Violence et habitude

2 octobre 2017

Voilà bientôt 3 semaines que le Groenland n’est plus qu’un souvenir, je suis revenu dans ma belle cabane cachée en Corse, 21 jours à reprendre pied et à observer « mon » Monde. Ces 3 mois dans ma bulle, m’ont dépollué, m’ont ôté ce trop-plein d’information qui rend dingue. Si je devais définir ma sensation sur « ma » société c’est que la violence est devenue une habitude, un mode de vie. Le fanatisme prend son temps et il s’installe à tous les étages de la tour de Babel. Le sang est versé, les guerres se succèdent, la radicalisation endoctrine, le nationalisme monte des barricades sur des lits d’hémoglobine, mais il y a aussi la violence des petits, plus pervers. Pour une faute d’inattention, un doigt tendu est brandi, pour un avis différent les mots s’envolent en devenant gras et rugueux. La petite ménagère en un claquement de doigt se mue en monstre de grossièreté. Nous voulons tous, notre liberté, cela fait partie des quelques mots-clés à la mode, au même titre que zènitude, bio, silence, partage mais au fond de tout ça une détresse immense provoque le chaos. De nature optimiste, pourtant des questions me sont sans réponses. En 3 mois de vie monacale polaire, j’ai retrouvé ce que mes précédentes aventures m’avaient apportés. Et le retour me plonge dans une grande tristesse. Steven Hawking, le célèbre physicien américain, ne donne pas un siècle à notre civilisation avant le grand boum mais pourquoi un tel pessimisme ? Plus personne ne sait ouvrir les yeux, plus personne ne veut ouvrir ses sens et reprendre pied avec la seule vérité, la Nature, qui nous supporte depuis si longtemps. Nous vivons dans un monde violent, où on a érigé la possession – d’argent, de biens, de pouvoir – au rang de but suprême. D’où le développement de peurs et de frustrations, qui génèrent la colère, qui génère la haine, qui génère la violence … Mais peut-on lâcher ce mode de vie ? Peut-on déjouer l’issue fatale, ensemble on le pourrait, mais nous devons tous revoir nos priorités, rabaisser notre fierté, ouvrir nos cœurs aux autres, à ceux que l’on ne connait pas. En se renfermant on ne peut le découvrir et ces replis laissent place au refus qui engendre la violence. Alors tout est foutu me diriez-vous ! Non il y a une part d’espérance, il y a une petite lumière qui vacille au bout de l’horizon mais bien plus que la volonté c’est une immense motivation qu’il faut trouver. La plupart des médias vous programment des nouvelles noires, sanglantes, tout ça en boucle, les chaînes d’infos en font leur fonds de commerce. Le drame fait vendre, les catastrophes gonflent les audiences, le cerveau est plus attiré par le négatif que le positif. Mais tout ça peut-être changé, la route n’est pas tracée, devenons les explorateurs de nos vies sans se laisser polluer par les forces obscures. Une vie est unique, hélas trop peu s’en souvienne. Mes baroudes au bout du monde me rendent optimistes, j’ai rencontré d’autres freemen et freewomen des personnes de la « vraie » vie. Ceux qui ont compris la puissance d’une fleur qui s’ouvre, la force d’un rayon de soleil sur une banquise du Grand Nord, de la beauté sur la migration d’un tout petit oiseau polaire. Ce que vous ne voyez plus est bien plus important que ce vous brandissez avec force. Un drapeau qui flotte n’aura jamais la force d’une feuille d’automne parti à la recherche d’un sol pluvieux. Un missile n’est rien en comparaison d’un alizé soutenu qui court le tropique du Capricorne. Le rire d’un enfant à bien plus de raison qu’un long discourt politique fastidieux. Notre vie, notre Monde nous appartient, à nous d’en faire un lieu eternel, les natifs du Grand Nord disent : La Terre ne nous appartient pas elle nous a été prêté par nos enfants.

Cap sur une autre vie…

16 juin 2015
Moment solennel d'écriture...

Moment solennel d'écriture...

Je ne pouvais pas imaginer le changement complet de ce demi-siècle passé. Les anniversaires sont des moments que je n’apprécie pas du tout, les dates n’ont aucune importance à mes yeux et les fêtes prévues longtemps à l’avance ne sont pas à mes goûts. Donc sans y prêter aucune attention, j’ai passé sur la pointe de la prothèse, le cap des 50 ans sans obligation affligeante au Cabochard que je suis ! Mais une succession d’événements m’ont amené non plus sur une autre page ou un autre chapitre mais bel et bien sur l’écriture d’un nouveau livre. Au moment où je rédige ces mots une pergola me cache du soleil devant une modeste cabane, le petit Cabochard repose pas trop loin d’ici mais il n’est plus ma demeure. En perdant la jambe il y a 32 ans, en revenant de longs mois d’hospitalisation, j’avais remarqué que tout mon entourage avait changé. Mais en vérité, eux n’avaient pas bougé d’un cheveu, c’était moi qui avait pris un autre cap ! Depuis janvier je me suis mis en mode machine pour bâtir cette petite maison et rien n’a pu m’arrêter ; depuis quelques jours le rêve est devenu réalité, j’y ai posé mon sac. Mais l’émotion a décidé de s’inviter, le Cabochard est vidé de mes affaires, il me semble plus grand mais aussi plus froid, moins confident. 22 ans que je m’y suis endormis, 22 ans que je m’y suis réveillé ! Il m’a permis de devenir le Freeman. De Gibraltar à la Turquie nous y avons laissé des amis, nous y avons trouvé des trésors enfouis, des victoires comme des défaites nous ont apposés quelques tatouages. Dans ma cabane je me sens par moment perdu, l’émotion me scie le ventre, deviendrais-je un oiseau sédentaire, la vue depuis ce nid d’aigle est à l’infini, alors mes yeux scrute l’horizon. J’y vois des voiles blanches, peut-être aussi quelques moutons, je me demande si un jour je n’y reconnaitrais pas un beau vieux bateau de bois reprendre le large pour d’autres aventures mais sans le capitaine boiteux ! Difficile de visualiser un avenir sans moi pour ce petit pointu si cher à mon cœur. Mon vieil ami de la Galiote lui aussi va changer de vie, il stoppe son activité pour une retraite bien méritée, les Lavezzi tourne une page, les fossoyeurs des Bouches de Bonifacio pourront y déverser des tonnes de touristes, nous ne serons plus là pour constater le désastre de l’appel au gain ! Personne n’a changé, c’est moi qui prends une autre route, en donnant quelques degrés à la barre du navire de ma vie j’ai certainement évité des hauts fonds qui m’auraient été fatales. J’ai trouvé l’endroit où va pousser un potager, Karin réussi à m’apaiser, l’oiseau du large n’est pas toujours facile à cerner. Plein de choses ont changé, plein de nouveaux projets tentent de pointer le bout de leur nez, et mes nuits sont agitées, comment oublier, comment tourner la page. L’écriture va reprendre sa place, depuis 6 mois mes pages n’étaient remplis que de côtes précises ou de matériaux à acheminer à pied d’œuvre. Les cigales chantent, le vent d’ouest fait claquer mon vieux drapeau de pirate, une nouvelle vie s’ouvre à moi, jamais je n’aurais pu imaginer cela. Je repose mon crayon, je referme ma page, je vais tenter de retrouver un sens à ce calepin de vie. De plus en plus je reçois des témoignages extraordinaires, des mots que je garde précieusement, je n’arrive pas à comprendre pourquoi vous êtes si élogieux à mon égard ! De l’extérieur peut-être vous me prenez pour ce que je ne suis pas vraiment, mais en tous les cas sachez que vous êtes tous bien calés dans mon cœur… Depuis la cabane du Freeman je vous envoie tout le meilleur du monde.

PS : Les mascottes Norra et Jo Zef ont trouvé leur place dans la kota et ils ne semblent pas trop souffrir du mal de terre !