par le groupe, sa vie est sur un fil, malgré son cancer elle guide encore un groupe de kayakistes en baie de Disko. Nous lui envoyons toute notre énergie, Ange-Paul et Marion s’en sont sortis, on sait qu’elle aussi… Au mois de septembre elle repart au combat contre sa maladie… Allez visiter sa page Face Book Ingrid Ulrich, sa volonté et sa rage de vivre sont impressionnantes!
Nous voilà partis, le village d’Oqaatsut est dans le sillage du vaillant Ifaraq, le vent de terre est virulent, il me faut jouer l’indien pour être en toute sécurité. Nous frôlons la côte, la brise a chassé les icebergs, la mer est libre de glace mais les moutons annoncent une traversée musclée. Pas un mot, pas un geste, les 6 le savent, c’est leur dernière heure au pays du silence. Je me demande se qu’il se passe dans leur tête. Je croise les doigts en douce, au bout du promontoire le port est en vu, ouf nous y sommes.
Tous va très vite : un taxi est là, un autre pas loin, nous filons au bout des 3 petits kilomètres de route unique d’Ilulissat à l’aéroport. Patrick à l’aller a perdu sa carte d’identité, j’espère qu’il va tout de même embarquer avec son permis de conduire, là aussi ça passe ! Les bagages sont enregistrés, il est temps de se dire « takuss ». Chacun à sa part d’émotion, tous m’embrassent, tous me regardent droit dans les yeux, je sens de la fierté, chacun a réussi à trouver de nouvelles limites.
Mes derniers mots ont été : « Bravo les jeunes, vous avez découvert de nouvelles limites, vous avez compris que c’était possible. Quand les « autres » parlent, vous, vous agissez. Quand les « autres » vous disent attention, vous, vous avez déjà dépassé le danger. Avant que vous partiez, je veux juste vous dire que je suis fier de vous. N’oubliez pas que vous devez vous bouger les fesses, ne jamais lâcher, croyez en vos rêves ils vous appartiennent, la vie ne vous attend pas, elle se moque de vos bobos, alors foncez même si vous boitez… »
Un peu ému, l’aventurier à cloche pied ! Je saute dans un taxi pour rejoindre la ville où je dois faire mes courses, ce soir à la cabane leurs rires me manqueront. Par moment je sais que je n’ai pas été tendre, pas conciliant du tout, mais c’est ma marque de fabrique, c’est ma manière de transmettre. Il faut bosser pour y arriver, les mous ne s’en sortiront jamais et ça je crois qu’ils l’ont bien compris.
Depuis mon arrivé à Oqaatsut, un immense iceberg est scotché devant la cabane, une de ses immenses veines de glace lui donne un air souriant. Nous l’avons baptisé  «smiley », promis les jeunes je vous donnerai de ses nouvelles, le jour où il commencera sa longue route je vous tiendrai au courant, je sais que tout au long de son voyage il se souviendra, qu’un jour dans un village groenlandais une bande d’abimés de la vie avait trouvé une belle excuse pour vivre coute que coute…
Mon hôte arrivé cette nuit sera mon binôme cette nuit. Furtivement ce matin il a rencontré la belle équipe, il a été très touché. Lui aussi a perdu son bagage, décidément cela devient une tradition d’Air Greenland…
Jusqu’au 30 aout je serai au pays d’Apoutsiaq mon journal de bord vous sera confié. Pensées polaires, philosophiques, rencontres, introspection, rêves de papillon, projets, écriture, encore quelques beaux jours pour être un Freeman plus que jamais…
PS : BTAPP
A pluche!! 

Dernier jour…

4 août 2018

Il y a des moments qui restent gravés dans la vie de tout un chacun et hier soir en fait partie. La toute petite église protestante d’Oqaatsut s’est transformée hier en salle initiatique où le chamanisme nous a transporté dans un autre monde. Un groupe d’hommes et de femmes sont venus présenter leurs rites, leurs croyances, leurs origines. Nous étions les témoins d’un moment de grâce. Chant guttural, où le vent de la toundra se fait entendre, où les pas du grand nanoq nous ont fait frissonner, où les aurores boréales nous ont enveloppé de tendresse, où les qivitoqs (esprits malfaisants) sont venus nous conter légende. Nous en sommes sortis bluffés et conquis, les anciens du village nous regardaient en coin, je crois qu’ils nous apprécient…

Ce matin le vent a encore pris de la force, la bise est vraiment forte, autour du poêle à pétrole un petit déjeuner copieux réchauffe ma belle équipe. La pluie omniprésente nous prend en otage alors nous  décidons d’orner le grand mur blanc de quelques étoiles. Nous, les mutilés de la vie nous sommes des lumières filantes rescapées du big bang. Alors chacun a dessiné son étoile avec son verbatim. Encore un bon moment d’émotion et de tendresse.

Puis je dois mer remettre à chercher la solution pour ma cabane qui n’est pas encore électrifiée. Mais ici tout est compliqué… Le responsable de la « technique » parait motivé pour m’aider; il appelle Ilulissat qui bascule à Nuuk la capitale pour revenir à Ilulissat où d’après une dame, ma maison n’existe pas… Mdr ! Ma maison étant à deux pas de la salle communale qui est toujours fermée, je me dis qu’en tirant des rallonges ( ramenées de Corse) je pourrai être sauvé… On me promet que lundi se sera arranger!
Immaqa! (peut-être!)

Pendant mes démarches, les filles se lancent dans la cuisson d’une belle pile de crêpes, avec le froid de canard qu’il fait dehors tout le monde est d’accord pour les engloutir. Nous sommes vendredi et  ce les douches communales seront fermées tout le week end, alors nous en profitons pour un décrassage bien mérité.

En plein milieu du golfe, La Louise, belle goélette du fameux marin Thierry Dubois, est solidement ancrée face au vent qui ne faibli toujours pas. Nous sommes très chanceux; il nous invite à bord pour une visite guidée. Le voilier est tout simplement somptueux, du long de ses 19 mètres il est taillé pour les mers polaires et peut accueillir à son bord 8 invités. Thierry nous parle de son parcours hors norme de régatier. Il a participé à 2 Vendée Globe Challenge et a subi un naufrage à 3000kms au sud de l’Australie tout prês des côtes d’Antarctique. Sa vie est aventures et découverte de nouvelles limites, je sens mes stagiaires très très attentifs, ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre des légendes de la mer. Alors que nous parlons de la navigation au Groenland, un grand boum nous interpelle. Mon pote Steen nous appelle, il est sur une embarcation, je n’en crois pas mes yeux! C’est mon petit bateau Ifaraq qu’il vient de récuper sur la berge, mon aussière, par les coups de boutoirs dus au clapot, à cédé ! Il monte à bord avec un grand sourire, les qujanaqsuaq (merci beaucoup) sortent en boucle, le sauveur a été sauvé ! Il est temps de rejoindre la terre ferme, nous échangeons nos contacts, je crois qu’une belle histoire entre La Louise et Bout de vie  est en train de voir le jour…

C’est la dernière soirée de l’équipe, demain matin de très bonne heure ils vont devoir démonter leur camp, à 11h « local time » ils s’envoleront pour rejoindre leur famille. En attendant ce soir ils vont avoir la chance de gouter au mataq (peau et graisse) de narval, foie de phoque cru, ammassat séchés, suivis de la soirée chants chamaniques.

A minuit je reprends la mer pour aller chercher un de mes invités qui va continuer à m’épauler pour la restauration de la maison bleue… Encore une sacrée journée…

Un immense Takuss du bout du monde, on vous envoie de la fraîcheur, du silence et beaucoup de sérénité…

PS : BAPP

Victoire!!!!!

3 août 2018

Ici le jour ne se couche que très peu mais les journées n’en finissent plus ! Ce matin froid, brouillard et crachin, l’ambiance est lugubre mais les 4 jeunes sont plus que motivés ! Petit-déjeuner de bonne humeur mais il va falloir faire le briefing de départ. Elisa, Marion, Rémi et Ange-Paul vont relever leur défi ! Je vais les déposer dans un coin perdu entre ici et Ilulissat et par leur propre moyen ils devront rejoindre la maison bleue. Les sacs sont sévèrement contrôlés, couverture de survie, nourriture, briquet couteau, téléphone sat, balise Spot, Gps, piles de rechange et quelques bricoles de survie. Juste avant de partir je leur confie ma canne de marche qui me suit depuis longtemps. C’est un bout d’aulne gravé de « grigris » protecteurs, provenant du camp des solitudes qui peut recevoir à son extrémité un gros poignard sud-africain. Ce prêt est une sorte de bâton relais, je sens en eux beaucoup de fierté dans ce geste. Il est temps de partir, les consignes des soirées passées sont revisitées, le froid les emmitoufle dans leur défi. Nous devons zigzaguer aux milieux des icebergs, le fond du fjord est vraiment encombré. Nous y voilà, une paroi sera notre quai d’adieu. Avec beaucoup de précautions tous la gravissent la route sera plein nord. Les 4 jeunes me disent un au revoir plein de courage, ils voguent vers leur destin à la découverte de nouvelles limites. Debout sur un piton je les vois grimper dans la toundra spongieuse, je leur offre ma confiance, ils vont encore plus grandir. De l’émotion me prend aux tripes, ces 4 gamins ont vaincu des cancers, de terrible accidents, une naissance différente mais de leur souffrance ils en ont fait une force. Dés qu’ils ont passés la crête, je reprend la mer accompagné d’une grosse baleine…
De retour à la cabane je trouve mes 2 autres aventuriers : Patrick au ponçage des fenêtres, Audrey bouquinant près du poêle à pétrole. Je ne cesse de regarder le sud, la pluie redouble, ils vont vivre une vraie belle aventure…
Vers 15h ils arrivent enfin, trempés jusqu’aux os mais si fiers d’avoir réussi! Par moment ils ont dù traverser la toundra avec de l’eau boueuse jusqu’au genou. Le débriefing est simple, ils ont remporté une victoire, la vie est vraiment fantastique!

De mon côté je dois résoudre un problème sur le câblage d’accélérateur sur bateau, ma caisse à outils est plus que basique, Ange-Paul vient m’épauler. Il faut démonter le boitier, mais la rouille bloque les écrous, mais un miracle survient. Au mouillage un magnifique bateau polaire, La Louise, son capitaine Thierry viens vers nous et à trois nous résolvons le problème, le bateau semble avoir retrouvé sa forme… Ce soir nous sommes invités pour une soirée de chants chamaniques, je crois que l’émotion va encore nous coller serrés ! 

A pluche!

En mode machine…

1 août 2018

Ce matin ça pique un peu, le vent est nul il va falloir que le soleil chasse les nuages pour nous réchauffer, à midi grosse canicule 15° à l’ombre ! Si les moustiques perdent un peu de vigueur leur cousins germains sont arrivés les valises pleines de désirs : bouffer de l’estropié! Des milliers de toutes petites mouches qui rentrent dans tous les orifices et qui adorent découper la viande qui leur est offerte, un pur bonheur…. Mais je crois que vous avez bien compris que ces petits détails ne nous touchent que très peu. Ce matin je lance un défi à l’équipe. Puisque le ravalement est totalement fait on va attaquer la peinture de la grande salle qui sert de salon et coin repas. Ange et Rémi vont suivre à la lettre mes consignes, il va falloir aller vite, sans discuter en étant efficace et discipliné. Marion et Elisa sous le contrôle de Patrick auront la tache de badigeonner les portes et Audrey de récurer les caisses de pêche que j’ai trouvé et qui me serviront de tiroir… Une, deux, trois partez! Une merveille de travailler avec ce duo, humour, sérieux et efficacité. De temps à autres la radio groenlandaise nous souffle quelques airs assez fun de musique locale, mais nous restons concentrés. Dehors quelques baleines viennent contrôler les travaux, Jozef veille aussi au grain ! A peine quelques tartines de pain de mie beurrées à midi et nous repartons de plus belle, à 16h la salle est comme neuve. Sol débâché, balayé, lavé au savon et à l’eau chaude, cela est devenu un doux nid qui redonne un bon coup au moral.

Mais comme tous les soirs, nous reprenons les cours. Et oui ici, ce ne sont pas des vacances mais bel et bien de l’apprentissage. Au programme, utilisation d’une carte avec un GPS, fonctionnement d’un téléphone satellite avec la balise de détresse, et plein de trucs et astuces pour survivre en pleine toundra près de rien et loin de tout. Je vous entend marmonner « mais pourquoi » ? Demain, à leur demande, je vais les déposer  en bateau dans le sud du village à environ 15kms près d’un lac.  Seuls, ils devront rejoindre la cabane à pied. La toundra spongieuse va leur offrir un beau cours de vie et comme je le dis en boucle : un souvenir ne s’achète pas, il se vit !!!

A pluche

Ps :BAPP

Le Chant des baleines

1 août 2018

 

 

Imaginez une barre d’immeubles de 15 étages à n’en plus finir, mais composée uniquement de glace, dans un silence absolument incroyable… Les icebergs nous encerclent, nous sommes si petits ! Soudain, un râle, un gémissement, un chant, les baleines percent la surface, elles sont là pour eux, pour moi, pour vous derrière votre écran. Il est 23h et il fait encore soleil et sous un ciel bleu d’azur. La mer est d’un calme surréaliste et là au milieu de l’océan arctique 7 survivants, 7 miraculés de la vie, 7 privilégiés en sursis.  Ce moment de grâce fait oublier les boiteries du quotidien, les pauvres prises de têtes qui n’ont plus de sens quand Dame La Mort rôde… Ce soir nous avons vécu un moment de partage éternel.

Ce matin le brouillard encercle Oqaatsut mais le soleil lui nous inonde, un petit vent de sud nous protège des suceurs de sang, la vie est agréable au village du bout du monde. Au programme, des petites retouches en façade sur les bavures mais surtout une séance de taguage!!  Nous avons mis une énergie incroyable pour accomplir cette restauration mais il nous fallait nous l’approprier. Si une rue d’Hollywood a immortalisé des stars, ici il me semble important que des étoiles soient mises à l’honneur. Mains nues, couvertes de peinture bleue, nous laissons nos empreintes sur la face sud, un feutre donnera le patronyme, la maison a ressuscité, un peu comme nous.

Mais un point noir dans le village nous fait mal au bide, le coin poubelle est immonde, les sacs non ramassés depuis plusieurs jours sont éventrés par les chiots en divagation et le petit 10° estival rend l’atmosphère nauséabonde. Alors avec l’accord de la commune nous ramassons tous les détritus. Une trentaine de sacs de 100 litres au total transportés en quad à l’incinérateur…

 Les filles nous ont fait une surprise à midi, elles ont voulu elles-mêmes préparer le repas et nous confectionner des crêpes…

Milles bises depuis la cabane bleue…

Fin de chantier!

30 juillet 2018

Et voilà la petite maison du Groenland est peinte et bien peinte. Ce matin nous avons l’immense joie de trouver encore le ciel bleu sans vent, ce qui veut dire aussi des millions de moustiques. Donc nous nous sommes lancés dans le dernier pan face sud et avec un job d’acrobate nous avons enfin réussi à finir. Je ne vous cache pas que ce fût un travail arasant mais toute l’équipe a donner le meilleur et plutôt que des mots des photos pour illustrer cette semaine de travaux forcés. Vos encouragements sont supers continuez cela donne la gniak à tout le monde…

Ce soir comme récompense nous sommes passés par Ilulissat pour un hamburger de bœuf musqué puis croisière au sud du plus grand déversoir d’icebergs de l’hémisphère nord avec des baleines qui devraient nous offrir leur chant…

Bises polaires

 

Week end polaire!

30 juillet 2018
Samedi matin c’est le week-end, les pieds traïnent, les cernes sous les yeux
donnent l’état des lieux, tout le monde est cuit. Brouillard, crachin et
température polaire affaiblissent les troupes. Il faut que je les ménage;
ce matin ce sera pêche en mer. Pas loin du village, il y a un petit
promontoire que j’ai rebaptisé « Cap des morues ». Une longue ligne avec de
sérieux leurres multicolores va très certainement intriguer quelques
curieuses, mais ce matin rien ne mord ! Nous bouchonnons sur une mer extra
plate au milieu de très beaux icebergs, le silence est impressionnant. Le
bateau étant petit, personne n’a le droit de quitter son poste, si quelqu’un ne
respecte pas la règle je suis obligé de montrer mes gros yeux. Comme cadeau de 
bienvenue aux pays d’Apoutsiaq, un petit iceberg se désintègre devant nous, nous offrant 
un vrai festival de glace, mais aucun poisson ne daigne monter à bord, à
part quelques scorpions arctiques, que je rejette aussitôt. Une immense
étoile de mer se laissera piéger aussi. Mais il nous faut
trouver le repas du midi, alors nous changeons de coin pour enfin remplir
le seau de belles morues. Mais les oursins nous tentent aussi, alors munis
d’une longue grapette nous les cueillons tranquillement dans une eau
cristalline. Pour le midi le déjeuner sera basique mais local, omelette
d’oursins, pâtes aux crevettes de la baie et morue frite… L’après midi sera
libre, certains s’évaderont pour une longue sieste d’autres pour récolter
du thé du labrador qui embaume nos mugs quand il fait trop froid.
Dimanche ; le ciel est bleu azur, cela présage une belle journée en mer.
Chacun doit remplir ses thermos d’eau chaude et ranger sa ration de midi à
base d’éternelles nouilles chinoises, là où nous allons, il va faire
froid et nous serons vraiment isolés, il faut penser à tout. Dans un
sac étanche mon téléphone sat, la balise spot, une grosse trousse à
pharmacie et quelques bricoles au cas où… Nous prenons cap vers le nord, la
glace est moins dense, ce qui nous permet de passer sans problème mais le
vent d’est est modéré, ce qui lèvera un clapot polaire. Il me faut louvoyer
auprès des plus gros icebergs pour être à l’abri des vagues. Au détour d’un
immense glaçon, dame baleine nous offre un beau spectacle qui nous laisse
sans voix, puis ce sera un couple de phoques ; que c’est beau la vie ici!!
Puis nous rentrons dans l’immense golfe de Pakitsoq, aussi grand que celui
d’Ajaccio, mais sans aucune âme qui vive ou qui navigue, pas une seule paillote bruyante,
nous sommes seuls au monde. Le clapot est fort, le bateau tape, mais ne mouille pas,
donc nous poursuivons pour arriver aux pieds de falaises immenses où se jettent
de multiples cascades merveilleuses. Des oiseaux par millions nous accueillent, je coupe le
moteur à l’abri du vent, la musique est magique. Fulmard, Guillemot
(appelés aussi pingouin) jouent les base-jumper pour notre plus grand
plaisir. Nous poursuivons la route pour les passes des mers intérieures de
Pakistoq. Miracle! Nous arrivons juste à l’étal de la marée, qui en une
fraction de seconde me donne l’ordre de foncer dans ce goulet pour aller
explorer cette mer si fermée, si secrète. La première chose marquante c’est
que l’eau est turquoise et sans aucun iceberg, le goulet n’étant que de 30
mètres de large aucun glaçon ne peut y pénétrer. Nous naviguons en mer
inconnue, nous sommes devenus en un claquement de doigt des explorateurs
comme, Baffin, Franklin, Admunsen et autres fous rêveurs à la recherche de
nouvelles Terres. Mais je n’aime pas ce coin dangereux, je ne suis plus
seul, la présence de mon équipe à bord me demande beaucoup plus de vigilance,
je décide de faire demi-tour.
De nouveau dans le goulet le flux du courant commence à prendre de la
force, il peut atteindre plus de 20 nds !
L’adrénaline polaire, rien de tel pour se sentir vivant, alors nous
poursuivons dans un coin que j’avais découvert l’année dernière en kayak,
je m étais promis d’y ramener des personnes de mon association Bout de
vie. Et voilà que le rêve se réalise, ils sont tous les 6, prothèse à terre, 
dans cette ancienne caldera d’une beauté exceptionnelle. Une fois  Ifaraq (nom de notre bateau),
bien mouillé et amarré, nous explorons le site. Les restes de mon bivouac
de l’an passé sont intacts, personne n’est donc passé là depuis un an !
Je crois que vous avez bien compris ici, c’est calme et paisible !
Puis nous baladons jusqu’au moment où Ange-Paul et Rémi se lance un défi.
Je souris, car je sais que les récits de mes aventures, le soir après le
diner, les passionnent, et eux aussi ont envie d’aller chercher de
nouvelles limites. Aujourd’hui ils ont décidé d’aller nager dans l’océan
arctique ! Bien que nous soyons encerclés de moustiques, ils se retrouvent
en slip de bain pour une baignade qu’ils ne pourront jamais oublier. Je
crois qu’ils sont en train de monter une future aventure en tête à tête, on
verra bien !
 Trop fier de mon équipe de 6 warriors…
A pluche !