Les clés de la réussite…

22 octobre 2013
Aprés 116 jours de solitude, le partage...

Après 116 jours de solitude, le partage...

Hier soir passait sur Fr3 Corse Viastella le film Arcticorsica carnet de voyage d’un homme libre et comme après chaque diffusion sur mes aventures les messages affluent avec beaucoup de question sur mon bout en moins et mes préparations. Il est difficile de répondre globalement mais la seule chose certaine est que quand on le désire au plus profond de son âme les barrières tombent les unes après les autres. Un détail qui a une importance énorme est que mon amputation est arrivée il y a plus de trente ans et que mon quotidien est une remise en question permanente. Mon espace de vie étant limité à un petit 6m2 flottant je ne peux me permettre de m’encombrer de superflus, ce qui doit très certainement influencer ma manière d’être. La finalité est un film pour le grand public mais pour chacune de mes aventures il m’aura fallu pas moins de 18 mois de préparation. Je ne laisse rien  au hasard, entrainements physiques poussés à l’extrême, bricolage des mes moyens de locomotions dans les moindres détails, choix des mécènes, médiatisation, visualisation du projet, anticipation et surtout la prothèse.  Patrick Bagnus que j’aime définir comme mon « guibologue » est un joaillier, il connait mes besoin et ne surenchérit pas mes demandes avec du matériel trop technique et trop fragile. L’emboiture est la base de la réussite, le pied est une lame en carbone de marche classique qui saura résister à un certain manque de soin dans les situations qui sont mon quotidien pendant mes raids. A partir de là c’est moi qui adapte les moindre détails de  ma prothèse, il me faut environ trois mois pour être certain que ce sera Elle qui sera ma compagne de route. Pour ceux qui me suivent depuis longtemps je crois que je n’ai plus à revenir sur mon erreur de chien fou quand j’ai traversé à pied le Groenland. Une prothèse toute neuve sans aucun essai m’aura valu de transformer cette épopée en un vrai chemin de croix version handi ! Pendant mes entrainements je n’hésite pas à donner un léger coup de lime électrique sur une zone où l’emboiture m’échauffe et vis et versa je possède toujours un bout de cuir de 3mm qui saura donner un peu plus d’épaisseur si je m’enfonce trop dedans. Comme pour une course automobile où les moteurs sont bichonnés au micron je suis attentif façon « intégriste » à cette préparation. Bien se connaître est très important, je sais quand je vais à la blessure et n’hésite pas à tout stopper pour trouver la solution, il vaut mieux un bref arrêt pour bricoler sa « guibole » et reprendre du volume au moignon qu’une obstination et une blessure qui pourrait foutre le projet en l’air. Pour être concis sur ce sujet il y a aussi un facteur majeur que trop de sportifs valides et handis laisse de coté ; les quatre clés à gérer sans concession. Les gestes, les pensées, la nourriture et le « bruit ». J’ai quelques milliers de kilomètres dans mon sillage et ces quatre facteurs peuvent devenir parasites s’ils ne sont pas strictement contrôlés. En deux mots mes techniques :

Pratiquer à outrance les outils que vous utiliserez, savoir les yeux bandés démonter votre kayak, vélo, prothèse, avoir les sacs étanches toujours rangés à l’identique, savoir utiliser le plus purement son corps sans perdre de l’énergie dans des gestes inutiles… Cela évitera à la longue de rogner sur ses heures de récupération.

Etre bien dans sa tête, s’entourer d’une super équipe qui malgré la distance saura pendant vos efforts en solitaire être votre épaule, éviter de partir sans avoir bouclé les budgets, éviter les infos de l’extérieur qui pourraient vous déstabiliser, se mettre dans une bulle pour ne concentrer ses pensées que sur l’objectif à atteindre.

La nourriture est un carburant essentiel, consultez un diététicien du sport spécialiste de votre discipline que vous allez pratiquer et adaptez vos plaisirs sur ces plans. Un kilo de graisse perdu c’est 70 watts en plus pour vous mais un kilo de muscle en moins cela peut vite devenir catastrophique. Le plaisir n’est pas dans le palais mais dans  l’effort quotidien.

Le bruit est la cause de bien des maux, la musique pour moi qui l’adore en temps de repos m’est insupportable dans l’effort, les marches silencieuses sont les seuls moyens de lire son corps et de comprendre l’environnement, les blablas déconcentrent et font perdre le fil de l’épreuve.

La discipline est une compagne de vie qui mène vers la victoire, une fois la ligne d’arrivée passée la récompense est exceptionnelle, aucun film, aucun récit ne peut transmettre ce qui se passe dans ma tête à chaque fois. J’espère que j’ai répondu à quelques unes de vos questions. Bien-sur profiter de ce billet pour apporter votre pierre à l’édifice.

L’effort librement consenti rend libre

Louis Nucera