Le livre est fermé…

8 mai 2017

L’épilogue est conclu, le livre est fermé, je n’ai plus qu’à le ranger. Les dernières pages furent riches en émotions, en réactions, le cap fût maintenu, mais mon âme tremble de ce trop de vide. Grâce à lui, sans doute, une médaille rouge pour briller en société m’a été attribuée, suivit d’une balade boréale pour partager et notre dernier voyage pour transférer « Mon » petit bateau dans sa nouvelle vie sans « Moi ». Un soulagement et une envie d’hurler, une sage décision et une terrible amputation. Des amis, j’en ai eu des vrais, beaucoup ont rejoint les étoiles, mais j’en garde encore quelques-uns solides ; ma famille, je me la suis reconstruite avec Bout de vie. Mes femmes, elles m’ont toutes apporté sagesses, tendresse, mais la Liberté n’est pas prêteuse alors elles sont devenues tendres souvenirs. Mais mon p’tit bateau en bois lui il est unique, fidèle, toujours là dans mes coups durs, têtu comme une mule, il réclame que l’on s’occupe de lui comme un nourrisson. Dans les coups de vent on s’est révélé croyant, non pas en la religion mais aux Dieux des vents et des courants, on fuyait le Diable en forme d’écueils ou de déferlantes. La religion c’est pour ceux qui sont à Terre, dans des cubes en béton en se croyant en sécurité car ils sont blottis derrière des murs de principes, d’assurances, de crédits qui rêvent de croissance et de votes. Nous au large on baroudait, loin de tous ce brouhaha, quand deux Cabochards s’unissent gare aux épaves oubliées, aux baies abandonnées, nous devenions flibustiers des temps modernes.  Pirates des Caraïbes peut bien aller se démaquiller, nous Corsaires des causes perdues, pas une seule fois nous n’avons refait la scène, la première était la bonne. Il m’a connu sur deux pattes, des tonnes d’eau salée ont coulés dans ses entrailles mais dés, que je déployais une carte marine, nos yeux pétillaient, le compas pointait, la gomme effaçait et voguent les enfants terribles, à nous l’horizon de l’inconnu. On ne nous donnait pas cher en cette vie de baroude, on nous avait prédit de finir clochard, de revenir au premier coup de vent, mais deux caboches ensemble peuvent renverser Hercule et Samson, Libeccio et Meltem ! Quand on veut on peut. Ce matin le port m’a accueilli comme à son habitude quand le Grécale le transforme en soufflerie, mais pas de petit mat en bois, pas de café dans ses entrailles, j’ai récupéré quelques bouts de « ficelles » qui marquaient encore le quai de sa présence et m’en suis allé au camp des Solitudes… Ouf il pleut, la route est quasiment inaccessible, aucune âme perdue ne pourra m’interpeller. Les souvenirs sont le terreau de notre présent, attention aux émotions qui embellissent et enjolivent nos vieilles histoires. Mes mains tremblent, aucun amis disparus, aucune séparation ne m’a mis dans cet état, mais la tristesse est un droit d’Homme, alors j’apprends à danser sous l’orage plutôt que de gémir de cette tourmente affective. Son nouveau port est au bout de la mer à Cassis, il entendra le bruit des cigales, des galéjades du Sud, des marins qui parlent beaucoup et fort mais son nouvel armateur est un chic type, il sera choyé, j’en suis sur. Ici au camp des Solitudes, la tempête secoue le tipi, attise le feu qui essaie de me réchauffer mais en vain, ici dans la vallée perdue ce soir je ne suis pas seul, la solitude grande amie de la Liberté est à mon chevet… Prend soins de toi Cabochard tu n’es pas un bateau, tu es bien plus que tout ça, tu m’as sauvé la vie, prend soin de toi p’tit bateau je t’aimerai, même après ma mort…