Entre douleur et souffrance

28 février 2015
Douleur et souffrance oubliées quelques instants...

Douleur et souffrance oubliées quelques instants...

Etre amputé a pour vocation de bien connaître hélas ces deux maux. Mais si l’Homme n’oublie pas, de temps à autre, une piqure de rappel est nécessaire pour nous recadrer. Depuis quelques jours mon beau moignon est un hymne à la douleur. Rien de grave, juste un peu de patience et de soin et tout, sera inscrit au mausolée des souvenirs. Alors plutôt que de me morfondre je prends mon mal en patience. L’immobilisme a pour vocation de me rendre philosophe, la remise en question s’assoie en face de moi et nous échangeons. Les Autres n’ont plus accès, je suis en bonne compagnie, dame douleur est possessive, elle exige réflexion et humilité. Mon bout perdu est tuméfié, mon bout de jambe est pelé, mais mon bout de vie reprend du sens. Rien ne sert de pleurer ou de perdre le temps à écouter les gémissements de ceux qui vont me dire : moi à ta place ; tu devrais prendre soin de toi ; ce n’est pas grave j’espère !!! Si la blessure est là c’est que j’en suis l’auteur, c’est moi qui l’ai invité alors je vais en profiter pour l’écouter. Je vous rassure elle ne prend pas toute la place, le soleil brille même quand les nuages envahissent le ciel, les blessures de la vie ne sont pas injustes, ce sont des épreuves pour nous faire grandir. Chaque matin j’enfile ma jambe artificielle sans jamais penser au bonheur d’être si bien appareillé, chaque jour je réalise des activités que je n’aurai jamais pu faire il y a 100 ans en arrière, alors tout logiquement, ces moments de blessures sont des arrêts obligatoires pour penser, pour se retrouver, pour changer quelques bricoles dans mon quotidien. Il faut savoir accepter, il faut avoir le cran de poser le genou à terre sans rougir. Nous les « jambes de bois », nous sommes voués à apprendre la patience sans jamais haïr quoi que ce soit, qui que ce soit, nous sommes des êtres blessés de corps mais pas d’esprit. L’âme ne peut être touchée, sauf si on lui laisse les ténèbres nous envahir, nous sommes le capitaine de notre esprit, la liberté est l’océan sur lequel nous pouvons naviguer, là-bas à Terre les contraintes du corps qui est fragile, de ceux qui s’ensevelissent d’obligations matérialistes. Ces moments de douleurs sont en vérité des moments de réflexion, de la méditation malgré nous. Vous aussi vous connaissez la souffrance et la douleur, vous aussi le doute dans ces moments d’arrêts forcés sont contraignants mais plutôt que d’en devenir des victimes devenez en les gestionnaires et dites-vous que demain est proche, que la paix sera encore plus belle, seul le présent est un cadeau, avec ou sans douleur…

Le membre fantome…

5 février 2013
Plus de place au membre fantome en expedition... Action, réaction...

Plus de place au membre fantome en expedition... Action, réaction...

Qui n’a pas entendu parler des membres fantômes chez les personnes amputées ! Ma réflexion sur ce sujet n’est pas médicale, ni théorique mais issue d’une expérience de trente années d’amputation. Pour essayer d’expliquer avec mes maux et sensation, imaginez une ampoule qui a été arrachée de sa douille. En son absence il n’y a plus de lumière pourtant le courant arrive toujours. Notre bout a été ôté cependant des nerfs alimentés par notre cerveau lui donnent encore des infos, je suppose que c’est cela qui nous provoque ces souffrances temporaires mais violentes. Je me souviens d’un vieux monsieur qui avait perdu sa jambe dans les tranchée de Verdun en 14-18, je venais à peine d’être amputé et lui avait posé la question du membre fantôme. Sa réponse m’avait affligée : Tu t’habitueras à la douleur !!! Trente ans après j’ai enfin compris ce qu’il voulait me dire maladroitement à l’époque. Régulièrement j’ai ces douleurs fantômes mais je ne leur donne pas la place qu’elles voudraient avoir. L’expérience m’a démontré une chose incroyable sur la capacité de notre cerveau à gérer les douleurs, à les rendre importantes ou pas. Pourquoi, quand je suis en expédition engagée, où ma vie est en jeu, je n’en souffre jamais ? Pourquoi, quand j’ai chaussé mes pantoufles avec tout le p’tit confort qui va avec au moindre changement de temps je saute au plafond ? Facile à comprendre, le cerveau a des priorités, quand je suis en survie extrême il est  concentré sur le basique ; vivre coûte que coûte ; sur mon bateau je suis en mode relâche et là je subis les décharges électriques. Un moyen d’apaisement que j’ai découvert est l’auto massage appelé plus scientifiquement la digipuncture. Il ne faut pas hésiter à laisser courir ses mains sur son moignon et à trouver les points de compressions qui vont le soulager. Les huiles essentielles sont aussi très bénéfiques, mais certains auront des réactions allergiques donc je n’en conseillerai aucune, à vous de trouver les meilleures. La respiration est guérisseuse, elle apaise bien des maux et par divers moyen il est facile d’être initié : yoga, tai chi…  Bien sur les antalgiques, antiépileptiques, antidépresseur et sédatifs sont à définitivement proscrire. Si vous désirez pousser plus loin l’apaisement, il y a le massage fantôme ! Non, rassurez-vous, je n’ai pas mangé de champignons toxiques ! Notre flux énergétique irradie notre corps et même si un bout manque à l’appel il est là ! Toujours dans mes expériences, je me souviens que pendant mon hospitalisation, une amie à mes parents  s’était assise pendant mon sommeil à l’endroit précis où il me manquait le pied, je me réveillais en sursaut, mettant mal à l’aise les personnes présentes. Une étude récente à prouver que les massages subjectifs du membre manquant étaient bénéfiques pour apaiser cette pathologie. (Article du magazine trimestriel Inexploré du mois de avril-mai-juin 2012). De l’écrire je sens mon feu gros orteil qui remue dans tous les sens pour se manifester du bon vieux temps, il y a déjà trente ans.

Si vous aussi vous avez des trucs et astuces sur ce sujet, n’hésitez pas à laisser vos expériences sur ce blog qui est moins éphémère que facebook, elles deviendraient des informations fantômes !!!

Un jour de pluie…

18 août 2012
Ok la mascotte, si ils ont besoin d'un maire on ira, mais toi tu sera premier adjoint!

Ok la mascotte, s'ils ont besoin d'un maire on ira, mais toi tu seras premier adjoint!

La clé du succès de ce raid va être dans la récupération, malgré un coin glauque pour bivouaquer, j’ai dormi profondément. Je dois me forcer au repos tout en avançant, une sorte  d’exercice de style. A 6h30 je suis sur la route, il me reste juste assez d’eau jusqu’au prochain hameau, je me suis rationné cette nuit. L’eau est le lubrifiant du corps, je me suis bien juré que cela ne se reproduira plus. La pluie n’est pas loin, le crachin ne me dérange plus, à la vitesse ou j’avance je ne crains pas les glissades ! Encore une journée d’effort qui m’attend, je dois me concentrer pour garder toute mon énergie. J’essaie à tout prix de ne pas forcer, de ne jamais pratiquer la danseuse, mon vélo est très lourd et ce mouvement m’abimerait mes genoux, j’en ai fait les frais en Norvège. Je quitte la nationale et bifurque vers le Sud-ouest, je retrouve un silence apaisant. Le décor change, les pins réapparaissent ainsi que les lacs. Je n’avais pas prévu que le dénivelé soit aussi fort, la route est sinueuse et les bosses franchît me donnent du boulot. Le paysage a l’avantage de me changer les idées, je sais qu’il me faudra encore quelques jours pour trouver un « train-train », la remise en route n’est jamais simple. La pluie redouble de force, chose assez rare pour la région, mais depuis presque deux mois que je suis en Suède, j’ai bien compris, d’après les autochtones rencontrés, que c’était l’été le plus pourri depuis bien longtemps !  Si les jambes vont bien, c’est mon séant qui ne cache pas sa fatigue d’être toujours en selle. J’ai changé pour une en cuir Brooks, d’après les grands voyageurs c’est le must. Mais il faut du temps pour que nous nous adaptions. A me lire vous devez pensez que je me plains tout le temps! Vous avez bien raison et je souris de vos pensées. Je positive, rassurez vous. Ces moments de vide, laissent apprécier les jours meilleurs. Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain. Les lacs au fil de la route sont de plus en plus grands, de vraies mers intérieures et les habitations rares. J’avance avec une bonne moyenne même si cela n’est pas mon objectif. Vers midi, je rejoins le village de Kisa, la pluie a redoublé de force, je suis trempé jusqu’au os. Sur un banc à l’abri d’un supermarché, je déjeune. J’ai enlevé ma prothèse pour reposer mon moignon et regarde l’ondée. Une fois de plus les gens qui passent seraient prêt à me donner une pièce, bien qu’ici la mendicité n’existe pas. Je me pose la question de mon  prochain bivouac. La pluie, le vent qui glace le pauvre nomade à cloche pied, j’ai envie d’un abri, d’un coin sec, j’ai déjà parcouru 75km. Un gars m’interpelle, me pose des questions sur mon voyage. Je lui demande s’il y a un coin pour bivouaquer au sec, en face de moi il me désigne le seul motel de la région. Vieille de 400 ans, cette bâtisse est rocambolesque, l’aventure en chambre cela me branche pas trop. A contre –cœur, je pose mon camp au chaud et à l’abri de la pluie. Pour la première fois Norra est en chambre d’hôtel. Et si on se faisait un plateau télé sans télé ! Demain ce sera mieux et encore et toujours mieux.

PS : Devant l’office du tourisme du village j’ai eu une connexion Internet et lu vos encouragements, je vous dis merci, merci, merci du fond du cœur. Vous ne pouvez pas savoir comme je les sens, comme ils me donnent encore plus de peps !      Tack så mycket… (Prononcé tak so moukié, qui veut dire merci beaucoup en suédois)

A pluche.

La douleur décortiquée…

23 novembre 2010

funambule

Les douleurs sont pénibles, multiples et inévitables.
La douleur doit être acceptée mais à sa juste valeur. C’est nous qui lui accordons de l’importance et de part ce fait elle envahit notre univers en proportion de l’intérêt que nous lui attribuons.


Celle qui est physique est certainement la plus « facile » à gérer, comprendre la différence du corps et de l’esprit.

Pourtant c’est elle qui fait le plus peur.

Sa violence est certainement accentuée par l’ignorance.

Analyser, décortiquer pourquoi elle est là et d’un seul coup elle perd de sa grandeur, de sa détermination, de sa superbe.
La douleur nous rend visite juste pour tenter de définir une limite, mais la limite, est ce que ce n’est pas nous qui devons la mettre ?

La douleur du quotidien est plus sournoise, la société en a une besace pleine. A nous de définir si elle est voulue ou maladroite. De toutes les manières c’est comme la physique, à nous de lui donner sa place. Tout est sujet à la douleur seulement si nous le provoquons.


Douleur de perdre un proche ? On nait pour mourir !
Douleur de perdre un poste professionnel ? C’est dans l’adversité que l’on grandit…

Douleur d’un regard qui fait mal. Nous vivons dans un miroir et notre réception est le reflet de notre image.

Douleur de ne plus être en phase avec des êtres aimés. Notre vie est une longue croisière, les escales se suivent mais le vent nous pousse et il est souvent difficile de revenir dans le même abri.

Au début de ma vie de handicapé, je souffrais du regard des autres, de leurs jugements et puis le temps, la réflexion, m’ont fait accepter ma différence. De compassion cela s’est transformé en admiration.

La douleur est une compagne présente, les 6 milliards d’êtres humains en sont remplis mais chacun la vit différemment.

Notre vie dans le confort plus qu’il n’en faut fragilise et la douleur s’y est faite une douce place. L’adversité, nous forge et le basique rend la vie dure à la douleur.

Certains matins quand elle vient me dire bonjour, je me souviens de certaines régions que j’ai visitées, de certains moments de ma vie qui m’ont heurté. Je l’invite à s’asseoir à ma table mais elle ne peut que voir un homme serein car la douleur même présente ne représente qu’un minuscule bout de ma vie.

La fuite est dangereuse, beaucoup l’occulte comme sujet tabou, mais un jour tôt au tard elle les rattrapera et l’impact sera violent, destructeur.

Pour être performant en sport il faut s’entrainer, pour écrire il faut lire, pour vivre il faut vibrer. Rencontrer au quotidien ses petits moments de douleurs, c’est un peu de l’homéopathie.

Ne pas en avoir peur sans lui donner d’importance, un juste équilibre que certains appellent sagesse, philosophie…

Je ne suis pas du tout moraliste ou donneur de leçon, mais la douleur est une compagne qui vient souvent partager ma vie, comme chaque être humain sur terre d’ailleurs, je la refuse comme amante et encore moins comme confidente, elle est devenue une ombre et me suit partout, je la lasse de lui donner si peu d’importance, alors elle se ratatine, se décompose, elle se disloque et mon chemin bien que boiteux devient encore plus lumineux.

Pour conclure ce raisonnement sur la douleur il y a un médicament hors norme, sans prescription et remboursé par la sécu !

La respiration ; tout vient de là. Essayez de faire rouler votre voiture avec du jus de choux ou de l’eau salée !

Pas sur que ça marche.

Je reviendrai un jour sur ce sujet, on le retrouve à tous les niveaux, du premier jour, au dernier.

Respirez mieux et la douleur s’avouera vaincue.

Une fois de plus cette réflexion n’est issue que de mon expérience…