Le Chant des baleines

1 août 2018

 

 

Imaginez une barre d’immeubles de 15 étages à n’en plus finir, mais composée uniquement de glace, dans un silence absolument incroyable… Les icebergs nous encerclent, nous sommes si petits ! Soudain, un râle, un gémissement, un chant, les baleines percent la surface, elles sont là pour eux, pour moi, pour vous derrière votre écran. Il est 23h et il fait encore soleil et sous un ciel bleu d’azur. La mer est d’un calme surréaliste et là au milieu de l’océan arctique 7 survivants, 7 miraculés de la vie, 7 privilégiés en sursis.  Ce moment de grâce fait oublier les boiteries du quotidien, les pauvres prises de têtes qui n’ont plus de sens quand Dame La Mort rôde… Ce soir nous avons vécu un moment de partage éternel.

Ce matin le brouillard encercle Oqaatsut mais le soleil lui nous inonde, un petit vent de sud nous protège des suceurs de sang, la vie est agréable au village du bout du monde. Au programme, des petites retouches en façade sur les bavures mais surtout une séance de taguage!!  Nous avons mis une énergie incroyable pour accomplir cette restauration mais il nous fallait nous l’approprier. Si une rue d’Hollywood a immortalisé des stars, ici il me semble important que des étoiles soient mises à l’honneur. Mains nues, couvertes de peinture bleue, nous laissons nos empreintes sur la face sud, un feutre donnera le patronyme, la maison a ressuscité, un peu comme nous.

Mais un point noir dans le village nous fait mal au bide, le coin poubelle est immonde, les sacs non ramassés depuis plusieurs jours sont éventrés par les chiots en divagation et le petit 10° estival rend l’atmosphère nauséabonde. Alors avec l’accord de la commune nous ramassons tous les détritus. Une trentaine de sacs de 100 litres au total transportés en quad à l’incinérateur…

 Les filles nous ont fait une surprise à midi, elles ont voulu elles-mêmes préparer le repas et nous confectionner des crêpes…

Milles bises depuis la cabane bleue…

Week end polaire!

30 juillet 2018
Samedi matin c’est le week-end, les pieds traïnent, les cernes sous les yeux
donnent l’état des lieux, tout le monde est cuit. Brouillard, crachin et
température polaire affaiblissent les troupes. Il faut que je les ménage;
ce matin ce sera pêche en mer. Pas loin du village, il y a un petit
promontoire que j’ai rebaptisé « Cap des morues ». Une longue ligne avec de
sérieux leurres multicolores va très certainement intriguer quelques
curieuses, mais ce matin rien ne mord ! Nous bouchonnons sur une mer extra
plate au milieu de très beaux icebergs, le silence est impressionnant. Le
bateau étant petit, personne n’a le droit de quitter son poste, si quelqu’un ne
respecte pas la règle je suis obligé de montrer mes gros yeux. Comme cadeau de 
bienvenue aux pays d’Apoutsiaq, un petit iceberg se désintègre devant nous, nous offrant 
un vrai festival de glace, mais aucun poisson ne daigne monter à bord, à
part quelques scorpions arctiques, que je rejette aussitôt. Une immense
étoile de mer se laissera piéger aussi. Mais il nous faut
trouver le repas du midi, alors nous changeons de coin pour enfin remplir
le seau de belles morues. Mais les oursins nous tentent aussi, alors munis
d’une longue grapette nous les cueillons tranquillement dans une eau
cristalline. Pour le midi le déjeuner sera basique mais local, omelette
d’oursins, pâtes aux crevettes de la baie et morue frite… L’après midi sera
libre, certains s’évaderont pour une longue sieste d’autres pour récolter
du thé du labrador qui embaume nos mugs quand il fait trop froid.
Dimanche ; le ciel est bleu azur, cela présage une belle journée en mer.
Chacun doit remplir ses thermos d’eau chaude et ranger sa ration de midi à
base d’éternelles nouilles chinoises, là où nous allons, il va faire
froid et nous serons vraiment isolés, il faut penser à tout. Dans un
sac étanche mon téléphone sat, la balise spot, une grosse trousse à
pharmacie et quelques bricoles au cas où… Nous prenons cap vers le nord, la
glace est moins dense, ce qui nous permet de passer sans problème mais le
vent d’est est modéré, ce qui lèvera un clapot polaire. Il me faut louvoyer
auprès des plus gros icebergs pour être à l’abri des vagues. Au détour d’un
immense glaçon, dame baleine nous offre un beau spectacle qui nous laisse
sans voix, puis ce sera un couple de phoques ; que c’est beau la vie ici!!
Puis nous rentrons dans l’immense golfe de Pakitsoq, aussi grand que celui
d’Ajaccio, mais sans aucune âme qui vive ou qui navigue, pas une seule paillote bruyante,
nous sommes seuls au monde. Le clapot est fort, le bateau tape, mais ne mouille pas,
donc nous poursuivons pour arriver aux pieds de falaises immenses où se jettent
de multiples cascades merveilleuses. Des oiseaux par millions nous accueillent, je coupe le
moteur à l’abri du vent, la musique est magique. Fulmard, Guillemot
(appelés aussi pingouin) jouent les base-jumper pour notre plus grand
plaisir. Nous poursuivons la route pour les passes des mers intérieures de
Pakistoq. Miracle! Nous arrivons juste à l’étal de la marée, qui en une
fraction de seconde me donne l’ordre de foncer dans ce goulet pour aller
explorer cette mer si fermée, si secrète. La première chose marquante c’est
que l’eau est turquoise et sans aucun iceberg, le goulet n’étant que de 30
mètres de large aucun glaçon ne peut y pénétrer. Nous naviguons en mer
inconnue, nous sommes devenus en un claquement de doigt des explorateurs
comme, Baffin, Franklin, Admunsen et autres fous rêveurs à la recherche de
nouvelles Terres. Mais je n’aime pas ce coin dangereux, je ne suis plus
seul, la présence de mon équipe à bord me demande beaucoup plus de vigilance,
je décide de faire demi-tour.
De nouveau dans le goulet le flux du courant commence à prendre de la
force, il peut atteindre plus de 20 nds !
L’adrénaline polaire, rien de tel pour se sentir vivant, alors nous
poursuivons dans un coin que j’avais découvert l’année dernière en kayak,
je m étais promis d’y ramener des personnes de mon association Bout de
vie. Et voilà que le rêve se réalise, ils sont tous les 6, prothèse à terre, 
dans cette ancienne caldera d’une beauté exceptionnelle. Une fois  Ifaraq (nom de notre bateau),
bien mouillé et amarré, nous explorons le site. Les restes de mon bivouac
de l’an passé sont intacts, personne n’est donc passé là depuis un an !
Je crois que vous avez bien compris ici, c’est calme et paisible !
Puis nous baladons jusqu’au moment où Ange-Paul et Rémi se lance un défi.
Je souris, car je sais que les récits de mes aventures, le soir après le
diner, les passionnent, et eux aussi ont envie d’aller chercher de
nouvelles limites. Aujourd’hui ils ont décidé d’aller nager dans l’océan
arctique ! Bien que nous soyons encerclés de moustiques, ils se retrouvent
en slip de bain pour une baignade qu’ils ne pourront jamais oublier. Je
crois qu’ils sont en train de monter une future aventure en tête à tête, on
verra bien !
 Trop fier de mon équipe de 6 warriors…
A pluche !
 
 

 

 

Cèpes polaires

28 juillet 2018

Le coup de vent est passé sans trop secouer le bivouac mais la pluie est
encore là, elle burine la tente de mes aventuriers ainsi que leur moral !
Le petit déjeuner est silencieux, l’équipe est fatiguée, dormir sous tente
est un exercice qui demande en région polaire un peu d’habitude et pour
certains c’est un baptême.
La façade sud ne peut être peinte, la pluie est dans la mauvaise direction,
mais il y a tellement de tâches à effectuer que nous ne perdons pas de temps. Le vide
sanitaire de la maison est un vrai capharnaüm, il est temps de tout sortir
et de trier ce que l’on pourra. Me voilà à quatre pattes déblayant 
l’entrée… l’odeur est surréaliste!! Des peaux de phoques en décomposition
m’offrent un fumet sympathique pour démarrer la journée ! Nous faisons la
chaîne pour tout sortir et en fin de matinée, tout est propre avec
une pièce dégagée et claire. La bonne surprise est la découverte d’un sac
contenant 3 paires de « qamiq » en parfait état. Ces bottes en peau de
phoque sont cousues à la main et sont d’un confort incroyable pour les
marches dans la neige. L’année de fabrication doit dater, cela restera un
mystère incroyable. A midi mes aventuriers ont des têtes fatiguées, épuisées, la pluie
n’a pas cessé de la journée alors ce sera relâche avec une douche pour tout le monde. Mais ici
au Groenland tout est compliqué, rien n’est jamais sur, il n’y aura pas
d’eau chaude !
En milieu d’après-midi une partie du groupe squatte la maison autour du
poêle à pétrole mais le soleil pointe le bout de son nez. Je vais les virer
avec tact pour qu’ils soient dehors à profiter du spectacle de la baie de
Disko qui s’illumine avec le soleil… Ange-Paul et Rémi partent en randonnée
seuls, ils ramèneront un gros panier de bolet arctique…
Ce soir ce sera crevettes du coin et champignons… et avec le sourire s’il vous plaît!
Vive la vie!