Entre Kangerlussuaq et Copenhague..

23 août 2019

 Rédigé entre Kangerlussuaq et Copenhague.

La terre de Nanoq est dans le sillage de l’airbus d’Air Greenland, devant lui  la fourmilière des gens qui courent, la nostalgie s’empare de mes émotions. L’été groenlandais est bien fini pour moi, c’est déjà inscrit au rayon souvenir. Pendant ces quelques semaines, j’ai eu le bonheur de vivre au pays du silence. En vrac des images me reviennent.

Je me souviens du banc au dessus de la cabane où avec Marie-Noëlle nous étions assis. De loin Steen nous avait vu, il s’en allait donner du phoque à ses chiens sur une petite ile à quelques encablures d’Oqaatsut. Mains dans les poches, sa démarche était au ralenti, comme tous ceux du village. Pourquoi accélérer le pas, ici le temps présent n’aime pas les gens pressés. J’aurai parié un bout de peau de baleine crue qu’il ne viendrait pas nous voir ! Eh bien non ! Avant d’attaquer la grimpette herbeuse, il s’arrêtait pour dessiner avec ses mains dans les nuages un grand cœur et venait s’asseoir à nos côtés tout en silence. Pas un mot, à peine un regard, il était à portée de prothèse heureux d’être avec nous. A sa manière il voulait nous témoigner de son amitié sincère, de sa joie de me voir enfin accompagné.

De cet été je me souviens aussi, de ces bivouacs sauvages où toute la nuit phoques et baleines nous ont pratiquement empêché de dormir. Il nous semblait que la Terre nous appartenait.

Je me souviens aussi de ma nage polaire pour aller récupérer notre petit bateau qui c’était fait la belle au milieu de la baie. Je peux vous confier que je n’étais pas fier et que le grand Nanoq, certainement caché derrière un iceberg, devait bien rire de me voir nager en slip mais avec mon bonnet à pompon vissé sur ma calvitie.

Nous nous souviendrons, ma Niviarsiaq et moi, de la rencontre du voilier Lifesong, avec Emmanuelle et son mari Christophe, de leur marin Pierre et du tout petit matelot âgé à peine d’un an qui refusait d’échanger sa belle voiture contre un oursin ouvert. L’aquarelle est encadrée dans notre maison. Quant à la soirée pizza, j’avoue que j’ai un peu honte d’en avoir repris plusieurs fois, mais vraiment plusieurs fois !!! On va se revoir.

Je me souviens encore de mon émotion quand les 6 jeunes de l’aventure Niviarsiaq 2019 débarquaient sur le tarmac de l’aéroport d’Ilulissat et de mon émotion profonde quand ma chérie rentrait chez elle. Christian, le capitaine du drakkar et mécène du projet, prenait la place de Marie-Noëlle, enfin presque !!! (rire).

Je me souviens de la tête des jeunes quand il découvrait la rudesse du skipper de la Louise, je sentais au fond d’eux un grand désarroi.  Puis ils comprenaient enfin le personnage et pouvaient se détourner de ses réflexions pas toujours adroites.

Je me souviendrais toujours quand je proposais une baignade polaire à toute l’équipe, il fallait voir leurs têtes. Mais ne sont-ils pas des guerriers, alors ils ont ôté leurs prothèses pour graver un sacré bout de vie. Ils ont compris la valeur du mot handicap. La personne handicapée est celle qui dit qu’elle ne peut pas faire les choses…

Je me souviens des satanés « écureuils polaires », ca c’est notre secret… Iceberg in bocca !

Je me souviens de leur départ, leurs larmes m’ont beaucoup touché, heureusement que « mes » belles baleines m’escortaient pour rentrer à la petite maison bleue qui me semblait bien vide.

Je me souviendrais aussi très très longtemps de cette maudite prothèse qui m’a labouré le moignon pendant tout ce temps. Encore un coup des qivitoqs. Et dire que pendant 10 jours avant le départ elle était juste parfaite !

Voilà l’été groenlandais est fini, je ne peux pas tout vous dévoiler. Je vais prendre le temps de lire vos commentaires et peut-être d’y répondre. Pour certains vous m’avez bien fait rire.

 -Mais je n’en sais rien s’il y a moins de glace, cela ne fait que 12 ans que je vais au Groenland !  L’eau de mer était à 4° et dehors c’était caniculaire avec des pointes à 15°…-

Encore merci à vous tous, vous êtes sensationnels. Pour ceux qui ne le savent pas encore ma page FaceBook Frank Bruno Officiel est remplie de photos de cet été.

Ce week-end je vais me reposer avec ma chérie, pour rejoindre dès lundi la vallée de Chamonix et tenter l’ascension du Mont-Blanc mardi. Mon équipementier CimAlp (cliquez sur le lien) me l’a proposé, comment aurais-je pu refuser. Je serai muni de ma vieille et bonne prothèse la nouvelle va aller à la refonte et nous allons prendre le temps de m’en faire une sur mesure pour de prochaines aventures. N’est ce pas Angélique, Véronique et Ludo .

Les plans 2020 sont nés pendant cette période groenlandaise, je crois qu’il va y avoir encore du passage à la petite maison bleue du Groenland.

Takuss

 

Hommage polaire…

17 août 2019

 

Il est 1 heure du matin dehors c’est un vrai temps polaire, brume et crachin, sur la Louise, nous sommes au chaud à coté du poêle à pétrole. La musique va bon train, nous dansons, nous chantons, quelle vie merveilleuse. Il est difficile de retranscrire ce qui est vécu, ce qui est ressenti ici.  Les filles ont préparé un spectacle, nous sommes tous très attentifs. Sur une chanson entrainante, elles ont composé une série d’imitation de toute en chacun, nous sommes pliés de rire. Puis Louane et Lara ont préparé un discours. Le moment devient solennel, Louane se livre, des larmes coulent abondamment, elle ne trouve plus ses mots. Elle me remercie de la bousculer, de la remettre en question et de lui donner l’envie et la détermination pour avancer. Je ne dis rien mais mes yeux sont humides. Puis c’est au tour de Lara, rebelote et dix de der, elle est très émue… Quel beau cadeau.

Le Groenland est un monde hostile pour les sudistes et pour « survivre » il faut être uni. Nous sommes au total 10 à bord, 10 avec des histoires différentes, des drames, des joies, des réussites, des défaites, pourtant nous sommes sur la même longueur d’onde. Jusque tard dans la nuit nous profitons de ce moment de grâce…

8h 30 je bouscule les marmottes, j’entends des ronchonnements…Au petit déjeuner nous planifions la journée, mais un invité surprise nous pose un problème. Un fort courant de sud-ouest à rempli notre route de glace. La Louise est une habituée, mais en nous frayant un passage la moyenne va en prendre un coup. Les phoques semblent amusés par notre lenteur, les baleines nous saluent, tout le monde est attentif. A tour de rôle chacun aura son quart de barre, manœuvrer un voilier de 40 tonnes au milieu des glaces est une sacrée expérience. Finalement vers 13h nous retrouvons une route moins encombrée de growlers, mais la vigilance est nécessaire. Une bande de baleines nous offre un show incroyable, elles sont si prés qu’on pourrait les toucher. Puis nous reprenons la route… les sourires en disent long sur ces journées d’un autre temps. Le virtuel d’ici quelques jours va les reprendre, le robinet d’eau courante et l’électricité aussi et c’est bien dommage. Nous nous rendons plus compte à quel point le confort est devenu facile et envahissant. Mes réflexions par moment font grincer des dents certains, mais ici je ne peux laisser passer le surplus. A force de vivre en, mode baroude, mes sens ce sont ouvert, ce sont affutés. Je ne pique pas pour faire mal mais pour ouvrir de nouvelles réflexions.

Ce soir il bruine, mais les soleils sont dans leur cœur.

Takuss.

Bloqué à Kangerlussuaq :

11 juillet 2019

Le brouillard à Ilulissat semble tenace, depuis hier aucune rotation n’est possible. Ici pas de route, le seul pont est par les airs ou par l’océan. Les annonces toutes les deux heures sont les mêmes : fly canceled. J’ai une pile de bouquin, j’en sors un, je vais le lire dans la journée. Vers 17h c’est sûr je vais encore passer une nuit ici. Rassurez-vous l’hôtel du coin est plus que bien. Lit confortable et surtout douche et toilettes individuels ce qui est un grand luxe pour cette terre en permanence gelée. Après être sûr de ne pas partir ce soir, j’endosse mon sac à dos pour aller me balader. Ici ce n’est pas trop glamour, ce lieu n’est que la plateforme aérienne de la côte Ouest du Groenland. Un airbus par jour arrive de Copenhague, pas plus, mais après, d’ici les petits Dash8 desservent toute la côte. En calculant un peu c’est 250 personnes par jour qui partent et qui arrivent du Danemark. Cela me laisse pensif quant au monde qui est déversé quotidiennement en Corse en ce moment !

Donc j’emprunte une route en terre, la même qu’il y à 12 ans avec Nicolas Dubreuil quand nous avions traversé la calotte à pied en 34 jours de marche forcée sans la moindre assistance. Cette piste avait été taillée par l’industrie automobile allemande pour les tester sur la glace. Encore une folie des hommes. Je marche sans but, mon errance me porte sur un promontoire qui domine un fleuve boueux. La brise est la bienvenue, les moustiques sont tous aux abris. Dans la toundra des myrtilles me font de l’œil, puis ce sont des massifs d’épilobes à feuilles larges qui donnent un peu de couleur à ce paysage poussiéreux.  Niviarsiaq, c’est son nom Groenlandais, signifie aussi jeune fille. C’est le nom que j’ai donné au projet de cet été et des années à venir. Emblème du Groenland, elle est éphémère. Ce qui me fascine dans cette jolie fleur c’est qu’elle résiste toute l’année aux frimas d’un hiver rigoureux pour renaître chaque saison estivale en lui donnant un air de fête, de joie. Comme ces gamins qui vont me rejoindre bientôt. Ils ont surmonté des cancers, des graves accidents de la vie, mais sont encore là pour hurler aux qivitoqs (croyance inuit, esprits malicieux qui hantent la toundra et les glaces) qu’ils sont encore vivants avec un avenir extraordinaire. La vie ici, plus qu’ailleurs est un présent qu’il ne faut pas louper, chaque seconde à son importance. En étant optimiste ile me reste encore 3 024 000 secondes à vivre alors pourquoi en gâcher une !!!

Vous aussi bougez-vous les fesses, soyez les explorateurs de vos âmes, de vos envies, de vos rêves. Allez-y jetez vous dans le vide, si vous avez rêvé bien fort vos plus beaux désirs, vous allez voir que soudainement vous allez certainement vous envoler… Go go go…

Bises à vous tous…

Été à Oqaatsut 2019…

7 juillet 2019

 

Bonjour à tous,

Ce petit mot va vous rafraichir puisqu’il est posté directement du Groenland où j’ai posé mes sacs.  Début août, 6 adhérents de l’association Bout de vie vont embarquer à mes côtés, à bord du voilier polaire la Louise. Une croisière australe en baie de Disko, va leur dévoiler des moments qui resteront gravés à tout jamais dans leurs âmes. Les mouillages seront sauvages et silencieux, les activités seront simples : Ouvrir ses yeux et tout prendre. Balades à terre et sous-marine, agrémenteront les escales. Un journal de bord vous dévoilera tous les petits moments magiques de cette exploration digne d’une aventure à la Shackleton.  En attendant depuis ma petite maison d’Oqaatsut je vous offre un peu de fraicheur et de liberté.

 En m’inspirant de la phrase de Rasmussen :

Donnez-moi un océan polaire et du silence, je vous donnerai tout le reste

Un crowndfunding est en ligne, vous pouvez vous aussi apporter votre flocon de neige à la création de cet iceberg de Liberté. Cliquez ici

 

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