Déménagement

24 août 2017
 
En Méditerranée, le vent du sud signifie chaleur humide, ici cela prend tout un autre sens. Le fjord d’Ilulissat, classé patrimoine de l’Unesco est le point qui déverse le plus d’icebergs dans l’hémisphère nord et comme le port est situé au nord géographique de cet endroit, quand le vent du sud est insistant comme depuis quelques jours, il le bloque. A l’infini vers le midi, des centaines de glaçons ont mis l’horizon au piquet, la navigation va devenir très, très difficile. Le programme de demain sera de ramener le kayak de Karin, là bas au milieu des glaces, mais la région nous a appris à ne penser qu’à l’instant présent…
 
La pluie n’a pas cessé, rendant le village triste et froid, mais juste en face de nous, dans une cabane foncée, c’est le grand chambardement, notre copain Steen, déménage ! Ici, pas de société spécialisée, pas de carton numéroté, la distance entre les deux maisons est de 200 m alors de bons sacs poubelles feront bien l’affaire. Nous nous proposons pour apporter un peu de main d’œuvre, le travail de fourmi peut commencer. Le crachin nous accompagne, à chaque entrée dans l’une des deux maisons, on se déchausse pour récupérer nos ballots et repartir dans l’autre sens… La bonne humeur nous fait oublier ce temps pourri. Les chiens, eux, bien qu’enchaînés, semblent retrouver un peu d’énergie, la température de la semaine dernière les avait mis amorphes, le petit 0° de ce matin leur donne du baume au cœur.
 
Finalement, autour d’un café fumant, nous reprenons notre souffle. Steen parle anglais ce qui facilite l’échange. Je lui demande bien sûr ce qu’il pense de demain, si la glace va nous laisser passer, sans mot, sourire en coin, il lève les yeux au ciel, ce qui signifie que ce sera bon, Immaqa (peut- être)…
 
Le vent du sud se renforce, les icebergs éclatent à n’en plus finir, la côte exposée du village est recouverte de débris d’icebergs, c’est une belle opportunité pour ramener une belle réserve de glace qui sera notre eau de table. Sur un gros glaçon, je laisse Karin manipuler le pic,
d’elle-même, elle va découvrir le secret de la bonne glace. Elle doit faire un bruit sec à chaque coup de « tok », sa couleur doit être bleu turquoise, la langue groenlandaise utilise plus de 50 mots pour le mot glace…
 
La journée semble s’envoler, pourtant nous n’avons pas fait grand-chose, la quiétude est incroyable, le silence est indescriptible, la vie au village d’Oqaatsut est de plus en plus facile, sereine, comme si nous avions
toujours vécu ici. Le bouquin de langue groenlandaise, est mon livre de chevet, pas à pas cela rentre mais de bleu que c’est compliqué… A pluche