Nouvelles du Grand Nord…

29 août 2018

 

1heure du matin, encore une insomnie, alors je profite de la première nuit obscure de l’été pour saluer les étoiles, cela fait quelques mois qu’elles n’ont pas scintillé au dessus de « mon » petit village Oqaatsut. J’y cherche la mienne, la sienne, la votre… J’hume l’air polaire, je respire à plein poumon, le petit 4° est vivifiant, la Grande Ours est apaisante. Je n’ai pas écrit depuis plusieurs jours car une grande tristesse m’a envahi, les nouvelles d’en bas ne sont pas très bonnes, mais j’essaie de suivre cet adage : la douleur est inévitable mais la souffrance, elle, est intolérable, alors je tente de ne pas souffrir. Toutes les ruptures, blessures, sont enrichissantes en leçons de vie, alors j’apprends. 45 jours de vie là-haut au pays d’aputsiaq, 7 semaines à retaper une maison bleue perdue au milieu des glaces et du silence. Un rêve de plus de réalisé, un défi de plus relevé, mais l’essentiel c’est envolé, la fondation c’est écroulé, l’existence sans amour est un oiseau sans aile, un horizon sans espoir. Je me force de croire que c’est salutaire pour mon âme, souffrir c’est grandir, alors je vais bientôt prendre de la hauteur. Dume, mon Dume est là, heureusement, il me fait rire, il fait le pitre. Un invité de plus a rejoint la cabane, Christophe, alors il me faut encore endosser le rôle de guide. Bivouac au milieu de rien, rencontre de dizaines de baleines et phoques, village plus souriant. La vie ici est riche, pleine de grandeur. Je me reprends en main, je tente de penser de nouveaux projets, de panser ma plaie, de comprendre et de me mettre à la place de l’autre. Nous sommes tous fautifs de nos actes et donc je cherche mes erreurs mais il me manque des éléments, des réponses…

Pendant ces 45 jours la cabane a accueilli des « éclopés », des amis, des copains, elle a vibré, elle a retrouvé une certaine jeunesse, derrière tous ça des mécènes qui ont permis ce rêve. Un immense merci, vous allez voir je vais en sortir plus fort, j’en suis sur, même si je boite bas et même si la nuit a envahi en partie ma vie. Je ne sais pas quand je reviendrais ici, je dois vivre l’instant présent, je dois juste écouter battre mon cœur, j’ai espoir, je l’ai entendu vibrer de nouveau, je vous assure. Inévitablement je vais revenir au pays des silences, au pays des Homme silencieux. En rentrant je vais apprendre à pardonner, à me mettre à la place de l’autre, pas facile, pas facile pour un gars comme moi. Mais homme de défi, celui-là aussi je vais le réussir. Je ne m’épanche pas mais je devais vous le dire, vos multiples messages d’inquiétudes m’ont soufflé de vous écrire, de vous dire que tout va bien, je suis encore là, mes yeux cherchent la mer ouverte pour sortir des glaces qui m’ont emprisonné.

Les baleines sont de partout et les troupes de phoques aussi comme un cadeau de mes anges gardiens. Ce matin les morues sont montées à bord d’Ifaraq, jamais je n’en ai péché d’aussi grosses. Sans trop d’excentricité, les gens du village me félicitent pour le travail de restauration et surtout je commence à peine à comprendre comment ils fonctionnent, pas évident pour un latin. Ce soir c’est ma dernière soirée avant de reprendre la route vers chez moi, là-bas où la cabane sera vide. Je pars en balade sur les dalles de granit, la mer est calme il n’y a pas un souffle d’air, seule 4 baleines, jouent les passantes. Je n’ai rien prévu, pas de serviette pas de plan B, je sens qu’il me faut me mettre à l’eau, l’océan Arctique me le demande. Sans ciller, sans trembler, je m’immerge en tenue d’Adam et Eve. La mer de Baffin est accueillante, je n’ai même pas senti le froid, bien au contraire elle m’a apaisé, elle m’a lavé de beaucoup de noirceur prêt à affronter ma nouvelle vie…

Je crois que je vais pouvoir écrire une belle nouvelle, sur l’histoire d’un papillon qui s’est posé dans l’écrin du cœur d’un Nanoq blessé. Ils vécurent des moments forts, des vibrations célestes, mais a-t-on déjà vue un papillon partager la vie d’un ours polaire ?

Je vous envoie plein de belles pensées, de belles ondes,

Allez papillon déploie tes ailes et vole sans te retourner, ce qui ne tue pas rend plus fort…