Samedi 24 décembre 2005 – On est pas mort

24 décembre 2005

Certains de vos messages nous surprennent, bien sur qu’on souffre aussi bien physiquement que mentalement mais à votre avis pensez-vous que nous allons baisser les bras ? Non ! Ne vous inquiètez pas on y arrivera ! On est sorti de situations plus longues et plus merdiques alors de grâce pensez fort à nous allumer une bougie et rendez-vous a l’arrivée ! On va tout faire pour vous surprendre ! Faîtes passer le message on est fatigué c’est clair, la route est longue mais on tient le bon bout, de vie bien sur ! Valides, tremblez, ils reviennent !!!

Visite éclair du père noël ! C’est comme le bon dieu, on est pas obligé d’y croire ?!

Vendredi 23 décembre 2005 – Ca sent le chaud !

23 décembre 2005

Jo Zef nous a donné un scoop ! Que le jour de notre dèpart, il y avait d’autres bateaux à rames ??? Pas possible alors on est pas les seuls félés ! Il paraît même que c’est une course, mais on était pas au courant ! Et d’aprés les rumeurs de coursive il paraît qu’on serait même bien classés ? Promis on pas fait exprés. D’abord on s’est gourré de route trop au sud (on a suivi les conseils de Jo Zef) puis pendant 10 jours on a bouchonné ensuite on a taquiné le goujon pour changer des sachets et barres vitaminées. ET on nous annonce que l’on est bien classé ! Peut-être que ce sont des handicapés ?

On a jamais vu des pauvres unijambistes battrent des valides ? Ca ce saurait ! Gros bisous à Zezette, Jean-Pierre attention au régime ! Jean-Luc respire un bon coup ! Ainsi qu’à tous les enfoirés qui en lisant ce journal se préparent à un gavage intempestif et honteux par rapport à notre super cantine du bord !

Jeudi 22 décembre 2005 – Doucement mais sûrement

22 décembre 2005

Gentillement mais sûrement le vent tourne pour nous propulser dans le bon sens. C’est fou ce que le corps peu encaisser, on dort de moins en moins, manger c’est pas le top mais le moral est tout de même là. Quand on sent qu’on va craquer l’autre est au petit soin pour l’autre et vis et versa, heureusement que c’est jamais en même temps.

Ce matin un voilier nous a doublé sans même nous calculer, avec la longue houle et la taille de notre yacht il ne nous a pas vu ! Chaque fois qu’un voilier nous croise sans nous voir je pense au pauvres naufragés à la dérive sur leur radeau de survie, l’espérance qui passe à portée d’aviron sans s’arrêter.

Comme quand on est amputé, des espoirs qui vous frôlent mais s’envolent, mais l’important c’est de ne pas perdre espoir car tout a une fin, comme notre arrivée si lointaine. Pourtant un jour la délivrance arrivera et tous ensembles nous remarcherons.

Mercredi 21 décembre 2005 – Cocktail de mer

21 décembre 2005

Pour faire un vrai cocktail de mer : prenez une houle de nord ouest croisée avec une forte houle de nord est, appliquez lui un vent frais de nord de 15-20 noeuds, prenez deux unijambistes bien frappés, un zeste de transpiration de mâle et incorporez le tout dans un shaker type bateau à rame. Vous obtiendrez un super cocktail océanique. Biensûr celui-ci peut être accompagné de petites galettes bien chaudes !

Blague à part, qu’en est-il de la vie à bord avec nos amputations ? Beaucoup plus difficile que prévue, Dumé avec son système de prothèse manchon siliconée ne peut l’utiliser et doit donc se déplacer sans ! Comme vous pouvez l’imaginer le moindre déplacement demande beaucoup d’effort et d’énergie en plus du reste. Son moignon n’étant pas appareillé, il gonfle énormément et doit donc être bandé 24 heures sur 24.

Quant à moi, c’est un peu moins compliqué puisque je suis amputé tibiale bien que les déplacements sur le bateau avec une articulation de cheville mole restent du domaine acrobatique. C’est vrai, on le reconnait, on a un léger handicap par rapport aux autres concurrents.

Mardi 20 décembre 2005 – Pluie incessante et vent faible !

20 décembre 2005

Un peu comme dans un cauchemard on se déplace à pas de fourmi, la pluie rend la cellule comme une étuve puisqu’elle est fermée, mais comme tout cauchemard il doit bien y avoir une fin.

A quand l’arrivée ? Cela parait du lointain, très lointain, mais on y arrivera ! Promi ! Alors pour l’instant on en bave comme des galériens, jours et nuits on rame pour enfin trouver ce fameux vent portant qui n’arrive jamais. Si quelqu’un a une conbine avec Eole : qu’il nous le fasse savoir. Mademoiselle « L' » est toujours là, heureusement sinon avec le gris et l’humidité de partout même la tête se ramolie…

Lundi 19 décembre – 110 nautiques en 10 jours

19 décembre 2005

Pas mal le score ! On vous promet un 110 nautiques en 24 heures !!!
La nuit fut torrentielle : des tonnes d’eau toute la nuit, donc obligés de dormir tout fermé style jacuzzi sans les massages. Dommage qu’on ne puisse pas éviter les odeurs : c’est du « Sauvage »…

Finalement, ce matin le vent est tombé et nous avons repris le bouleau à deux puis vers onze heures chacun son tour. Alors que je me defoulais sur mes avirons, des dorades coryphénes sont venues nous rendre visite accompagnées de leur copines : les balistes cochons.

Nous tenons à présenter nos excuses à Catherine Chabeau et Maud Fontenoy car lors de notre dernier entretien téléphonique en direct de St-Gervais nous avons dit que nous avions rejeté une dorade car elle nous avait fait peine. Cette dernière a fini dans la poêle et j’espère qu’il n’en déplaira pas à nos sponsors : Knorr expedition, Voyager et Petit Navire qui restent des produits succulents mais il faut avouer que les produit frais c’est pas mal non plus. J’allai oublié, c’est Dumé qui a peché et retiré les filets, comme un vrai pécheur de morue Islandais.

A propos de nos bobos tout va pour le mieux les plaies cicatrisent, les brûlures s’attenuent et pour les mains et les fesses : du « Béton armé ». Le vent tourne dans le bon sens donc le moral est au beau fixe… Au niveau des « people pote à Jo Zef », mademoiselle « L' » est toujours présente et de plus en plus près alors que « Napadelice » s’est barré lors des vents contraires pour nous faire venir son cousin « Napalemoral » qui s’est barré pour laissé la place à un futur cousin lointain « takavenir ». Ca esquinte l’éloignement ? Si, si ! Vous venez de le penser !!!

Dimanche 18 décembre – Dimanche en famille

18 décembre 2005

Je vous rassure le vent est toujours contraire (mort de rire…). La nuit dernière, nous avons reculé de 11 nautiques, comme programme il y a plus sympa mais c’est plus cher…

Hier nous avons été les invités, par téléphone bien sûr, de la station de ski de Saint Gervais ?! Pour l’ouverture hivernale ils avaient invité des grands navigateurs et « trices », Catherine Chabeau, Maud Fontenoy, Emmanuel Coindre…

Une situation tout à fait bizarre d’être tellement isolé du reste du monde et de se retrouver en quelques secondes à la rencontre de centaines de spectateurs. A la fin de mon speech, le public qui applaudi massivement, et vive les nouvelles technologies !

Hier en fin d’après midi, le vent fraîchit de nouveau pile poil dans le nez alors : ancre flottante ! Et on pense à nous : toilette, rasage et buanderie, c’était pas du luxe ! Jo Zef, lui, s’est planqué pour éviter la savonnette. C’est après le dîner que je vous écrit ces quelques mots :

Rameur parti la bas dans le néant
Amputés, estropiés voulant jouaient navigateurs d’océan
Ils ramèrent, ramèrent sans arrêter
Rien ne sert l’arrêt il faut avancer
Avancer pour arriver, avancer pour ne pas sombrer
Dans ce gouffre qu’est le vide de vos rêves oubliés
Avancer vers sa destiné et retrouver l’être aimé
Ramer, ramer, toujours avancer
Si parfois nuit rime avec folie
Ils partirent ramer pour leur « Bout de vie »

Samedi 17 décembre – Le soleil revient

17 décembre 2005

Merci à tous, le soleil revient dans nos tâches d’ombre et de doute, un message reçu hier nous a bouleversé et remis sur le chemin de la paix pour poursuivre notre croisade.

Etre femme amputée ne doit pas être facile tous les jours, mais perdre un enfant et encore un autre fardeau que seul la personne l’ayant porté peut savoir. Merci madame de votre lumière et de cet émouvant témoignage, ce journal de bord, n’est jamais émis à titre personnel, mais exponentiellement, on vous le dédie.

Parmi le néant qu’est cet océan, l’esprit part dans cet endroit que l’on ne soupçonnait pas. Parfois il fait peur et tout peut dégringoler, pourtant je pense c’est tout simplement désencroûter notre âme de ce que notre société a voulu nous coller et se retrouver seul face à soi même vous provoque une panique incroyable.

Souvent je me pose la question sur cette aventure en me disant que je n’y ai pas ma place pourtant cette petite voie interne me pousse et m’encourage dans ce pélerinage qu’est la traversée d’un océan par le travers de son coeur. 23 ans en arrière, quand j’ai eu la jambe droite broyée je ne savais pas pourquoi, maintenant je sais.

PS : « merci Anna »

Vendredi 16 décembre 2005 – Encore du vent contraire

16 décembre 2005

Alors que nous avancions tant bien que mal avec un vent de travers un gros grain nous a rincé et le vent a tourné pile poil dans le sens ou on devait aller. La météo ne l’avait pas du tout prévu !

Rebelote, nuit d’enfer, à l’intérieur on se fait séverement malmené par une mer dure et hachée. On essaie de garder le moral en positivant. A demain car même écrire un mail est difficile…

Jeudi 15 décembre 2005 – C’est quand qu’on va où ?

15 décembre 2005

Rien de bien nouveau le vent a décidé qu’il ne serait pas docile alors on Raaaaaame en force. Le soleil et le crachin se partagent nos postes de quart. Heureusement que mademoiselle « L' » et Napadelice nous sourient et nous soutiennent. Aujourd’hui ils vont vous présenter leurs copains :

Plusieurs fois par jour des bancs de dorades corifènes accompagnées de balistes cochons se groupent sous notre embarcation, Napadelice biensûr est le maître des lieux. Puis d’un seul coup tous repartent dans les profondeurs.

Dans les airs c’est pareil, de temps en temps quelques puffins cendrés viennent nous survoler mais comme nous ne sommes pas comestibles ils repartent pour voler au dessus de la houle incessante. Ce sont ces mêmes oiseaux que je cotoie aux îles Lavezzi qui pendant la période hivernale se rendent aux îles Malouines. Ils viennent ici nous apporter leur passion pour les longs voyages.

Pour finir, nous avons les éternels compagnons du marin : les dauphins, qui se tiennent pour l’instant à distance. A demain pour d’autres histoires…