Départ vers une nouvelle vie…

19 août 2019

Un peu moins de 24heures que mes guerriers sont partis. La petite maison bleue est bien vide, seul le cri intempestif des chiens, le chant des baleines et quelques explosions d’icebergs me sortent du silence. Qu’il fût douloureux le départ. Sans aucun retard, leur vol est annoncé dans le minuscule aéroport d’Ilulissat. Les jeunes semblent sereins, puis Louane me prend dans ses bras, un timide sanglot et elle explose en larme, s’en suivra les autres. Moi le gros dur je me laisse emporter par l’émotion, j’en ai les yeux qui piquent. Ces 10 jours de baroude resteront gravés dans leurs cœurs dans leur âme, en moi aussi. Des jours intenses, que je n’avais encore jamais vécus de cette façon. La vie à bord fut magnifique malgré la rudesse et le manque de flexibilité de son skipper. Cela a resserré et unis les matelots en « toundra » ! Les escales furent magiques, sans jamais se ressembler, les ateliers furent tous des défis. Comment pourrais-je oublier leur tête, à ma proposition de baignade dans une eau à 4°. J’étais surpris de voir tout le monde se jeter à l’eau sans rechigner. Les randos pas toujours faciles aussi, furent des moments de défis intenses. L’apnée autour des icebergs donnait aussi une teinte d’aventure à la Cdt Cousteau. Je ne pourrais oublier les confidences de chacun, des histoires racontées cash, sans tabou, sans filtre. Mort, maladie, accident, trahison, tous m’ont confié leur bout de vie. Vivre cette expérience si loin de leur confort leur a apporter des clés pour leur futur. J’espère qu’ils ont pris en compte le privilège de vivre dans une opulence surdimensionnée, dans une routine qui nous fait oublier l’essentiel. Ils ont touché du doigt la rudesse des marins solitaires au long cours. La discipline à bord,  a en quelques jours, démontrée ce que l’exploit demande en rigueur et protocole. Notre skipper n’a jamais lâché prise, il était toujours là pour les reprendre, les réprimander, les sermonner sur leur comportement d’enfants gâtés, même avec des bouts en moins.

Ces deux semaines ont été possibles aussi par un homme au grand cœur, qui a partagé cette exploration polaire. Lui l’homme d’affaire, mécène du projet a découvert plusieurs univers qu’il ne pouvait soupçonner. Les jeunes l’ont traité comme un pote de leur age, Thierry ne l’a jamais loupé et moi aussi d’ailleurs. Mais ses silences en disaient long, ses regards aussi. Hier à l’aéroport quand tout le monde avaient les yeux rouges je l’ai senti aussi très touché, très ému mais toujours dans la retenue.

Donc le voyage Niviarsiaq 2019 est bien fini, merci Christian, tu es et restera le grand capitaine du drakkar. Merci l’équipe CimAlp, la semaine prochaine on ira ensemble main dans la main au sommet du Mont Blanc, si et seulement si, les anges gardiens le voudront. Merci Nicolas d’Aqualung, à vie ils se sont souviendront de la puissance des icebergs qu’ils ont pu toucher et voir au dessous. Merci à vous de les avoir encouragés, ils vont prendre le temps de lire vos messages, cela va encore plus les boosters. Merci du fond du cœur.

Pour ma part il me reste encore quelques jours pour savourer la paix et le silence du grand nord, une occasion pour me reposer, débriefer et me souvenir de ses jours de mer incroyable. Zut je suis dérangé, je dois vous laisser, une baleine à bosse passe juste devant la maison.

Takuss…

Toujours plus haut…

18 août 2019

La Louise est repartie cependant le voyage de mes protégés, continue. Le tipi sur la toundra a remplacé, les banettes de la goélette, mais l’ambiance est intacte. Ce matin au petit déjeuner je leur propose plusieurs activités, ils devront débattre. L’ascension de la petite montagne derrière la maison semble intéresser le groupe, sauf Louane qui chouine. Mais la décision est prise, nous allons tenter la grimpette. Je leur explique que par moment il faudra mettre les mains et que cela corsera le trek, tous ont pris conscience que cela ne sera pas simple. Pour les rassurer, ils savent que ma prothèse continue de me blesser et que je ne pourrais pas trop forcer. Nous voilà partis à pas lent, la toundra laisse place à des grosses dalles à franchir. Au bout d’une cinquantaine de minutes, je propose un arrêt café pour admirer le paysage grandiose. Puis nous reprenons la route. Les franchissements sont de plus en plus engagés, les béquilles et les bâtons sont hissés en premier il faudra s’aider de ses mains pour ceux qui en ont deux ! Une fois de plus, sans que je dise quoi que ce soit la marche est silencieuse. Finalement tout le monde passe facilement, Louane se surprend elle-même, elle y est arrivée. De là-haut le spectacle est fascinant, un immense iceberg tabulaire possède son propre lac d’un turquoise extraordinaire. Le vent s’en mêle, nous nous réfugions derrière une fracture rocheuse, face à nous l’océan arctique recouvert de glace à perte de vue, nous sommes sous le charme. A la fin du casse-croute l’équipe décide de façonner un cairn, à tour de rôle chacun apportera sa pierre…

A la redescente par la face sud, je sens beaucoup de joie, de fierté. Au soleil à l’abri du vent nous nous allongeons pour récupérer, tout le monde s’écroule pour une sieste bien méritée.

De retour à la maison c’est la basse marée, nous en profitons pour faire rapidement quelques courses. Moules et oursins…

Pendant que je prépare le diner un groupe de 5 baleines paressent en surface face au village, tout le monde va les voir. Au loin je les observe assis sur le banc à contempler ce spectacle unique. J’essaie d’imaginer ce qu’ils ont en tête, ce que ce voyage leur aura apporté…

A la fin du repas ce soir je leur demande de mettre un seul mot sur ce que ce voyage leur inspire. Pele-mele il s’est dit : unique, extra-ordinaire, à refaire, rigolade, partage, merveilleux…

Encore une bien belle journée au pays de Niviarsiaq et Nanoq…

Takuss

Hommage polaire…

17 août 2019

 

Il est 1 heure du matin dehors c’est un vrai temps polaire, brume et crachin, sur la Louise, nous sommes au chaud à coté du poêle à pétrole. La musique va bon train, nous dansons, nous chantons, quelle vie merveilleuse. Il est difficile de retranscrire ce qui est vécu, ce qui est ressenti ici.  Les filles ont préparé un spectacle, nous sommes tous très attentifs. Sur une chanson entrainante, elles ont composé une série d’imitation de toute en chacun, nous sommes pliés de rire. Puis Louane et Lara ont préparé un discours. Le moment devient solennel, Louane se livre, des larmes coulent abondamment, elle ne trouve plus ses mots. Elle me remercie de la bousculer, de la remettre en question et de lui donner l’envie et la détermination pour avancer. Je ne dis rien mais mes yeux sont humides. Puis c’est au tour de Lara, rebelote et dix de der, elle est très émue… Quel beau cadeau.

Le Groenland est un monde hostile pour les sudistes et pour « survivre » il faut être uni. Nous sommes au total 10 à bord, 10 avec des histoires différentes, des drames, des joies, des réussites, des défaites, pourtant nous sommes sur la même longueur d’onde. Jusque tard dans la nuit nous profitons de ce moment de grâce…

8h 30 je bouscule les marmottes, j’entends des ronchonnements…Au petit déjeuner nous planifions la journée, mais un invité surprise nous pose un problème. Un fort courant de sud-ouest à rempli notre route de glace. La Louise est une habituée, mais en nous frayant un passage la moyenne va en prendre un coup. Les phoques semblent amusés par notre lenteur, les baleines nous saluent, tout le monde est attentif. A tour de rôle chacun aura son quart de barre, manœuvrer un voilier de 40 tonnes au milieu des glaces est une sacrée expérience. Finalement vers 13h nous retrouvons une route moins encombrée de growlers, mais la vigilance est nécessaire. Une bande de baleines nous offre un show incroyable, elles sont si prés qu’on pourrait les toucher. Puis nous reprenons la route… les sourires en disent long sur ces journées d’un autre temps. Le virtuel d’ici quelques jours va les reprendre, le robinet d’eau courante et l’électricité aussi et c’est bien dommage. Nous nous rendons plus compte à quel point le confort est devenu facile et envahissant. Mes réflexions par moment font grincer des dents certains, mais ici je ne peux laisser passer le surplus. A force de vivre en, mode baroude, mes sens ce sont ouvert, ce sont affutés. Je ne pique pas pour faire mal mais pour ouvrir de nouvelles réflexions.

Ce soir il bruine, mais les soleils sont dans leur cœur.

Takuss.

Kangia

16 août 2019

Le mouillage était plus que parfait, la joie de vivre est le lien de la bande Bout de vie, encore une nuit paisible et sereine. Il parait qu’en bas dans le sud, il fait chaud, il y a du bruit, que l’eau est stockée en bouteille en plastique et que les plages sont noires de monde. Je suis certain que c’est une blague,ce n’est pas possible !
Nous reprenons la mer vers le sud, quelques bouilles moustachues nous espionnent, une baleine par ci, une autre par là. Au sud de vilains nuages arrivent droit sur nous, un détail de plus qui nous laisse indifférent. Nous filons vers le fjord de Kangia, le plus grand déversoir d’icebergs de l’hémisphère nord qui depuis 2004 est classé patrimoine de l’Unesco. Les baleines sont là, elles semblent nous attendre. Un spectacle qui nous laisse sans voix. La Louise coupe son moteur, seul le chant des baleines rien que pour nous. Elles semblent vouloir nous conter de vieilles et belles histoires du temps où les hommes n’existaient pas encore sur terre.  Il est temps de reprendre la route pour contourner bien au large, les monstres d’icebergs. Vers 17h, nous trouvons le mouillage idéal, une autre baleine nous accueille. Juste entre vous et moi, je suis certain que cette croisière est guidée par des anges bienveillants. Le crachin rend la baie mystérieuse, le froid est saisissant, mais peu importe, nous allons débarquer pour explorer les hauteurs prisent dans la brume. Sans aucune consigne la marche est silencieuse. Nous voilà face au déversoir, c’est juste surréaliste. Chacun est face à cette immensité. Je sens beaucoup d’émotion,beaucoup de connexion. Les filles s’enlacent, pleurent certainement en douce, le moment est puissant. Soudain le grand frère que je suis leur demande de se retourner. J’ai envie de leur dire un « truc » : Ce moment il est à nous, rien qu’à nous. Ici on est ce que l’on doit être, c’est-à-dire pas grand-chose. On se moque de nos souffrances, parce que c’est elles qui nous on fait grandir. Ici on se moque d’une douche, d’un lit moelleux, d’un repas chaud. Ici tout reprend sa place car on est vivant et c’est ça qui compte. Quand, dans vos vies vous aurez encore des coups durs, vous vous souviendrez de ces jours passés ensemble où la Liberté nous a guidé, enseigné, nous étions devenus le vent, la glace, les nuages.
Nous reprenons la route, le silence est toujours là. Un peu plus bas par un autre passage, un amas de pierres attise ma curiosité. Entre les espaces, je devine un crâne. Cette sépulture nous glace, quelle sera son histoire, sa datation ?
Dans un trou de souris notre bon Dédé en annexe vient nous récupérer, ce soir surla Louise des femmes et des hommes libres savourent l’instant présent.

Takuss

Sous les icebergs…

15 août 2019

 Drôle de nuit pour l’équipage de la Louise, du vent violent a secoué le bord toute la nuit. Quelques icebergs sont venus nous percuter violement, rendant l’ambiance vraiment impressionnante pour les plus jeunes. Au petit déjeuner, c’est le silence nous ne savons pas si nous prenons le large. Les bourrasques ont bloqué notre route de glace, il faudra y aller tout doucement. Le vent accentue la sensation de froid, le poêle au fuel réchauffe le carré, les sourires sont là mais personne ne dit rien. Au bout de 5heures de forcing, nous sortons de ce piège de glace, en un claquement de doigt le vent tombe. Le soleil nous inonde, encore un sacré bout de vie partagé.
Face à un torrent costaud nous mouillons, la manœuvre est délicate mais le
skipper connait son boulot. Une longue manche à eau est installée, il y aura de l’eau en abondance à bord. Le déjeuner aura lieu en milieu d’après midi mais vu que le soleil ne se couche jamais cela ne nous dérange pas plus que ça. Vers 16h,les sacs de plongée sont sortis , c’est le moment de tenter la balade sous-marine au milieu des icebergs. Tout le monde est motivé, mais très concentré. Le briefing est strict, l’improvisation n’a pas sa place. Sur une immense plage de galets, je vois mon équipe se mettre en maillot pour enfiler les combinaisons étanches un de mes rêves se réalise. Ma passion est la plongée, je rêvais de faire plonger quelques jeunes en mer polaire, comme dirait Bastien avec humour : c’est fait. A tour de rôle nous partons toucher ses mastodontes de glaces, par jeu certains monteront sur un glaçon plat, le rire nous empare… Vive la vie même avec un bout en moins.
Takuss

Seuls au monde

13 août 2019

Si cette nuit fut salutaire nous la devons à cette petite crique bien protégée de ces mastodontes de glaces qui nous entourent.La sensation de solitude est immense,nous avons l’impression que le monde des «autres» a disparu.Le silence est indescriptible,les jeunes,accrocs de musique ont lâché leurs écouteurs pour s’imprégner de ce moment fantastique.Nous débarquons à terre pour chercher un promontoire,le passage sera compliqué,de là haut nous pouvons nous en faire une idée.J’ai embarqué une caméra,peut-être qu’un court métrage verra le jour, immaqa !Je filme le silence, la magie du Grand Nord est abstraite comment trouver le bon angle pour pouvoir le partager.Les jeunes le savent et l’ont compris, ce qu’ils vivent là ne sera jamais racontable, photos,films,texte, soirée au coin du feu, rien ne pourra donner ce qu’ils vivent au bout du monde.Sur notre colline minérale la langue de la calotte polaire apparait, à vol d’oiseau elle doit être à moins de 3000 mètres.Entre notre mouillage et elle de la glace à perte de vue, le passage semble compromis.Nous formons un cairn,chacun y mettra sa pierre, son histoire, ses blessures.Nous sommes si petits, si fragiles ici mais tellement unis.
Nous levons l’ancre pour tenter le passage.La Louise de ses 40 tonnes pousse la glace qui explose sous son poids,mais nous comprenons que la tache sera mission impossible.Je monte dans le nid de pie situé à 7 mètres du niveau du pont.Nous devons faire demi-tour,le bouchon de glace est infranchissable.A 2 nœuds,nous revenons sur nos pas,les plaques d’icebergs sont denses,le bruit dans les entrailles de la Louise est surréaliste,elle vibre de tous ses sens.Nous tentons le passage par la partie ouest de l’île moins exposée au flux de la glace.Le but serait de rejoindre la base de la calotte polaire.Malgré le froid,tout le monde est sur le pont,pas de blablas inutiles,pas de rire en trop,la petite bande bout de vie est subjugué par cette navigation chaotique.Mes pensées s’envolent à ma dernière expédition kayak en solo sur cette même côte dans les mêmes conditions.La souffrance et le froid étaient mes compagnes de baroude.Le soir quand je me refugiais sous ma tente dans mon sac de couchage,je rêvais de partager ces moments avec des personnes de mon association.Le rêve est en train de se réaliser.
On parle souvent de chercheurs en évoquant les régions sauvages polaires,
aujourd’hui à bord de la Louise ce ne sont pas des chercheurs mais plutôt des trouveurs qui s’ouvrent à une vie différente.Découvreurs de nouvelles limites,découvreurs d’un océan de possibilités.En rentrant chez eux ils enverront bouler ceux qui leur diront qu’ils sont courageux,que c’est formidable ce qu’ils font.En rentrant chez eux,ils auront dans leur sac de voyage des clés pour aller encore plus loin,encore plus haut,encore plus fort.De grâce,réveillez vous,ils vont revenir plus fort pour vous botter les fesses,ils ont compris qu’on en avait qu’une seule de vie…
Takuss

Dans les glaces

12 août 2019

Ce matin nous étions au mouillage face au petit village de Qeqertaq,le groupe
électrogène en panne rendait le hameau d’une centaine d’habitants silencieux.Un gamin est venu à notre rencontre avec une musique de Rap qui sortait de son smartphone.Un jeune de moins de 10 ans un peu particulier, provocateur à souhait,chose absolument inédite pour le Groenland.Pas du tout impressionné par ceux qui avaient leur prothèse à vue,il nous regardait droit dans les yeux,sans jamais les baisser.Bastien est allé danser avec lui.Paradoxe de ce pays complexe et pourtant si attachant.Le cliché du chasseur avec sa lance et son kayak est bien révolu mais toujours à porté de pagaie.De retour à bord nous levons l’ancre pour commencer à nous approcher de la calotte polaire.De plus en plus la glace est dense,mais la Louise est conçue pour affronter ce style de situation.Tout le monde est en mode d’observateur.Peu de gens ont la chance de louvoyer sous ces latitudes.Les chocs par moments sont forts et secoue notre goélette dans tous les sens.La température chute pour s’approcher des 5°,l’ambiance devient vraiment polaire.Au bout de 5 heures de navigation,la glace s’agglutine rendant la navigation plus engagée. Il nous faut trouver le bon passage.Soudain un bout d’iceberg plat donne l’idée à Thierry de s’en approcher pour déposer Bastien.L’opération est délicate mais possible.En toute sécurité notre aventurier est sur cette plaque de glace, encore un beau moment d’émotion…
Au moment où je vous écris ces mots nous naviguons encore,le mouillage prévu est encore loin et la glace de plus en plus dense…Tout l’équipage Bout de vie vous embrasse.Demain j’essaierai d’être plus explicite.
Takuss

Baignade à Tartunaq

11 août 2019
 

 

Pas un bruit, pas une ride sur l’eau, l’océan Arctique est vraiment généreux avec nous. A une encablure de notre mouillage, une immense plage de sable gris. En toute confiance deux renardeaux polaires tentent de dépouiller une carcasse de phoque. Un simple rappel pour nous, les passagers de la Louise, qu’ici l’existence n’est que survie. Devant nos bols de céréales, nous débattons sur le programme de la journée. Le plan est conclu,nous descendrons à terre pour aller explorer ce bout du monde. Mais l’équipe est prête à bien plus qu’une simple randonnée, ils ont la volonté de tenter une nage polaire en simple maillot de bain. Les premières à avoir décidé de cette expérience , sont Lara et Elia, les autres par dépit ou provocation suivront le mouvement. Ils doivent tout prévoir, je serai juste là pour leur sécurité. Christian, que j’aime appeler le capitaine du drakkar est le mécène de cette aventure et bien sûr il fait partie de l’équipage.
Je vois souvent dans ses yeux beaucoup d’admiration pour ses jeunes prêts à en découdre avec leur nouvelle vie. Souvent les « autres » les définissent de
courageux, vous ne pouvez pas savoir comme cela les agacent, les irritent. Ils ne sentent pas courageux mais juste vivants. Avant d’embarquer sur l’annexe pour rejoindre la terre ferme,  j’emporte un seau et une écope, cela sera le petit plus pour la sortie du bain. Là-bas au bout de la plage un cours d’eau se jette dans 9l’océan, de l’eau douce pour se dessaler. Dédé le second retourne à bord, le silence nous saisi, l’immensité nous donne le frisson, nous ne sommes rien. En silence,nous suivons les striures causées par la marée. En abondance des traces de renards et de rennes pas un seul pas d’homme. Nous y voilà, le cours d’eau délimite la zone de baignade. Lara la première se déshabille, elle sourit mais nous la sentons concentrée. Sans ciller, sans trembler, elle marche au ralenti dans l’eau, soudain elle stoppe sa marche et s’immerge dans une eau à 4 petits degrés.
Pas un rictus, elle sourit, ca y est elle réalise son rêve. Elle nage, elle ne
veut plus sortir de l’eau, elle comprend des choses. La douleur, le froid ne sont que des informations à nous de ne pas leur donner trop d’importance. Le corps en fusion elle sort de l’eau, le seau est rempli d’eau douce un peu plus chaude que l’océan, elle se dessale pour laisser la place aux autres. Puis ce sera à Elia,qui toute seule découvrira la baignade en eau froide puis Bastien, Jean-Luc et Maxence. Christian et Louane ne sont pas prêts, ce sera peut-être pour une prochaine fois. Tous les nageurs sont ravis, émus de ce moment de grâce. Mais un défi en appelle un autre, un sommet semble narguer le groupe, ils partent à son assaut. De la plage je regarde le groupe, la pente est raide, compliquée d’accès,que le Diable se tienne tranquille mes vaillants chevaliers lui couperont la queue en atteignant fièrement le sommet. En attendant leur retour, Elia et Louane m’aident à bâtir un foyer de fortune et récolter des branches mortes de camarines, nous allons faire cuire des moules sur une pierre plate…
Nous reprenons la mer pour nous rapprocher de la calotte polaire, la mer se
charge de glace, la température chute, l’aventure continue.
Takuss

Village abandonné de Qulissat

10 août 2019

Pas une ride, la mer est d’une tranquillité que seul le Grand Nord sait offrir.
Le petit-déjeuner sera pris en mer, la journée va être une longue navigation. Les icebergs nous observent, savent-ils qu’à bord certains sont en sursis ? Ce qui est certain, c’est qu’ils se moquent de nos bout en moins. A travers le hublot du cockpit, bien au chaud, un bol de céréales nous réchauffe un peu. Soudain sur notre bâbord, un troupeau de phoques capuchons nous observent, espiègles, mystère de la nature leur museau possède une poche qu’ils gonflent en cas de danger ou d’excitation. Un peu plus loin un bébé phoque annelé se prélasse sur un bout d’iceberg à la dérive, aura-t-il déjà vu des hommes ! Le ciel est d’un bleu azur pur et cinglant, le pont de La Louise devient l’espace d’une matinée une aire de bronzage. Seul le ronron du diesel casse l’immensité de ce lieu. Chaque iceberg a sa forme, son histoire. Nous imaginons son destin, sa route.
Certainement c’est un de ses aïeuls qui a rencontré le Titanic. Le GPS nous
indique que la latitude 70° nord vient d’être franchi, le Pole Nord n’est pas si loin que ça.

Nous déjeunerons en mer, l’océan arctique est toujours clément. Vers
14h, l’ancre est mouillée devant le lieu dit Qillulisat. Devant nous, une centaine de maisons multicolores se dressent, comme beaucoup d’endroits au Groenland ce village est abandonné. Dédé le second nous débarque, mais il y a du monde.Quelques maisons sont en ruines, mais d’autres arborent encore une belle prestance. En haut de la piste en terre un homme s’approche de nous.En anglais nous communiquons, c’est une équipe de géologues qui prélèvent quelques pièces uniques. Ils nous invitent dans la maison communale qu’ils utilisent comme camp de base. Sur une vieille table une pile de vieilles photos tentent de nous raconter le temps jadis…
Nous continuons notre visite vers l’ancien hôpital, tous les carreaux ont été
brisés, la vision est étrange. Le plancher est en ruine, les pièces dévastées.
Dans une salle, nous trouvons une ancienne salle de radio, les jeunes joueront les apprentis médecins, les fous rires inondent le village fantomatique. A vu de nez,nous sommes d’accord pour estimer à 300 individus ce lieu qui était une mine de charbon minéral. En 1970, l’exploitation a du être fermée pour manque de rendement, le village fut abandonné. A notre retour, nous croisons une autre personne qui s’empresse de nous causer. Ce vieil homme est arrivé ici en 1947,son père était médecin du village. Il nous raconte sa vie ici, un vrai film des temps anciens… Depuis 15 ans,il vient seul chaque été,passer 3 mois dans son village, mystérieux destin!Il est temps de retourner à la plage, nous devons reprendre la mer pour trouver un mouillage sécurisé…. Devant un thé fumant et quelques biscuits, nous échangeons sur cette visite, plus qu’étrange… Entre les icebergs nous louvoyons, la vie est vraiment belle au pays des Niviarsiaq…
Takuss

Premier jour de mer vers Qeqertassuaq

9 août 2019

 Le brouillard est encore présent ce matin dans la baie face au village qui semble fantôme. La fine équipe Bout de vie est en pleine forme, le petit-déjeuner est le bienvenu pour la longue journée de mer qui nous attend.       

La passe est en mode marée haute, avec prudence la Louise se faufile entre courant et cailloux. Sur notre bâbord au large, un immense iceberg nous salue, lui aussi fait route doucement vers le nord. La température est fraiche, la présence de beaucoup d’icebergs accentue le froid matinal. Pas un bateau, pas un mouvement sur l’eau ; seule la brise du nord nous accompagne. En eau profonde, la grande voile de 100m2 est envoyée, cela
appuiera la route sous moteur. Le brouillard va et vient, le slalom entre les cailloux demande beaucoup d’attention au second,Dédé ,qui est à la barre. Tout le monde est sur le pont mais le froid fera rentrer toute la belle bande dans le cockpit. Et dire que dans le sud c’est la canicule avec des milliers de bateaux sur l’eau. Au bout de 4 heures , nous voilà au mouillage à quelques encablures de l’ile de Qeqertassuaq au nord ouest d’Oqaatsut. L’annexe est mise à l’eau , 4 à la fois nous débarquons. Une immense plage sert de refuge à une bande d’oies qui du coup prennent le large. Il nous semble incroyable que sur des dizaines de kilomètres aucune maison, aucun village ne puissent exister. La brise est moins présente à terre du coup les brulots en profitent pour nous harceler. La
toundra est spongieuse mais tout le monde marche joyeusement en silence. Une tombe abandonnée nous rappelle la difficulté de survivre en ces zones.
Ici tout est éphémère. Sur la plage des milliers de traces d’oies nous font comprendre que nous sommes en trop ici. Les vents du sud érodent le rivage et de ci de là des pierres rondes semblent des énigmes géologiques. Avec Bastien, nous nous amusons avec une partie de pétanque polaire en utilisant
ces cailloux absolument sphériques… Pour conclure notre rando nous allumerons un petit feu histoire de se réchauffer… Louane et Lara m’ont fait une confidence ! Elles n’avaient jamais osé pratiquer la randonnée, je crois qu’en rentrant elles vont s’y mettre…
Takuss