Camp du brouillard

10 juillet 2017
 
Toute cette nuit le vent du nord qui par la géographie locale est d’ouest, nous a couvert de poudre de lave. La tente, le pauvre Immaqa tout est noir. Mais ce matin, comme par magie, il n’y a plus de vent ni même de houle, on se croirait sur un lac.
 
Tous les lundis je retarde mon départ pour être en direct avec vous par le biais de la radio, mais cette fois les immenses montagnes tous juste derrière notre camp ont tout gâché. Le téléphone satellite n’arrivait pas à prendre ses relais et je n’ai pas pu me confier à vous, cela m’a mis un peu le bourdon…
 
Dehors, s’il n’y a plus de vent, le brouillard s’est invité comme prof de vie sauvage et polaire. Un coton où tout est étouffé, sauf mes craintes. Nous voilà reparti pour le cap Niaqornârssuq, un contre courant me casse les bras, malgré mes 60 cadences minute, nous n’avançons qu’a 3km/h, le moral en prend un coup, mais que faire. Il n’y a pas de vent contraire, il n’y a que de mauvaises routes !
 
Au cap même, l’atmosphère est sordide, la plage est lunaire et le brouillard rend le site lugubre. Des sortes de tourbillons me font aller dans tous les sens. Pendant 15 minutes, j’ai des mini déferlantes qui nous
prennent de tous bords, nous ne sommes pas fiers. Le brouillard ne veut rien lâcher, alors les yeux rivés sur mon compas, je ne lâche rien et fonce dans le coton. Pas un bruit, une sensation que le Monde n’existe plus, que je suis le seul survivant d’une catastrophe. A terre, je ne suis qu’à quelques mètres du bord, les premiers déchets en plastique apparaissent, nous ne sommes plus protégés comme la baie de Disko mais bel et bien en plein océan. Le courant amène au milieu des bois flottés qui viennent de je ne sais où, des restes de filets et de bouées de pêche hauturière. Au détour d’un promontoire, une scène me refroidit encore plus, un pan de montagne est fraîchement tombé, pas un éboulement énorme, mais une trentaine de mètres en hauteur sur 10 de large, cela me fait penser à cette épée de Damoclès qui m’attend plus au nord…
 
Nous pénétrons le golfe Sikilling.  Seuls les icebergs sont faciles à voir. Malgré le brouillard, ils récupèrent les ultraviolets et semblent être fluorescents, le reste est mystère. Je m’épuise et mes efforts ne servent à rien. 15km en 5hrs, je baisse la garde, au prochain bon spot je dresse le camp. Comme d’habitude, j’ai un petit rituel, je demande à mes anges gardiens de m’aider, de me guider vers le bon coin et ici c’est assez hostile. Dans le brouillard, je vois une sorte d’échancrure, un petit nid pour la nuit serait-il là devant nous ? Euréka, c’est parfait, il y a même un peu d’herbe pour poser la tente à une hauteur d’au moins 6 m au dessus du niveau de la mer, au cas où et assez de bois pour faire fondre des bouts d’iceberg… La dame d’Ata décidément ne me lâche plus, nous sommes main dans la main…
 
Karin m’a transmis vos messages de soutien, cela me fait un bien fou, vous êtes magiques, merci du fond du cœur.
Un névé englué sur une plage face à un immense iceberg, cela me fait penser à  un intermittent du spectacle face à Mozart !!!
 
PS: Message codé de Jo Zef à Popeye: t’as qu’à venir toua le chercher ton os de baleine, un coup de bateau et hop c’est fait. En pluche tu pourras  ramener des glaçons, ici c’est le pays…
 
A pluche

You are a free man…

13 juillet 2012
Le passage d'un grand cap est toujours un soulagement. Cap Skaghallan

Le passage d'un grand cap est toujours un soulagement. Cap Skaghallan

Même décor, même heure, même météo, mais il y a un petit plus, le brouillard est d’une intensité que je n’avais jamais connu. J’avance dans le coton, le silence m’enveloppe, à 5km de là un trio d’îles que je dois pénétrer, toujours cap au sud. Compas, carte, je me retrouve nez à nez avec la passe. Large de 30 mètres il n’y a pratiquement pas de fond et les trois minuscules terre se réunissent quasiment. Je passe de l’autre côté et croise un patron pêcheur. Il est surpris de me voir là avec une si petite embarcation et de si bonne heure. Nielsen me pose plein de questions, il me fait voir ses prises du jour, de beaux saumons d’au moins dix livres pièce. Il veut m’en donner un mais je ne peux accepter pour plein de raisons. En un clin d’œil j’ai vu que cet homme ne roulait pas sur l’or et qu’un si beau poisson pour moi tout seul c’est trop. Ses silences me touchent, je revis le même moment qu’à Kallviken, on ne se connaît pas mais le golfe de Botnie nous rend frères de mer. Il me demande où je vais dormir ce soir, combien de kilomètres je fais par jour. Il sait que ma journée est loin d’être finie et me lâche l’amarre en me disant « take care, you are a free man ! » (Prend soin de toi, tu es un homme libre !) Je repars gonflé à bloc, je n’arrête pas de repasser en boucle cette phrase : « You are a free man »  yes I’m.
Les kilomètres sont avalés différemment aujourd’hui, je descends vers le sud, je descends vers le soleil. A propos, il tombe des cordes, des murs d’eau s’abattent sur moi mais je chante, je ris, je suis libre, comme les sternes arctiques que je croise. Libre de continuer, de m’arrêter.

Au détour d’un promontoire de granit, une centaine, d’oies bernaches me regardent un peu inquiètes, passer. Je stoppe mon pagayage et leur hurle : «  you know I’m a free man ! » Elles se jettent toutes à l’eau pour aller se planquer derrière de gros cailloux. Je suis euphorique, la vie est si belle. 14h j’ai la dalle et j’ai pas encore mis les pieds sous la table, allez Jo Zef au prochain restau on s’arrête !!! Je pénètre un archipel sous un rideau de pluie et  implore les Dieux des mers et des océans de me trouver un petit endroit bien sympa pour monter mon bivouac. A bâbord je détecte une échancrure, une sorte d’alcôve marine, allez la mascotte on va voir comment est le lieu ! Le paradis sur terre… je beach Immaqa et pars à la recherche du bon coin plat pour y monter la tente. Le tarp (toile qui sert d’abri) est aussi monté et en dessous je monte mon chalet de toile. Ce soir le soleil pointe son nez mais le vent du sud va envoyer certainement ces watts le baro qui est déjà bas vient de faire une rechute. I’m a free man !
Pour les comptables, 30km de fait quand même.
A pluche !

Départ de Mehamn reporté…

13 juin 2012
Une gueule de teigneux le mecton!

Une gueule de teigneux le mecton!

Pluie, brouillard, 4 °, coup de vent annoncé, Tina et Ruan insistent : Demain c’est pire, reste ..! Ok ..!

J’avais prévu de rester jusqu’au 20 juin si le temps ne me permettait pas de traverser en kayak, pourquoi affronter les éléments, le soleil est bientôt de retour, Jo zef connait des chants athapascans pour ça !

La fenêtre de ma chambre domine le port naturel de Mehamn, un comptoir de pêche du bout du monde. J’imagine l’enfant né ici, pas d’arbre, des hivers de glace sans jour, et pourtant ceux que j’ai croisé ont les yeux qui pétillent. S’adapter, ils n’ont pas eu le choix ils se sont adaptés. Le nez collé au carreau je me laisse aller, je vous vois sourire. Oui ça m’arrive ! Je laisse faire mes émotions, je laisse vaquer mes sentiments, la brume m’embrume les idées. Pourquoi, comment, qui sommes nous… Les régions polaires ont la faculté de rendre l’homme petit, humble, quand les éléments se déchainent, le vantard se fera tordre, l’écervelé sera crucifié sur place… Ce matin j’ai eu de la visite, un journaliste norvégien. Ce brave homme ne parlait que très peu l’anglais mais avait une folle envie de connaître un bout de ma vie. Je l’ai déstabilisé en inversant les rôles et c’est moi qui lui ai posé les questions. Etait-il né ici ? Si ses enfants avaient quitté la région ? Que faisait-il de son temps de libre… Finalement il a griffonné son bout de papier et d’ici quelques jours dans le canard local on parlera d’un certain cabochard…

Recherche la vérité dans la méditation et non dans les vieux livres poussiéreux. Recherche la lune dans le ciel et non dans l’étang.

Proverbe persan que j’avais envie de partager…

Je vous ai joint une petite vidéo assez simple que j’ai tournée au moment de mon départ de Slettnes en kayak …

Arrivée dans le port de Mehamn...

Arrivée dans le port de Mehamn...

Photo qui illustrera l'arcticle dans la presse norvégienne...

Photo qui illustrera l'article dans la presse norvégienne...