Le Destin mots par maux

26 novembre 2012 par Frank Laisser une réponse »
Elodie, princesse de son destin...

Élodie, princesse de son destin...

Le destin ; je crois que cette maxime en résume l’huile essentielle : « Donnez-moi la sérénité d’accepter ce que je ne peux changer, le courage de changer les choses que je peux changer, et la sagesse d’en connaître la différence.»

Ce week-end je suis sur la Côte d’Azur pour la signature de mon dernier livre et l’animation de la VIéme nuit des associations de Monaco. Menton j’y suis né, j’y ai vécu 29 ans, c’est là que tout a commencé. Dés notre naissance, des chemins différents se présentent à nous, celui qui nait en terre de paix ou de guerre, en bonne forme ou déjà estropié, de famille aimante ou par hasard… Je reste convaincu que  dés le premier jour notre « road book » est déjà tracé, à nous d’en avoir les épaules assez costauds pour le suivre. L’enfance se déroule et les premières ornières nous barrent le chemin, dans  mon cas le destin m’a amené dans les meilleures conditions pour partir sereinement. Un proverbe arabe dit : l’on ne doit pas juger un arbre sur ses racines mais sur ses fruits. Puis les « autres » croisent nos routes, cela fait des milliers d’années que nous nous rencontrons, une fois ami, une fois famille, une fois serveur puis servi, ami, ennemi, nous nous revêtons d’un corps de simple chair et de faiblesse pour poursuivre notre élévation, notre apprentissage. L’éducation, la religion, la géographie, la politique tissent nos destins, l’acquis soudain devient cendre, l’impossible éclate en vol, le chemin tant espéré se dévoile alors qu’on le croyait perdu. Il faut avoir le courage de se prendre en main de se regarder dans un miroir en cherchant ses zones d’ombres. Cette signature sur ma terre natale m’a fait revenir aux sources, la librairie n’était pas assez grande pour contenir « mon destin », de la maternelle au jour de mon départ, toutes les tranches de vie étaient présentes… Un journaliste m’interview longuement, il ne me connait pas mais l’agence de Nice-Matin n’est faite que de connaissances, l’un d’eux est un grand ami qui fut témoin de mon feu mariage, il a dû lui causer beaucoup et avec précision de son « client ». Je sens en lui énormément d’attention, le mot destin revient, il est bien renseigné sur  mon « bout de vie », le côté obscure n’a pas été épargné, c’est ça la vraie amitié, ne rien louper. Pourquoi cet engagement aussi extrême, pourquoi la mort omni présente : seulement l’amputation ? Je ne peux cacher le pourquoi de cette question aussi importante, la perte de ma jambe, certainement un peu mais surtout la déconnection avec mes géniteurs. Mon destin est un choix de vie qui m’a fait prendre des décisions très engagées, ce reproche je l’entendrai jusqu’à la fin de leurs vies, alors nous avons coupé court, peut-être c’est moi peut-être c’est eux, je ne leur en veux surtout pas ; plus, je devrais dire. Ma dernière expédition qui fut très longue m’a enfin libéré de  mes démons, je sais que je leur dois tout, je dois encore les aimer mais j’ai dû pratiquer l’ablation pour me sauver, j’ai amputé ce membre trop douloureux qui me détruisait à petit feu. Pourquoi le dévoiler en public ? Pour me libérer une fois pour toute, la région sais, j’ai crevé un abcès, je n’ai rien à cacher et je le prouve. Volontairement j’ai occulté l’une des causes de cette zone obscure ; je me suis séparé d’une femme qui était mon épouse, non pas que ça ; elle était enceinte !!! Ce dernier détail je ne l’ai pas dévoilé à la presse, alors je sens la lame de fond, me répétant en boucle que je vous cache la vérité. Oui une casserole à trainer mais 13ans après je ne regrette rien, je n’ai pas à le claironner ni en être fier mais ce choix ne regarde que moi, j’ai eu des raisons profondes et absolument aucune personne au monde ne peut et ne doit s’en mêler car c’est mon destin. Vous voyez votre serviteur des mots écris par ses maux, j’avance je suis ma route, je peux me retourner mais c’est loin tout ça, j’avance en boitant mais avec mon propre rythme. Le photographe me fait aller sur la plage, je me souviens c’était hier, une copine attentive qui cherche ma deuxième chaussure et réalise que son pote est un unijambiste pas encore appareillé. La librairie est une fourmilière, on s’embrasse, on se rappelle, ce n’est plus une signature mais bel est bien un retour dans nos histoires. Le destin laisse des traces des cicatrices, sorte de mausolées de nos passés, je ne rougis pas de ce que je suis devenu, quand il y a de l’ombre la moindre chandelle nous éclaire, ne pas confondre : Donner et offrir, prendre et recevoir, entendre et écouter, parler et dialoguer. Notre destin n’a qu’un moteur, la remise en question quotidienne. Le fleuve qui croise un obstacle l’évite, de temps à autre une berge s’écroule mais ce n’est pas grave, le limon créera une plage en aval dans un endroit qui était inaccessible. Le destin ne s’arrête jamais, il ne peut pas, ce n’est pas le temps qui passe mais nous. La nuit des associations monégasque 6éme édition va démarrer, j’ai mes fiches, mes invités, la présidente de table, la princesse du soir, Elo. Son destin lui a fait un sacré pied de nez mais elle est là, bien vivante. Le protocole comme d’habitude en prend pour son grade, mais je tente d’imposer l’émotion dans cette soirée, un ministre ou un maire ca peut se confondre, non ? La salle rit de mes gaffes, mais là encore le destin rode, Monaco n’est pas une terre inconnue, nombreux sont les regards présents qui m’ont vu grandir et connaissent beaucoup de ma personnalité, même les zones d’ombres. On s’étreint, on se sourit, on sait, je ne peux oublier. J’ai un texte un peu particulier, SAS le Prince Albert II a écrit un mot que je dois lire pour décorer une dame décédée il y a quelques jours, elle recevra à titre posthume  une décoration pour son engagement associatif, c’est son mari qui me rejoindra. Il ne peut parler, je le serre contre moi,  lui chuchotant deux mots, il prend la parole. Les 700 invités sont silencieux chaque table a sa bougie qui scintille pour nos disparus. J’ai préparé un petit texte pour Elo, lu rien que pour elle, la salle est encore une fois silencieuse, le destin ne fait pas de cadeau, la soirée se termine de façon festive, le destin n’aime pas les fins tristes…

..//..

Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme.

Extrait du poème de William Ernest Henley. Invictus

8 commentaires

  1. Claudie du 49 dit :

    Merci d’être là pour Elo, d’être un peu son guide, de lui transmettre cette énergie, cet espoir ! Je sais qu’elle fera de sa vie quelque chose d’extraordinaire parce qu’elle vous ressemble un peu, qu’elle est de la même trempe que vous, même si le chemin est encore long et difficile.

  2. Genay Bruno dit :

    Salut l’homme, j’espère que tout va bien pour toi.
    Il y a en chacun de nous une volonté qui met parfois du temps pour se dévoiler ….. tracer son chemin, creuser son sillon, inventer un itinéraire qui se met en place souvent capricieusement … incidieusement. Je préfère ces expressions, qui dénotent une notion de choix, à d’autres comme « suivre son chemin »…..
    En plus, en mer, mon milieu « d’adoption », et un peu (beaucoup) le tien, les sillons ont tendance à s’effacer sitôt tracés !!! Ton parcours est interessant. Je me demande souvent, quant à moi, si c’est le parcours qui fait l’homme … ou le contraire. Encore une histoire de poule et d’oeuf ! Et dans ton parcours, qui est loin d’être rectiligne, ce qui est enthousiasmant, c’est que tu nous y convies, tu nous l’offres en partage. Le fait de s’adresser à l’autre est aussi un moyen comme un autre de ne pas être si seul que ça. …. hein, le cabochard solitaire …. mais pas seul.
    Aller, la bise aux gosses et à la moitié et à pluche.
    Bruce

  3. Cathy dit :

    Un billet qui n’a pas dû être facile à écrire, très fort, à la fois très ancré et très libre. C’est une des grandes pages pour un livre qui est en train de s’écrire…
    A la force des expéditions en solitaire et à l’écart des autres, vous êtes parvenu à la recherche de vous-même, et vous parvenez surtout à en parler avec des mots qui vont encore bien au-delà des maux.
    Merci de témoigner et de partager.

    Elève Frank Bruno, prochain sujet d’écriture si vous êtes toujours inspiré 😉 :
    Avoir une pluche toujours avec soi, pourquoi ?
    Hommage à Jo Zef et à Norra…

    Bonne journée à vous et à vos lecteurs

  4. marie de voujeaucourt dit :

    Des mots qui en disent long … je sens que ta dernière escapade t’a permis d’aller au plus profond de toi … et avec une volonté d’aller toujours de l’avant 😉 j’ai bientôt fini ton livre … tout ce que tu nous fait partager à travers tes moments de solitude c’est inexprimable, j’ai beaucoup de mal de contenir mes émotions … merci pour tout … Bisous à Jo Zef, Norra, Véro et toi bien sûr 😉

  5. Frank dit :

    Jo Zef s’est évanoui Cathy, va falloir le réanimer avec de la poudre de crêpe! J’espère que j’obtiendrai la moyenne mais à la page 149 de mon dernier livre un chapitre intitulé « La mascotte veut la parole »… Bonne suite… A pluche

  6. Isa dit :

    Comment dire ?……..Euh ….. ne change rien Frank comme tu le dis personne n’a le droit de juger , moi je te le dis haut et fort  » TU ES FORMIDABLE  »
    Et j’ai passé un merveilleux moment en ta compagnie lors de ton passage sur ta terre natale et j’espère bien que cela ne sera pas le dernier !

    Je te souhaite le meilleur pour la suite , avec toute mon amitié 🙂

    Bise à Jo Zef <3

  7. MARCOZZI dit :

    …. Et même si les moyens mis en oeuvre pour parler de tes maux peuvent se discuter (car tout est matière à discussion) parmi tes qualités il y a, indéniablement, le courage et la lâcheté t’est inconnue.
    Lors de la dédicace, tout comme toi j’ai fait un bond dans le passé, des noms de personnes m’ont fait revivre des moments pénibles de ma vie…..et d’autres m’ont fait sourire, mais tout contribue à nous faire grandir et atteindre la maturité.Que de chemin parcouru ! Que nous réserve notre destin?Car même si nous nous efforçons de le façonner et d’y donner une direction, il y a toujours une inconnue ! … et c’est bien ainsi. Bisesss et nous espérons à bientôt.
    Zia

  8. festor dit :

    Tellement vrai. Oui tout est écrit…

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