Rencontres polaires

29 août 2017 par Frank Laisser une réponse »

 
Ces concours de circonstances qui rendent le quotidien plus beau, plus lumineux même quand le gris cache le soleil. En avril, avec 4 jeunes de l’association Bout de vie, nous sortions des glaces le bateau de Julien, mais son moteur hord-bord était HS, jamais je n’aurais imaginé une suite à cette «aventure». Dans un autre temps, en arrivant dans l’immense baie de Tartunaq en kayak, je trouvais une cabane minuscule avec un mot laissé par deux français en voilier, je mémorisais leur prénom puis ma route vers le nord et mes doutes me reprenaient les tripes…
 
Ici, au village d’Oqaasut, un marin revenait d’une longue expédition autour du continent Antarctique. Pendant 3 mois, sur un bateau russe, il était le «chef-débarquement» de chercheurs spécialisés dans la vie polaire. Son voyage lui avait permis de fouler toutes les îles australes, quasiment toutes inhabitées. C’est un personnage simple, humble et toujours souriant. Sans se connaître, les mers lointaines nous ont liés d’amitié, il me causait de Géorgie du sud, les souvenirs me revenaient, puis une autre anecdote sur des bases scientifiques de péninsule Antarctique et là encore, ma mémoire se souvenait…
 
Il y a deux ans, il avait convoyé un voilier en alu ici dans la baie d’Oqaatsut pour l’hiverner, le fils de l’armateur avait la besogne de rester à bord pendant la longue nuit polaire. Au début du printemps, il revenait pour tenter de sortir de la glace le voilier qui devait repartir pour la haute mer. Mais une fois de plus, le proverbe groenlandais prenait sens : seuls la glace et le temps sont maîtres. Au fond d’une baie, dans le grand golfe du village, la banquise le tenait prisonnier. Utilisant toutes les astuces possibles, il se démenait seul pour sortir de ce piège de glace. Attentifs, mais toujours à distance, les villageois admiraient la détermination de ce jeune marin et finalement, ils venaient lui donner la main, un beau gage d’adoption par la communauté, ce qui n’est jamais simple quand on ne parle pas la même langue.
 
Deux ans après donc, il revenait ici car avec des potes, il venait d’acquérir une toute petite cabane, située à quelques kilomètres d’ici. Autour d’un morceau de phoque qui grillait, nous avons échangé, partagé… Sa vie de marin ne pouvait le laisser longtemps ici et il me proposait de me prêter son embarcation qui lui venait de Julien, le fameux bateau que nous avions déneigé en mai. Mais il manque un maillon à cette chaîne de vie ! Nos échanges nous portaient vers les
différents coins de la côte nord-ouest du Groenland que je venais d’explorer en kayak. A un moment, il me parlait de la magnifique baie de Tartunaq, où un poète rêveur avait construit un minuscule abri de bois de récupération. J’y avais trouvé un mot écrit par deux français, l’un d’eux était devant moi quant au deuxième, je venais de lire son livre sur son voyage au Groenland juste avant mon départ au printemps. Cocteau disait : « le hasard, c’est le nom que prend Dieu pour rester anonyme ». Une fois de plus, les étoiles de nos vies m’ont guidé vers de belles rencontres. Par
discrétion, son nom n’est pas mentionné, c’est sa volonté que je respecte, je trouve ce bout de vie magnifique…
 
Aujourd’hui, avec ma belle allemande, grâce à ce vieux bateau, au moteur flambant neuf, nous avons fait une très longue virée jusqu’à la baie des
mers fermées que j’avais trouvé extraordinaire…
 
A pluche
  1. popeye cursinu des mers dit :

    Ah et moi qui pensais que tu pagayais

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