Jeudi 05 janvier 2005 – et si alizé rimait avec trembler ?

5 janvier 2006

Les bulletins sont toujours aussi optimistes et pourtant c’est toujours l’enfer. Hier en fin d’après-midi alors que la météo prévoyait un vent d’est de 15 noeuds, le baromètre a chuté de 2 hectopascal en 2 heures ! Rien de méchant puis d’un coup au moment du changement de quart le ciel devient marron foncé.

Une petite voie me dit prudence, je demande à Dumé de s’enfermer dans la cellule et de sortir l’attirail lourd, les deux cirés, le gilet harnais et je m’anarche prêt à aller je ne sais où ! Le vent d’un coup se met à rugir, le pavillon canarien en tête d’antenne de radio se ploie complètement et l’orage éclate. Des mètres cubes d’eau sont deversés et le vent prend de plus en plus de force, les avirons soudés à mes mains meurtries essaient de rester dans le lit du vent qui nous pousse dans le bon sens mais le cap reste difficile à tenir.

Je me recroqueville sur moi-même car soudain j’ai un doute : et si c’etait un mini cyclone ; un avorton de « Zeta », la tempête tropicale juste devant nous ? J’angoisse, la peur m’envahit, je croyais l’avoir laissé à terre, je tire encore plus sur les avirons pour ne pas paraître impuissant. Mon corps s’engourdit mais je rame, je pense à tous ceux qui sont à terre, je commence à sangloter. Bordel, j’ai peur ! Le gros dur qui tremble, qui sanglote, je me raisonne : « c’est rien tout va bien le bateau tient bien, je pense à Ronan le constructeur et puis on peut pas crever là, ce serait trop facile on est du chien dent… »

Le vent mollit, la pluie ne cesse, à tour de role on veillera toute la nuit …

Mercredi 04 janvier 2006 – Adieu tapas bientôt punch créole !

4 janvier 2006

Aux alentours de midi, Jo Zef sort comme un malade de la cellule de survie et grimpe sur le petit mat de feux de position ou sèchent les queues de dorades péchées et degustées. Il a la truffe qui ne cesse de humer, les yeux petillants de malice il nous explique que l’odeur des « tapas » des canaries a disparu.

Une petite odeur de rhum planteur, ça y est ! Mais c’est bien sur, on est plus près des antilles que de la Gomera. Et ben, ça fait du bien… Bien sur cette distance est en ligne droite alors que pour arriver ici nous avons effectué une grande virgule donc nous attaquons le dernier tiers. OUF, enfin une bonne nouvelle ! Le vent commence a s’orienter presque dans la bonne direction mais les prévisions nous annoncent encore du vend du sud pour aprés demain alors on va vite descendre de 45 degrés pour espérer y échapper.

Notre météorologiste et routeur Jo Zef nous permet a l’aube du 36ème jour de mer d’être provisoirement 4ème grâce à son routage exemplaire.
PS : Message personnel pour L’obsédé textuel de Porto Vecchio : de pacé é saluté on peut arriver à « pacé et chaloupe » mais comme il n’a cessé de pleuvoir depuis plusieurs jours on pourrait rajouter sans te contrarier « Bache é chaloupe »… Mort de rire.

Et pour conclure vieux proverbe de l’île de moléne ! A la rame on tire les draps et on saute les repas ! Bache et chaloupe monsieur Jo !

Lundi 03 janvier 2006 – On a morfle, on morfle et peut-être encore !?

3 janvier 2006

Hier il y a eu du Rififi, juste ce qu’il faut pour mettre les nerfs à fleur de peau, mais on resiste. Au petit matin le vent fraichi au sud avec un déluge de pluie ! On ne désale même pas le bateau puisque les déferlantes nous font une léchouille fréquente. Nous n’arrêterons pas de ramer jusqu’a la nuit. Il est hors de question de remonter plus au nord et de se faire apper par le vent du sud.

La progression fut laborieuse mais elle a payé. Un vent sud-est semble s’installer, alors on reprend le rythme 2 heures/2 heures. Vers minuit moins le quart alors que je pense à aller me coucher, la nuit etoilée s’obscurscie et le vent tourne sud-ouest, c’est à dire dans le nez et la situation tourne au cauchemard ! Je pressent une mini tempête qui va nous envelloper, je cale les avirons, file deux ancres flottantes de gros diamètre. Même la caisse en plastique des vivres frais sera requisitionnée.

Des mètres cubes d’eau déferlent sur nous, aussi bien douce que salée. Et pour compliquer le tout, un cargo se pointe à quelques encablures. Bien sur dans cette furie il ne nous a pas vu, mais ouf, il passera devant.

Le grain passé, on reprend notre rythme. On ne sait plus pourquoi on rame. Grâce au PC et par le biais du téléphone sattelitaire les bulletins météo se suivent et se ressemblent mais aucun n’est exact. Patience. L’Atlantique nous teste le genoux à terre, certes nous plions mais nous ne renoncons pas. Avancez, toujours avancez, ne pas se retourner…

Lundi 02 janvier 2006 – Conditions difficiles mais tout va bien !

2 janvier 2006

Aujourd’hui, Frank et Dumé n’ont pas pu nous livrer d’infos. La situation à bord est très difficile mais nous avons tout de même pu avoir de leurs nouvelles grâce au téléphone satellitaire. Tout va bien malgré les conditions météo pour le moins désagréables. Le journal reprendra son court dès demain.

Dimanche 1er janvier 2006 – Pace e salute

1 janvier 2006

Et oui 2006, 32 ème jour de mer, elle est pas belle la vie ? Pace e salute a tutti. D’ailleurs, voeux à Juju, Léa Marie, Marjorie, Alice de leurs papas raccourcis certes mais au coeur entier, à Marie et Fabien : mes enfants par procuration. A nos compagnes, celles qui ont compris finalement qu’un oiseau de mer devait être libre, à nos familles qui nous ont toujours porté dans leurs bras et dans leurs coeurs surtout lorsqu’on n’y croyaient plus. A tous nos nouveaux ou anciens amis qui ont su être les frères et soeurs que l’on a choisi. A tous ces passants de vie qui de par leurs sourires nous ont encouragé à vivre. A tous les médecins et prothésistes qui se sont defoncés pour qu’on existe une deuxième fois. A toute l’équipe à terre qui nous soutient (merci J-C) ! A tous nos sponsors, partenaires, privés, prince qui dans la seconde ont su nous épauler à réaliser cette croisade, à tous les adhérents de bout de vie amputés ou non qui nous supportent. A vous les médias, les vrais, les purs qui par votre pouvoir donnent l’espoir. Pensée très particulière à Corse matin, FR3 Corse, et surtout RCFM : un peu de la maison à chaque interview, aux quelques politiques qui nous ont compris et soutenus dès le premier jour, madame nature et atlantique qui nous a bien fait comprendre qu’on ne devait absolument jamais jouer avec elle. Tu nous a meurtri dans nos chaires mais renforcé nos ames. A tous les imbéciles qui pendant ces deux ans de préparation nous ont fait miroiter des cents et des milles pour d’un seul coup perdre la mémoire. Si, si ! Merci vous nous avez forgé au surprise des vents contraires. Mais n’ayaient crainte nous, on a déjà oublié et merci à tous ceux qui dans l’ombre nous on aidé. A vous tous merci. Dumé, Jo Zef, « L' » et ma pomme ; on vous dit MEEEERRCCCIIIIIIIII !

Samedi 31 décembre 2005 – Toujours plus haut, toujours plus loin !

31 décembre 2005

Comme d’hab, le vent est pas encore dans le bon sens mais c’est la vie. Il nous remonte sur la zone de turbulence mais on avance bien alors pourquoi se plaindre ? Jour partculier et oui une bougie de plus sur le gateau d’anniverssaire : 41 ans et toutes mes dents mais une guibole en moins, ben ouai nul n’est parfait.

L’année dernière, à cette heure ci je venais juste de planter la bannière de bout de vie au sommet du Huru Peak 5895 mètres d’altitude (Kilimanjaro) point culminant d’Afrique. Et cette année, me voilà en train d’essayer de traverser un océan à la rame ?! Certains doivent se dire mais qu’est ce qui les pousse à faire ces trucs ? On vous rassure, on le sait même pas nous mêmes !!! (RIRE)

Le dépassement de soi est une manière de crier haut et fort à la planète qu’on est pas mort même raccourci d’un morceau. De ma blessure jaillie un océan de liberté… L’année dernière, après mon retour de Tanzanie, à part Corse Matin que je salue d’ailleurs, aucun média n’a relaté cette ascension. Si ! Le magazine montagne : 4 lignes ! Alors que quelques pages loin plus il y avait un reportage de 4 pages sur des cadres d’une grosse boite de voyagistes qui faisait eux aussi cette ascension ! (soupir) Dommage je pense que ca aurait pu être porteur d’espoir ! Alors amis journalistes, changez votre fusil d’épaule et ouvrez les voies du bonheur à ceux qui l’on cru perdu à tout jamais… Dans tous les cas, l’important c’est de se reconnaître soi-même!

Vendredi 30 décembre 2005 – Ca fait un mois qu’on rame !

30 décembre 2005

Hier pour la énième fois, le vent a tourné pile poil dans le nez !!! Ah ah mort de rire ?! Ancre flottante et au bouleau car avec le temps pas mal de choses s’usent à bord, à part le moral qui malgré quelques petits passages à vide reste bon et confiant.

Donc bricolage océanique, graissage des roulements, des roues de chariot et remplacement des roulements à billes assassinés par le sel. Le tout dans un clapot du tonnerre de dieu, histoire que les trippes s’en souviennent !

Ensuite : rasage de prêt, miam miam et dodo. Mais savez-vous comment deux unijambistes dorment dans une machine à laver ? Non ! Alors on va vous expliquer.

Dumé, amputé fémoral ne peut pas rester sur le dos ou le coté car sans la totalité de sa deuxiéme jambe il roule et est donc projeté contre la paroi. La parade est de rester à plat ventre, le bassin calé par des serviettes, le tronc par un coussin et les bras en croix. Quand à moi plus chanceux puisque moins raccourci je cale le moignon dans des t-hirt et reste plus au moins à plat ventre, les bras bien calés pour éviter l’expulsion…

Sympa comme croisière! Sinon le vent a repris le bon sens et nous attendons une jeune fille qui sait se faire attendre comme toute jolie créature qui se respecte : mademoiselle Alizée !

« L » qui est toujours là nous a dit que c’était pour bientôt ?

Mercredi 28 décembre 2005 – Coup de vent force 7

28 décembre 2005

Rebelote coup de vent. Mais cette fois dans le bon sens, des trombes d’eau nous tombent dessus et hier nous avons filés comme un matelas de plage à la dérive. Si on vous dit que la vie à bord est un enfer, ça fait rabat-joie et pourtant c’est comme bien vrai. Nous sommes, du moins nous espérons être à mi-parcours car par moment la course semble dérisoire.

L’océan nous met à genoux peut-être parce que ça ne lui convient pas de voir qu’on se sert de lui ! Nous sommes comme deux bestioles cachées, poursuivies par le chasseur, attendant dans notre tanière humide et sale, des jours meilleurs… Vos messages de soutient nous touchent et nous vous en remercions. Rêve de rameur : une douche chaude et abondante avec à la sortie un simple thé chaud puis s’endormir en position foetal dans les bras de son amoureuse sur un lit qui ne gigote pas dans tous les sens…

Mardi 27 décembre 2005 – Entourés d’immeubles

27 décembre 2005

Cette nuit fera partie des nuits à oublier tout doucement comme le fait si bien dame atlantique. Nous avons de la houle venant du Nord Ouest croisée avec un vent d’une vingtaine de noeuds de Nord Est.

Nos tours de rames respectifs étaient très solennels et concentrés. Les coups d’aviron ne servant qu’à une seule chose : ne pas se mettre en travers et mettre le programme essorage NON DELICAT en route !

La nuit fut longue et douloureuse mais le côté positif est le nombre de milles nautiques effectuées en 24 heures :76, record battu pour l’instant. Dommage que la très forte houle de Nord Ouest ait gachée cette partie de luge ! A 6h15 la nuit laisse doucement place au petit jour, les yeux arrivent à deviner la marmite en ébulition sur laquelle nous tentons de naviguer. Soudain malgré la grosse fatigue ; comme dans un rêve une énorme baleine se trouve dans notre sillage. Elle s’approche à quelques encablures et bondit deux fois hors de l’eau en faisant un déplacement d’eau gigantesque. J’ai du mal à avaler ma salive. Un dernier coup de queue et elle sombre dans les abysses. Le jour naissant, la furie laisse place à un calme relatif. 8 heures Dumé vient me remplacer ! C’est bon d’être son « Frangin »…

Lundi 26 décembre 2005 – Nuit étoilée

26 décembre 2005

22 heures : fin du quart de Dumé, à mon tour de ramer ! C’est le seul quart où je m’autorise à écouter de la musique, hier soir j’ai attaqué par mozart puis on change de planète avec des rappeurs marseillais, histoire de sourire et pour finir : de la musique corse ; celle qui me rappelle des sourires, des joies, des peines, des chanteurs qui s’expriment avec les trippes et non le porte monnaie. Vous voulez des noms ? Surghjenti, Canta, Albinu, Giramundu, Chjama, Aghjalesi, … Et bien sur, tout droit de las vegas de St Maria les incontournables Daniel et José le groupe internationalement connu les « I mantini » auteur d’un superbe morceau qui est l’hymne de Bout de vie en vente au profit de l’association. D’ailleurs depuis quelques jour il on sorti un nouvel album qui d’après certains « amis » se vend très bien en Corse ! Deux à Porto Vecchio, trois à aleria et huit quand même sur la place St Nicolas de Bastia, Capitale Européenne !

Si vous avez déjà acheté quelque chose à la boutique bout de vie on vous autorise à acheter leurs produits sur « Imantini.com » car ils sont gentils, bien braves et surtout nourissent beaucoup d’enfants au quatre coins de la Corse alors faites un geste, de grâce ! Merci on vous aime et derrière chaque étoile se cache l’un de vous. C’est pour ça qu’il faut regarder les étoiles.