Le cap de l’ours

29 juillet 2012 par Frank Laisser une réponse »

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Plus je m’en approche plus la peur me prenais au ventre, le dernier golfe à traverser a très mauvaise réputation et souvent on me l’avait décrit comme un tueur. Je sais que je peux le faire mais je suis mal à l’aise. Le bivouac de hier soir était magnifique, l’un des plus beaux mais pourtant je n’ai qu’une hâte, c’est le quitter. L’angoisse est à la porte de mes pensées, je la chasse : « Pas avec moi, vous vous trompez de client chère madame ! » Je vérifie une dernière fois Immaqa et pars rejoindre ma tente. L’orage gronde, la pluie s’abat sur nous. Tant mieux elle aplatira le résidu de vagues d’Est, ce sera ça en moins à gérer. Je fais des exercices de respiration et trouve un profond sommeil. 4H30 le vent est passé au Sud-ouest, c’était prévu, mais il ne faudrait pas qu’il soit trop fort, j ai 8km à faire avec lui par mon travers tribord. Je m’saffaire et reprend ma route. Un bref passage au milieu d’un petit groupe d’îles et je me retrouve en pleine mer. Pas de houle bien-sur, le vent vient de terre, mais la côte est à 6km et l’effet de Fesch  a le temps de bien brasser la mer. Le vent pour l’instant est une brise soutenue navigable. Puis, ce que pressentais, il fraîchit ! Pour la énième fois je jette un dernier coup d’œil à mon hiloire, qu’il soit bien étanche et essai d’augmenter la fréquence des coups de pagaies. Plus les jours passent, plus mon Nautiraid 540 m’impressionne de part sa stabilité. A chaque vague il revient fier comme un corse ! Je suis vigilant et me prépare à lui donner le coup de rein s’il tentait de chavirer. J’avance vite car le vent de travers ne freine pas. 1h30 et j’arrive à rejoindre un îlot grand comme un mouchoir de poche, c’était ma première étape. En me faufilant je me glisse entre deux cailloux pour nous bloquer et me refaire une santé. Je reçois la météo qui annonce une rotation lente du vent à l’Ouest-Nord-Ouest en mollissant. Je veux y croire à cette prévision, elle serait le miracle de cette traversée. Je reprends la mer, le bout du golfe n’est plus qu’à 6km. Par expérience je me dis que le vent risque même de glisser sur le littoral et prendre une direction Ouest. J’y crois, je suis positif, mes anges gardiens m’ont envoyé ce papillon hier soir pour me rassurer, alors j’avance. Un grand récif me sert de bouclier, il bloque les vagues et le terrain me devient plus favorable. Je prends 45° Est et vise le cap Björn (Ours en Suédois). Il est seulement à 15km ! Je retiens ma respiration, je prends l’axe du vent qui m’amène droit sur le dernier promontoire de mon périple en Botnie. Je suis heureux comme un gosse, je ne veux vexer personne alors je me tais, je n’ose rien penser, mais pourtant je sens que la partie va se jouer en notre faveur. 20’ et le vent semble s’être bien calé, je tente mon carré d’as, j’envoie le cerf-volant. Il part au quart de tour, je suis propulsé droit sur l’Ours ! Je stoppe mes efforts et écoute le vent siffler dans mes oreilles, il me susurre quelque chose : « Je ne t’ai pas trop malmené, mais je t’ai mis des épreuves que tu as su réussir sans rager ou chougner, par la grâce des Dieux des vents je vais te pousser jusqu’au bout de ce golfe. Ici j’ai tué beaucoup d’hommes mais aujourd’hui le minuscule point rouge et noir passera sans encombre… » 10h30 je double le cap Björn, je hurle ma joie, je suis sur que de Luléa à Stockholm on a dû l’entendre ! Vous l’avez entendu vous aussi ! Je n’ai plus que 35km de côtes remplies d’iles  pour arriver à Öregrund qui marquera la fin de mon périple en mer de Botnie et me mettra dans un long canal débouchant sur la capitale suédoise Stockholm. Vers 12h je vois une brèche à terre, un semblant de replat herbeux. Je me fraie un passage au milieu de cailloux et trouve un petit coin pour dresser mon bivouac. Juste derrière un parking d’un tout petit
port abri désert. Une table des bancs, j’y fais mon bureau-cuisine. Je crois que ce soir je vais m’écrouler.
PS : Jo Zef et Norra se sont calés au sommet de la tente pour sécher et se remettre de toutes ses émotions.
I’m a free Man !

A pluche !

3 commentaires

  1. Marie de Voujeaucourt dit :

    Je viens de rentrer de vacances et j’ai tout lu … ton aventure est extra et même si parfois tu es pris de doutes ou autre je vois que tu reprends vite le dessus 😉 et Jo Zeff qui a trouvé une compagne c’est extra … bonne route Franck et merci pour cette belle leçon de vie que tu nous donnes 🙂 bisous à pluche !

  2. Bonsoir. Je viens du blog de Cathy et je viens de lire vos textes. Quel beau voyage ! Je vous admire et je pense à vous. Je repasserai prendre des nouvelles.

  3. Cathy dit :

    Ah, Bonheur du Jour est passé par là, belle visite pour un BoutdeVie , n’est-ce pas ?

    Le bouche-à-oreille se propage dans la sphère bloguesque, Jo Zef va bientôt être très célèbre, attention Norra, aux paparazzis !

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