Dernier baroude

8 septembre 2017 par Frank Laisser une réponse »

Ce matin est plus solennel que les autres, je m’offre un grand tour de bateau, tout à l’heure à marée haute je vais devoir le sortir pour l’hiverner. De la cabane au ponton c’est déjà une aventure, le sol est verglacé et avec ma jambe de bois, j’essaie de m’accrocher aux branches, zut on est au Groenland, il n’y a pas d’arbre ! Pour monter sur le bateau c’est encore plus folklorique, il ne me manque que le tutu pour faire un show-ice. Oqaatsut est calme, en même temps à 6h du matin il faudrait avoir un pète à la chapka pour partir en mer. Ma direction sera le nord, avannaanut. Le froid est saisissant mais comme le dit le proverbe scandinave : il n’y a pas de mauvais temps, il n’y a que des mauvais habits. Les icebergs, avec le vent du nord qui persiste depuis plusieurs jours, sont plus discrets, mais toute ma concentration est en éveil, un tout petit bout de glace percuté à vive allure serait vite un gros problème. Une tête moustachue m’observe, je tente l’approche mais trop tard il sonde, les phoques sont dégourdis, ils savent que l’homme égal danger. Je retrouve les endroits où j’ai bivouaqué en kayak, avec mon 60 CV les donnes ont changé. Les baleines sont absentes du panorama, elles doivent se retirer, elles aussi vers le sud. A l’entrée du grand golfe de Pakistoq, je stoppe le moteur. Pas un souffle d’air, pas une vague et bien sûr personne, mais personne à l’horizon. Je prends tout ce qu’il y a prendre, bientôt ce sera différent. Mais l’horloge ne s’arrête pas, la grande marée va être à son plus haut niveau, il me faut rentrer. Ces 3 heures de mer m’ont donné une patate monstre, mais je dois retrouver la cabane, car mes doigts me donnent la sournoise sensation de vouloir tomber, ce serait dommage, non ! Un café soluble une tartine de confiture et me voilà de nouveau sur l’eau. Steen m’a indiqué la meilleure dalle de granit pour glisser le bateau à terre. Deux grosses canalisations à l’abandon, remplies d’isolant où circule un tuyau d’eau pour alimenter les douches communales, servent aussi de chariot de relève. Mise en paire, amarrées par des bouts, il faut faire glisser le bateau entre ces deux gaines, une fois bien calé, il faut de la force pour faire glisser le tout à terre, mais aujourd’hui les copains ont un quad. A la place des muscles, nous allons faire glisser, non sans mal, le bateau.  Steen vient à la rescousse, le quad n’a pas assez de force pour amener le bateau hors d’atteinte de la mer, alors nous nous transformons en chien de traineau : ily ily ily ! Finalement nous y sommes arrivés, mais maintenant il faut libérer les deux tubes, pour les autres qui vont faire de même dans les jours qui arrivent. Avec un cric de carrossier et des cales en bois, nous soulevons le bateau, mais les jours de pluie ont rendu la toundra spongieuse. J’ai trouvé plus têtu que moi, si si, Steen m’a battu, mais on a bien rigolé. Voilà, le job est fait et bien fait. Doucement, j’ai vidé son contenu, rincé et calé le moteur, l’hiver bientôt pourra le recouvrir de neige et de glace, il sera hors de danger. Pour remercier tout le monde, j’avais prévu le coup. Hier soir avant la nuit, j’avais fait un gros bocal de corail d’oursins, aujourd’hui ce sera spaghetti aux oursins, un plat absolument atypique pour le Groenland, Steen lui décline l’invitation, il me confie qu’il ne peut pas manger cette nourriture, cela ne l’inspire pas. Et dire que la plupart ici, mangent les abats des mammifères crus, et toutes autres bricoles où il me faut un courage fou pour avaler. Sur le chemin, Brita qui de temps à autre vient ouvrir son restaurant pour des touristes égarés vient aussi. Les assiettes sont très bien remplies, tout le monde se régale, le pari est conclu. Steen nous rejoint au café, ses amis l’encouragent pour une prochaine fois à essayer mais son non est catégorique. Encore un super bon moment de partage. Brita me demande si l’année prochaine je pourrai lui pêcher des oursins pour ses quelques clients égarés, Immaqa (peut-être). Ce soir, en finissant d’écrire mon journal de bord, un gros bateau de pêche vient faire relâche en baie d’Oqaatsut avec une grosse baleine comme prise. Ne jugez pas, ici c’est comme ça… Je n’ai pas mis de photo pour éviter les polémiques…

A pluche

PS : Depuis que j’ai trouvé cette chapka en poil de renard et de chien, dans la remise de la maison, la mascotte rase les murs en boudant. Ce serait sympa en peau de koala, non ?

 

 

4 commentaires

  1. La lecture de ton journal est particulièrement dépaysante.

  2. popeye cursinu des mers dit :

    Message de popeye a Jozef :::: quand on n as pas de cheveux on as une chapka

  3. Patou Colibri dit :

    Coucou…… tu es beau avec cette bestiole sur la tête pauvre Jo Zef

  4. Cc frank la dernière fois que je t’ai vu tu étais sur la plus belle des îles au monde et la je te retrouve toujours aussi fougueux entouré de glaçons et de chaleureuses personnes …Tu es un exemple pour nous …ravie d’avoir de tes nouvelles

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