Comme une bouteille à la mer…

9 mai 2016 par Frank Laisser une réponse »
Entouré des écris de notre vie d'aventure. A gauche celles publiées, à droites celles qui ne seront jamais publiées!

Entouré des écris de notre vie d’aventure. A gauche celles publiées, à droites celles qui ne seront jamais publiées!

Comme une bouteille à la mer je lance un message. Je ne sais pas si je dois dire incroyable, insensé, ou bien sage. Le Cabochard est en vente ! Le mois d’avril est passé et le poisson ranger dans la glacière, cela faisait quelques années que j’avais cette solution en tête, j’ai fait une fois de plus un pas vers l’inconnu, je dois me séparer de mon « petit » bateau. Je n’aurais jamais imaginé qu’un jour je puisse écrire ça. Depuis plus de 30 ans nous avons été complice, mes livres lui ont rendu toujours hommage, sur « mes » 4 Thalassa, il fût à l’écran, ma vie a été construite par ce « bout » de bois si sémillant. Mais un bateau est fait pour naviguer, c’est un bon moyen pour approcher une terre inconnue. D’abord sur la table à cartes on définit le nombre de milles restant, puis dans la nuit un éclat de phare apparaît, si le vent vient de terre on s’enivre d’une fragrance de la nature qui s’éveille, puis la côte sort de la brume. On ne parle pas leur langue, on ne connaît pas l’entrée de la baie, la carte n’est pas assez précise pour annoncer les écueils. Alors il faut affaler la voile semi-aurique et la lourde trinquette et réduire l’allure. Le soleil doit être dans le dos pour que les taches claires annonçant des hauts fonds puissent être aperçues, puis quelques maisons pointent le bout de leur toit, l’ancre est mouillée, le pavillon jaune demandant la douane, hissé. Le moteur est enfin stoppé, un vieux reflexe me fait ouvrir la cale-moteur pour voir si tout est en règle, tout l’est, à son habitude. L’envie de descendre à terre, n’est pas systématique, le pays, vu du cockpit me laisse encore un peu de rêve. Comme le dit si bien mon ami Sylvain Tesson : arriver sans être sur de rester, partir en sachant que l’on va revenir. Pendant ma vie de nomade des mers cela a été notre quotidien, un thé trop sucré en Turquie, une cité engloutie en mer Egée, quelques épaves à renflouer à Gibraltar, une Afrique du Nord bien nerveuse devant un invalide de guerre en mode croisière, et des rencontres à n’en plus finir. Le livre d’or du bord est un voyage à lui tous seuls ! Alors pourquoi s’en séparer, pourquoi lui tourner le dos, pourquoi ne plus vouloir humer son parfum de bois vernis ? Parce que ! J’y ai vécu à son bord pendant 22 ans, même ma fille, que j’ai perdue de vue, y a été conçue, mais je n’arrive plus à avoir la fibre pour repartir avec, j’ai d’autres rêves et l’entretenir me prend un temps de folie et une énergie de plus en plus difficile à trouver. Comme je suis maniaque, je le veux impeccable, parfait et pour ça il faut poncer, mastiquer, lustrer, mais les heures filent et de nomade libre, je me sens de plus en plus armateur prisonnier. La décision ne fût pas simple, mais je sais que la vie lui mettra sur sa route un fou rêveur qui songe de découvrir le mare nostrum autrement qu’avec un « truc » en plastique de série. Le Cabochard est unique, en 30 ans je n’ai jamais vu son sister ship, incroyable non ? Tu m’étonnes, c’est avec mes petites mains et beaucoup d’énergie que je l’ai rendu comme il est aujourd’hui. Depuis que j’ai mis des annonces je reçois des demandes de dossier, je ne suis pas un vendeur qui cherche sa marge. Pour moi le Cabochard n’a pas de prix, et ce n’est pas une transaction que je veux réaliser mais une transmission. Ne montera à son bord que le rêveur, celui qui saura être humble, le Cabochard n’aime pas les fanfarons, le marin sera systématiquement refusé, seul l’habitant de la mer sera toléré. Le nouvel acquéreur est un gars qui va devoir supporter mes explications sans « peut-être », mes trucs et astuces qui font de ce bateau presque cinquantenaire comme sorti de chantier. J’ai tout mon temps mais l’heure est arrivée. Ce soir j’écris ces mots tout seul dans la cabane, là-bas au fond du golfe le Cabochard est bien amarré, devant mes yeux sur l’étagère sa maquette et les trois tomes du grand voyage que nous avons fait ensemble, bientôt de lui, il ne me restera que ça. Je suis ému mais pas triste, je suis touché mais pas frustré, je suis « tout chose » mais certain d’un happy end. Voilà mes amis, faîtes tourner cette infos, faîtes que ce petit bateau puisse encore permettre de découvrir de nouveaux horizons, celui qui osera la démarche sera lui aussi un Freeman, c’est si rare à notre époque…

27 commentaires

  1. Audrey Piette dit :

    La vie est faite d’aux revoirs et de nouveaux départs. J’imagine ton émotion à la pensée de quitter cet ami… Je suis sûre que tu sauras choisir celui (ou celle) qui saura continuer à faire vivre le Cabochard, qui le respectera et comprendra que ce n’est pas juste un bateau.

  2. Nathalie dit :

    Vous avez dit Parceque! Et ça c’est votre raison, bravo Freeman. Je suis certaine que la vie vous mettra sur la route un chercheur de rêve, ça ne court plus les pontons mais cela existe. Je vous avais croisé aux Lavezzi et votre manière de vivre restera toujours un exemple

  3. Louis dit :

    Oh Cabochard tu m’as fait pleurer avec ce texte, ton choix est respectable. Tu es un homme libre, reste le, tu es notre boué de survie…

  4. Mathilde dit :

    Eh ben, j’avais eu la chance de monter à son bord aux lavezzi, vous aviez fait faire de la plongée à toute la famille, on en parle toujours avec les enfants. Bonne suite au Cabochard.

  5. Audrey Piette dit :

    Je me souviens de l’émotion que j’ai ressentie quand j’ai posé le pied sur le Cabochard. C’était un privilège et un moment qui a beaucoup compté pour moi <3

  6. Fanny Pernoud dit :

    Ca c’est de l’info! Franck sans son cabochard…ca me laisse sans voix alors je te dis juste bon vent pour tes nouvelles aventures sans ta belle coque. Des bises

  7. Frank Bruno dit :

    Et oui Fanny, tu me l’a mis 2 fois à l’honneur dans les reportages de Thalassa… Et oui…

  8. Fanny Pernoud dit :

    j’ai les rushs pour quand il te manquera

  9. Marie de Voujeaucourt dit :

    Que dire Frank? Je t’ai connu indissociable du cabochard 😉
    Mais comme tu l’expliques si bien … Une page se tourne … Et ça rien ni personne ne changera ta décision … Car cela fait parti de ta vie … Tu as raison le cabochard doit continuer son histoire avec une personne de cœur et remplie de rêves …
    En tout cas longue vie à vous deux 😉 beijinhos …

  10. Elo dit :

    Cet article m’a beaucoup émue …
    J’espère que tu trouvera le rêveur ou la rêveuse que le Cabochard mérite !
    Longue vie à lui !

  11. Je le verrai bien dans le port d’Ilulissat ce Cabochard. Tu me l’emmènes ? 😉

  12. Drole de pied dit :

    C’est un déchirement que de se séparer d’un bateau, les liens qui ont été créés sont si forts !
    Je te plains d’avoir à prendre cette décision.
    J’espère que tu trouveras la bonne personne à qui transmettre Cabochard.
    Avec toutes mes amitiés
    JP

  13. Frank Bruno dit :

    Arrête j’y ai pensé un millier de fois mais sa durée de vie serait très très courte, le pauvre il ne mérite pas ça.

  14. Jean-Marc dit :

    Toi et ton Cabochard vous êtes des guerriers pacifiques et une fin heureuse va poindre. Courage les Cabochards

  15. Helene2A dit :

    A chaque fois que je vous ai vu au Lavezzi je vous ai senti tellement en osmose que je suis très touché de cet article. Votre vie est un exemple pour nous tous, vous allez trouver le bon « client » c’est certain.

  16. Dolfinu dit :

    De toute façon l’âme d’un Cabochard sera toujours à bord tu ne l’oublieras jamais et lui ne t’oubliera pas. Les routes doivent parfois se séparer pour le bien de chacun mais l’empreinte reste indélébile…

  17. maman dit :

    Comme quoi nos destins se croisent étrangement, nous aussi avons mis en vente LE RED SEA, papa abandonnant la plongée pour raison de santé; On a aussi le coeur lourd mais c’est la vie.

  18. Barbara dit :

    Les yeux me piquent un peu.., quand on a lu tes livres et tes aventures on connait les lien si fort qui vous unissent..Mais pas de liens pour un freeman !! celui ou Celle qui osera, eh oui pourquoi pas une jeune fille une Free woman..Je suis sûre que tu trouveras la belle personne qui s’occupera bien de ton Beau Cabochard…La page se tourne et les souvenirs resteront…

  19. Françoise collet dit :

    Tu devrais le vendre à un musée !! 😉

  20. Mayspe dit :

    Ne t’habitue jamais à rien,
    Conserve cet enfant en Toi,
    Maintiens ta curiosité Vivante,
    Crois en ton Intuition,
    Profite des choses Simples,
    Dis oui à la vie avec Passion,
    Tombe follement amoureux du Monde,
    Ne change pas….. Soit Prudent …..
    Bien à vous

  21. Xtu te sépares de ÇAbochard j espère qu il ne te manqueras pas trop . Que de souvenirs bisous de nous deux

  22. PatouColibri dit :

    vous vous êtes Choisis
    vous vous Aidez mutuellement
    Bourlinguer, vous avez
    Oser est un de vos messages
    Cabochard est votre surnom
    Hauturiers vous l’êtes tous les 2
    Aventuriers est un de vos qualificatifs
    les Roulis vous connaissez
    Vous vous êtes toujours Démarqués

    …… j’ai essayé avec les premières lettres de CABOCHARD
    Je n’ai aucun doute qu’il trouvera quelqu’un de bien qui saura en prendre soin comme tu l’as fait pendant toute ces années
    Longue vie à tous les 2 et encore merci pour ces merveilleux moments

  23. Brigitte BB dit :

    lorsqu’on vient en Corse, systématiquement on vient te voir et rend visite à Cabochard comme si c’était une personne. On tourne autour, on le regarde avec affection car c’est Toi et il a ton odeur ! deux larmes car on y est attaché mais c’est ta volonté et il faut la respecter. Gros bisous neveu et à pluche !

  24. Aline Robel dit :

    Eh oui, les bateaux aussi finissent par partir… Le Cabochard et La Galiote… Des pages marines se tournent…

  25. Nico dit :

    « Vivre, c’est faire de son rêve un souvenir « . C’est ton pote S. Tesson qui l’écrit. Putain que ta vie a été et sera toujours belle avec ton cabochard…

Laisser un commentaire