Jeudi 27 Avril 2006

27 avril 2006 par webmaster Laisser une réponse »

Blanche, froide, blafarde mais unique et majestueuse

Hier fut la journée la plus longue, 13 heures de marche ininterrompue, juste un arrêt de 5 minutes toutes les 55 minutes. Plus de temps d’arrêt et on commencerait à geler, donc il faut avancer.

Victor a reçu une mauvaise nouvelle : une grosse tempête risque de nous arriver dessus d’ici 48 heures et on n’aurait pas assez de kerozen pour nos réchauds pendant ces jours de blizzard et l’hélico ne pourrait plus venir nous chercher, donc il faut absolument avancer pour rejoindre notre objectif coûte que coûte aujourd’hui.

Je commence à être épuisé et cherche tout au fond de moi la raison pour laquelle je suis ici ?

Comme d’habitude plein de raisons me disent de jeter l’éponge et pourtant quelques autres me poussent à ne plus m’écouter et juste avancer.

campUne croisade ça se vit et ce n’est pas des complaintes de niais qui doivent tout foutre en l’air, bien sûr le corps il est cuit, bien sûr que c’est douloureux, ce ne sont pas ces paramètres qui vont détruire un rêve, un objectif. Etre amputé est une constatation mais pas un moyen d’être, planter le pavillon de « Bout de vie » là-bas au Pôle telle est ma mission et j’irai jusqu’au bout.

Le décor est toujours aussi démesuré, grand, nous ressemblons à de minuscules fourmis parmi ce chaos de glace. L’équipe entière est silencieuse, tout le monde sert les dents et sait pertinemment que cet instant est unique et ne se reproduira jamais plus, alors tout le monde avance, chacun sa raison, son histoire, sa légende.

Beaucoup de chute pour tout le monde, on a plus le réflexe, quand la pulka nous retient en arrière, de compenser avec le pied pour éviter la chute mais pas de gros bobos. Une fois j’ai failli partir à la baille avec la pulka et vu l’état de fatigue, je pense que cela aurait été fatal, mais on ne va pas toujours se plaindre.

Finalement hier soir à 21h27, le pavillon de « Bout de vie » flottait sur le campement le plus au nord de la planète : 90 degrés 00 minutes 00 secondes…

Grosses accolades entre nous et les amis Victor et Vadim non habitués aux effusions de sentiments étaient tout émus du résultat. Une salve a été tirée : que les Ours blancs restent bien planqués, nous on est heureux d’avoir réussi. On a même droit à la liqueur sibérienne « Balsa », un truc que quand tu le bois tu as l’impression qu’on t’arrache avec des pinces bouillantes ton estomac. Même Jo Zef a refusé un truc pareil.

Voila une belle histoire vient d’être écrite, l’histoire d’un pied au sommet !

La bise et à demain pour la conclusion.

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Vers 14 heures un hélico vient nous récupérer et nous rejoingnons l’expé anglaise qui est arrivée pratiquement en même temps que nous.

L’un d’eux a eu le visage qui a gelé et le résultat est impressionnant. Pour notre équipe absolument rien à déclarer comme blessure grave.

Le vol se fait sous un soleil radieux et malgré la fatigue, nous avons tous ce regard de personnes ayant réalisé un rêve, les yeux étincelant… Barnéo est en fin de mission et la première tente messe est déjà démontée, car dans deux jours tout disparaîtra car la débacle des glaces commencera et dame nature reprendra ses droits.

vadim_victorChacun ici a son boulot et son aventure : Victor Karrasef, le radio du camp, est la seule attache avec la civilisation par BLU, Morse et parfois même par internet via le satellite. Sarga, la cuisinière, qui m’a pris sous sa coupelle et a pleuré quand elle su notre réussite. Boyarski, la figure du camp, même lui ne sait plus combien de journées il a arpenté la calotte glaciaire en tant que chasseur d’ours avant son interdiction et les pilotes d’hélico capables de voler avec toutes sortes de conditions météo pour venir récupérer tout ces fous furieux partis rejoindre le « Pôle » de leur rêve, la latitude 90.

110 kilomètres en autonomie complète, pour rejoindre le Pôle, une première pour une personne unijambiste, en tout cas un rêve de plus réalisé et comme a dit St Exupéry : Fait de ta vie un rêve et de tes rêves une réalité.

Nous attendons maintenant l’Antonov qui doit nous ramener à Longyearbyen, qui nous paraîtra capitale internationale : moins de 1000 âmes y vivent.
La bise.

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