Le Cabochard vous écrit…

17 juin 2016 par Frank Laisser une réponse »


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Rencontre très riche et émouvante du constructeur du Cabochard à Port St Louis du Rhône

Rencontre très riche et émouvante du constructeur du Cabochard à Port St Louis du Rhône

C'est dans ce hangar qu'est né le Cabochard

C’est dans ce hangar qu’est né le Cabochard

On ne savait pas encore ce que l'on allé vivre...

On ne savait pas encore ce que l'on allé vivre...

On ne savait pas encore ce que l’on allait vivre…

Cela fait trop longtemps que je voulais prendre la parole, mais ma pudeur ne m’a jamais autorisé au premier pas. Je me nomme Cabochard, j’ai bientôt 46 ans, mon ethnie est celle des « Pointus », issu de la grande famille noble « Des prestigieux bateaux en bois », je vais vous raconter ma naissance, mon histoire, ma vie, mes peurs, mes rêves, mes folies, mes caprices, mes armateurs…

Il y a très longtemps, dans les années 1900, une graine emportée par le vent, germât sur une terre de la côte ouest d’Amérique du nord. Une pousse surgit, elle s’envola vers le ciel, puis son pied se renforcit, grossit. Les tempêtes l’assaillirent, de froid rustique en canicule estivale, l’arbre a su s’implanter, s’affirmer, les humains l’appelèrent Pin d’Oregon d’autres Pin Douglas. Les années passèrent, entre-temps il avait entendu parler des hommes qui s’entretuaient. Un jour, un bucheron qui l’avait repéré depuis longtemps, l’a abattu, élaguer et mis à sécher dans une immense bâtisse. Le temps continuait à filer, son séchage était parfait, alors sa folle aventure pouvait encore s’écrire. Printemps 1969, il fût chargé sur un cargo à destination du vieux continent, c’était la première fois qu’il sentait le roulis, je vous rassure, il n’était pas seul, les cales grouillaient de ses congénères. Après plusieurs semaines de mer et deux dépressions tropicales, les billots arrivèrent enfin dans le sud de la France. Stockés sur les quais de Port St Louis du Rhône, un brave charpentier, recherchait la perle rare, l’essence la plus adaptée à la construction d’une commande. Enfin sélectionnés, ils allèrent être entreposés dans un hangar de tôle ondulée, à l’abord d’un petit port en berge du fleuve Rhône. Paul, venait de recevoir une commande d’une unité de 10mts destinée à la pêche au thon. Son premier travail était la réalisation d’une maquette au 1/10éme, les côtes devaient être précises, puis grâce à ce modèle réduit, les gabarits étaient confectionnés. C’est là où je prenais naissance ! Mon « papa » était un pied-noir d’Algérie, d’origine italienne, sa vie, c’était la ville de Ténés, sur les bords de la Méditerranée d’Afrique du nord. Depuis plusieurs générations ils étaient charpentiers, de père en fils ils donnaient naissance à de magnifiques barques de pêche. La guerre d’Algérie devait leur faire fuir leur contrée natale et fruit du hasard, ils débarquaient en Camargue. Le pays de St Louis du Rhône était composé d’exilés grecs et pied-noir, chacun devait s’adapter à cette nouvelle existence et la famille de charpentiers, Cacciutolo, commençait une nouvelle vie. La maquette acceptée par le futur heureux armateur, Paul assemblait, découpait, rabotait, clouait au plus précis. Chaque pièce était essentielle, aucunes n’avaient droit à la faute d’inattention. C’était un solitaire au grand cœur, mais tous les enfants du village ne le lâchaient pas, c’était le spectacle de ce petit coin de paix. A l’époque la Camargue était sauvage, sans ceinture de raffineries. Le soir pour se débarrasser de trop de copeau, il calait quelques lignes à loup et dorade, un air de liberté lui faisait oublier sa terre si soudainement abandonnée. Au petit matin, machinalement il ouvrait la porte du hangar, j’étais là, en pleine construction. Mes côtes n’étaient pas flottantes, je devenais solide, je savais que bientôt j’allais chercher le large. En deux mois je pris naissance, en 60 jours, des bouts de bois me donnèrent le nom de Cabochard…

17 juin 2016, 13h34, le téléphone de mon armateur sonne, cela ne dure que quelques minutes, le grand raccroche et se jette dans mes entrailles, je connais le gaillard, je sais qu’il est triste comme jamais, ça y est il me sale mes coussins. Depuis 33 ans je partage ma vie avec un baroudeur au grand cœur, un bagarreur qui pleure pour un oiseau qui meure. Depuis trois décennies, je console ce grand gosse qui ne fait que réaliser ces rêves, mais aujourd’hui je crois avoir compris que ma vie avec lui devait se finir. Je ne suis pas triste car sans lui je n’en serais pas là aujourd’hui, mais je tiens à vous confier que sans moi il ne serait pas ce qu’il est aussi, sans moi il aurait craqué plus d’une fois. Ensemble on a baroudé, on a fait plein de « trucs » de fou ! Ok, il a écrit dans des bouquins des « petites » histoires mais il n’a pas tout raconté .Aujourd’hui il va falloir que je m’habitue à vivre sans lui. Il en a passé des heures à me poncer, me mastiquer, me cajoler. Combien de fois je l’ai vue partir en boitant de trop de boulot dans mes entrailles. Combien de fois je l’ai découragé, pour qu’il m’apprécie encore plus en mer. Pas un pays, un port une baie où j’ai eu un compliment, je suis un beau bateau, on me l’a souvent dit. Ne croyait pas que j’ai la quille qui enfle mais à force de me le dire je me suis habitué au compliment… J’ai passé ma première partie de vie pépère en bordure de la frontière italienne, au pays des citrons, là-bas j’y ai connu de bref armateur, mais un jour j’y ai vu un gosse blessé qui s’entêtait à monter à mon bord. Ce gamin m’a ému, je savais que j’avais une mission, le sauver ! Alors ensemble on est devenu une famille, une bande à nous deux, seul au monde on est parti à l’aventure, car le monde semblait nous appartenir et il nous a appartenu. La roue tourne, mon confident a trouvé un matelot qui va me ramener à Menton, je vais devoir m’habituer à vivre sans mon « boiteux », je vais conserver son odeur, comme on garde le foulard d’une fiancée quand on part à la guerre. Je crois qu’il est temps que j’écrive toute mon histoire, c’est qu’il va me manquer terriblement le grand costaud…

29 commentaires

  1. marc dit :

    bravo ;
    tres beau
    marc

  2. Marie dit :

    Vous m’avez fait pleurer, vous êtes un immense poète, un être rare. Que dieu vous bénisse tous les deux. Basgi

  3. Béa dit :

    Simplement magnifique, un livre serait une conclusion de votre union. Quelle vie, quelle sensibilité, c’est si rare à notre époque. Ne changez rien, vous êtes précieux.

  4. Lucie dit :

    Emouvant, très émouvant. Merci de votre hyper sensibilité, cela fait du bien de savoir que des hommes comme vous existent. Merci

  5. Karin dit :

    La vie réuni, la vie sépare ,…une simple graine , une grande histoire d’amour….émouvant

  6. Audrey dit :

    Bon vent Cabochard ! C’est étrange et si émouvant de savoir que le moment est venu où vos vies à tous les 2 vont se séparer.

  7. BARTOLI Alexandra dit :

    Quelle belle aventure avec ce Cabochard je pense que vous avez vécu des moments magiques, magnifiques. Comme cela doit être dûr de s’en séparer. J’ai lu votre histoire superbement bien écrite et vous devriez écrire un livre car c’est profond, émouvant et un large public pourrait vous lire. Longue et belle vie à vous

  8. GENAY Bruno dit :

    Un chemin qui bifurque ….. remarque, tous les chemins, les sentiers, les sillons que tu as laissé dans la mer s’effacent et sont réécrits sans cesse …. peut-être, cher cabochard, que tu as maintenant un autre « bout d’homme » à sauver …. bonne « route » ….

  9. Belle page d’écriture qui va t ‘aider à laisser dans ton sillage ce compagnon de fortune et d’infortune. pas facile mais tu as raison il faut avancer. d’autres compagnons t’attendent sur la piste de la vie.

  10. PatouColibri dit :

    Euh…………..m……….. moi aussi j’ai salé les coussins pfffff
    Mais vous ne serez jamais bien loin, je le sens 😉
    Sacrés Cabochards

  11. Amandine dit :

    Votre vie est un exemple pour nous tous. Dans un mondede pouvoir et d’interet, vous êtes ce Freeman que personne ne peut enfermer. Vos mots sont touchants, vous êtes un rayon de lumière, vous êtes un phare pour nous les êtres gris qui ne faisons que compter, assurer, trembler. Votre engagement est fantastique, vive la vie, Bruno vous êtes magique.

  12. Ricardo dit :

    J’ai plongée avec vous au Lavezzi, je peux dire qu’il y a un avant et après ta rencontre. Ton énergie est débordante, je suis de tout cœur avec toi. Quel souvenir. Bravo

  13. Bob dit :

    Juste magique, simplement fantastique. Vous êtes triste mais vous le savez mieux que quiconque, la vie est en dent de scie. Vous le Freeman vous savez transformer les gens qui vous rencontrent, je vous souhaites une merveilleuse nouvelle vie, c’est que vous en avez eu déjà beaucoup.

  14. Charline dit :

    Vous m’avez émue aux larmes, bonne chance, Freeman. On est là, n’oubliez pas, pas de bétise, hein!

  15. Georges dit :

    Abnégation, c’est le mot qui me vient après avoir lu vos livres. C’est si rare à notre époque. Chapeau l’artiste.

  16. Franck dit :

    Quel emotion, je suis en train de lire votre premier livre et je rentre dans votre histoire qui une aubade à la vie, quel guerrier vous êtes. Prenez soin de vous.

  17. di marzo dit :

    Bonjour,

    Il a une jambe en moins mais une case en plus !

  18. Salut à toi cabochard
    Heureux de prendre la relève pour que tu puisses retrouver ta ville d’origine… Franck pourra revenir quand il le souhaite car il fera toujours partie de ta vie et de vos nombreuses aventures.
    JO zef sera également le bienvenue

  19. Dolfinu dit :

    Je me souviens d’un certain jour ou j’ai appelé le grand costaud alors qu’il te refaisait une beauté au mouillage de Bonifacio. Ce jour là j’ai compris qu’il ne fallait pas le déranger quand il s’occupait de toi tant tu était important pour lui. Je suis sûr qu’entre les mains de Nicolas tu retrouveras un peu de Frank car il n’a pas été choisi au hasard.

  20. Vrai dit :

    J’ai entendu ton appel mon p’tit Cabochard aussi je viens te saluer une dernière fois, toi qui fut mon plus précieux refuge et surtout mon fidèle confident durant les longues, les très longues absences de ton cap’tain. Une boucle se ferme en retournant aux sources, quel sacré clin d’œil de la vie !!! Tu vas pouvoir raconter tes fabuleuses aventures avec tes incroyables compagnons de route… Ce n’est pas une page qui se tourne, ni un chapitre qui se finit mais bel et bien un livre qui se ferme et quel livre dont je suis heureuse d’en avoir fait parti. Merci !!! Avec toute ma plus profonde affection et émotion. Bon vent Cabochard…

  21. Marie de Voujeaucourt dit :

    Ouaah que dire après tous ces magnifiques commentaires …
    Quel beau livre qui vient de se fermer avec des vécus que l’on ne peut raconter, juste se rappeler … Tu le sais toi cher Cabochard, « un souvenir ne s’achète pas, il se vit » …
    Ton confident, d’adolescent meurtri est devenu un Freeman, qui se bat pour que l’être humain revienne aux vraies valeurs de la vie … A l’essentiel … Respect … Merci à vous deux …
    Bisouches et bon vent Mr Cabochard 😉

  22. Gaelle dit :

    Votre histoire, les commentaires en disent long sur votre sensibilité, sur votre force et fragilité. Quelle vie

  23. Martine 06 dit :

    Je vous ai connu il y a bien longtemps, ça n’a pas toujours était simple pour vous. Vous avez réussi à vous en sortir en changeant de vie. Ce bateau, vous, êtes devenus des porteurs d’espoir. Je sais qu’on a essayé de vous détruire mais vous avez réussi de vous en sortir, chapeau bas, vous avez toute mon admiration.

  24. JP dit :

    Quelle histoire, il y a eu Tabarly et Pen duick maintenant il y a Frank et Cabochard. Respect

  25. Pierre Antoine dit :

    Le Cabochard au Lavezzi, il me faisait rêver, son mouillage unique et à son bord un homme de caractère au grand cœur. Belle histoire

  26. Nathalie dit :

    Vous m’avez ému aux larmes Mr Cabochard. Prenez soin de vous et bonne chance à l’armateur Nicolas. Il va falloir qu’il soit à la hauteur, mais si c’est Frank qui l’a choisi, j’ai confiance.

  27. olivier dit :

    Le Cabochard à Menton, logique, le retour à la source. Quelle vie

  28. Gilles dit :

    Quelle belle histoire. Que de beaux moments vous avez dû partager. Un jour un ami m’a dit rien n’est éternel. Cela se vérifie ici. Votre chemin continue chacun de votre côté l’un sans l’autre. Bon vent à vous deux. Amicizia.

  29. Brigitte BB dit :

    Je rabâche comme les vieux ! triste de savoir que Cabochard ne sera plus ton refuge et ton confident mais heureuse de le retrouver à Menton. Nouveau, ancien port ? numéro de ponton ? lors de mes balades matinales ou nocturnes avec mon fidèle Balou, j’irai à chaque fois lui glisser deux mots à l’écoutille ! pour lui parler du bon vieux temps et lui donner de tes nouvelles. Gros bisous Zia

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