Vendredi 20 janvier 2006 – Au dessus de nous…

20 janvier 2006

Alors que nos conditions de vie à bord sont toujours aussi précaires, la haut dans le ciel, nos proches volent pour nous rejoindre. Nous essayons de calculer par rapport à leur horaire d’atterrissage aux Antilles pour les imaginer au dessus de nos têtes en train de déguster un savoureux repas chaud alors que nous sommes sous des métres cubes de pluie et d’écumes tout le temps.

Bien sur il ne reste plus que 200 nautiques mais Dieu qu’ils sont longs et pénibles. Nous imaginons comment se passeront les retrouvailles, les mots ne serviront à rien, juste les yeux, les accolades pour leur dire merci de nous être si proche, si attaché.

Le verbe aimer prend une autre ampleur, il devient savoureux, rassurant, en Corse on dit « Ti tengu cara » si on le traduit littéralement cela signifie « je te tient chére ». Et voila une fois de plus ce n’est pas l’homme qui écrit mais cette âme qui est partie meurtrie d’une vieille blessure et qui au fond de son parcours de rameur a compris tout simplement que notre passage si éphémere sur terre ne doit etre qu’AMOUR…

Jeudi 19 janvier 2006 – EDF energy arrive !

19 janvier 2006

Bravo, il viennent d’arriver, chapeau bas, car la route est longue. Que de nuits blanches, que de doute et pourtant le bonheur est là, au bout du chemin, patience et persévérence sont certainement les clefs de la réussite. Alors bravo messieurs !

Encore quelques jours et quelques nuits avant l’aboutissement, comme nous a dit Jo : un souvenir, ça ne s’achète pas, ça se vie ! Celui là est en train de se réaliser et c’est sûr il laissera des traces car déjà maintenant il a entrouvert des portes incroyablement murées et inacessibles. Et pourtant elles sont devant nous et elles brillent tellement que nos yeux piquent, notre plus profond est rechauffé. Les angoisses sont toujours là et pourtant nous sommes sereins, nous y croyons à cette arrivée car ça va être le début de la vrai vie…

Dédicace à ma moitié :
Véro ma VRAI :
Déjà tant de temps sans te voir,
je sens ton souffle, j’entend ta voix, je devine tes yeux
tu as croisé mon âme, celle d’un corps trop meurtri pour apprécier la vie
pourtant nos mains se sont touchées, nos lèvres effleurées
de toi embrassé tu est devenue bien aimée
mes prières se sont envolées et levées au pied de ton âme
juste te regarder vivre
partager tel est mon souhait, tes angoisses, tes peines, tes contraintes,
ton souffle, ton regard, quelques jours nous séparent
plus de doutes sur nos vies
mes phrases ne sont que prières, mes rêves espoirs
ce bateau blanc qui vient te rejoindre, plus peur du noir
ce qu’est illuminé par toi, tel est mon espoir.

Mercredi 18 janvier 2006 – Pas à pas !

18 janvier 2006

Le pélerin a remplacé son bâton par un aviron, sa pélerine est usée par un ciré toujours detrempé mais la cause et certainement la même : la recherche de son âme ! Si souffrir n’est pas le mot juste, il lui ressemble un peu, cette terre promise semble encore si lointaine. Nous nous accrochons de toutes nos forces que nous puisons parfois chez vous.

Nous ne pensons qu’à une seule chose : pourquoi sommes-nous ici ? Souvent un grand vide surgit mais le coeur léger nous savons que nous sommes des priviligiés d’être les porteurs de ce flambeau parfois difficile et pourtant tellement humble et rempli d’espoir.

Encore quelques heures et nous pourrons serrer tendrement tous nos proches qui nous attendent et qui eux aussi nous portent tous en tremblant parfois mais serein de notre dénouement. La route est cahotique et encore longue…

Mardi 17 janvier 2006 – Drôle d’anniversaire !

17 janvier 2006

Il y a 18 ans, une balle perdue de gros calibre détruit le genou droit de Dumé : l’amputation est nécessaire… Au lieu de tomber dans l’ordinaire, tout a basculé dans l’extraordinaire. Mais voilà, le temps passe et il rame, nous ramons pour l’espoir, rien à voir avec une course ordinaire.

D’abord cette quête de vie, pouvoir arriver dans cette course et tout simplement la preuve que même après l’amputation il y a une vie ! Et quelle vie ! Celle qui remue les trippes, celle du partage, celle de la fraternité. Que les bien pensant cessent de nous autoriser telle ou telle chose et interdire telle ou telle autre. Nous seul connaissons nos limites. L’aboutissement n’est pas une finalité car le plus important reste le chemin parcouru…

Autre histoire : aujourdhui, c’est le 49ème jour de mer. Il y a huit ans, ce même bateau avec à son bord Jo Leguen et Pascal Blond passait la ligne d’arrivée à la Barbade… La vie est comme l’histoire : un éternel recommencement…

Lundi 16 janvier 2006 – 500 MILLES !

16 janvier 2006

Petit à petit on se rapproche ! Il nous reste plus que 502 nautiques (1 nautique = 1852 mètres). La terre se rapproche mais il faut resté super concentré, tant que le bateau n’aura pas une amarre frappée devant et derrière, c’est qu’on est pas arrivé alors on y pense mais pas trop. Pour l’instant le plus important est d’amener « Bout de vie » à bon port.

C’est certainement notre dernière semaine et déjà plein de chose traversent nos esprits, 47 jours que l’on survie dans ce minuscule espace et on s’y est habitué. On trouve même du réconfort à être dans ce bateau qui est devenu notre pote, notre confident.

Dès que ça va mal dehors, on s’y enferme et on l’écoute se confier à l’océan. Cela faisait 8 ans qu’ils ne s’étaient pas revus ; donc beaucoup d’échange. Nous, bien sur on ne comprend rien à part des bruits de vagues qui viennent mourir sur nous. On lui a promis un musée a notre retour car le seul endroit ou il pourra se reposer en paix, c’est bien là. Pourquoi pas le musée océanographique de Monaco ! En plus ce serait logique puisque c’est grâce à l’association « 11 septembre » de Monaco (créée par JC Marssan et Franck Nicolas sous la présidence du prince Albert II) qui nous a organisé une superbe soirée tombola pour l’achat de notre yole.

Donc le musée de la principauté serait logique mais pour l’instant « rame et arrête de penser »… A chaque jour suffit sa peine…

Dimanche 15 janvier 2006 – Et si le rêve se réalisait…

15 janvier 2006

La mer est toujours forte mais les bulletins nous annoncent des accalmies. Le matériel est toujours soumis à dure épreuve. Ce matin encore on a cassé un aviron, notre gouvernail de fortune tient le choque et c’est tant mieux.

En fermant les yeux, on rêve : « Et si l’ocean nous laisse arriver à Antigua ! Et si on le finissait ce long voyage ! Ce long pélerinage ! » Bien sur on est pas dupe seul le temps nous donnera la verité. La peur au ventre de ne pas y arrivé mais notre archange qui nous suis va nous protéger jusqu’au dénouement, j’en suis convaincu.

Notre rêve : juste arriver et vous sourire peu importe gloire, foule ou autre tromperie, juste accomplir un bouleau, une mission, juste pouvoir enlasser tous ses proches qui nous on tant manqués mais on ne les voyaient plus à force d’être à côté d’eux. Quoiqu’il arrive nous ne sommes plus les mêmes, tout au long de cette route des partis de nous se sont envolées, bien ou mal on ne sait pas en tout cas certains problèmes nous semblerons bien futiles ! Notre âme est à vif, prête à recevoir et surtout à donner tant d’amour, de tendresse, d’écoute… Si la vie est un temple, j’aimerais être un bâton d’encens…

Samedi 14 janvier 2006 – On avance

14 janvier 2006

Mon Dieu que c’est long ! Lla lourde fatigue de ce voyage se fait sentir mais on avance en serrant les fesses. Dans plus ou moins une semaine, ce sera enfin fini. Excusez-nous du peu d’infos pour aujourdhui mais DO….DO. Merci on vous aime !

Vendredi 13 janvier 2006 – Pourquoi l’océan est-il salé ?

13 janvier 2006

Maintenant on sait pourquoi la mer est salée ! Les scientifiques ont certainement donnés leurs versions, nous, on vous donne la notre. Depuis notre départ c’est à dire il y a longtemps, très longtemps, l’atlantique nous regarde en coin. Tiens donc ! Les deux estropiés ont appelé leur traversée « défi atlantique » comme un adulte pourrait sourire de la menace d’un nourisson. Elle nous a laissé gentiment rentrer chez elle et de coup de vent en coup de vent, d’avarie en avarie elle nous souriait attendrie de voir ces deux grands couillons souffrir en silence. Ils ne cessaient de pleurer mais pas avec des larmes normales comme quand on est triste mais de celles qui ont rendu l’océan tout salé.

Le mot défi sera banni à tout jamais car avec elle on ne la défie pas, on l’observe sans la comprendre, on l’aime sans la caresser, on l’écoute souffler sans respirer, on vie avec elle en essayant de ne pas la déranger. VOILA POURQUOI L’OCEAN EST SALE.

PS : merci à tous ces concerts qui nous sont dedicacés en Corse et sur le continent. Vous êtes notre baume de vie, merci, monsieur Janno de l’Uniona Corsa, merci du fin fond de l’atlantique qui comme les anges néa pas de sexe…

Jeudi 12 janvier 2006 – Ca pousse !

12 janvier 2006

Enfin le tapis roulant ! Mais il est tout bosselé et il faut faire gaffe pour ne pas ramasser une gamelle à environ 740 nautiques de la délivrance. Il faut rester concentré. On est un peu cuit d’être en permanence chahuté comme ça mais on serre les fesses et les moignons. Parfois on a l’impression qu’on arrivera jamais que nous avançerons comme ça pour l’eternité, la fin n’est même pas imaginable. Le syndrome de la machine à calculer nous a atteint et maintenant à chaque point GPS on calcule les moyennes en nous disant : « encore combien de temps à ramer ? ».

Peut-être que nous arriverons le 22 ou le 21, ou plutot le 24. Les journées sont de plus en plus longues mais patience tout a une fin. Peut importe le classement, l’important est d’arriver à bon port…

Mercredi 11 janvier 2006 – Ca va mieux !

11 janvier 2006

Depuis quelques jours, la vie à bord est trés pénible, gros mauvais temps et surtout beaucoup de casses. Tout d’abord le safran qui a cassé net nous a laissé sans voie. Puis les deux supports de dame de nage en carbone qui se délaminent et pour finir « pétage » d’un aviron. Dans la série « On a les boules » il n’y a pas mieux. On prend donc son mal en patience et sans perdre le moindre instant on répare avec les moyens du bord pour arriver un jour à Antigua.

Plus le temps passe, plus cette traversée ressemble à un chemin de croix ,à une recherche de quête spirituelle. Les repéres changent complétement et notre arrivée à terre sera certes une délivrance mais le début de quelque chose de nouveau. Quoi …? On verra bien ,mais ça sera sûrement formidable. Merci pour vos pensées positives, vos prières, vos bougies : on les sent et le chemin est moins douloureux…