Pilluarit Bertheline

15 août 2017
 
 
Encore debout de bonne heure et de bonheur, le soleil est en excès de zèle, 24 heures sur 24 il inonde le petit village. Loin là-bas, un semblant de stade où 3 jeunes jouent au football, c’est rare chez nous une partie de foot à 6h du mat ! Quand on a la tête dure, c’est difficile d’en changer en claquant des doigts, je me suis mis une liste de boulot à faire au mieux avant que Karin n’arrive et je me fais un honneur de la respecter. Ici, c’est le système D qui est le seul moyen de réparer la vieille mais belle cabane. Ce matin, je dois remettre une partie du shingle qui a été arraché par une vilaine tempête, les feuilles de goudron pendent lamentablement et je dois jouer le funambule à cloche pied pour que tout rentre dans l’ordre. La grande échelle est mon exercice de cirque mais au final, une belle victoire avec une toiture nickel prête à affronter les froids hivernaux qui vont très vite arriver. Plus rassuré que là haut sur mon échelle de pompier, je décloue les anciennes plinthes et cornières de la maison, avec un peu d’astuce et de patience, je vais en récupérer un sacré stock.
 
Mais un cortège se dirigeant vers le cimetière me fait arrêter ma besogne. La moitié du village silencieusement se rend au « campu santu », je préfère le mot en Corse, il est plus significatif pour moi que cimetière. Au retour, quelques uns m’informent qu’à 13h je suis invité chez Bertheline l’une des doyennes du village pour y fêter ses 75 ans. Elle-même viendra me voir pour m’inviter, je me lance avec un pilluarit (félicitations, prononcé : pichouarit) qui la fera bien rire. En fait, elle et la famille allaient rendre hommage à son feu mari disparu. Pour être de cérémonie, je suis allé à la douche communale et mis un pull tout propre, un minimum, non !
 
Devant la maison, beaucoup de monde endimanché. Je suis un peu sur ma réserve, je ne connais quasiment personne et mon niveau en langue groenlandaise est plus que misérable. Une broderie magnifique ainsi qu’un décor de fleurs en plastique ornent la porte d’entrée. Une quantité indescriptible de chaussures dans le sas d’entrée me confirme que la maison est archi pleine, ici pour rentrer dans une demeure il faut se déchausser.  Tout le monde sourit, parle mais tout en silence, le buffet est garni d’une quantité de nourriture incroyable. Mais la table ne comporte que 6 chaises, coutume locale, chacun son tour mange quelques bricoles et laisse sa place, un jeu de chaises que je trouve d’une convivialité énorme. A un moment, l’un des plus jeunes entonne une chanson pour la fêter, tous le monde se lève et reprend cette aubade de cérémonie.
 
Entre vous et moi, je me sens bien, à l’aise même si l’échange est compliqué, puis Bertheline vient s’asseoir à mes côtés, je suis pieds nus et bien sûr, elle voit mon bout de plastique, alors par jeu, je retire ma prothèse et lui mets dans les mains. Tout le monde explose de rire, elle me fait un immense sourire qui me fait chaud au cœur. Les invités se succèdent quand un couple de personnes âgées me sourit, leur petit-fils les accompagne. Mais on se connait ! Il y a quelques jours, quand j’avais fait escale au village abandonné d’Agpat, j’avais rencontré une famille qui m’avait invité pour un café en m’expliquant la vie d’avant. S’il n’y a que les montagnes qui ne se croisent pas, là c’en est encore la preuve. Je les salue avec les mots d’usage, quand soudain le papy vient me serrer la main, une fois de plus je le prends pour une sacrée marque de respect. Après avoir goûté tous les gâteaux, c’est l’usage, non ! Je me retire en lançant un quajanasuaq et Bertheline qui me répond de manière hilare en bon français : Merci beaucoup !
 
Le cœur léger, je retrouve ma cabane et sa liste qui ce soir est quasiment toute cochée. Les icebergs sont toujours aussi majestueux et la vie ici toujours apaisante. Après demain, on ne va plus faire les marioles Jo Zef ! Norra et Karin arrivent enfin, finis la barbe de 6 jours, le pantalon pourri de chez pourri… La cabane, à l’intérieur n’est plus en mode chantier et la crasse est classée au coin des souvenirs…
Encore un beau bout de vie partagé…
A pluche !
 

Un dimanche au village

14 août 2017
 
Dimanche à Oqaatsut, un jour comme un autre, calme et silence ? Ben non, à 9 h tapantes, la cloche de l’église sonne à tout rompre. Les chiens sont athées, ce matin la preuve m’en a été donnée, leur aboiement fut si fort que le pauvre campanile semblait enroué. Mais personne n’a gravi les escaliers de la vieille église en bois, pas une ombre autour du lieu du culte. La religion perdrait elle de sa force ? Ici les croyances anciennes sont très présentes. Les qivitoqs (mauvais esprits) rôdent sur les plus audacieux. Ces âmes en peine viennent perturber celui qui se présenterait sur leur route. Dans certaines cabanes de pêcheurs-chasseurs, une croix est souvent clouée sur la porte pour éviter aux mauvais esprits de déranger celui qui s’y réfugie. Le mélange entre animisme et christianisme fait un drôle de mélange. Arrivés en masse au XVIIIème siècle pour la chasse à la baleine, les sudistes ont imposé leur religion, le chamanisme est devenu tabou, mais pas trop oublié, juste quelques restes pour entretenir les légendes.
 
Je poursuis ma tâche sur la cabane tout en surveillant si l’office serait donné, une occasion de me mêler aux ouailles et de sentir le moment, mais rien ni personne… Alors, je poursuis mon travail de fourmi. Depuis plus d’un demi siècle, cette maison a subi les affres des froids polaires et sa bonne forme me ravit de jour en jour. D’ici quelques jours, je reprendrais la mer, on ne peut se lasser d’une vie de nomade, surtout que cette fois je pourrais la partager en toute sécurité avec ma petite allemande.
 
Une journée dominicale paisible, ensoleillée et sans vent. Pour conclure ce beau dimanche, Julien et sa famille viennent faire un crochet par le village pour partager une grillade au bord des icebergs. Un de leur amis possède une minuscule cabane à quelques milles d’Oqaatsut, un coin paisible comme partout ici, d’ailleurs. Charlotte et ses trois enfants préparent le carburant de la grillade, de la camarine et du bouleau nain en suffisance pour maintenir le feu d’une plaque métallique. En premier, la graisse est coupée en petit bouts pour faire l’huile de friture puis les fines tranches de viande de phoque sont rôties dans ce jus. Une soirée simple comme est la vie au Groenland.
 
Lundi à 12h40, on se retrouve sur les ondes de France Bleu RCFM avec cette fois Vanina Buresi, je vous raconterai tout ça en détail…
A pluche…

Blues polaire

13 août 2017

En Ville !

12 août 2017
 

Groenland 2017 : Expédition Kiffanngisssuesq

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Complainte des Baleines

7 août 2017
 

Interview Radio France Bleu RCFM lundi 7 août 2017

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Publié par France Bleu RCFM sur lundi 7 août 2017

Escorté par les baleines

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Chut, silence en cours

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